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9 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/02907
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 MARS 2023
N° RG 21/02907 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UPPL
AFFAIRE :
SAS PARK ALIZES
C/
S.A.S. [Localité 4] INVEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Mars 2021 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 8
N° RG : 19/00980
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Fabrice HONGRE- BOYELDIEU
Me Pascale REGRETTIER- GERMAIN
TJ NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SAS PARK ALIZES
RCS Paris n° 442 414 207
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Justine LE CALVEZ substituant à l’audience Me Philippe RIGLET de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
APPELANTE
****************
S.A.S. [Localité 4] INVEST
RCS Nanterre n° 513 228 239
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 et Me Samuel LEMAÇON et Me Gérard MOIRE de la SELAFA JEAN CLAUDE COULON ET ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0002
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 Novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
La société Park Alizés exerce l’activité d’exploitation de parcs de stationnement.
Le 12 octobre 2009, la ville d'[Localité 4] a conclu avec la société [Localité 4] Invest un bail emphytéotique administratif portant sur un terrain afin d’y réaliser un ensemble immobilier comportant une partie affectée au nouveau Palais des Congrès de la ville d’Antibes et une partie affectée à des activités commerciales ainsi qu’à un parc de stationnement.
Dans ce contexte, la société [Localité 4] Invest a décidé de confier l’exploitation du futur parc de stationnement à la société Park Alizés.
M. [Z] était à la fois gérant de la société Cixis -associée unique de la société Park Alizés- et président de la société [Localité 4] Invest.
Le 21 octobre 2010, la société [Localité 4] Invest a conclu un bail commercial en l’état futur d’achèvement avec la société Park Alizés, portant sur les locaux sis [Adresse 3], moyennant un loyer constitué d’un loyer minimum garanti de 698.190 € HT et HC, et d’un loyer variable dû à compter de la 5ème année, correspondant à 50 % HT de la différence positive entre le chiffre d’affaires HT effectivement réalisé et le seuil de 1.000.000€ HT.
Ce bail prévoit que sa prise d’effet est fixée au jour de la livraison des locaux loués, ainsi qu’une franchise pour les loyers des quatre premières années.
Le 3 juillet 2013, les parties ont signé un avenant au bail et convenu d’un droit d’entrée de1.000.000 € HT à la charge de la société Park Alizés.
Le 14 novembre 2013, les parties ont signé un 2ème avenant afin d’acter la date de livraison des locaux loués au 28 février 2013.
Le 8 décembre 2015, un 3ème avenant a été signé entre les parties aux termes duquel la société [Localité 4] Invest a consenti à la société Park Alizés une franchise supplémentaire au titre de l’année 2014 de 45.495 € HT/HC, ainsi qu’un réaménagement de la montée en charge de la partie fixe du loyer à compter du 1er janvier 2015.
Par acte du 24 janvier 2019, la société Park Alizés a assigné la société [Localité 4] Invest devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir prononcer la nullité du bail commercial du 21 octobre 2010.
Le 12 février 2019, la société [Localité 4] Invest a délivré à la société Park Alizés un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 367.373,48 €.
A la suite de l’assignation du 24 janvier 2019, le tribunal judiciaire de Nanterre a, par jugement du 8 mars 2021 :
– débouté la société Park Alizés de sa demande en nullité du bail commercial du 21 octobre 2010 ;
– condamné la société Park Alizés à payer à la société [Localité 4] Invest la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Park Alizés aux dépens ;
– rejeté toute autre demande ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration du 4 mai 2021, la société Park Alizés a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 3 février 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles a :
– Déclaré recevable la prétention formée par la société Park Alizés tendant d’une part au prononcé de la nullité de l’avenant au bail n°1, d’autre part à la condamnation de la société [Localité 4] Invest à restituer le droit d’entrée d’un montant d’un million d’€ réglé en application de cet avenant ;
– Dit n’y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles ;
– Dit que les dépens de l’incident suivront le sort de l’instance principale.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2022, la société Park Alizés demande à la cour de :
– Infirmer le jugement rendu le 8 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il a:
– Débouté « la société Park Alizés de sa demande en nullité du bail commercial du 21 octobre 2010 » ;
– Condamné « la société Park Alizés à payer à la société [Localité 4] Invest la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile » ;
– Condamné « la société Park Alizés aux entiers dépens » ;
En conséquence et statuant à nouveau,
A titre principal,
– Juger que le consentement de la société Park Alizés au bail commercial en date du 21 octobre 2010 a été vicié ;
En conséquence,
– Prononcer la nullité du bail commercial conclu le 21 octobre 2010 ;
– Condamner la société [Localité 4] Invest à restituer l’ensemble des loyers versés par la société Park Alizés au titre du bail commercial du 21 octobre 2010 et le droit d’entrée d’un montant d’1.000.000 d’€ réglé aux termes de l’avenant n°1 en date du 3 juillet 2013 ;
– Fixer l’indemnité d’occupation due par la société Park Alizés depuis le 28 février 2013 à la valeur locative ;
Dans l’hypothèse où la Cour ne s’estimerait pas suffisamment éclairée,
– Désigner tel expert qu’il plaira à Madame ou Monsieur le Président, avec pour mission de donner son avis sur la valeur locative au 28 février 2013 ;
A titre subsidiaire,
– Juger que le consentement de la société Park Alizés à l’avenant n°1 au bail du 3 juillet 2013 a été vicié ;
– Juger que l’avenant n°1 au bail du 3 juillet 2013 consacrant l’obligation de verser un droit d’entrée d’1.000.000 € HT était dépourvu de toute contrepartie ;
En conséquence,
– Prononcer la nullité de l’avenant n°1 au bail du 3 juillet 2013 ;
– Condamner la société [Localité 4] Invest à restituer le droit d’entrée d’un montant d’1.000.000 € réglé en application de l’avenant n°1 en date du 3 juillet 2013 ;
En tout état de cause,
– Condamner la société [Localité 4] Invest au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société [Localité 4] Invest aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 19 octobre 2022, la société [Localité 4] Invest demande à la cour de :
– Déclarer mal fondé l’appel interjeté par la société Park Alizés et l’en débouter ;
– Recevoir la société [Localité 4] Invest en ses présentes conclusions et demandes et les déclarer recevables et bien fondées ;
Y faisant droit,
Sur les demandes principales de la société Park Alizés,
– Déclarer que le consentement donné par la société Park Alizés au bail du 21 octobre 2010 est dénué de tout vice de violence ;
– Déclarer que le bail du 21 octobre 2010 ne présente aucun déséquilibre significatif dans les obligations réciproques des parties ;
A défaut et subsidiairement de ce chef,
– Déclarer que la société Park Alizés a confirmé le bail du 21 octobre 2010, au sens des dispositions des articles 1115 et 1338 anciens du code civil, à l’occasion de la cession du 15 avril 2014 mais également lors de la conclusion de l’avenant en date du 8 décembre 2015 ;
En conséquence,
– Confirmer le jugement du 8 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’il: « déboute la société Park Alizés de sa demande de nullité du bail commercial du 21 octobre 2010 » ;
Sur la demande subsidiaire de la société Park Alizés,
– Débouter la société Park Alizés de sa demande de voir prononcer la nullité de l’avenant n°1 au bail du 3 juillet 2013 et déclarer que les sommes versées par exécution de cet accord restent dues à la société [Localité 4] Invest ;
En tout état de cause,
– Débouter la société Park Alizés de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Confirmer le jugement rendu le 8 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions ;
– Condamner la société Park Alizés à payer à la société [Localité 4] Invest la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Park Alizés aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 novembre 2022.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la nullité du bail commercial du 21 octobre 2010
La société Park Alizés rappelle que les deux sociétés avaient des liens importants lors de la conclusion du bail, puisqu’elle était contrôlée par M. [H] [Z] qui était aussi gérant de la société [Localité 4] Invest, et soutient que le bail a été conclu dans des conditions très favorables pour le bailleur.
Elle fait état du contexte général de contrainte exercée par M. [Z], dont la preuve matérielle est difficile à rapporter après la cession des actions de la société Park Alizés à une société extérieure. Elle dénonce le rôle prépondérant de M. [Z] au sein du groupe de sociétés auquel appartenaient les sociétés liées par le bail, et le caractère déséquilibré dudit contrat.
Elle relève, au titre des clauses très avantageuses pour le bailleur, une durée du contrat de 12 années sans possibilité de révision triennale, et les dispositions relatives au loyer de renouvellement, qui garantissent au bailleur que le nouveau loyer sera revalorisé à la valeur locative du marché, et ne sera pas inférieur au loyer initialement fixé. Elle ajoute que le bail met à sa charge l’ensemble des travaux liés aux locaux loués, ainsi que les taxes et charges y afférentes, ce alors que le loyer est hors marché au regard du chiffre d’affaires pouvant être généré, et qu’il a été mis à sa charge, trois années après la conclusion du bail, un droit d’entrée d’un montant particulièrement important, d’un million d’€. Elle déduit de l’ensemble de ces clauses l’existence d’un réel déséquilibre entre les parties, le contexte de contrainte subie par la société Park Alizés. Elle affirme n’avoir pas consenti de manière libre au bail, étant soumise à l’influence de son contractant par M. [Z], ce qui justifie le prononcé de la nullité du bail pour violence.
Après avoir rappelé les textes régissant la violence en droit des contrats, la société [Localité 4] Invest soutient que la société Park Alizés peine à rapporter la preuve des faits de violence qu’elle dénonce, et que les liens entre les deux sociétés n’ont jamais été dissimulés. Elle ajoute que le fait que son président M. [Z] ait été le gérant de la société Cixis, associée de la société Park Alizés, ne peut révéler un fait de violence ou consacrer un déséquilibre entre les obligations respectives des parties.
Elle conteste le déséquilibre du contrat, relevant qu’il s’agit d’un bail commercial en l’état futur d’achèvement, ce qui explique sa durée de 12 années et le fait qu’il contienne une renonciation du preneur à la faculté de renonciation triennale. Elle fait état des franchises reconnues à la société Park Alizés, et des avenants n°2 et 3 prévoyant une baisse du dépôt de garantie et une franchise de loyer supplémentaire. Elle affirme que l’équilibre du contrat imposait que le preneur s’engage pour une durée ferme.
Elle indique, concernant la disposition relative à la fixation du loyer, que les parties peuvent librement convenir des modalités de fixation du loyer renouvelé, que l’application de la méthode hôtelière aboutirait probablement à un loyer bien supérieur à celui de la méthode par comparaison. Elle rappelle qu’il s’agit d’un parking neuf, soit des locaux monovalents qui ne peuvent bénéficier d’un abattement sur la valeur locative, ainsi que les franchises de loyers octroyées.
Elle relève que le contrat ayant été conclu avant la loi Pinel, le transfert des charges imputables au preneur était possible, qu’il est toujours possible après, et que l’appelante ne justifie d’aucune pièce sur la rentabilité du parc de stationnement, illustrant l’économie du contrat.
Elle avance que le montant du loyer reflète la libre négociation entre les parties, qu’en matière de bail en l’état futur d’achèvement le loyer est davantage fixé en fonction d’un ratio financier qu’en fonction de la valeur locative, que ce contexte peut expliquer la part fixe et la part variable du loyer. Elle affirme que la société Park Alizés ne démontre pas le caractère exorbitant du loyer.
Elle rappelle que le droit d’entrée n’est pas interdit et constitue une pratique courante, que le parc de stationnement est attenant au palais des congrès et à sa galerie commerçante, et que ce droit d’entrée n’a été prévu que par avenant du 3 juillet 2013 car les locaux ont été livrés le 28 février 2013 et que l’ouverture au public est intervenue le 8 juillet 2013, de sorte qu’il était logique que le droit d’entrée ne soit pas exigé lors de la conclusion du bail.
*****
Selon l’article 1109 ancien du code civil, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
Dans sa version applicable aux faits de l’espèce, l’article 1112 al 1er du code civil prévoit qu’ ‘il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent’.
Il revient à la partie qui dénonce les violences qui auraient vicié son consentement, d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, la société Park Alizés fait état d’un contexte général de contrainte, en indiquant que si son directeur général était M. [U], elle était en réalité contrôlée par M. [Z], qui était à la fois gérant de la société Cixis -associée unique de la société Park Alizés- et président de la société [Localité 4] Invest.
Il résulte des statuts de la société Park Alizés qu’elle avait pour associée la société Cixis, qui détenait selon ses statuts l’intégralité de ses actions, et dont le gérant est M. [Z] ; la société Cixis est elle-même détenue par la société Financière [Z], dont le président est M. [Z].
De même, les statuts de la société [Localité 4] Invest montrent qu’elle avait pour associées les sociétés Imfined et ‘Patrimoine et Partenariats Publics’, qui avaient toutes les deux pour gérant M. [Z]. Celui-ci a aussi été le premier président de la société [Localité 4] Invest.
Pour autant, le fait que M. [Z] ait été à la fois le président de la société [Localité 4] Invest et qu’il pouvait via la société Cixis exercer un contrôle sur la société Park Alizés ne saurait en lui-même établir la violence subie par cette dernière lors de la conclusion du bail du 21 octobre 2010.
Comme le jugement l’a relevé, il n’est pas justifié par l’appelante qu’une contrainte ait été exercée sur M. [U], son directeur général, lors des négociation et conclusion dudit contrat.
*****
S’agissant de la durée du bail, il est conclu pour une durée ferme de 12 ans, étant précisé dans les conditions particulières que le preneur renonce à sa faculté de résiliation à l’expiration des trois premières périodes triennales telle que prévue à l’article L.145-4 du code de commerce.
L’appelante relève que si une durée ferme de 9 années n’est pas inhabituelle, il n’en est pas de même s’agissant pour une durée ferme de 12 années, sans possibilité de révision triennale.
Cependant, outre le fait que la durée ferme de 12 années du bail est notée de façon très apparente, et qu’une telle durée est conforme à la législation, il est à considérer le contexte dans lequel ce bail a été conclu, la ville d’Antibes ayant contracté avec la société [Localité 4] Invest un bail emphytéotique d’une durée de 50 ans, et le bail liant les sociétés Park Alizés et [Localité 4] Invest étant un bail commercial en l’état de futur d’ achèvement portant sur un parc de stationnement.
Aussi et comme relevé par le jugement, la volonté d’assurer une pérennité de l’exploitation pendant une durée de 12 années n’apparaît pas inadaptée, étant aussi indiqué que d’importantes franchises de loyers, d’un montant de 1.181.861 €, sont prévues au bénéfice du preneur pour les quatre premières années d’application du contrat.
Dans ces conditions, il n’apparaît pas justifié que la clause contractuelle prévoyant une durée de 12 années du contrat sans faculté de renonciation ait été particulièrement désavantageuse pour la société Park Alizés.
S’agissant des modalités de fixation du loyer renouvelé, l’article A.3.1.3 du contrat de bail prévoit que ‘en cas de renouvellement du présent Bail, le loyer de base du nouveau Bail sera, à défaut d’accord amiable, fixé à la valeur locative du marché des Locaux à la date d’effet du renouvellement calculé par rapport au prix des nouvelles locations de Locaux de même type et en tenant compte des éventuels aménagements et améliorations apportés par le preneur aux Locaux, le tout, de convention expresse, par dérogations aux articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce.
Il est spécialement convenu que le loyer ainsi déterminé ne pourrait en aucun cas être inférieur au loyer initial du bail prévu à l’article A.3.1.1 tel qu’il aura été indexé à la fin du Bail’.
Cette clause prévoit ainsi le renouvellement du bail à la valeur locative, tout en assurant au bailleur que le loyer renouvelé ne pourra être inférieur au loyer initial indexé.
Si l’article L.145-33 du code de commerce indique que ‘le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative’ et liste des éléments permettant la fixation de sa valeur, la détermination de son montant au vu de ces éléments se fait ‘à défaut d’accord’ des parties. En l’espèce, les parties ont entendu convenir entre elles des dispositions applicables en cas de renouvellement.
Il sera aussi relevé que le bail en question est d’une durée de 12 années et porte sur un parking, soit un local monovalent, de sorte qu’il échappe à la règle du plafonnement.
Aussi, et au vu de l’importance des franchises de loyers reconnues au preneur, la société Park Alizés, pour les quatre premières années du bail, il n’apparaît pas que cette clause, à apprécier au vu de l’équilibre général du contrat, donne à celui-ci un caractère particulièrement déséquilibré.
S’agissant des charges et taxes, l’article A3.2.2 du contrat de bail prévoit que ‘le preneur devra en conséquence supporter, outre les dépenses liées à son exploitation, sa quote-part des charges, prestations, taxes et impôts de toute nature (ainsi que toute nouvelle contribution ou taxe ou leur augmentation) ordinairement à la charge des Preneurs et rembourser au Bailleur ceux qui incombent normalement aux bailleurs, y compris toutes contributions fiscales, toutes dépenses d’entretien ou de maintenance et tous travaux de réparations, de réfections, de remplacements ou de mises aux normes de toute nature, même ceux nécessités par la vétusté ou la force majeure ou imposés par l’administration, les lois ou les règlements’.
Le bail en question a été conclu le 21 octobre 2010, soit avant la promulgation de la loi Pinel qui a donné une meilleure protection au preneur d’un bail commercial en interdisant au bailleur le transfert des grosses réparations, lui incombant normalement, au preneur.
Ainsi, lors de la conclusion du contrat, la société [Localité 4] Invest, bailleur, pouvait mettre dans le contrat une clause stipulant que les grosses réparations étaient à la charge du preneur, la société Park Alizés.
Si le report des charges sur le preneur est favorable au bailleur, le jugement a aussi relevé le fait que la société Park Alizés ne versait aucune étude de rentabilité qui aurait présidé à l’économie du contrat, alors que c’est au regard d’une telle étude -et des projections alors dressées- que peut être apprécié si les clauses du contrat fixant les obligations réciproques des parties étaient de nature à révéler un déséquilibre entre ces parties. Or la société Park Alizés ne fait pas plus état en cause d’appel qu’en première instance d’une telle étude, ou de documents prévisionnels établis préalablement à la conclusion du contrat, de nature à justifier de ce déséquilibre.
S’agissant du montant du loyer, il est rappelé que le contrat du 21 octobre 2010 prévoit un loyer annuel minimum garanti de 698.190 € HT et HC, et un loyer variable dû à compter de la 5ème année correspondant à 50 % HT de la différence positive entre le chiffre d’affaires HT effectivement réalisé et le seuil de 1.000.000 € HT.
Le seul fait qu’en 2017, soit plus de sept années après la conclusion du contrat, le chiffre d’affaires de l’exploitation du parking s’est élevé à 525.027,35 €, s’il révèle le manque de réussite commerciale de l’exploitation du parc de stationnement objet du bail, ne peut établir plus de sept années après la conclusion du contrat de bail, un déséquilibre économique et juridique entre les parties, la cour observant que la société Park Alizés ne justifie de son chiffre d’affaires que pour la seule année 2017.
Si la société Park Alizés soutient que la majorité des baux conclus pour l’exploitation d’un parc de stationnement prévoit un loyer compris entre 39 et 50% du chiffre d’affaires réalisé dans les locaux, alors qu’en 2017 le loyer du bail en cause correspond à 140 % du chiffre d’affaires réalisé sur le site d'[Localité 4], elle ne verse pour en justifier qu’un document qu’elle a elle-même dressé.
S’agissant du droit d’entrée, la conclusion le 3 juillet 2013 entre les parties d’un avenant portant sur le versement d’un droit d’entrée d’un million d’ € à la charge de la société Park Alizés et au profit de la société [Localité 4] Invest ne peut révéler une contrainte exercée lors de la conclusion du contrat de bail du 21 octobre 2010, la violence devant être appréciée à la date du contrat.
Les circonstances dans lesquelles l’avenant a été conclu ne démontre pas plus l’existence d’une violence lors de cette négociation. En tout état de cause, pour les motifs développés infra, la violence n’est pas démontrée à l’occasion de la conclusion de cet avenant.
La société Park Alizés ne peut tirer argument des éléments intervenus après la conclusion du contrat pour en déduire l’existence d’un déséquilibre entre les obligations respectives des parties, révélateur d’une contrainte subie par elle lors de la conclusion dudit contrat, qui aurait permis à la société [Localité 4] Invest d’en tirer des avantages excessifs.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il n’a pas retenu l’existence d’un vice du consentement.
Sur la demande subsidiaire de nullité de l’avenant du 3 juillet 2013
La société Park Alizés soutient que ce droit d’entrée ne se justifiait pas trois ans après la conclusion du bail, qu’elle a subi un climat de contrainte jusqu’à la cession de ses actions le 15 avril 2014 à la société Interparking. Elle relève que si le versement d’un droit d’entrée est courant, cela l’est moins trois années après la conclusion du contrat de bail, le versement n’étant plus alors justifié, de sorte que cet avenant n’a pas été conclu dans des conditions normales par une personne raisonnable, et que la contrainte subie par la société Park Alizés a été déterminante de son consentement.
Elle souligne que les obligations contractuelles ne sont valables que si elles ont une cause, et que l’obligation est sans cause lorsque la contrepartie fait défaut. Elle avance qu’en matière de baux commerciaux le droit d’entrée constitue une somme versée par le preneur lors de son entrée dans les lieux, et trouve sa cause dans la conclusion d’un bail commercial octroyant au preneur un droit de jouissance sur les locaux. Elle s’interroge sur l’existence d’une cause, pour le preneur, de verser le 3 juillet 2013 ce droit d’entrée, alors qu’il bénéficiait déjà de la jouissance des lieux, indiquant que la cause de l’obligation de payer ne peut s’apprécier qu’au jour de la conclusion de l’acte, soit le 3 juillet 2013. Elle conclut que cet engagement était dépourvu de contrepartie, que sa nullité doit être prononcée, et la restitution de la somme ordonnée.
La société [Localité 4] Invest soutient que ce droit d’entrée correspond à une pratique courante dans les baux commerciaux, attachée aux emplacements les plus favorables, ce qui est le cas du parc de stationnement en cause, qui bénéficie d’une attractivité incontestable, le parc de stationnement desservant le palais des congrès et la galerie commerçante. Elle relève que la société Park Alizés ne justifie d’aucune contrainte.
Elle relève que le pas de porte n’est pas un complément de loyer mais une indemnité compensatrice, le preneur pouvant en solliciter l’indemnisation en cas d’éviction commerciale.
Elle avance que ce droit d’entrée est justifié non seulement par l’emplacement très favorable, mais aussi par la possibilité pour la société Park Alizés de se faire indemniser ce droit en cas de non-renouvellement du bail. Elle ajoute que rien n’empêche les parties de prévoir le versement de ce droit en cours de bail et non lors de sa signature, et rappelle que la prise d’effet du bail commercial et en l’état futur d’achèvement a été fixée au jour de la livraison des locaux, qui est intervenue le 28 février 2013, la date de l’ouverture au public étant le 8 juillet 2013, ce qui explique que le droit d’entrée a été arrêté quelques jours avant. Elle avance qu’il était logique de ne pas exiger ce droit d’entrée lors de la conclusion du bail, mais lors de l’ouverture au public, soit lors du paiement du 1er loyer et alors que le preneur pouvait développer un chiffre d’affaires.
*****
L’avenant n°1 au bail commercial du 21 octobre 2010, conclu le 3 juillet 2013 entre les sociétés Park Alizés et [Localité 4] Invest, après avoir rappelé la régularisation dudit bail commercial aux conditions et charges que les parties se dispensent de rappeler, indique que les parties se sont rapprochées et ont convenu de ce qui suit :
‘ARTICLE 1 – DROIT D’ENTREE
Le montant du droit d’entrée payé par le Preneur au jour des présentes est fixé à la somme de 1.000.000 € HT (UN MILLION D’EUROS HORS TAXES),TVA en sus.
De convention expresse, ce droit d’entrée ne constitue d’aucune manière un complément de Loyer et restera en toute hypothèse la propriété du Bailleur, ce qui est expressément accepté et reconnu par le Preneur.
Il est donc précisé qu’il ne sera pas tenu compte de ce versement dans le cadre de la révision du Loyer ainsi que lors de la fixation du Loyer du bail renouvelé et des renouvellements successifs.
ARTICLE 2 – ABSENCE DE NOVATION
Le présent avenant n’entraîne pas novation du bail du 21 octobre 2010, lequel conservera son plein effet entier et constitue avec le présent avenant un tout indivisible. L’ensemble des clauses du bail du 21 octobre 2010 non modifié par les présentes demeure inchangé’.
Comme le reconnaît la société Park Alizés, le principe d’un droit d’entrée est courant dans la pratique des baux commerciaux. Cette société relève cependant qu’une telle pratique s’entend au moment de l’entrée en jouissance des locaux, c’est à dire au moment de la conclusion du bail, et non près de trois années après, ce droit d’entrée étant alors dénué -selon elle- de cause.
Elle ne peut prendre argument qu’un tel avenant n’aurait pas été conclu dans des conditions normales par une personne raisonnable, pour en conclure à l’existence d’une contrainte qu’elle aurait subie, qui aurait déterminé son consentement, une telle contrainte constitutive de violence n’étant pas établie par les pièces versées.
La société Park Alizés invoque également l’absence de cause de cet avenant, au vu de l’article 1131 du code civil dans sa version applicable aux faits, prévoyant que ‘l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet’.
La société [Localité 4] Invest met en avant l’emplacement très favorable du parc de stationnement, desservant à la fois le palais des congrès de la ville d’Antibes et la galerie commerçante, et souligne que comme l’indique l’avenant, le droit d’entrée n’est pas un complément de loyer, qu’il sera tenu compte de son paiement en cas de refus de renouvellement et d’éviction du preneur.
La conclusion de cet avenant prévoyant un droit d’entrée le 3 juillet 2013 doit être considérée au vu du report de la prise d’effet du bail du 21 octobre 2010, au jour de la livraison des locaux loués, prévu par le contrat.
Il ressort de l’avenant n°2 du 14 novembre 2013 que la livraison des locaux est intervenue le 28 février 2013, et que l’ouverture de l’ensemble immobilier au public est intervenue le 8 juillet 2013.
Dans ces conditions, la conclusion d’un avenant le 3 juillet 2013 s’explique par la volonté de différer le paiement d’un droit d’entrée au début de l’exploitation économique du parc de stationnement par la société Park Alizés, lui permettant de développer son activité et de dégager un chiffre d’affaires. Aussi l’obligation prévue par l’avenant du 3 juillet 2013 n’apparaît pas dépourvue de cause, et correspond à une logique économique, dont aurait été dépourvue l’obligation de payer un pas de porte en 2010, près de trois années avant l’exploitation des lieux.
Au surplus, il sera relevé que le contrat de cession des actions de la société Park Alizés détenues par la société Cixis à la société Interparking France, conclu le 15 avril 2014, contient des annexes visant expressément, au titre du parking d'[Localité 4], le bail commercial du 21 octobre 2010, l’avenant au bail du 3 juillet 2013 et l’avenant au bail du 14 novembre 2013.
La société Interparking France, nouvel acquéreur des actions de la société Park Alizés, a ainsi eu connaissance du contrat de bail et de ses deux avenants des 3 juillet et 14 novembre 2013, lors de cette cession du 15 avril 2014, qui vise au titre de ses conditions déterminantes la ‘poursuite des contrats d’exploitation des parcs de stationnement’.
De même un nouvel avenant a été conclu le 8 décembre 2015 entre les sociétés Park Alizés et [Localité 4] Invest visant en sa partie préalable le bail commercial et ses deux premiers avenants.
En conséquence, la société Park Alizés sera déboutée de sa demande subsidiaire en nullité de l’avenant n°1 du bail du 3 juillet 2013.
Enfin, il n’est pas contesté qu’après cession de ses parts sociales à la société Interparking France, la société Park Alizés a continué à exécuter ses obligations issues du bail, alors qu’elle était pleinement informée de l’avenant en cause et, si tant est que la société Interparking France n’ait pas été informée des liens entre le preneur et le bailleur lors de la conclusion du contrat et de l’avenant du 3 juillet 2013, elle ne peut en déduire l’existence d’une violence qu’elle ignorait.
Sur les autres demandes
Les condamnations prononcées en 1ère instance à l’encontre de la société Park Alizés au titre des frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
Succombant en son appel, la société Park Alizés sera condamnée au paiement des dépens devant la cour, ainsi qu’au versement de la somme de 3.000 € à la société [Localité 4] Invest sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement,
y ajoutant,
Déboute la société [Localité 4] Invest de toutes ses demandes,
Condamne la société Park Alizés à payer à la société [Localité 4] Invest la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,