Déséquilibre significatif : 8 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03670
Déséquilibre significatif : 8 mars 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/03670
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8 mars 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/03670

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Code nac : 97J

N° RG 22/03670 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VHNI

Du 08 MARS 2023

Copies exécutoires

délivrées le :

à :

M. [K] [E]

Me Miguel NICOLAS

Me [S] [Y]

ORDONNANCE

LE HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d’appel de VERSAILLES, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière de contestations d’honoraires et de débours relatifs à la profession d’avocat ; vu les articles 176 et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, assistée de Mohamed EL GOUZI, Greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [K] [E]

né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

présent assisté de Me Miguel NICOLAS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEUR

ET :

Maître [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante

DEFENDEUR

à l’audience publique du 01 Février 2023 où nous étions Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre assistée de Mohamed EL GOUZI, Greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour ;

RG n° 22/03670

Monsieur [E] a confié à Mme [S] [Y], avocate au barreau du Val d’Oise, la défense de ses intérêts dans le cadre d’une procédure de séparation devant le juge aux affaires familiales. Une décision a été rendue le 18 janvier 2021. Mme [Y] a interjeté appel de cette décision à la demande de son client et poursuivi la procédure d’appel.

M. [E] a saisi le bâtonnier du Val d’Oise d’une demande de fixation des honoraires et a déposé plainte pour faute, ajoutant qu’il envisageait d’engager une procédure afin d’engager sa responsabilité professionnelle par courrier recommandé reçu par le barreau le 30 novembre 2021.

Mme [Y] a saisi le bâtonnier du barreau du Val d’Oise d’une demande de taxation de ses honoraires le 30 novembre 2021, enregistrée au barreau le 6 décembre 2021.

Par ordonnance du 6 avril 2022, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau du Val d’Oise a condamné M. [K] [E] à payer à Mme [S] [Y], avocat de ce barreau, la somme de 1604,40€ HT, soit 1925,28 € TTC au titre des honoraires restant dus outre 200 euros en application de l’article 700 du CPC.

Il n’est pas justifié dans le dossier, malgré la demande faite au barreau du Val d’Oise par le greffe, de la date de la notification de la décision à M. [K] [E].

M. [K] [E] a formé un recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception, expédiée le 25 avril 2022.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 1er février 2023.

À l’appui de son recours, M. [K] [E], assisté, demande l’infirmation de l’ordonnance du bâtonnier, le débouté des demandes de Mme [Y], la fixation des honoraires à la somme de 1125 euros HT soit 1350 euros TTC et la condamnation de Mme [Y] à lui rembourser la somme de 250 euros outre le versement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du CPC. Il soutient que la décision du bâtonnier n’est pas motivée, que le délai de quatre mois s’imposant au bâtonnier pour prendre sa décision n’est pas respecté et invoque la violation du droit au respect à un procès équitable au regard de l’article 6 de la CEDH. Il reproche à Mme [Y] de n’être pas allée au bout de son mandat, et donc de ne pouvoir prétendre à la totalité des honoraires qui serait dû contractuellement. Il lui reproche également de ne pas l’avoir informé dès sa saisine des modalités de détermination de ses honoraires et de ne pas l’avoir informé régulièrement de l’évolution de leur montant. Il soutient également l’absence de diligences spécifiques à la procédure d’appel. Il lui reproche encore de ne pas avoir informé dès sa saisine des modalités. Il relève le caractère abusif des clauses contractuelles de la convention d’honoraires. En effet, selon lui, la convention laisse croire qu’il s’agit d’une convention au forfait alors que Mme [Y] avait la volonté d’appliquer une convention au tarif horaire. Il considère que Mme [Y] n’a fait que la moitié du travail pour lequel elle avait été mandaté.

Mme [S] [Y] demande la confirmation de l’ordonnance, le débouté de M. [E] de sa demande en paiement de la somme de 270 euros et sa condamnation à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du CPC et sa condamnation aux dépens. Elle soutient que l’ordonnance du bâtonnier est motivée et que le délai de quatre mois est respecté, puisque le bâtonnier a reçu sa demande le 6 décembre 2021 et rendu sa décision le 6 avril 2022. Elle explique ne pas avoir été reçue par le bâtonnier, pas plus que Monsieur [E] et qu’il n’y a donc pas eu de violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Contrairement aux allégations de Monsieur [E], elle indique que la convention d’honoraires ne laisse aucun doute sur la facturation des diligences au temps passé. Elle rappelle que la question de savoir si elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, ne relève pas de la procédure sur les conventions d’honoraires. Elle soutient que les feuilles de diligences versées au dossier reprennent toutes les tâches effectuées avec les dates correspondantes. Elle souligne les stratagèmes utilisés par Monsieur [E] pour lui faire croire que ses honoraires étaient payés afin qu’elle se rende à l’audience.

SUR CE,

Sur la recevabilité du recours

L’article 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 prévoit que la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d’appel, qui est saisi par l’avocat ou la partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le délai de recours est d’un mois.

En l’espèce, l’ordonnance rendue le 6 avril 2022 par le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau du Val D’Oise a été notifiée à M. [K] [E] a une date indéterminée. Ce dernier a formé un recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 25 avril 2022.

Le recours de M. [K] [E] est déclaré recevable.

Sur le fond

Sur le respect du délai de 4 mois

Si le délai de 4 mois a été respecté entre la saisine de Mme [Y] enregistrée le 6 décembre 2021 et la décision du 6 avril, il n’a pas été respecté pour la saisine de M. [E] en date du 30 novembre 2021. La procédure engagée par M. [E] encourt la nullité, d’autant que le délai n’a pas été prorogé par une décision motivée du bâtonnier comme le prévoit le texte. Toutefois, M. [E] pouvait saisir le premier président dans le mois de l’expiration de ce délai, ce qu’il a fait. Dès lors, il a lieu de statuer sur la décision du bâtonnier.

Sur le défaut de motivation

Pour statuer, la juridiction doit être saisie de prétentions.

En l’espèce, M.[E] déplore l’absence de motivation de la décision du bâtonnier sans en tirer aucune conséquence légale et sans faire aucune demande.

Ce moyen, non fondé, ne peut qu’être écarté.

Sur la violation de l’article 6 de la CEDH

La procédure spécifique pour les contestations d’honoraires prévoit, article 175 alinéa 3, que le bâtonnier, ou le rapporteur qu’il désigne, recueille préalablement les observations de l’avocat et de la partie. Le texte n’impose pas l’organisation d’une audience. En l’espèce, il est justifié par M. [E] lui-même de la demande d’observations du bâtonnier par courrier recommandé du 22 décembre 2021 et de ses propres observations dans une lettre non datée qui accuse réception du courrier du bâtonnier du 22 décembre.

Cette demande d’observations est également visée dans la décision du bâtonnier qui retient que M. [E] n’a pas valablement contesté être redevable des honoraires demandés. Mme [Y] a quant à elle fait valoir ses observations par courrier du 16 décembre 2021.

En conséquence, le principe de la contradiction a été respecté et M. [E] n’établit nullement une violation des dispositions de l’article 6 de la CEDH.

Sur le non-respect du mandat

Il est rappelé que la procédure spécifique de contestation des honoraires est limitée à la fixation des honoraires. Il n’appartient pas au juge chargé de cette contestation de statuer sur d’éventuelles fautes de l’avocat, susceptibles d’engager sa responsabilité.

En l’espèce, une convention d’honoraires a été régularisée par M. [K] [E] et Mme [S] [Y], avocat, le 6 mai 2021.

Celle-ci prévoit dans son article 3 que pour l’honoraire principal, le taux horaire est fixé pour l’année 2021 à 225 euros HT soit 270 euros TTC et que le montant estimé dans le présent dossier est de 2250 euros HT représentant 10 heures de temps de travail. Un honoraire supplémentaire est prévu en cas de dépassement du temps fixé à 10H au taux horaire de 225 euros HT.

Mme [Y] verse aux débats une feuille de diligences n°1 pour la période du 1er avril 2021 au 8 juin 2021 pour la somme de 1350 euros HT au temps passé de 6H avec reprise de chaque diligence et le temps correspondant conformément à l’annexe de la convention sur la forfaitisation du temps passé soit, après déduction d’une provision de 600 euros versées, la somme de 750 euros HT soit 900 euros TTC. Elle verse également une feuille de diligences n° 2 pour la période du 8 juillet 2021 au 30 novembre 2021 selon les mêmes modalités pour une somme de 1604,40 HT soit 1925,28 euros TTC.

Mme [Y] verse en parallèle les correspondances échangées par courrier ou par courrier électronique, les 2 jeux de conclusions en appel de 9 et 19 pages et 3 bordereaux de communication de pièces qui établissent la réalité des diligences effectuées.

Elle verse enfin 4 factures :

8 avril 2021 pour 600 euros HT soit 720 euros TTC

8 juillet 2021 pour 750 euros HT soit 900 euros TTC

27 septembre 2021 pour 1100 euros HT soit 1320 euros TTC

30 novembre 2021 pour 504,40 euros HT soit 605,28 TTC

Ainsi les feuilles de diligences justifient les sommes de 1350 HT + 1425 HT soit 2775 euros HT et les factures la somme de 600 euros HT+ 750 euros HT + 1100 euros HT + 504.40 euros HT soit 2954,40 euros HT. Il y a donc 179, 40 euros HT qui ne sont pas justifiés par des diligences équivalentes.

Les honoraires dus par M. [E] à Mme [Y] seront donc fixés à la somme de 2775 euros HT soit 3330 euros TTC dont à déduire la somme de 1620 euros TTC déjà versée, soit la somme due de 1710 euros TTC.

Sur le caractère abusif des clauses contractuelles de la convention d’honoraires

Sont abusives des clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il appartient au premier président saisi dans le cadre d’une procédure de contestation d’honoraires d’apprécier le caractère abusif ou non des clauses contenues dans une convention d’honoraires.

M. [E] soutient que des clauses contractuelles de la convention qu’il a signée le 6 mai 2021 sont abusives sans préciser lesquelles. Il invoque une convention d’honoraires laissant croire au client consommateur qu’il s’agit d’une convention d’honoraires au forfait.

En l’espèce, les termes de l’article 3 rappelés ci-dessus sont sans équivoque et n’évoque nullement un quelconque caractère forfaitaire des honoraires.

Le terme forfaitisation est utilisé dans l’annexe 1 pour le temps passé à l’acte. Il ne s’agit donc pas d’un forfait des honoraires. Chaque acte est identifié afin de permettre au client de savoir, a priori, le temps nécessaire pour chaque acte, ce qui lui permettra, a posteriori avec les fiches de diligences de vérifier les sommes demandées.

La preuve du caractère abusif de clauses de la convention d’honoraires n’est pas rapportée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [S] [Y] la charge des frais irrépétibles.

M. [K] [E] sera condamné à lui verser la somme de 1000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,

Le magistrat délégué par le premier président,

– Déclare M. [K] [E] recevable en son recours.

– Infirme partiellement l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau du Val d’Oise en date du 6 avril 2022

Statuant à nouveau,

– Fixe les honoraires dus par M. [K] [E] à Mme [S] [Y], avocate, à la somme de 3330 euros TTC

– Condamne M. [K] [E] à verser à Mme [S] [Y], avocate la somme restant due de 1710 euros

– Condamne M. [K] [E] à verser à Mme [S] [Y], avocate, la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du CPC

– Rejette le surplus des demandes

– Dit que les dépens de la présente procédure seront supportés par M. [K] [E].

– Dit qu’en application de l’article 177 du décret du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec avis de réception.

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et ont signé la présente ordonnance,

Le Greffier, La Première présidente de chambre,

Mohamed EL GOUZI Nathalie BOURGEOIS DE RYCK

 


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