Your cart is currently empty!
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 janvier 2020
Rejet non spécialement motivé
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10096 F
Pourvoi n° H 18-16.408
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2020
La société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° H 18-16.408 contre l’ordonnance rendue en la forme des référés le 2 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Lyon, dans le litige l’opposant :
1°/ au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la direction régionale de Saint-Laurent de Mure de la société Lidl, dont le siège est […] ,
2°/ à M. D… S…, domicilié […] ,
3°/ à M. I… E…, domicilié […] ,
4°/ à Mme N… C…, domiciliée […] ,
5°/ à M. X… K…, domicilié […] ,
6°/ à M. O… Y…, domicilié […] ,
7°/ à M. H… U…, domicilié […] ,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Lidl, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2019 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lidl aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lidl ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Lidl
Il est fait grief à l’ordonnance attaqué d’AVOIR débouté la société Lidl de ses demandes tendant à voir dire et juger irrégulière la délibération du CHSCT de Saint-Laurent du Mure en date du 16 mars 2018 ordonnant une expertise et voir prononcer l’annulation de cette délibération en ce qu’elle avait décidé le principe d’une expertise portant sur le « volet social (pérennité de l’emploi), le volet économique, les conditions de travail et les risques psycho-sociaux liés à la mise en place des caisses automatiques » ;
AUX MOTIFS QUE sur le moyen tiré de ce que le vote sur de déploiement de caisses automatiques empêcherait le CHSCT de décider ultérieurement le recours à l’expertise extérieure : Vu les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, qu’aux termes de l’article L 4614-12 du code du travail, un CHSCT peut recourir à un expert : « 1° Lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère pressionnel est constaté dans l’établissement, 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu à l’article L.4612-8-1 » ; que ce dernier article dispose que « Le comité est consulté avant toute décision d’aménagement importante modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées 021 non à la rémunération du travail » ; que le projet de déploiement de caisses automatiques dans plusieurs magasins du ressort de la direction générale constitue une décision d’aménagement importante modifiant les conditions de travail des salariés concernés, compte tenu du changement induit dans l’organisation du travail et les normes de productivité ; que ce point n’est pas contesté par la SNC Lidl, qui a d’ailleurs soumis le projet à l’avis consultatif du CHSCT, pour répondre aux exigences de L. 4612-8- 1 du code du travail ; qu’il s’ensuit que le recours à l’expertise était de droit et que la direction devait mettre les membres du CHSCT en mesure d’examiner la demande d’expertise que certains avaient fait inscrire à l’ordre du jour avant tout avis relatif au projet de déploiement des caisses automatiques ; qu’en inscrivant la demande d’avis au point 5 de l’ordre du jour, en renvoyant la délibération relative au recours à l’expertise quant aux conséquences de ce projet au point 18, la société Lidl, a méconnu les droits du CHSCT, ce dont elle ne peut se prévaloir à l’appui de sa demande d’annulation ; que le projet de procès verbal présenté par la société Lidl témoigne de ce que 5 membres du CHSCT se sont abstenus lors du vote sur le projet de déploiement des caisses automatiques, pour voter ultérieurement la demande d’expertise, ce qui donne foi aux déclarations de M. S… selon lesquelles ces membres majoritaires entendaient faire procéder à une expertise avant délivrance de l’avis prévu à l’article L 4612-8-1 du Code du travail et qu’il s’agissait là du sens de leur abstention lors de l’examen du point n° 5 ; qu’il s’ensuit que les membres du CHSCT n’ont pas souhaité délivrer l’avis sollicité, mais remettre celui-ci à un examen ultérieur, après dépôt du rapport d’expertise ; que l’annulation n’est donc pas encourue sur la foi du moyen soulevé ; que sur le moyen tiré de l’absence d’indication du fondement légal dans la résolution relative au recours à l’expertise ; qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au CHSCT d’indiquer de manière expresse le fondement juridique d’une demande d’expertise formée en application de l’article L. 4614-12 du code du travail dans le texte de sa délibération ; qu’il suffit que l’expertise soit ordonnée de manière implicite mais certaine dans l’un des cas prévus par cette disposition pour qu’elle soit valablement décidée sur le fondement de cet article ; que la société Lidl a saisi le CHSCT de son projet de déploiement de caisses automatiques pour répondre aux exigences de l’article L.4612-8-1 du code du travail lui imposant de consulter cet organe avant toute décision d’aménagement importante modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; qu’ainsi, la décision du CHSCT saisi dans les conditions de l’article L.4612-8-1 du code du travail, de diligenter une expertise extérieure s’inscrivait implicitement mais sûrement dans le cadre de l’article L.4614-12 2° du même code prévoyant la possibilité de recourir à un expert en cas de projet important modifiant les conditions de travail prévu à l’article L. 4612-8-1 ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ; que sur le moyen tiré de l’absence de désignation d’un expert agréé et nominalement désigné : vu les articles R. 4614-6 et R. 4614-7 du même code, dans leur rédaction antérieure au décret n°2017-1819 du 29 décembre 2017 ; que l’expert désigné par le comité d’entreprise doit être un expert agréé dans les conditions prévues aux articles R. 4614-6 et suivants du code du travail ; que la société Lidl estime en l’espèce que la délibération litigieuse serait annulable faute de désignation d’un expert agréé nominalement désigné, en renvoyant sur ce point au projet de procès verbal produit aux débats ; mais attendu que ce projet de procès verbal, dépourvu de toute signature, a été établi par la direction, alors qu’il résulte des affirmations non contestées des défendeurs que le règlement intérieur prévoyait qu’il devait être établi par le secrétaire, à partir le cas échéant d’un projet soumis par la direction et amendé par lui, puis signé par les membres du CHSCT ; qu’il ne fait pas foi des termes exactes de la délibération et qu’il ne permet point d’écarter les affirmations de M. S…, seul à même d’établir le procès verbal des délibérations, selon lesquelles le CHSCT entendait désigner M. L…, dont il n’est pas contesté qu’il a reçu l’agrément prévu par l’article R.4614-7 du code du travail dans les domaines prévus à l’article R .4614- 6 du même code ; qu’il n’y a lieu en conséquence à annulation de ce chef ; que sur le moyen tiré du défaut de précision et de motivation de la mission confiée à l’expert : vu les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction antérieures à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, l’expertise est de droit en cas de projet important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; qu’il a été précédemment retenu que le projet de la direction régionale de la SNC Lidl modifiait les conditions de travail de manière significative, de sorte le CHSCT était en droit d’engager une expertise sans avoir à motiver sa décision ; que la mission confiée à l’expert, consistant à décrire les conséquences sur le « volet social (pérennité de l’emploi), le volet économique, les conditions de travail et les risques psychosociaux liés à la mise en place des caisses automatiques » est suffisamment précise pour en déterminer le périmètre et l’étendue ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé, étant observé que la SNC Lidl ne soutient pas que le périmètre de l’expertise dépasserait le champ des missions susceptibles d’être confiées à un expert en vertu de l’article L.4614-12 du code du travail ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu’il résultait des termes clairs et précis du procès-verbal de réunion du CHSCT 16 mars 2018 régulièrement versé aux débats par la société Lidl que, lors de cette réunion, la délibération du CHSCT se prononçant sur le recours à l’expertise (point 18) avait été votée après que les membres du CHSCT avaient rendu leur avis sur le projet de déploiement des caisses automatique (point 5) par cinq abstentions et un vote favorable ; qu’en affirmant que les membres du CHSCT n’avaient pas souhaité délivrer l’avis sollicité, mais remettre celui-ci à un examen ultérieur après dépôt du rapport d’expertise, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, a dénaturé le procès-verbal du 16 mars 2018, en violation de l’interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l’article 1103 du code civil ;
2°) ALORS QUE la délibération votée par le CHSCT afin de désigner un expert doit viser expressément l’un des deux cas de recours prévus à l’article L. 4614-12 ancien du code du travail, à savoir un risque grave constaté dans l’établissement ou un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et que dans ses écritures, la société Lidl faisait valoir que la délibération votée le 16 mars 2018 par le CHSCT afin de nommer un expert ne visait pas le cas de recours à l’expertise ; qu’en refusant d’annuler cette délibération, motifs pris de ce que « la décision du CHSCT, saisi dans les conditions de l’article L. 4614-8-1 du code du travail, de diligenter une expertise extérieure s’inscrivait implicitement mais surement dans le cadre de l’article L. 4614-12, 2ème du même code prévoyant la possibilité de recourir à un expert en cas de projet important modifiant les conditions de travail prévu à l’article L. 4612-8-1 », le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, qui n’a pas constaté, comme il le devait, que la délibération litigieuse précisait bien le cas de recours sur lequel se fondait de l’expertise diligentée, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 4614-12 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’espèce ;
3°) ALORS QUE le motif hypothétique équivaut au défaut de motif ; qu’en rejetant la demande en annulation de la délibération du CHSCT du 16 mars 2018 formée par la société Lidl, motifs pris de ce que « la décision du CHSCT, saisi dans les conditions de l’article L. 4614-8-1 du code du travail, de diligenter une expertise extérieure s’inscrivait implicitement mais surement dans le cadre de l’article L. 4614-12, 2ème du même code prévoyant la possibilité de recourir à un expert en cas de projet important modifiant les conditions de travail prévu à l’article L. 4612-8-1 », le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, a statué par des motifs hypothétiques concernant le cas de recours à l’expertise et a violé l’article 455 du code de procédure civile.
4°) ALORS QU’en application de l’article L. 4614-13 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l’employeur peut contester « la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût prévisionnel de l’expertise, tel qu’il ressort, le cas échéant, du devis, l’étendue ou le délai de l’expertise » devant le juge judiciaire ; que pour permettre une contestation utile de l’employeur devant le juge des référés, la délibération du CHSCT décidant de recourir à une expertise en cas de projet important doit désigner expressément un cabinet d’expertise agréé et définir précisément la mission de l’expert ; qu’à défaut, la délibération doit être annulée ; qu’en l’espèce, pour rejeter la demande en annulation de la délibération du 16 mars 2018, le juge a affirmé que si la société Lidl soutenait que le défaut de désignation d’un expert agréé nominalement désigné dans la délibération du 16 mars 2018 devait entraîner l’annulation de celle-ci, ce procès-verbal ne faisait « pas foi » des termes exacts de la délibération et ne permettait pas d’écarter les affirmations de M. S… selon lesquelles le CHSCT « entendait designer M. L… » ; qu’en se déterminant ainsi, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, a violé les articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
5°) ALORS QUE le CHSCT ne dispose pas d’un droit général à l’expertise et que la délibération du comité décidant de recourir à une expertise doit définir précisément la mission de l’expert ; qu’en affirmant que « le projet de la direction régionale de la SNC Lidl modifiait les conditions de travail de manière significative, de sorte le CHSCT était en droit d’engager une expertise sans avoir à motiver sa décision » et que « la mission confiée à l’expert, consistant à décrire les conséquences sur le « volet social (pérennité de l’emploi), le volet économique, les conditions de travail et les risques psychosociaux liés à la mise en place des caisses automatiques » était suffisamment précise pour en déterminer le périmètre et l’étendue », le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 4614-12 et L. 4614-13 du code du travail, dans leur rédaction applicable à l’espèce ;
6°) ALORS QUE les juges ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, tels que déterminés par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; que pour rejeter la demande d’annulation de la délibération du 16 mars 2018, le juge a affirmé que la société Lidl ne soutenait pas que le périmètre de l’expertise dépasserait le champ des missions susceptibles d’être confiées à un expert en vertu de l’article L. 4614-12 du code du travail ; qu’en statuant ainsi, quand, dans son assignation, la société Lidl soutenait que la délibération du CHSCT ne déterminait pas l’étendue de la mission confiée à l’expert et contestait ainsi le périmètre de l’expertise, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, a méconnu les termes du litige dont il était saisi et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
7°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU’en relevant que le procès-verbal du 16 mars 2018 était dépourvu de toute signature et qu’il avait été établi par la direction et non par le secrétaire du CHSCT en méconnaissance des dispositions du règlement intérieur, – ce dont il résultait qu’il ne pouvait pas servir de fondement à la désignation de « Monsieur L… » en qualité d’expert agréé -, et en décidant néanmoins que la société Lidl devait être déboutée de sa demande en annulation de la délibération du 16 mars 2018, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article L. 4614-12 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’espèce ;
8°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu’en affirmant que le procès-verbal établi le 16 mars 2018 ne faisait pas foi des termes exacts de la délibération et en retenant néanmoins que la mission confiée à l’expert par ce procès-verbal, consistant à décrire les conséquences sur le « volet social (pérennité de l’emploi), le volet économique, les conditions de travail et les risques psychosociaux liés à la mise en place des caisses automatiques » était suffisamment précise pour en déterminer le périmètre et l’étendue, le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, s’est contredit en violation de l’article 455 du code de procédure civile.