Designer : 17 décembre 2020 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/02708

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Designer : 17 décembre 2020 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/02708
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N° RG 19/02708

N° Portalis DBVX-V-B7D-MKCS

Décision du

Juge commissaire de LYON

Au fond

du 11 avril 2019

RG : 2018rj0174

SASU ICADE PROMOTION

C/

SASU PATRICOLA ENTREPRISE

SELARL ALLIANCE MJ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2020

APPELANTE :

SASU ICADE PROMOTION

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane BONNET de la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, toque : 502

INTIMÉES :

SASU PATRICOLA ENTREPRISE

Lieudit [Localité 6]

[Localité 4]

défaillante

SELARL ALLIANCE MJ, représentée par maître [Y] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PATRICOLA ENTREPRISE, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de LYON du 13 mars 2018.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL SEIGLE BARRIE ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 855

******

Date de clôture de l’instruction : 20 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Novembre 2020

Date de mise à disposition : 17 Décembre 2020

Audience tenue par Hélène HOMS, président, et Catherine CLERC, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier

A l’audience, Hélène HOMS a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne-Marie ESPARBÈS, président

– Hélène HOMS, conseiller

– Catherine CLERC, conseiller

Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Elsa MILLARY, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le cadre du programme de construction immobilière dans la ZAC Confluence à [Localité 7], prévoyant la construction de huit bâtiments, une cour jardinée et des commerces, la SASU Icade Promotion, maître d’ouvrage, a confié à la SASU Patricola Entreprise (société Patricola) la réalisation de divers lots (chauffage, ventilation, climatisation, plomberie, forages et production de froid), pour un prix établi, suite à divers avenants à la somme de 6’931’838,16’€ HT soit 8’318’205,79’€ TTC.

Par jugement du 8 février 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé le redressement judiciaire de la société Patricola.

Sur mise en demeure de la société Icade, l’administrateur judiciaire a opté pour la poursuite du contrat.

Par jugement du 13 mars 2018, le tribunal de commerce de Lyon a adopté le plan de cession de la société Patricola au profit de SPIE Batignolles Energie ; l’administrateur judiciaire a informé la société Icade de la résiliation du marché à compter du 12 mars 2018 à 24h.

Par jugement du 3 avril 2018, la liquidation judiciaire de la société Patricola a été prononcée, la SELARL Alliance MJ représentée par Me [Y] [J] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 9 avril 2018, la société Icade a déclaré une créance de 1’842’677,36’€ TTC ; elle a réitéré cette déclaration le 23 avril 2018.

Le 5 décembre 2018, le liquidateur judiciaire de la société Patricola a contesté la créance déclarée au motif que la société Icade n’a pas produit les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance s’agissant’:

des règlements effectués au profit des sous-traitants au titre desquels est déclarée une créance de 1’038’560,28’€,

des pénalités appliquées en raison de l’absence de cautionnement bancaire du sous-traitant Idex pour un montant de 536’062’€,

du décompte en jours des pénalités de retard déclarées pour un montant de 22’500’€.

La société Icade a répondu le 20 décembre 2020 et a maintenu sa créance.

Par ordonnance du 11 avril 2019, le juge-commissaire a rejeté la créance de la société Icade et dit que les dépens seront tirés en frais de procédure.

La société Icade a interjeté appel par acte du 17 avril 2019 en intimant la SELARL Alliance MJ en qualité de mandataire judiciaire de la société Patricola.

Le conseiller de la mise en état a enjoint les parties de conclure sur la recevabilité de l’appel formé sans intimer la société Patricola dans un litige indivisible à son égard.

Par acte du 2 juillet 2019, la société Icade a déposé une seconde déclaration d’appel en intimant la société Patricola.

Par ordonnance du 15 octobre 2019, le conseiller de la mise en état, au vu de la nouvelle déclaration d’appel, a déclaré la société Icade recevable en son appel.

La société Icade a conclu le 3 juillet 2019 dans la première procédure et la SELARL Alliance MJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Patricola le 10 février 2020.

Cette procédure a été clôturée le11 février 2020.

Dans la seconde procédure, la société Icade a conclu le 10 juin 2010 ; la société Patricola n’a pas constitué avocat (la déclaration d’appel lui a été notifiée le 11 juillet 2019 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile).

Cette procédure a été clôturée le 11 juin 2010.

Par arrêt de défaut du 15 juillet 2020, la cour a :

ordonné la jonction des deux procédures formées contre la même décision dans un litige indivisible,

révoqué les ordonnances de clôture, les deux procédures ayant suivi un circuit différent,

renvoyé l’affaire à l’audience du 5 novembre 2020,

enjoint aux parties de déposer des conclusions récapitulatives avant le 29 octobre 2020.

Par conclusions déposées le 8 octobre 2020 fondées sur les articles L.’622-13 et L.’622-24 du code de commerce, la société Icade demande à la cour de’:

à titre principal,

juger que sa demande d’admission de créance ne rencontre aucune contestation sérieuse,

réformer l’ordonnance du 11 avril 2019 en ce qu’elle a rejeté sa créance et dit que la décision serait mentionnée sur la liste des créances,

juger bien fondée la créance déclarée au passif de la société Patricola à hauteur de 1’842’677,36’€ TTC,

juger non-fondée la contestation émise par le liquidateur judiciaire à l’encontre de cette créance,

en conséquence, juger que sa créance sera inscrite au passif de la société Patricola à hauteur de 1’842’677,36’€ TTC,

à tout le moins, constater que le liquidateur judiciaire a accepté partiellement la créance déclarée pour 1’412’497,31’€ TTC, en ce qu’il a limité sa contestation,

en conséquence, juger que sa créance sera inscrite au passif de la société Patricola à hauteur de 1’412’497,31’€ TTC,

à titre subsidiaire,

juger que le rejet de sa créance souffre de contestations sérieuses,

surseoir à statuer sur l’admission de sa créance,

désigner la partie tenue de saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion,

condamner la SELARL Alliance MJ aux entiers frais et dépens.

Par conclusions déposées le 16 octobre 2020, au visa des articles L.’622-24, L.’624-2, L.’641-3, R.’622-23 et R.’624-5 du code de commerce, de l’article 1152 ancien du code civil, des articles 12, 13, 14, et 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, la SELARL Alliance MJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Patricola, demande à la cour de :

juger que la contestation de la créance déclarée par la société Icade relève du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire et de la cour d’appel statuant en matière de vérification des créances,

juger que le décompte général et définitif dont se prévaut la société Icade est un simple document rédigé sur une feuille blanche sans en-tête, sans aucun tampon commercial et sans aucune signature et qu’il est, en conséquence, dénué de la moindre valeur juridique et de toute valeur probante,

juger que ce n’était pas au maître de l’ouvrage d’établir le décompte général définitif et qu’il s’agit, dès lors, d’une preuve à soi-même,

juger que, faute de décompte général et définitif notifié et accepté, il n’est pas possible de connaître le montant de la créance dont se prévaut la société Icade,

en conséquence,

confirmer, en toutes ses dispositions, l’ordonnance querellée,

à titre subsidiaire,

surseoir à statuer sur l’admission de la créance déclarée par la société Icade,

designer la partie tenue de saisir la juridiction compétente dans un délai d’un mois à compter de la notification ou de la réception de l’avis délivré à cette fin, à peine de forclusion,

à titre infiniment subsidiaire,

juger que la société Icade ne sera tenue de payer, au titre de l’action directe, que les réclamations des sous-traitants qui lui ont effectivement adressé une copie de la mise en demeure de l’entrepreneur principal,

juger que la société Icade n’est pas fondée à déclarer, au titre de l’action directe des sous-traitants, une créance supérieure à celle effectivement déclarée par les sous-traitants eux-mêmes,

juger qu’en tout état de cause, les obligations du maître d’ouvrage à l’égard des sous-traitants ne sont limitées qu’à ce qu’il doit encore à l’entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure,

juger que la société Icade n’a pas veillé à assurer l’efficacité des mesures mises en ‘uvre pour satisfaire aux obligations mises à sa charge par l’article 14-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,

juger que la société Icade n’a sollicité, s’agissant du sous-traitant Idex, que la transmission d’une caution bancaire complémentaire,

en conséquence,

rejeter les créances déclarées au titre des pénalités de retard ou, à défaut, les réduire substantiellement,

admettre partiellement la créance de la société Icade au titre des réclamations dans la seule limite de ce que la société Icade lui devait encore,

en tout état de cause,

condamner la société Icade aux entiers dépens,

condamner la société Icade à verser à la SELARL Alliance MJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Patricola la somme de 3’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Au soutien de son appel, la société Icade fait grief au juge-commissaire d’avoir rejeté intégralement sa créance en statuant sur des moyens qui n’étaient pas invoqués en contradiction avec les dispositions de l’article L. 624-2 du code de commerce aux termes desquels il devait soit, considérer les moyens de contestation comme non sérieux et admettre sa créance soit, constater que la contestation ne relevait pas de sa compétence et renvoyer les parties à saisir la juridiction compétente.

Elle défend le caractère non sérieux des contestations au motif que sa créance est établie par un décompte général définitif (le DGD) incontesté et incontestable puisque prenant acte de la résiliation du marché, elle a convoqué la société Patricola pour dresser un état quantitatif et qualitatif des travaux réalisés afin d’arrêter le DGD mais que l’administrateur judiciaire n’a pas souhaité participer à cet état ; qu’elle a donc établi le DGD conformément au processus contractuellement convenu pour l’apurement des comptes et l’a notifié au liquidateur comme prévu par le cahier des clauses administratives particulières (le CCAP) ; que faute de contestation dans le délai contractuel de 30 jours, ce DGD est réputé avoir été accepté et ne peut plus être contesté.

Par ailleurs, elle argumente sur chaque poste de sa créance pour démontrer que les contestations du liquidateur ne sont pas sérieuses et elle conclut que si ces contestations sont sérieuses, elles s’opposent au rejet de sa créance.

La SELARL Alliance MJ réplique que le juge-commissaire n’est pas tenu de suivre la proposition du représentant des créanciers d’admission ou de rejet d’une créance ce qui rend inopérante la contestation de la société Icade sur le rejet de la totalité de la créance qui n’était que partiellement contestée.

Pour soutenir la confirmation de la décision déférée, elle fait valoir que si l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat ne constituent pas l’objet du litige, le juge-commissaire peut examiner les stipulations du contrat et déterminer si les procédures à suivre par les parties en cas d’exécution défectueuse ont été respectées, dès lors que l’admissibilité de la créance dépend de ses démarches ; qu’en l’espèce le rejet de la créance ne soulève aucune contestation sérieuse, le juge-commissaire s’étant contenté de vérifier la certitude de la créance en contrôlant le DGD et en jugeant qu’il était dépourvu de toute valeur probante ; qu’il entre bien dans ses pouvoirs juridictionnels de vérifier la justification de la créance ; que de plus, n’ayant pas notifié le DGD à la société Patricola pour le rendre définitif, la société Icade ne justifie ni de l’existence, ni du montant ni de la nature de la créance par une preuve qu’elle s’est constituée à soi-même.

L’article L. 622-24 du code de commerce oblige tout créancier dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture à la déclarer entre les mains du mandataire judiciaire même si elle n’est pas établie par un titre en précisant que celles dont le montant n’est pas définitivement fixé sont déclarées sur la base d’une évaluation.

L’article L. 622-25 du même code précise notamment que la déclaration porte sur le montant dû au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances et indication de la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.

L’article R. 622-23 du code de commerce dispose :

“Outre les indications prévues à l’article L. 622-25, la déclaration de créance contient’:

1° les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n’a pas encore été fixé,

2° les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’a pas été arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté,

3° l’indication de la juridiction saisie si la créance fait l’objet d’un litige.

A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n’auraient pas été joints”.

L’article L. 624-2 du même code prévoit :

“Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l’admission ou du rejet des créances ou constate que soit une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l’absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l’a désigné, pour statuer sur tous moyens opposés à la demande d’admission”.

En l’espèce, la société Icade a joint à sa déclaration de créance un DGD qu’elle a précisé avoir établi conformément aux règles contractuellement établies et qui selon elle justifie l’existence et le montant des créances déclarées.

D’une part, ainsi que le fait valoir le liquidateur et l’a retenu le juge-commissaire, ce décompte est établi sur une feuille banche sans en-tête, sans tampon commercial et sans signature ce qui ne permet pas de connaître son auteur.

D’autre part, contrairement à ce que soutient la société Icade, ce décompte n’a pas été établi conformément au processus contractuellement convenu pour l’apurement des comptes.

En effet, selon l’article B. 3. 2. 8. 2 du CCAP, le décompte définitif est établi par le maître d”uvre qui le transmet dans un certain délai au maître de l’ouvrage lequel dispose de certains délais pour notifier, par tous moyens permettant de donner date certaine, à l’entrepreneur le décompte définitif ; l’entrepreneur dispose alors de 30 jours à compter de la notification pour présenter par écrit ses observations éventuelles au maître d”uvre et au maître d’ouvrage simultanément ; passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif ; en cas d’observations de l’entrepreneur, le maître de l’ouvrage dispose, après avis du maître d”uvre, d’un délai de 30 jours pour faire connaître par écrit à l’entrepreneur s’il accepte ou non ces observations ; passé ce délai, en cas de silence de sa part, le maître de l’ouvrage est réputé avoir accepté ces observations.

En l’espèce, la société Icade dit avoir établi elle-même le DGD qu’elle produit et elle ne l’a pas notifié à la société Patricola ni au liquidateur, le fait que ce DGD soit joint à la déclaration de créances comme justificatif de celle-ci, en application des dispositions du code du commerce ne vaut pas notification, en application des dispositions contractuelles, aux fins de recueillir les observations et éventuellement de modifier le décompte, étant, au contraire, présenté comme régulièrement et définitivement établi et justifiant la créance déclarée ce qui n’est pas le cas.

La société Patricola, ne peut donc être réputée avoir accepté ce décompte pas plus que le liquidateur.

Dans ces conditions, c’est à bon droit que le juge-commissaire, qui n’est pas tenu de suivre les propositions du liquidateur, a rejeté la créance à laquelle n’est pas joint un justificatif probant, ce qui relève de son pouvoir de détermination de l’existence de la créance, auquel n’échappent pas les contestations émises.

L’ordonnance déférée est confirmée.

La société Icade doit supporter les dépens d’appel et verser une indemnité de procédure au liquidateur.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt de défaut,

Confirme l’ordonnance déférée,

Condamne la SASU Icade Promotion à verser à la SELARL Alliance MJ Synergie représentée par Me [Y] [J] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Patricola Entreprise une indemnité de 1’500’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SASU Icade Promotion aux dépens d’appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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