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9 mars 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00747
FV/LL
[R] [X] épouse [U]
[F] [U]
C/
SA CAISSE D’EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE COMTE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 09 MARS 2023
N° RG 21/00747 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FW2Q
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 26 avril 2021,
rendue par le tribunal judiciaire de Dijon – RG : 17/02799
APPELANTS :
Madame [R] [X] épouse [U]
née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 8]
domiciliée :
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Monsieur [F] [U]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 5]
domicilié :
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentés par Me Christophe CHATRIOT, membre de la SCP MAJNONI D’INTIGNANO-BUHAGIAR-JEANNIARD-PIZZOLATO-CHATRIOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 73
assistés de Me Olivier DEMANGE, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMÉE :
SA CAISSE D’EPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE COMTE, prise en la personne de son représentant légal domiciliés es qualités au siège :
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par Me Stéphane CREUSVAUX, membre de la SCP BEZIZ-CLEON – CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 17
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 décembre 2022 en audience publique devant la cour composée de :
Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, Président, ayant fait le rapport,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Sophie BAILLY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les époux [U] ont accepté une offre de prêt immobilier émise par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté le 23 août 2008 d’un montant de 260.400 euros remboursable en 360 mensualités et au taux nominal de 5,60 % destiné à financer l’acquisition de leur logement principal.
Plusieurs avenants à l’offre ont été régularisés.
Prétextant que l’offre de prêt et ses avenants ne seraient pas conformes aux dispositions du code de consommation, les époux [U] ont demandé à la banque de leur rembourser les intérêts versés par courrier du 16 septembre 2016, ce à quoi la banque s’est opposée, soutenant que les calculs du TEG et des intérêts conventionnels étaient conformes à la réglementation.
Les époux [U] ont alors saisi le médiateur du crédit, lequel, par avis du 23 février 2017, a indiqué que la banque n’avait effectivement pas respecté la réglementaton telle qu’interprètée par la cour de cassation, mais qu’il n’en était résulté aucune atteinte à leurs intérêts.
lls ont alors saisi le tribunal de grande instance de Dijon par acte d’huissier du 12 septembre 2017 aux fins de voir :
– condamner la Caisse d’Épargne à leur payer la somme indument payée au titre des intérêts conventionnels, laquelle s’élève à 89.487 euros au 13 juin dernier (montant qui sera actualisé dans le cadre de la procédure),
– dire que la somme sera assortie de l’intérêt légal à compter de la lettre de mise en demeure en date du 13 juin 2017,
– ordonner la substitution du taux d’intérêt au taux légal au taux conventionnel pour les échéances à venir concernant le prêt litigieux,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel,
– condamner la Caisse d’Épargne au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
– Condamner la Caisse d’Épargne aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières écritures, ils ont demandé au tribunal, au visa des articles 1304, 1907 et 2224 du code civil, L.312- 2 et suivants du code de la consommation, et R.313- 1 du code de la consommation, de :
A titre principal,
– constater l’illégalité de la clause de calcul des intérêts,
Et par voie de conséquence,
– ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel pour le calcul des intérêts, et ce, à compter de la conclusion du contrat de prêt,
– condamner la Société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à leur payer la somme indûment payée au titre des intérêts conventionnels, laquelle s’élève à 101 130,46 euros au 5 janvier dernier (montant qui sera actualisé dans le cadre de la procédure),
– dire que cette somme sera assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure en date du 13 juin 2017,
– ordonner la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel pour les échéances à venir concernant le prêt litigieux,
– condamner la Société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 1er jour du mois suivant la signification à partir de la décision à intervenir, à produire un tableau d’amortissement rectificatif établi sur la base du taux légal en vigueur au jour de l’acceptation de l’offre de prêt et faisant apparaître le montant des intérêts trop percus,
– condamner la Société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel,
– condamner la Société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté aux entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de Me Olivier Demange, avocat au Barreau de Versailles, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
La Caisse d’Epargne de Bourgogne Franche Comté a pour sa part demandé au tribunal de :
– Déclarer les époux [U] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes,
A titre principal :
– Déclarer irrecevables et débouter les époux [U] en l’ensemble de leurs fins, demandes et pretentions pour les motifs exposés dans le corps de ses écritures,
A titre subsidiaire :
– Dire et juger que les époux [U] ne rapportent pas la preuve que le TEG ou le taux conventionnel fixé dans le contrat de prêt est erroné,
– En conséquence, rejeter l’intégralité des demandes des époux [U],
A titre infiniment subsidiaire :
Dans l’hypothèse improbable où le tribunal considère que le taux conventionnel est erroné :
– Dire et juger, qu’en présence d’un crédit immobilier pour lequel il est invoqué une erreur, la seule sanction encourue est la déchéance facultative et le cas échéant partielle des intérêts contractuels en application de l’article L312-33 du code de consommation,
– Dire et juger qu’eu égard aux griefs invoqués par les époux [U], il n’y a pas lieu de déchoir la Caisse d’Épargne des intérêts contractuels,
– Prononcer, à titre trés infiniment subsidiaire, la déchéance partielle du droit aux intérêts à concurrence de 1 euro symbolique,
En tout état de cause :
– Condamner les époux [U] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Dire n’y avoir lieu à l’exécution provisoire,
– Les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Beziz-Cleon – Charlemagne en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par jugement du 26 avril 2021, le tribunal judiciaire Dijon :
– déclare irrecevable la demande en nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels tirée de l’illégalité de la clause de calcul des intérêts, ainsi que les demandes subséquentes,
– condamne Monsieur [F] [U] et Madame [R] [X] épouse [U] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Charlemagne, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamne Monsieur [F] [U] et Madame [R] [X] épouse [U] à verser à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procedure civile,
– déboute les parties de leurs plus amples demandes,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal relève que les époux [U] soutiennent que dans un contrat de prêt
immobilier conclu avec un consommateur, la simple présence d’une clause indiquant que les intérêts sont calculés sur la base d’une année de 360 jours suffit pour que la clause soit déclarée abusive et que les intérêts conventionnels soient remplacés par des intérêts au taux légal.
Il retient :
– que l’offre de prêt litigieuse consentie aux consorts [U] est datée du 23 août 2008 et a été acceptée le 10 septembre 2008, et qu’elle se trouve soumise aux dispositions des articles L312-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable au contrat.
– qu’aux termes de l’article L312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, le prêteur qui ne respecte pas l’une des obligations prévues à l’article L312-8, lequel renvoie, concernant le taux effectif global, aux prescriptions de l’article L313-1 du même code en définissant le contenu (la méthode de calcul du TEG étant définie à l’article R313-1 du code de la consommation), pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
– qu’en vertu des prévisions impératives de l’article L312-8 du code de la consommation, les manquements aux obligations prévues par cet article sont sanctionnés par l’article L312-33, exclusivement applicables en raison du caractère d’ordre public des-dites règles spécifiques édictées pour la protection du consommateur et qui l’emportent donc sur celles, plus générales, posées par l’article 1907 du code civil, lequel sanctionne par la nullité l’absence de prescription d’un taux d’intérêt et, par extension d’un taux effectif global, dont l’irrégularité éventuelle est assimilée à une absence.
– que par voie de conséquence, l’action en nullité de la stipulation d’intérêts exercée à titre exclusif par les consorts [U] est irrecevable, qu’il s’agisse d’un taux effectif global erroné ou du supposé recours à une autre base que l’année civile pour le calcul de l’intérêt conventionnel qui a pour effet de rendre le taux effectif global erroné.
– que le tribunal n’est pas saisi d’une demande subsidiaire en déchéance de la banque de son droit aux intérêts.
* * * * *
Monsieur [F] [U] et son épouse née [R] [X] font appel par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 2 juin 2021.
Par conclusions déposées le 3 août 2021, ils demandent à la cour d’appel de :
‘ Vu les dispositions des articles 1304, 1907, 1231-1 et 2224 du code civil, L.312-2 et suivants du code de la consommation, R.313-1 du code de la consommation,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
– Juger illégale la clause de calcul des intérêts,
Et par voie de conséquence,
– Ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel pour le calcul des intérêts, et ce, à compter de la conclusion du contrat de prêt,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à payer à Madame et Monsieur [U] la somme indûment payée au titre des intérêts conventionnels, laquelle s’élève à 109 943,99 euros au 5 juillet 2021 (montant qui sera actualisé dans le cadre de la procédure),
– Dire que cette somme sera assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure en date du 13 juin 2017,
– Ordonner la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel pour les échéances à venir concernant le prêt litigieux,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 1er jour du mois suivant la signification à partir de la décision à intervenir (sic), à produire un tableau d’amortissement rectificatif établi sur la base du taux légal en vigueur au jour de l’acceptation de l’offre de prêt et faisant apparaître le montant des intérêts trop perçus ;
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par les époux [U],
A titre subsidiaire,
– Juger la clause de calcul des intérêts abusive,
Et par voie de conséquence,
– Juger la clause de calcul des intérêts non écrite,
– Ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel pour le calcul des intérêts, et ce, à compter de la conclusion du contrat de prêt,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à payer à Madame et Monsieur [U] la somme indûment payée au titre des intérêts conventionnels, laquelle s’élève à 109 943,99 euros au 5 juillet 2021 (montant qui sera actualisé dans le cadre de la procédure),
– Dire que cette somme sera assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure en date du 13 juin 2017,
– Ordonner la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel pour les échéances à venir concernant le prêt litigieux,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 1er jour du mois suivant la signification à partir de la décision à intervenir (sic), à produire un tableau d’amortissement rectificatif établi sur la base du taux légal en vigueur au jour de l’acceptation de l’offre de prêt et faisant apparaître le montant des intérêts trop perçus ;
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par les époux [U],
A titre infiniment subsidiaire,
– Juger illégale la clause de calcul des intérêts
– Prononcer en conséquence la déchéance des intérêts contractuels dans leur totalité,
– Ordonner la substitution du taux légal au taux conventionnel pour le calcul des intérêts, et ce, à compter de la conclusion du contrat de prêt,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à payer à Madame et Monsieur [U] la somme indûment payée au titre des intérêts conventionnels, laquelle s’élève à 109 943,99 euros au 5 juillet 2021 (montant qui sera actualisé dans le cadre de la procédure),
– Dire que cette somme sera assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure en date du 13 juin 2017,
– Ordonner la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel pour les échéances à venir concernant le prêt litigieux,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 1er jour du mois suivant la signification à partir de la décision à intervenir (sic), à produire un tableau d’amortissement rectificatif établi sur la base du taux légal en vigueur au jour de l’acceptation de l’offre de prêt et faisant apparaître le montant des intérêts trop perçus ;
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par les époux [U],
En tout état de cause,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté à payer à Madame [R] [U] et Monsieur [F] [U] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté aux entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de Me Olivier Demange, avocat au barreau de Versailles, en application de l’article 699 du CPC’.
Par conclusions déposées le 2 novembre 2021, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté demande à la cour de :
A titre principal :
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon en date du 26 avril 2021,
A titre subsidiaire :
Dans l’hypothèse improbable où la cour infirme le jugement querellé
– Constater que les époux [U] ne rapportent pas la preuve que le taux conventionnel fixé dans le contrat de prêt et ses avenants est erroné,
– Juger que la clause 30/360 n’est pas une clause abusive,
– En conséquence, rejeter l’intégralité des demandes des époux [U],
A titre infiniment subsidiaire :
– Juger qu’en présence d’un crédit immobilier pour lequel il est invoqué une erreur, la seule sanction encourue est la déchéance facultative et le cas échéant partielle des intérêts contractuels en application de l’article L312-33 du code de consommation,
– Juger qu’eu égard aux griefs invoqués par les époux [U], il n’y a pas lieu de déchoir la Caisse d’Epargne des intérêts contractuels,
En tout état de cause :
– Condamner les époux [U] à payer à la Caisse d’Épargne la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Beziz-Cleon- Charlemagne en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est rendue le 27 novembre 2022.
En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIVATION
– Sur la nullité de la clause contractuelle de stipulation des intérêts pour non respect des dispositions des articles L 312-8, L 313-1 et R 313-1 du code de la consommation dans leur version applicable à l’offre de prêt litigieuse
Les époux [U] persistent à conclure à la nullité de la stipulation contractuelle figurant dans le prêt immobilier qu’ils ont souscrit auprès de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté selon laquelle les intérêts sont calculés sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.
Or c’est par une exacte application des dispositions légales et du principe désormais bien établi et rappelé par la cour de cassation dans un arrêt du 16 juin 2021 ( n° 19-17.150) selon lequel ‘un calcul d’intérêts conventionnels sur la base d’une année autre que l’année civile ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l’emprunteur un surcoût d’un montant supérieur à la décimale prévue à l’article R. 313-1 du code de la consommation’ que le premier juge a déclaré irrecevable la demande de nullité de la stipulation contractuelle sur ce fondement.
La solution retenue par la cour de cassation dans l’arrêt rendu le 22 mai 2019 par la première chambre civile invoquée par les appelants est inapplicable en l’espèce dès lors qu’elle concernait un prêt ayant fait l’objet d’un acte authentique et non pas un prêt par acte sous seing privé tel celui souscrit par les époux [U].
Le jugement ne peut qu’être confirmé de ce chef.
– Sur la demande subsidiaire des époux [U] tendant à déclarer la clause de calcul des intérêts non écrite comme constituant une clause abusive
Les époux [U] soutiennent pour la première fois à hauteur d’appel que la clause dite ‘360″ est incontestablement une clause abusive en ce qu’elle entraîne en effet une majoration du montant des intérêts, dissimulée à l’emprunteur non professionnel, qui n’est pas en mesure d’appréhender le surcoût susceptible de résulter de l’application de cette clause ; qu’elle doit donc être réputée non écrite par application des dispositions de l’article L.241-1 du code de la consommation.
Ils invoquent à ce titre la position exprimée par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation, et de la répression des fraudes dans une recommandation n°05-02 § 8, dans un avis du 14 avril 2005.
Or la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté réplique à juste titre que la clause 30/360 est une clause de rapport ou d’équivalence financière qui a pour objet de fixer les rapports à retenir pour le calcul des échéances périodiques du prêt ; que contrairement à ce qu’affirment les appelants, cette clause n’a ni pour objet, ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de prêt, et souligne que telle est la position adoptée par la cour de cassation dans un arrêt du 11 mars 2020, position confirmée dans un arrêt du 25 mars 2020, puis dans un arrêt du 2 juin 2021, n°19-23.131.
Les époux [U] ne peuvent en conséquence qu’être déboutés de ce chef de demande.
– Sur la demande présentée à titre infiniment subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts contractuels pour illégalité de la clause de calcul des intérêts par les époux [U]
Les époux [U] exposent enfin que, contrairement à ce que soutenait la banque en première instance, la seule présence de la clause litigieuse doit suffire à établir l’utilisation par cette dernière d’un calcul des intérêts d’après un diviseur 360, sauf à méconnaître gravement la force obligatoire du contrat, principe fondamental du droit contractuel. Ils sollicitent en conséquence que soit prononcée la déchéance totale de la banque à son droit aux intérêts.
Or la mention de la clause de 360 dans l’offre de prêt ne présume pas l’utilisation de l’année lombarde, et il appartient aux emprunteurs d’établir que les intérêts conventionnels ont effectivement été calculés par référence à l’année lombarde.
Au surplus, la clause litigieuse fait référence à plusieurs périodes, et ne vise pas seulement une année de 360 jours mais aussi un mois de 30 jours. Il s’en déduit que la référence à la notion de 360 jours et au mois de 30 jours dans la stipulation litigieuse a pour seul objet de se référer au mois normalisé, dont l’utilisation est définie à l’article R313-1 du code de la consommation, et aboutit à un calcul d’intérêts reposant sur l’assiette d’une année civile.
L’annexe de l’article R 313-1 précité précise ‘(‘) l’écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d’années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c’est-à-dire 365/12), que l’année soit bissextile ou non’.
Cette disposition autorise le calcul des intérêts contractuels mensuels en ‘normalisant’ l’année civile par fraction de 1/12 d’année en utilisant le mois normalisé de 30,416666 jours.
Les époux [U] contestent l’applicabilité de l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation, en ce que ces dispositions ne seraient pas applicables en matière de crédit immobilier, s’agissant notamment des modalités de calcul des intérêts conventionnels. Or la cour de cassation a tranché ce point dans un arrêt rendu le 24 octobre 2019 en jugeant que le mois normalisé était bien applicable au calcul des intérêts mensuels d’un prêt immobilier, et clairement a réaffirmé sa position dans un arrêt du 1er juillet 2020.
En l’espèce, les parties ont convenu d’un crédit amortissable mensuellement. Une année comprenant 12 mois, les intérêts conventionnels sont calculés chaque mois sur la base d’un taux annuel conventionnel divisé par 12. Il s’en induit que sur la base de l’année civile normalisée définie à l’article R313-1 du code de la consommation, le calcul des intérêts contractuels pour les besoins d’une période d’amortissement mensuel de remboursement peut s’effectuer selon trois modalités de calcul dont les résultats financiers sont strictement équivalents :
– taux de période mensuel normalisé = taux d’intérêt conventionnel annuel /12
– taux de période normalisé = (taux d’intérêt conventionnel annuel /360) x 30
– taux de période normalisé = (taux d’intérêt conventionnel annuel /365) x 30,41666 13
et il est constant que le résultat du calcul des intérêts mensuels est le même que l’on utilise le rapport 30,41666 / 365 ou le rapport 30 / 360. Dans les deux cas, le rapport est égal à 0,08333 (ou 1/12).
La Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté présente en page 23 de ses écritures trois exemples chiffrés, à partir des données extraites du tableau d’amortissement de l’avenant du 4 novembre 2014, de calcul des intérêts sur la base d’une année civile et de l’application du mois normalisé de 30,41666 démontrant qu’à chaque fois le montant des intérêts en résultant est bien celui qui figure sur ledit tableau. Les époux [U] ne contredisent nullement les résultats ainsi obtenus qui démontrent que le calcul du montant des intérêts tels qu’ils leur sont demandés a été effectué conformément aux dispositions légales.
Au surplus, à supposer même que le calcul des intérêts ait été effectué sur la base d’un mois de 30 jours et d’une année de 360 jours, ils ne pourraient se prévaloir d’aucun préjudice puisque les résultats financiers sont strictement équivalents, que les intérêts soient calculés sur la base d’un diviseur de 360 jours ou 365 jours, ce qu’ils confirment d’ailleurs par la production de l’avis du médiateur du crédit du 23 février 2017.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’ils ne peuvent qu’être déboutés de leur demande de déchéance du droit aux intérêts.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 26 avril 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les époux [U] de leur demande tendant à voir déclarer réputée non écrite la clause contractuelle litigieuse,
Déboute les épous [U] de leur demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté,
Condamne Monsieur [F] [U] et son épouse née [R] [X] aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit la SCP Beziz-Cleon-Charlemagne, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [F] [U] et son épouse née [R] [X] à verser à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Bourgogne Franche Comté 2 500 euros pour ses frais liés à la procédure d’appel,
Les déboute de leur demande de ce chef.
Le Greffier, Le Président,