Désignation d’un expert pour établir la preuve des désordres invoqués dans un litige de construction

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Désignation d’un expert pour établir la preuve des désordres invoqués dans un litige de construction

Résumé de l’affaire

La SCI GAP INVEST a assigné en référé la SAS CHRONOPOST, la SARL CEMLOC SERVICES, la SARL MG SANTOS, la SA AXA FRANCE IARD et la SA MAAF ASSURANCES afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire. La SCI GAP INVEST a donné à bail commercial à la SAS CHRONOPOST deux bâtiments et des travaux de réhabilitation ont été réalisés. Des problèmes ont été constatés avec les installations des équipements de quai et des travaux de renforcement ont été effectués. Les parties s’opposent sur les causes des désordres. L’affaire a été mise en délibéré pour le 30 juillet 2024.

L’essentiel

Motifs de la décision

En application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

La SCI GAP INVEST justifie par la production du bail commercial du 19 mai 2020 et ses annexes, du procès-verbal de constat du 4 janvier 2021, de divers Kbis, de divers devis et factures, de plusieurs attestations d’assurance, de courriers et courriels, de la note technique établie le 4 septembre 2023 par Monsieur [Y], des notes techniques et complémentaire sur les butoirs de quais établies le 23 octobre 2023 et le 2 février 2024 par le Bureau d’Etudes Techniques NIBSOS DESIGN et de la note de calculs intitulée «butoir de protection de quai CHRONOPOST» établie le 23 novembre 2023 par la société SEMEFER, rendant vraisemblable l’existence des désordres invoqués, d’un motif légitime pour obtenir la désignation d’un expert en vue d’établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

Concernant la mission confiée à l’expert, il convient de rappeler que, conformément à l’article 265 du code de procédure civile, le juge, après s’être prononcé sur la nécessité de recourir à l’expertise et après avoir choisi l’expert, fixe les termes et l’étendue de la mission.

Quant à la demande de complément de mission, les points d’extension sollicités par la SA AXA FRANCE IARD sont déjà envisagés par l’expertise ordonnée, ainsi cette demande est sans objet.

Il sera donc fait droit à la demande, aux frais avancés et partagés de la SCI GAP INVEST et de la SAS CHRONOPOST, dans les termes du dispositif ci-dessous.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 juillet 2024
Tribunal judiciaire d’Évry
RG
24/00631
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au Nom du Peuple Français

Tribunal judiciaire d’EVRY
Pôle des urgences civiles
Juge des référés

Ordonnance du 30 juillet 2024
MINUTE N° 24/______
N° RG 24/00631 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QEUX

PRONONCÉE PAR

Anna PASCOAL, Vice-Présidente,
Assistée de Fabien DUPLOUY, greffier, lors des débats à l’audience du 9 juillet 2024 et lors du prononcé

ENTRE :

S.C.I. SCI GAP INVEST
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Cassandre HUCHET de la SELARL CHELLAT-PILPRE-HUCHET, avocate postulante au barreau de l’ESSONNE et par Maître Mathilde DRIANCOURT, demeurant [Adresse 8], avocate plaidante au barreau de SAINT-NAZAIRE

DEMANDERESSE

D’UNE PART

ET :

S.A.S. CHRONOPOST
dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Maître Justine DOUBLAIT, avocate postulante au barreau de l’ESSONNE et par Maître Anne-Sophie CANTREL, avocate plaidante au barreau de PARIS, vestiaire : C1505

S.A.R.L. CEMLOC SERVICES
dont le siège social est sis [Adresse 18]

non comparante ni constituée

S.A.R.L. MG SANTOS
dont le siège social est sis [Adresse 10]

non comparante ni constituée

S.A. AXA FRANCE IARD
dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Maître Sandrine DRAGHI ALONSO de la SELEURL SELARL CABINET DRAGHI-ALONSO, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : D1922

S.A. MAAF ASSURANCES
dont le siège social est sis [Adresse 13]

non comparante ni constituée

DÉFENDERESSES
D’AUTRE PART

ORDONNANCE : Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort.

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte délivré les 3, 4, 5, 6 et 12 juin 2024, la SCI GAP INVEST a assigné en référé devant le président du tribunal judiciaire d’Evry, la SAS CHRONOPOST, la SARL CEMLOC SERVICES, la SARL MG SANTOS, la SA AXA FRANCE IARD et la SA MAAF ASSURANCES, au visa de l’article 145 du code de procédure civile afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.

Au soutien de sa demande, la SCI GAP INVEST expose que :
– par acte du 19 mai 2020, elle a donné à bail commercial à la SAS CHRONOPOST deux bâtiments situés au sein d’un ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 14], édifié en 1990 pour lequel elle a entrepris d’importants travaux de réhabilitation en 2020, à usage d’activité de transporteur en messagerie express, pour une durée de onze années entières et consécutives prenant effet à compter du 4 janvier 2021,
– avant même la conclusion du bail, la SAS CHRONOPOST lui a communiqué un programme de projet de travaux, base de travail à l’éIaboration des devis de réhabilitation du site, et elles ont convenu d’une réhabilitation globale permettant ainsi une livraison conforme au cahier des charges, dont l’enveloppe a été répartie ainsi :
– les travaux réalisés par la SCI GAP INVEST et à sa charge, pour un montant prévisionnel de 5.365 074 61 euros HT,
– les travaux réalisés par la SAS CHRONOPOST et à sa charge, pour un montant prévisionnel de 548.896,46 euros HT,
– conformément au programme des travaux, la conception, la réalisation et l’instalIation des équipements de quais (butoirs et niveleurs de quai) ont été confiées par la SCI GAP INVEST à la SARL CEMLOC SERVICES, et la reprise du béton des murs de soubassement des quais à la SARL MG SANTOS, étant toutes deux titulaires d’un contrat d’assurance de responsabilité de nature décennale souscrit auprès de la SA AXA FRANCE IARD et la SA MAAF ASSURANCES,

– le chantier a été mis en œuvre du 1er juin 2020 au 1er janvier 2021,
– dès septembre 2022, elle a été informée des problématiques rencontrées avec les installations des équipements de quai effectuées en 2020,
– à ce titre, pour des raisons de sécurité, des premiers travaux de renforcement sur trois butoirs de quai ont été effectués à l’initiative de la SAS CHRONOPOST par la SARL CEMLOC SERVICES afin de préserver l’exploitation du site,
– dans le cadre des échanges intervenus depuis février 2023, la SAS CHRONOPOST et elle s’accordent sur l’objectif de trouver des solutions pour s’assurer de la protection du bâtiment et maintenir l’exploitation du site mais s’opposent sur les causes des désordres constatés.

A l’audience du 9 juillet 2024, la SCI GAP INVEST a soutenu son acte introductif d’instance et déposé ses pièces telles que visées dans l’assignation, précisant solliciter le partage des frais de consignation avec la SAS CHRONOPOST.

La SAS CHRONOPOST, représentée par son conseil, s’est référée à ses conclusions en réponse aux termes desquelles, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, elle forme protestations et réserves sur la mesure sollicitée et s’associe à la demande de frais partagés.

La SA AXA FRANCE IARD, représentée par avocat, a soutenu ses conclusions formant, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, protestations et réserves et sollicitant des modifications de la mission de l’expert.

Bien que régulièrement assignées, la SARL CEMLOC SERVICES, la SARL MG SANTOS et la SA MAAF ASSURANCES n’ont pas comparu et n’ont pas constitué avocat.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience ainsi qu’à la note d’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 30 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.

La SCI GAP INVEST justifie par la production du bail commercial du 19 mai 2020 et ses annexes, du procès-verbal de constat du 4 janvier 2021, de divers Kbis, de divers devis et factures, de plusieurs attestations d’assurance, de courriers et courriels, de la note technique établie le 4 septembre 2023 par Monsieur [Y], des notes techniques et complémentaire sur les butoirs de quais établies le 23 octobre 2023 et le 2 février 2024 par le Bureau d’Etudes Techniques NIBSOS DESIGN et de la note de calculs intitulée «butoir de protection de quai CHRONOPOST» établie le 23 novembre 2023 par la société SEMEFER, rendant vraisemblable l’existence des désordres invoqués, d’un motif légitime pour obtenir la désignation d’un expert en vue d’établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

Concernant la mission confiée à l’expert, il convient de rappeler que, conformément à l’article 265 du code de procédure civile, le juge, après s’être prononcé sur la nécessité de recourir à l’expertise et après avoir choisi l’expert, fixe les termes et l’étendue de la mission.

Quant à la demande de complément de mission, les points d’extension sollicités par la SA AXA FRANCE IARD sont déjà envisagés par l’expertise ordonnée, ainsi cette demande est sans objet.

Il sera donc fait droit à la demande, aux frais avancés et partagés de la SCI GAP INVEST et de la SAS CHRONOPOST, dans les termes du dispositif ci-dessous.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort :

ORDONNE une mesure d’expertise et DESIGNE en qualité d’expert :

Monsieur [E] [R]
expert judiciaire près la cour d’appel de Paris
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 9]
port. : [XXXXXXXX02]
email : [Courriel 16]

avec mission de :

– relever et décrire les désordres allégués dans l’assignation et les pièces telles que visées dans le bordereau de communication de pièces annexé affectant l’ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 14] (91),
– en détailler l’origine, les causes et l’étendue et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres sont imputables et dans quelles proportions,
– en cas de désordres constatés rechercher si les désordres proviennent également d’une non-conformité aux règles de l’art ou aux documents contractuels, d’une exécution défectueuse, et/ou d’un défaut de conseil,
– indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique des ouvrages et plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,
– déterminer la date d’apparition des désordres,
– à partir de devis d’entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d’œuvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l’ouvrage et sur le coût des travaux utiles,
– donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée par les parties,
– plus généralement, fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer s’il y a lieu les préjudices subis,
– faire les comptes entre les parties ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 278 du code de procédure civile, l’expert peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

DIT que pour procéder à sa mission l’expert devra :
– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés,
– se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis,
– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations, l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
– en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
– en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent ;
– en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;
– en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

– au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex: réunion de synthèse ; communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
– en fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,
– en rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.

DIT qu’en cas d’urgence ou de péril en la demeure reconnue par l’expert, l’expert déposera un pré-rapport, ou une note aux parties valant pré-rapport, précisant la nature, l’importance et le coût de ces travaux ;

DIT que sur avis de l’expert, le demandeur ou tout autre partie concernée par lesdits désordres pourra faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, sous la direction du maître d’œuvre de la demanderesse, par des entreprises qualifiées de son choix ;

FIXE à la somme de 3.000 euros le montant de la provision concernant les frais d’expertise qui devra être consignée par moitié par la SCI GAP INVEST et par moitié par la SAS CHRONOPOST auprès du régisseur d’avances et de recettes de ce tribunal, [Adresse 12] à [Localité 15] ([Courriel 17] / tél : [XXXXXXXX01] ou [XXXXXXXX011]) dans un délai de six semaines au plus tard après la date de délivrance par le greffe aux parties de la présente ordonnance, sans autre avis ;

DIT que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet ;

DIT que l’expert sera saisi de sa mission par l’envoi d’une copie certifiée conforme de la présente ordonnance et ne commencera ses opérations qu’après avis de la consignation qui lui sera adressée par le greffe ;

DIT que l’expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport, auquel sera joint, le cas échéant, l’avis du technicien qu’il s’est adjoint, sous la forme d’un exemplaire papier et numérique sous la forme d’un fichier PDF (CD ou clé USB) au greffe du service du contrôle des expertises du tribunal judiciaire d’Evry, [Adresse 12] à Evry dans un délai de 6 mois à compter de l’avis de la consignation effectuée qui lui sera adressée par le greffe, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

DIT que l’expert judiciaire adressera un exemplaire de son rapport à chacune des parties sous la forme papier ou numérique en fonction du choix des parties et à défaut de précision sous la forme numérique et en fera mention dans son rapport ;

DIT qu’en déposant son rapport, l’expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération ;

DIT que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le magistrat en charge du contrôle des expertises ;

INVITE les parties, dans le but de limiter les frais d’expertise, à utiliser la voie dématérialisée via l’outil OPALEXE pour leurs échanges contradictoires avec l’expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure d’expertise ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire ;

LAISSE les dépens à la charge de la SCI GAP INVEST.

Ainsi fait et prononcé par mise à disposition au greffe, le 30 juillet 2024, et nous avons signé avec le greffier.

Le Greffier, Le Juge des Référés,


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