Designer : 18 novembre 2020 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 17/08620

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Designer : 18 novembre 2020 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 17/08620
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 NOVEMBRE 2020

JBC

N° 2020/ 212

Rôle N° RG 17/08620 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BAPJX

[U] [V]-[N]

C/

[F] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe MARIN

Me Stéphanie LEANDRI-CAMPANA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 30 Mars 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 08/03830.

APPELANTE

Madame [U] [V]-[N] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 8]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 13]

Représentée par Me Philippe MARIN avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [F] [L]

né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 9], demeurant [Adresse 5]

Représenté Me Stéphanie LEANDRI-CAMPANA, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

Statuant selon la procédure sans audience en application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, au visa de l’accord des parties.

La Cour lors du délibéré était composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2020.A cette date les parties ont été avisées que le délibéré serait prorogé 07 octobre 2020. A cette date le délibéré a été prorogé au 21 Octobre 2020, puis au 18 Novembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2020,

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [R] [X] a épousé en première noce Monsieur [Y] [L] avec lequel elle a eu un enfant, Monsieur [F] [L]. Elle s’est mariée en seconde noce sans contrat préalable avec [K] [N] décédé le [Date décès 4] 1980. Elle a eu avec ce dernier une fille, Madame [U] [V]-[N] épouse [J]. Madame [R] [X] est décédée le [Date décès 2] 2004 laissant pour lui succéder ses deux enfants.

Par exploit du 18 juillet 2008, Monsieur [L] a fait assigner Madame [J], pour qu’il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de leur mère et voir notamment ordonner le rapport à la succession d’une somme globale de 1 850 000 euros par Madame [J].

En cours de procédure, Madame [J] a produit un testament olographe rédigé par madame [R] [X], veuve [V]-[N], le 03 mars 1989, l’instituant légataire universelle de sa succession. Ce testament a été déposé au rang des minutes de Maitre [A], notaire à [Localité 11], le 06 mai 2010.

Par jugement en date du 14 juin 2012 le tribunal de grande instance de Toulon a :

– constaté qu'[R] [X] et [G] [V]-[N] s’étaient mariés sous le régime légal de la communauté de meubles et acquêts,

– ordonné la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux [X]- [V]-[N] ainsi que l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[R] [X] veuve [V]-[N],

– débouté Monsieur [F] [L] de sa demande en nullité du testament olographe en date du 03 mars 1989,

– invité les parties à proposer une évaluation des meubles qui auraient dû être partagés,

– avant dire droit , ordonné une expertise comptable aux frais avancés de Monsieur [L] et désigné Monsieur [B] [D] pour y procéder, avec notamment pour mission de rechercher les ressources des parties au moment de leurs acquisitions respectives, dire s’il y a lieu à rapport à succession et, le cas échéant, fixer le montant du rapport.

Par ordonnance du 03 février 2015, le juge de la mise en état a ordonné la communication à l’expert par Madame [J] de diverses pièces sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant un délai de six mois.

L’expert a déposé son rapport le 16 septembre 2015.

Par conclusions du 29 août 2016, Monsieur [L] demandait au tribunal de :

– dire que Madame [J] devra rapporter à la succession d'[R] [V]-[N] les sommes suivantes :

– 653 700 euros au titre des 300 parts de la SCI La Gorguette cédées par ses parents en 1978,

– 803 850 euros au titre des 345 actions de la SA Les Oiseaux cédées par ses parents en 1978,

– 104 850 euros au titre des 45 actions de la SA Les Oiseaux cédées par la défunte en 1988 et 1996,

– 1 618 069 euros pour le rapport de la pleine propriété de la [Adresse 12],

– 10 426 euros pour le non versement d’usufruit attaché à la donation du 31 octobre 1986 sur la SCI La Gorguette

– 2 025 295 euros pour le non versement d’usufruit attaché à l’abandon du 24 septembre 1988 sur la SCI La Gorguette, 107 217 euros pour le non versement d’usufruit attaché à l’abandon d’usufruit du 24 septembre 1988 sur la SA Les Oiseaux,

– 24 882,65 euros des 50% de frais de fonctionnement de la SCI de Bordeu,

en conséquence, condamner Madame [J] à rapporter ces sommes à la succession de sa mère décédée,

dire que Madame [J] a commis un recel successoral en cachant sciemment la donation de la nue propriété de la [Adresse 12] dont elle a bénéficié selon acte de vente en date des 16 et 23 octobre 1978,

dire que Madame [J] a commis un recel successoral en cachant sciemment la donation dont elle a bénéficié lors de l’acquisition des parts sociales de la SCI de Bordeu, la SCI La Gorguette et la SA Les Oiseaux et des dividendes non perçus par [R] [V]-[N],

débouter Madame [J] de l’ensemble de ses demandes,

liquider l’astreinte due par Madame [J] à la somme de 16 900 euros pour la période du 15 mai 2015 au 31 octobre 2015 et la condamner à lui payer cette somme,

condamner Madame [J] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonner l’exécution provisoire,

ordonner l’emploi des dépens en frais généraux du partage et dire que chacun des avocats pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 899 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 02 décembre 2016, Madame [U] [V]- [N] demandait au tribunal de :

A titre principal,

dire irrecevables les demandes de Monsieur [L] faute d’avoir fait liquider le régime matrimonial d'[R] [X] veuve [V]-[N],

Subsidiairernent,

préalablement désigner un notaire avec mission de procéder à la liquidation du régime matrimonial des époux [V]-[N],

surseoir à statuer sur les demandes,

en tout état de cause,

vu le protocole d’accord signé entre les parties et les actes notariés subséquents, débouter Monsieur [L] de ses demandes de rapport à succession,

condamner Monsieur [L] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire, distraits au profit de la SCP Immavocats, avocat postulant.

Par jugement en date du 30 mars 2017 le tribunal de grande instance de Toulon a statué ainsi qu’il suit :

Vu le jugement rendu par le tribunal le 14 juin 2012,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur la recevabilité de la demande,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Désigne Maître [C] [M], notaire à [Localité 7], pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux [X]/[V]-[N] ainsi qu’aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[R] [X] veuve [V]-[N] décédée le [Date décès 2] 2004 à [Localité 10],

Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus du notaire, il pourra être procédé à son remplacement par ordonnance sur requête,

Dit que les frais nécessaires à l’instruction du dossier seront prélevés par le notaire sur l’actif disponible de la succession,

Commet Madame ou Monsieur le juge de la première chambre de ce tribunal désigné expressément par ordonnance présidentielle pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficultés,

Dit que l’acquisition par Madame [U] [J] de la nue propriété de la [Adresse 12], constitue une donation indirecte rapportable à la succession d'[R] [X] Veuve [V]-[N],

Condamne Madame [U] [J] à rapporter de ce chef à la succession la somme de 1 618 069 euros

Dit que l’acquisition par Madame [U] [J] de 300 parts sociales de la SCI La Gorguette le 05 septembre 1978, constitue une donation indirecte rapportable à la succession d'[R] [X] Veuve [V]-[N],

Condamne Madame [U] [J] à rapporter de ce chef à la succession la somme de 653 700 euros,

Dit que l’acquisition par Madame [U] [J] des 345 actions de la SA Les Oiseaux cédées les 28 août et 26 décembre 1978 et des 45 actions cédées le 07 septembre 1988 et le 26 juin 1996 constitue une donation indirecte rapportable à la succession d'[R] [X] Veuve [V]-[N],

Condamne Madame [U] [J] à rapporter de ce chef à la succession les sommes de 803 850 euros pour les actions cédées en 1978 et de 104 850 euros pour les actions cédées en 1988 et 1996,

Rejette la demande tendant à voir rapporter à la succession les sommes résultant du non versement de l’usufruit des parts sociales de la SCI La Gorguette et de la SCI Château de Bordeu ainsi que de l’usufruit des actions de la SA Les Oiseaux, consentis par Madame [J] à [R] [X] veuve [V]-[N],

Rejette la demande tendant à voir rapporter à la succession la moitié des frais d’entretien de l’immeuble appartenant à la SCI Château de Bordeu,

Déclare irrecevable la demande de liquidation de l’astreinte prononcée par le juge de la mise en état,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

Dit n’y avoir lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage,

Le tribunal a considéré:

– Que la question de la recevabilité de la demande de Monsieur [L] avait déj à été tranchée par le jugement mixte du 14 juin 2012,

– qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer mais que, afin de déterminer la masse partageable le notaire devrait préalablement avoir liquidé le régime matrimonial des époux, Monsieur [L] n’ayant aucun droit dans la succession de [G] [V]-[N] décédé le [Date décès 4] 1980. A cet égard il a considéré qu’il n’était pas démontré que certaines acquisitions réalisées par les époux [V]-[N] pendant leur vie commune avaient été financées au moins pour partie par la vente de biens propres de monsieur [G] [V]-[N]

– Que, dans sa précédente décision, le tribunal avait déjà écarté l’argumentation de Madame [J] qui soutenait qu’un protocole d’accord signé le 02 mars 1989 avait réglé le sort des biens dépendant de la succession.

– Que s’agissant de la [Adresse 12] l’expert avait établi que Madame [J] ne disposait pas des ressources suffisantes pour faire l’acquisition de la nu-propriété du bien et que celleci ne versait aux débats aucun élément contredisant les conclusions de l’expert de sorte qu’il devait être considéré qu’elle avait bénéficié d’un avantage indirect qui devait être rapporté à la succession.

– Que s’agissant de la SCL La Gorguette l’expert a établi que madame [J] ne disposait pas des fonds nécessaires à l’acquisition des parts intervenue en août 1976, et en septembre 1978, et que s’agissant de cette dernière cession madame [J] ne démontrait pas en avoir effectivement réglé le prix ; que les époux [X] [V]-[N] s’étaient volontairement appauvris dans le but de gratifier leur fille et qu’il y avait lieu à rapport sur la base d’une valeur unitaire des part de 2 179 euros à hauteur de 653 700 euros.

– Que, s’agissant de la SA “Les Oiseaux” madame [J] a bénéficié de cessions de part de la part de monsieur [V]-[N] et de madame [X] en 1978, 1988 et 1996 et qu’elle ne justifiait pas en avoir payé le prix ni d’ailleurs disposer des ressource snécessaires en 1978. Qu’elle avait donc bénéficié d’une donation indirecte qui devait donner lieu à rapport à hauteur de 803 850 euros pour les actions cédées en 1978 et de 104 850 euros pour les actions cédées en 1988 et 1996.

Que s’agissant de l’abandon d’usufruit des titres de la SCI du Château de Bordeu l’expert a constaté que les époux [V]-[N] avaient occupé le bien immobilier de leur vivant de sorte que la SCI ne paraissait pas avoir perçu de ressources financières susceptibles de générer des revenus qui ne lui auraient pas été versés et qu’aucun rapport n’était dû de ce chef.

Que s’agissant des actions de la SA Les Oiseaux et des parts sociales de la SCI La Gorguette. il n’était pas établi que madame [J] en détenait l’usufruit de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la question d’un éventuel rapport.

Que s’agissant du recel si L’expert a constaté la réticence de Madame [J] à communiquer les documents qui lui étaient réclamés, ce comportement ne; peut être considéré comme un détournement volontaire d’actif caractérisant un recel.

Que s’agissant de la liquidation de l ‘astreinte elle relevait de la compétence du juge de l’exécution le juge de la mise en état qui l’avait ordonnée n’étant plus saisi.

Madame [U] [V]-[N] a formé appel de cette décision.

Au terme de ses dernières écritures du 25 mai 2020 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, elle demande à la cour de :

A titre principal :

-RETENIR les fins de non-recevoir soulevées en tout état de cause devant la Cour et en conséquence, :

-DIRE et JUGER-que Monsieur [F] [L] est dépourvu de droit d’agir en partage pour défaut de qualité d’indivisaire

-DEBOUTER Monsieur [F] [L] de ses demandes en recel de succession et en rapport de donations, telles que formulées à l’encontre de Madame [U] [J], en présence d’un partage amiable ayant définitivement mis fin à toute indivision entre les parties et, faute pour lui d’avoir agi en nullité de ce partage, en complément de part ou en partage complémentaire.

-A titre subsidiaire sur le fond :

-REFORMER le jugement du 30 mars 2017 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Toulon en ce qu’il a condamné Madame [J] à rapporter à la succession de Madame [X] les sommes de 1 618 069 euros, 653 700 euros, 803 850 euros et 104 850 euros.

-CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de ses autres demandes, en ce compris sa demande au titre du recel successoral.

-REFORMER le jugement dont appel en ce qu’il a considéré que la décision du 14 juin 2012 avait tranché sur la qualification de l’accord transactionnel du 24 septembre 1988, et sur son acte rectificatif du 2 mars 1989,

-DIRE ET JUGER et CONSTATER que cette question n’est pas reprise dans le dispositif du jugement du 14 juin 2012.

-DIRE ET JUGER que le protocole d’accord du 24 septembre 1988 vaut transaction au sens des articles 2044 et 2052 du Code Civil repris dans ledit acte, et complété par un acte authentique rectificatif, jamais contesté ni annulé, en date du 2 mars 1989.

-S’ENTENDRE dès lors à titre principal, constater que ces accords ont définitivement mis fin à tout litige entre les parties et,

-DEBOUTER Monsieur [L] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire :

-DIRE ET JUGER que la question des éventuels rapports à succession ne peut être examinée sans qu’ait été au préalable liquidé le régime matrimonial des époux [X]/[V] [N].

-DIRE ET JUGER que cette liquidation du régime matrimonial est nécessaire pour déterminer la masse successorale sur laquelle les droits des héritiers peuvent être déterminés à la suite du décès de Madame [X], en tenant compte en sus, du testament instituant la concluante légataire universelle.

– ET, dans l’attente de la liquidation du régime matrimonial des époux que devra opérer Me [M] notaire, désigné au terme du jugement du 30 mars 2017,

-SURSEOIR A STATUER sur la liquidation de la succession de Madame [X] et sur toutes demandes relatives à d’éventuels rapports à succession.

-DIRE ET JUGER que l’expert judiciaire ne pouvait évaluer les rapports sur la masse totale et indivisible de la communauté [X]/[V] [N].

-ANNULER en conséquence le rapport d’expertise de Monsieur [D]

-DESIGNER un autre expert judiciaire afin d’évaluer s’il y lieu à rapport de l’une ou l’autre des parties, en recherchant les éventuelles sommes dont celles-ci auraient été gratifiées, sauf à confier cette mission complémentaire à Me [M].

En tout état de cause,

-DIRE et JUGER infondées et injustifiées, les condamnations prononcées contre Madame [J], tant en leur principe qu’en leur montant.

Sur l’appel incident :

-S’ENTENDRE débouter Monsieur [L] de son appel incident.

-CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de ses demandes de rapport de prétendus abandons d’usufruit et de sa demande au titre du recel successoral.

-CONDAMNER Monsieur [L] au paiement d’une somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du CPC

-CONDAMNER Monsieur [L] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP IMAVOCATS avocat aux offres de droits

Au terme de ses dernières écritures du 29 mai 2020 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, Monsieur [L] demande à la cour de :

RECEVOIR Monsieur [L] en son appel incident, le déclarer recevable et bien fondé.

DEBOUTER Madame [U] [J] de ses demandes, fins et conclusions.

CONFIRMER le jugement rendu le 30 mars 2017 en ce qu’il a condamné Madame [U] [J] à rapporter dans la succession de Madame [R] [V] [N] les donations dont elle a été gratifiées.

En conséquence,

CONDAMNER Madame [J] à rapporter à la succession de feue Madame [V] [N]:

– La somme de 326 500 euros au titre de la moitié de la valeur des 300 parts de la SCI la Gorguette cédées par ses parents en 1978

– La somme de 401 925 euros au titre de la moitié de la valeur des 345 actions de la SA les Oiseaux cédées par ses parents en 1978

– La somme de 104 850 euros au titre des 45 actions de la SA les Oiseaux cédées par Madame [V] [N] défunte en 1996,

– La somme de 925.000 euros pour le rapport de la moitié de la valeur en pleine propriété de la [Adresse 12],

INFIRMER le Jugement rendu le 30 mars 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Toulon en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de ses demandes de rapport à succession de Madame [R] [V] [N] des donations dont a bénéficié Madame [U] [J] au titre du non versement de l’usufruit sur la SCI LA GORGUETTE et la SA LES OISEAUX et de ses demandes fondées sur les dispositions de l’article 778 du Code civil,

En conséquence,

A titre principal,

CONDAMNER Madame [U] [J] à rapporter dans la succession de Madame [R] [V] [N] :

– La somme de 10 426 euros pour le non versement de l’usufruit du 31 octobre 1986

– La somme de 1 018 643 euros pour le non versement de l’usufruit attaché à l’abandon du 24 septembre 1988 sur la SCI la Gorguette

– La somme de 53 608 euros pour le non versement de l’usufruit attaché à l’abandon d’usufruit du 24 septembre 1988 sur la SA les Oiseaux

DIRE ET JUGER que les donations dont Madame [J] a bénéficié ne peuvent être retenues que jusqu’à concurrence de la quotité disponible,

DIRE ET JUGER qu’il convient donc de fixer les droits de Madame [J] en tenant compte de la réduction à opérer, et de l’indemnité lui incombant de ce chef

FIXER l’indemnité de réduction dont est redevable Madame [J] envers son frère, Monsieur [F] [L] à la somme de 1.071.071,74 €.

CONDAMNER en conséquence Madame [U] [J] à une indemnité de réduction, dans la succession de Madame [R] [V] [N], à hauteur de la somme de 1.071.071,74 €.

CONDAMNER Madame [U] [J] à rapporter dans la succession de Madame [R] [V] [N] la somme de 24 882,65 euros des 50% de frais de fonctionnement de la SCI de Bordeu

DIRE ET JUGER qu’il sera fait application de l’article 856 pour le rapport à succession des revenus fonciers générés par les 300 parts de la SCI La Gorguette et des 390 actions de la SA les Oiseaux, du [Date décès 2] 2004 au jour du partage . DIRE ET JUGER que Madame [J] a commis un recel successoral en cachant sciemment la donation de la nue-propriété de la [Adresse 12] dont elle a bénéficié selon acte de vente en date des 16 et 23 octobre 1978. DIRE ET JUGER que Madame [J] a commis un recel successoral en cachant sciemment la donation dont elle a bénéficié lors de l’acquisition des parts sociales de la SCI LA GORGUETTE, des actions de la SA LES OISEAUX et lors de la non perception par Madame [V] [N] des revenus fonciers et dividendes de ces mêmes sociétés

A titre subsidiaire, si la Cour ne devait retenir que les donations d’usufruit du 31 octobre 1986, CONDAMNER Madame [U] [J] à rapporter dans la succession de Madame [R] [V] [N] : – 135 820 euros au titre des donations du 31 octobre 1986 et – 221 467 euros correspondant aux déclarations 2072 de cette société de 2000 à 2003

CONDAMNER Madame [U] [J] à rapporter dans la succession de Madame [R] [V] [N] la somme de 24 882,65 euros des 50% de frais de fonctionnement de la SCI de Bordeu DIRE ET JUGER qu’il sera fait application de l’article 856 pour le rapport à succession des revenus fonciers générés par les 300 parts de la SCI La Gorguette et des 390 actions de la SA les Oiseaux, du [Date décès 2] 2004 au jour du partage

DIRE ET JUGER que Madame [J] a commis un recel successoral en cachant sciemment la donation de la nue-propriété de la [Adresse 12] dont elle a bénéficié selon acte de vente en date des 16 et 23 octobre 1978.

DIRE ET JUGER que Madame [J] a commis un recel successoral en cachant sciemment la donation dont elle a bénéficié lors de l’acquisition des parts sociales de la SCI LA GORGUETTE, des actions de la SA LES OISEAUX et lors de la non perception par Madame [V] [N] des revenus fonciers et dividendes de ces mêmes sociétés

En tout état de cause,

CONDAMNER Madame [J] à payer à Monsieur [F] [L] la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens en ceux compris les frais d’expertise judiciaire.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 juin 2020.

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes de M. [L]

Madame [V] [N] soutient que la demande de monsieur [L] est doublement irrecevable, d’une part en ce que la liquidation du régime matriminial des époux [X] [N] doit intervenir préalablement au règlement de la succession de madame [X] et d’autre part en ce que l’existence d’un protocole d’accord entre les héritiers interdirait à monsieur [L] de solliciter un partage judiciaire de la succession de cette dernière.

Le tribunal de grande instance de Toulon a cependant dans sa décision du 14 juin 2012 aujourd’hui définitive, déjà tranché ces deux questions.

Il a en effet sur le premier point ordonné la liquidation du régime matrimonial des époux et l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de madame [X] .Si la liquidation du régime matrimonial est le préalable nécessaire à la poursuite du partage de la succession le tribunal a justement considéré qu’il n’était pas indispensable de dissocier les deux opérations qui pouvaient se dérouler successivement.

Pour les mêmes raisons il n’y a pas lieu de surseoir à statuer sur la demande de partage.

S’agissant de l’application du protocole signé entre les parties le 24 septembre 1988 et rectifié le 2 mars 1989 madame [J] fait valoir que le dispositif du jugement du 14 juin 2012 ne comporte aucune mention relative à l’opposabilité de cet accord de sorte qu’il ne peut lui être opposé l’autorité de la chose jugée.

Cependant en ordonnant dans son dispositif le partage judiciaire de la succession de madame [X] le tribunal a nécessairement jugé que la demande de monsieur [L] était recevable et que le protocole d’accord ne pouvait lui être opposé.

La lecture des motifs de la décision lève d’ailleurs toute ambiguïté puisque dans la partie du jugement intitulée « SUR LA DEMANDE EN PARTAGE», il a indiqué que ce protocole d’accord ne constituait pas une transaction au sens de l’article 2044 du code civile et que dès lors la demande de partage présentée par monsieur [L] était recevable.

L’autorité de la chose jugée qui s’attache à cette décision rend irrecevable la demande de madame [V] [N] de ce chef.

S’agissant de l’existence d’une indivision entre madame [V] [N] et monsieur [L], et donc de la qualité de ce dernier pour agir en partage, à supposer que cette question n’ait pas été également tranché par le jugement précité, il convient de considérer que le principe selon lequel il n’existe pas d’indivision entre le légataire universel et les autres héritiers qui ne disposent que d’une créance de réduction résulte de la modification du code civil introduite par la loi du 23 juin 2006 qui a prévu en son article 924 que la réduction se faisait par principe en valeur en non en nature comme précédemment. Or en vertu des dispositions de l’article 47 de ladite loi l’article 924 n’est applicable qu’aux successions ouvertes après l’entrée en vigueur de la loi soit après le 1er janvier 2007.

Madame [X] étant décédée le [Date décès 2] 2004 les dispositions de la loi nouvelle ne sont pas applicables à sa succession et c’est l’ancien article 924 du code civil qui s’applique

Il existe donc bien une indivision entre madame [J] et monsieur [L] et monsieur [L] est recevable à solliciter un partage judiciaire de la succession de sa mère.

Sur la nullité du rapport d’expertise :

Aux termes de l’article 175 du Code de Procédure Civile la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

Aux termes de l’article 112 du même code , la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. Madame [J] ayant présenté des défenses au fond avant de solliciter la nullité du rapport d’expertise est donc irrecevable en sa prétention de ce chef.

Au demeurant les griefs allégués à l’encontre du rapport tendent à contester la pertinence des conclusions de l’expert et ne visent pas une atteinte aux principes qui régissent les mesures d’instruction seules susceptibles d’en entraîner la nullité.

La présente juridiction n’étant nullement liée par les conclusions de monsieur [D] elle en appréciera la pertinence.

Sur l’existence de donations rapportables

Il appartient à celui qui prétend que son cohéritier a bénéficié de donations rapportables et notamment de donations déguisées ou indirectes d’en rapporter la preuve.

Il appartient donc à monsieur [L] de démontrer que sa soeur a été gratifiée par ses parents lors d’acquisitions ou de cessions de biens.

Madame [J] fait valoir qu’il est prématuré d’envisager le rapport à la succession de donations dont elle aurait bénéficié dès lors que les opérations de liquidation du régime matrimonial des époux ne sont pas achevées et que la masse successorale n’est pas connue.

Rien n’interdit cependant, même si la masse active de la succession ne pourra effectivement être définitivement déterminée qu’après la liquidation du régime matrimonial des époux, d’envisager dès à présent l’existence de donations déguisées qui viendront s’ajouter à l’actif successoral. Seule une éventuelle action en réduction serait prématurée puisque son appréciation dépend effectivement du montant définitif de l’actif net.

Il sera rappelé que les donations rapportables ne peuvent concerner que la succession de madame [X] et que madame [J] est seule héritière de monsieur [N]. Dès lors, lorsque les actes litigieux ont été établis par les deux époux ou lorsqu’ils sont le fait de madame [X] seule mais du vivant de monsieur [V] [N] avec lequel elle était mariée sous le régime de la communauté des meubles et acquêts, la donation rapportable ne peut être que de la moitié de la donation.

Monsieur [L] estime que madame [J] a bénéficié de donations indirectes dont elle doit faire rapport à la succession de sa mère. Ces donations ont selon lui pris deux formes. Soit lors d’acquisitions en commun avec ses parents ceux-ci ont financé sa part de l’achat dès lors qu’elle ne disposait pas elle même de ressources propres, soit ils lui ont cédé des biens ou titres sans lui en réclamer le prix. Dans tous les cas il doit également être établi que madame [X] était animée d’une intention libérale.

C’est à Monsieur [L] qui sollicite le rapport de démontrer que tel a bien été le cas et il peut pour ce faire se fonder sur les investigations de l’expert.

Les constations de celui-ci selon lesquelles au moment des cessions et des acquisitions madame [J] ne disposait pas de revenus suffisants pour payer le prix doivent être considérées comme suffisamment probantes pour établir que ce n’est pas elle qui a payé. Il n’en est pas de même en ce qui concerne les acquisitions pour lesquelles au moment de la transaction, madame [J] bénéficiait de revenus mais dont l’expert indique qu’il ne dispose pas de la preuve du paiement. En effet il ne peut , sans renverser la charge de la preuve, être imposé à madame [J] de démontrer qu’elle a payé les acquisitions litigieuses, le simple fait que la preuve d’un règlement ne soit pas rapportée ne démontrant pas qu’il n’est pas intervenu sur des comptes et selon des modalités inconnues de l’expert.

C’est à la lumière de ces éléments que doivent être appréciées les opérations contestées.

Sur la [Adresse 12]

Par acte notarié en date des 16 et 23 octobre 1978, Monsieur [W] a cédé à Monsieur et Madame [G] [V] [N] l’usufruit et à Mademoiselle [U] [V] [N] la nue-propriété d’un bien immobilier dénommé [Adresse 12].

Cette acquisition s’est réalisée à hauteur de la somme de 1.250.000 francs payée à hauteur de 100.000 Francs avant l’acte entre les mains de Me [Z], de 350.000 Francs le jour de l’acte en la comptabilité du notaire, le solde soit 800.000 Francs devant être payé à hauteur de 400.000 Francs dans l’année suivant les actes et à hauteur de la même somme avant l’expiration d’un délai de deux ans.

Les sommes non réglées étaient productives d’intérêts et les frais devaient être assumés par les acquéreurs pour des sommes s’élevant respectivement à 120.000 francs d’intérêts et 86.400 francs de frais,. En outre la somme payable dans le délai de deux ans devait être réévaluée au jour du paiement en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction.

Il résulte du rapport d’expertise que le coût d’acquisition s’est élevé à la somme de 1.456.400 francs, à laquelle il convient d’ajouter la révision du solde du prix d’un montant de 119.469 francs arrondis dans la comptabilité du notaire à 119.200 francs, soit un coût total de 1.575.600 francs ou 240.098 euros .

Le paiement de cette somme s’est réalisé selon les modalités suivantes :

– Versement direct à Maître [Z] 100.000 francs au moment de la réservation,

– Reçus par Me [E] 400 000 francs / Versés à Me [Z] 350 000 francs le 17.10.1978,

– Reçus par Me [E] 250 000 francs / Versés à Me [Z] 250 000 francs le 24.09.1979,

– Reçus par Me [E] 120 000 francs / Versés à Me [Z] 120 000 francs le 15.10.1979,

– Reçus par Me [E] 57 000 francs / Versés à Me [Z] 70 000 francs le 20.12.1979,

– Reçus par Me [E] 400 000 francs / Versés à Me [Z] 400 000 francs le 17.10.1980,

– Reçus par Me [E] 40.000 francs / Versés à Me [Z] 40 000 francs le 04.11.1980,

– Reçus par Me [E] 159 200 francs / Versés à Me [Z] 159 200 francs le 27.02.1981,

– Frais 86 400 francs

– Total : 1 575 600 francs

Le constat de l’expert selon lequel, au vu des pièces produites, mademoiselle [N] qui était étudiante ne disposait pas des ressources suffisantes pour payer les sommes ci-dessus détaillées doit être confirmé. Seul doit être admis un versement de 119.200 francs dont elle justifie et qui peut avoir été financé par une indemnité d’assurances de 70.000 Francs qu’elle a perçue et des rémunérations de la SCI La Gorguette.

L’expert a également fait une analyse cohérente et pertinente de la valeur de l’usufruit en se fondant sur la moyenne des résultats de calcul des barèmes fiscaux et de la valeur économique de l’usufruit pour parvenir à une proportion 41,5 % pour la nue propriété et de 58,95 % pour l’usufruit.

Il a ainsi justement considéré, compte tenu de la somme versée par madame [J] que 81,57 % de la nue propriété qu’elle avait acquise avaient été financés par ses parents.

La situation familiale et notamment l’existence d’un enfant d’un premier lit de madame [X], l’importance des sommes qui ont indirectement profité à madame [J], le constat de ce qu’au décès de madame [X], qui disposait à l’origine d’un patrimoine important, la succession n’était presque plus bénéficiaire et l’existence d’un testament montrant la volonté de cette dernière de favoriser sa fille permettent de considérer que madame [N] et son époux, en mettant à la disposition de leur fille des fonds permettant l’acquisition de la nue propriété de la maison, ont agi avec une intention libérale.

Aux termes de l’article 860 du code civil, dans sa rédaction applicable au jour du décès de madame [X] «Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tiendra compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation et, si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage.

Il résulte du rapport d’expertise que la [Adresse 12] a été aliénée pour le prix de 1.850.000. C’est donc cette valeur qui doit être retenue pour le calcul du rapport , sans qu’il y ait lieu d’y ajouter, comme l’a fait l’expert, des frais annexes.

La donation ayant porté sur 81,57 % de la valeur du bien elle s’élève à 1.509.045 Euros.

la valeur à prendre en considération étant celle du bien en pleine propriété au moment de sa cession.

Les époux [V] [N] ont donc gratifié leur fille à hauteur de cette somme.

Dans ses écritures de première instance monsieur [L] demandait le rapport de la totalité de la valeur de la villa, omettant le fait que la donation était pour partie le fait de monsieur [N] et le tribunal l’avait suivi dans cette confusion. Il a dans ses écritures d’appel rectifié cette position ne sollicitant plus que le rapport de la moitié de la donation (ne tirant pas en cela toutes les conséquences des ses constatations concernant les conditions du paiement du prix) . C’est donc, conformément à la demande, de la moitié de la donation que madame [J] doit le rapport soit 1.509.045 Euros / 2 = 754.522,5 Euros.

Sur la cession de 300 parts de la SCI La Gorguette :

Mademoiselle [U] [V] BERGERETa acquis de ses parents ( et non de monsieur [V] [N] seul comme indiqué dans le jugement entrepris) 300 parts de la SCI La Gorguette pour le prix de 30.000 Francs. Il résulte des investigations de l’expert et des pièces versées aux débats par les parties que la jeune femme, toujours étudiante, ne disposait pas des ressources permettant cette acquisition, la somme de 70.000 Francs reçue à titre d’indemnité d’assurance ayant déjà été comptabilisée pour l’achat de la [Adresse 12] . Il est dès lors manifeste que le prix n’en a pas été réglé aux cédants. Pour les motifs déjà évoqués en ce qui concerne la [Adresse 12] cette opération n’avait d’autre but pour les cédants que de gratifier leur fille en lui transférant des parts de la SCI sans contrepartie financière. Il s’agit donc d’une donation déguisée soumise à rapport.

Aux termes de l’article 860 du code civil c’est au jour le plus proche du partage que doit être évaluée la donation.. Le fait que pour des raisons qui leur appartiennent, lors d’une cession intervenue entre madame [J] et monsieur [L] ceux-ci aient évalué les parts de la SCI à 100 Francs l’unité ne détermine pas la valeur réelle de celles-ci qui a été justement évaluée par l’expert à la somme de 2.179 Euros. La donation dans son entier représente donc 653.700 Euros la moitié, correspondant à la donation de madame [X] seule 326.850 Euros, limitée à 326.500 Euros conformément à la demande de M. [L].

Le fait au demeurant non démontré que monsieur [L] ait lui même bénéficié de donations est indifférent à la situation juridique des parties dès lors que pour des raisons de droit ou de fait le rapport n’en est pas demandé.

Sur la cession des parts de la SA Les Oiseaux:

L’expert, bien qu’aucun des actes de cession n’aient été produits a retenu que Madame [J] avait acquis les actions suivantes de la SA Les Oiseaux :

En 1978 :

Le 28 août 1978, 50 actions cédées par son père pour 5.000 Francs.

Le 26 décembre 1978, 20 actions de son père pour la somme de 2.000 Francs

Le 26 décembre 1978, 275 actions de sa mère pour la somme de 27.500 Francs.

Le 7 septembre 1988 , une action par madame [X]

Le 26 juin 1996 , 44 actions par madame [X].

L’impécuniosité de mademoiselle [U] [V] [N]en 1978 a déjà été évoquée ce qui permet de considérer qu’elle n’a pas réglé le coût d’acquisition des 345 actions achetées cette année là. Pour les motifs déjà évoqués l’intention libérale des époux [X] [V] ne fait pas de doute pour les 345 actions qu’ils ont cédé à leur fille de sorte que celle-ci doit rapporter la moitié de la valeur de ces actions.

Il n’en est pas de même pour les 45 actions acquises en 1988 et 1996, années durant lesquelles il résulte du rapport d’expertise que l’intéressée disposait de ressources suffisantes.

Ainsi qu’il a déjà été indiqué le seul fait que le paiement effectif du prix ne soit pas établi ne suffit pas à démontrer qu’il s’agit d’une donation déguisée. Il n’y aura donc pas lieu à rapport pour ces 45 actions.

S’agissant de la valeur des parts à prendre en considération , dès lors que les parts reçues en donation ont été revendues en 2011 au prix unitaire de 2.330 Euros c’est cette valeur à l’époque de l’aliénation qui doit être retenue par application des dispositions de l’article 860 du code civil.

Madame [J] estime que les actions ne doivent pas être évaluées à cette somme car la valeur des parts en 2011 résulte de sa gestion de la société et de la plus value qu’elle y a apporté. Le rapport aux termes de l’article 860 du code civil précité, dans sa rédaction applicable au jour du décès de madame [X], est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tiendra compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation’

Lorsque, postérieurement à la donation, le donataire a amélioré le bien reçu, la valeur du bien à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de rapport doit être celle qu’aurait eu le bien sans l’intervention du donataire.

Madame [J] doit donc, si elle entend se prévaloir de l’amélioration qu’elle a apporté à la valeur des parts, démontrer en quoi la plus value apportée à celles-ci depuis la donation lui est imputable et quelle serait la valeur des parts sans son activité.

Il n’est pas contesté que la société dont le président était à l’origine monsieur [L] a connu des difficultés et qu’elle se trouvait en redressement judiciaire en décembre 1985. A la suite de la démission de monsieur [L] le 20 novembre 1985 madame [J] a pris sa suite à la tête du conseil d’administration.

Madame [J] estime que la plus value très importante des actions de la société est due à sa gestion, aux opportunités médicales fructueuses qu’elle a su saisir, aux apports en capitaux et à l’intégration des bénéfices qu’elle a assumés. Ainsi que l’a souligné l’expert dans son rapport Madame [J] ne produit que des éléments parcellaires concernant l’évolution de la situation de la société. Elle n’a pas déféré à l’ordonnance de mise en état du 3 février 2015 qui lui imposait de produire divers documents dont l’examen était nécessaire à l’appréciation de l’évolution de la situation de la société et cette absence de transparence et de loyauté dans l’administration de la preuve doit être prise en considération. De fait, les documents qu’elle a produit ne permettent pas de démontrer en quoi son activité personnelle a généré les plus-values constatées. S’agissant en effet des décisions de la société elles ne sont pas le fait du seul président de la société anonyme mais, lorsque comme en l’espèce il s’agit d’une société anonyme avec conseil d’administration, elles résultent des délibérations de cet organe. En l’espèce rien ne permet d’affirmer que les choix pertinents qui ont conduit à l’amélioration de la situation de la société, qu’il s’agisse des orientations stratégiques ou des décisions d’acquisitions et de cession de parts de société tierces sont le fait de madame [J] et ce d’autant que les compétences médicales de monsieur [L] ont pu influer largement sur les choix du conseil d’administration.

S’agissant des investissements personnels de madame [J] et en particulier de l’apport de 1 million de France en 1989 il est impossible de déterminer faute d’une analyse comptable complexe en quoi il a conduit à la valorisation de la société et quelle aurait été la valeur des parts au jour de la cession si il n’était pas intervenu.

Il résulte en conséquence de ce qui précède que madame [J] ne démontre pas, comme elle en a la charge, en quoi son activité personnelle a participé à la valorisation des parts de la société et quelle aurait été la valeur des parts sans celle-ci.

Les parts seront donc pour le rapport, évaluées à leur prix de cession en 2011 soit 2.330 Euros la part soit pour 345 actions 803.850 Euros. La donation étant le fait des deux époux madame [J] devra rapporter à la succession de sa mère la moitié de cette somme soit 401.925 Euros.

Sur les abandons d’usufruit :

Le 24 septembre 1988 a été conclu entre d’une part Mademoiselle [U] [V]-[N] et madame [R] [X] et d’autre part monsieur [F] [L] un protocole d’accord transactionnel dans lequel ils ont réglé une partie du différend qui les opposait. Il est notamment indiqué dans cet acte que mademoiselle [V] [N] fait abandon d’usufruit à sa mère de la moitié des parts des S.C.I. Chateau de Bourdeu et de la moitié des actions de la S.A. les Oiseaux. Il est également précisé que l’acte sera réitéré devant Me [O] notaire à [Localité 6] en concours avec maître [T] et [I], notaires associés à la garde.

Le 2 mars 1989 un acte notarié a été établi par Me [O]. Il existe une difficulté concernant la page de garde de ce document, madame [J] produisant une page dactylographiée qui mentionne qu’il s’agit d’un acte rectificatif du protocole d’accord du 24 septembre 1988 tandis que l’expert a reçu de l’office notarial une copie dont la page de garde manuscrite indique qu’il s’agit d’un acte réitératif du protocole d’accord.

Le contenu de l’acte ne laisse cependant aucun doute sur le fait qu’il s’agit d’un acte réitératif et que les comparants ont entendu réitérer leur accord antérieur puisqu’il est indiqué en page 2 du document qu’ils se sont présentées ‘ afin de régulariser en la forme authentique le protocole d’accord intervenu entre eux le 24 septembre 1988 aux termes duquel il a été conclu une transaction amiable entre les comparants. Les parties veulent conférer à ladite transaction le caractère donné par les articles 2044 et suivants du code civil, ainsi que par l’article 2052 du même code.’

Cet acte réitératif ne mentionne pas l’engagement de mademoiselle [V] [N] de faire abandon au profit de sa mère de l’usufruit de la moitié des parts des S.C.I. Château de Bourdeu et de la moitié des actions de la S.A. les Oiseaux Monsieur [L].

Monsieur [L] considère que le fait que cette disposition n’ait pas été reprise dans l’acte réitératif ne la prive pas de toutes valeur, d’autres dispositions du protocole n’ayant pas été reprises également sans que leur effectivité soit discutée.

Madame [J] considère au contraire que c’est volontairement que l’abandon d’usufruit n’a pas été repris dans l’acte notarié.

Il convient cependant de constater que l’accord transactionnel n’est pas un accord tripartite réglant un différend entre trois personnes mais un accord bipartite réglant un différend entre d’une part mademoiselle [V] [N] et sa mère et d’autre part monsieur [F] [L]. Il n’est pas fait état dans cet acte d’un différend entre mademoiselle [V] [N] et sa mère et il comporte pas de concessions réciproques de celles-ci. L’engagement pris par la première de faire abandon d’usufruit à sa mère n’avait en conséquence aucune valeur coercitive et elle pouvait parfaitement revenir sur cet engagement. Le fait que cet abandon d’usufruit ne soit pas repris dans l’acte réitératif et que de fait il n’ait jamais été mis en oeuvre sans qu’à aucun moment madame [J] n’ait protesté démontre que mademoiselle [V] [N] et madame [J] avaient entendu y renoncer.

Il ne saurait en conséquence y avoir lieu à rapport de ce chef.

Sur les dépenses de fonctionnement de la SCI Château de Bourdeu.

Monsieur [L] estime que la prise en charge par madame [R] [X] des frais d’entretien du château de Bourdeu alors qu’elle n’était usufruitière que de la moitié constitue une donation déguisée soumise à rapport.

Il sera cependant observé comme l’a fait le premier juge que madame [X] a occupé le bien appartenant à la SCI jusqu’à sa mort et qu’il était dès lors naturel qu’elle prenne en charge les dépenses afférentes à son occupation. La preuve d’une intention libérale n’est donc nullement démontrée et la prise en charge de ces frais ne constitue pas une donation soumise à rapport.

Sur le recel :

Le tribunal de grande instance de Toulon bien que rejetant le recel dans ses motifs n’a pas statué sur cette question dans son dispositif.

Aux termes de l’article 792 du code civil applicable à l’espèce ‘Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d’une succession, sont déchus de la faculté d’y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recelés.’

Le recel suppose une dissimulation frauduleuse de la part de l’un des héritiers afin de rompre l’égalité qui existe entre ceux-ci.

Madame [J], à la suite du décès de sa mère a manifestement cherché à dissimuler la réalité de la situation de la succession de celle-ci. Elle a menti en prétendant que la succession était dépourvus de tout actif et a omis de déclarer les donations déguisées dont elle avait bénéficié. Elle n’a pas spontanément communiqué à l’expert et à son contradicteur les éléments dont elle disposait en ce qui concerne les sociétés dans lesquelles sa mère possédait des parts ou des actions dans le but manifeste de dissimuler une partie de l’actif de la succession et de rompre ainsi l’égalité du partage.

Les éléments caractérisant un recel successoral sont donc réunis et madame [J] ne pourra, par application de l’article précité, prétendre à aucune part dans les actifs détournés.

Sur les fruits des biens soumis à rapport :

Aux termes de l’article 856 du code civil dans sa version antérieure à la loi du 23 juin 2006 ‘

Les fruits et les intérêts des choses sujettes à rapport, ne sont dus qu’à compter du jour de l’ouverture de la succession.’

Madame [J] devra en conséquence les fruits et intérêts des biens qu’elle est tenu de rapporter en application de la présente décision.

Sur l’indemnité de réduction:

Monsieur [L] demande que soit fixée l’indemnité de réduction à laquelle serait tenue madame [J] à son égard.

Outre le fait que les valeurs à prendre en considération pour l’appréciation de cette indemnité ne sont pas les valeurs à la date du partage mais celles à la date d’ouverture de la succession la demande de fixation d’une indemnité de réduction est prématurée puisqu’elle suppose que soit connu l’actif de la succession lequel dépend de la liquidation du régime matrimonial des époux [J] – [V] [N] qui n’est pas encore intervenue.

Sur le changement de notaire :

Maître [M] précédemment désigné ayant fait valoir ses droits à la retraite un nouveau notaire sera désigné en la personne de maître [S] [H].

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

S’agissant de la décision de première instance c’est à bon droit que le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et que les dépens seraient considérés comme frais de partage.

S’agissant de la procédure d’appel , dès lors que chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes formulées à ce titre seront donc rejetées.

Pour les mêmes motifs les dépens seront considérés comme frais de partage.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Dit, compte tenu de la date du décès de madame [R] [X], qu’il existe une indivision entre madame [U] [J] et monsieur [F] [L] et que monsieur [L] est de ce chef recevable à agir en partage.

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a :

– Dit n’y avoir lieu de statuer sur la recevabilité de la demande, notamment en ce qu’elle a considéré que la décision du 14 juin 2012 avait tranché sur la qualification de l’accord transactionnel du 24 septembre 1988, et sur l’acte du 2 mars 1989,

– Rejeté la demande de sursis à statuer,

– Désigné un notaire pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux [X]/[V]-[N] ainsi qu’aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'[R] [X] veuve [V]-[N] décédée le [Date décès 2] 2004 à [Localité 10],

L’infirme en ce qu’elle a désigné Maître [C] [M], pour ce faire et désigne maître [S] [H], Notaire à [Localité 7] en ses lieu et place.

La confirme en ce qu’elle a :

– Dit qu’en cas d’empêchement ou de refus du notaire, il pourra être procédé à son remplacement par ordonnance sur requête,

– Dit que les frais nécessaires à l’instruction du dossier seront prélevés par le notaire sur l’actif disponible de la succession,

– Commis Madame ou Monsieur le juge de la première chambre du tribunal de grande instance de Toulon désigné expressément par ordonnance présidentielle pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficultés,

– Dit que l’acquisition par Madame [U] [J] de la nue propriété de la [Adresse 12], constitue une donation indirecte rapportable à la succession d'[R] [X] Veuve [V]-[N],

L’infirme en ce qu’elle a condamné Madame [U] [J] à rapporter à la succession la somme de 1 618 069 euros, du chef de l’acquisition de la [Adresse 12].

Statuant à nouveau condamne madame [U] [J] à rapporter à la succession la somme de 754.522,5 Euros.

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a dit que l’acquisition par Madame [U] [J] de 300 parts sociales de la SCI La Gorguette le 05 septembre 1978, constituait une donation indirecte rapportable à la succession d'[R] [X] Veuve [V]-[N],

L’infirme en ce qu’elle a condamné Madame [U] [J] à rapporter de ce chef à la succession la somme de 653 700 euros,

Statuant à nouveau condamne madame [U] [J] à rapporter à la succession la somme de 326.500 Euros de ce chef.

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a dit que l’acquisition par Madame [U] [J] des 345 actions de la SA Les Oiseaux cédées les 28 août et 26 décembre 1978 constituait une donation indirecte rapportable à la succession d'[R] [X] Veuve [V]-[N],

L’infirme en ce qu’elle a dit que l’acquisition par Madame [U] [J] des 45 actions de la SA Les Oiseaux cédées le 07 septembre 1988 et le 26 juin 1996 constituait une donation indirecte rapportable à la succession d'[R] [X] Veuve [V]-[N],

L’infirme en ce qu’elle a condamné Madame [U] [J] à rapporter à la succession les sommes de 803 850 euros pour les actions cédées en 1978 et de 104 850 euros pour les actions cédées en 1988 et 1996.

Statuant à nouveau condamne madame [U] [J] à rapporter à la succession de madame [R] [X] la somme de 401.925 Euros au titre de la cession des parts de la SA Les Oiseaux.

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande tendant à voir rapporter à la succession les sommes résultant du non versement de l’usufruit des parts sociales de la SCI La Gorguette et de la SCI Château de Bordeu ainsi que de l’usufruit des actions de la SA Les Oiseaux, consentis par Madame [J] à [R] [X] veuve [V]-[N],

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande tendant à voir rapporter à la succession la moitié des frais d’entretien de l’immeuble appartenant à la SCI Château de Bordeu,

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu d’appliquer l’article 700 du code de procédure civile et que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage,

Confirme la décision entreprise en ce qu’elle a accordé à Maître Elisabeth Recotillet, Maître Stéphanie Léandri, avocats, ainsi qu’à la SCP IMAVOCATS le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Ajoutant à la décision entreprise

Déboute madame [J] de sa demande tendant à la nullité du rapport d’expertise

Dit que madame [J] s’est rendue coupable de recel successoral et qu’elle ne pourra prétendre à aucune part dans les biens soumis à rapport.

Dit qu’elle devra les fruits et intérêts des biens soumis à rapport à compter de la date d’ouverture de la succession.

Dit que la demande tendant à la fixation d’une indemnité de réduction au bénéfice de monsieur [L] est prématurée en ce qu’elle suppose la liquidation préalable de la communauté ayant existé entre les époux [X] – [V] [N];

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que les dépens seront considérés comme frais de partage et en ordonne la distraction au profit des avocats qui en ont fait l’avance sur leurs affirmations de droits.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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