Déséquilibre significatif : 8 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04637
Déséquilibre significatif : 8 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04637
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8 juin 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/04637

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 8 JUIN 2023

N° RG 21/04637 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UU3B

AFFAIRE :

S.A.R.L. ATLANTIC ELEC

C/

S.A.S. FUTUR DIGITAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mai 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2020F00684

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Florence GOMES

Me Christophe DEBRAY

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. ATLANTIC ELEC

RCS La Rochelle n° 453 617 102

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Florence GOMES de l’AARPI G.B.L AVOCATS, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 314

APPELANTE

****************

S.A.S. FUTUR DIGITAL

RCS Nanterre n° 517 862 967

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Jérémie PONTONNIER de l’AARPI PONTONNIER BANQ ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0626

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Futur Digital développe des sites internet et des applications mobiles répondant aux besoins des petites et moyennes entreprises.

La société Eurl Atlantic Elec (ci-après Atlantic Elec) a pour activité l’électricité générale.

Le 18 février 2014, la société Atlantic Elec et la société Futur Digital ont signé un contrat de licence d’exploitation de site internet (le Contrat) comprenant la création d’un site et la rédaction de son contenu, présentant les activités de la société Atlantic Elec, ainsi que la gestion de l’adresse internet et des statistiques, l’hébergement et le référencement sur les principaux moteurs de recherche, et l’installation d’un module d’actualité, moyennant une mensualité de 240 € TTC pendant 48 mois, durée initiale du Contrat, tacitement renouvelable par période de 24 mois.

Le 20 novembre 2014, la société Futur Digital a confirmé par écrit à l’entreprise Atlantic Elec la conclusion du contrat de licence du 18 février 2014 et indiqué qu’en l’absence de réponse de sa part pour la réalisation du site internet, la maquette réalisée, serait considérée comme validée à l’expiration d’un délai de 8 jours.

La société Atlantic Elec n’a pas répondu à ce courrier, son représentant légal (M. [E]) estimant ne pas être engagé par le Contrat.

Le 4 décembre 2014, la société Futur Digital a adressé un mail et une lettre recommandée avec avis de réception pour l’informer du référencement du site.

Le 5 décembre 2014, les parties ont signé un procès-verbal de conformité relatif au nom de domaine ‘atlantic-ele-rochefort.fr’.

Le 12 juin 2015, la société Futur Digital a adressé une lettre à la société Atlantic Elec la mettant en demeure de lui régler la somme de 1.440 € correspondant aux échéances impayées.

Le 6 juin 2016, la société Futur Digital a adressé une nouvelle mise en demeure à la société Atlantic Elec. La société Futur Digital y sollicite le paiement d’une somme de 4.080 € TTC. Elle rappelle qu’à défaut de paiement sous huitaine le Contrat sera résilié de plein droit et qu’il s’agit d’une mise en demeure de nature à faire courir tous délais et intérêts.

Le 27 septembre 2016, la société Futur Digital a invité de nouveau l’entreprise Atlantic Elec à régulariser sa situation, à défaut la menaçant d’une résiliation du Contrat sous 8 jours, rappelant l’exigibilité anticipée des mensualités à échoir et d’une indemnité de résiliation, en plus du montant des échéances impayées fixé alors à la somme de 5.040 € TTC.

Le 6 février 2020, la société Futur Digital a adressé, de nouveau, une mise en demeure de payer cette fois la somme de 12.442,07 € TTC.

Par une ordonnance d’injonction de payer rendue le 2 mars 2020, signifiée à la société Atlantic Elec le 13 mars 2020, le président du tribunal de commerce de la Rochelle a enjoint cette dernière de verser à la société Futur Digital les sommes suivantes :

– 12.442,07 € en principal, avec intérêt au taux légal à compter du 6 février 2020,

– 100 € au titre de l’article 700 du code procédure civile,

– 35,21 € au titre des dépens.

La société Atlantic Elec a formé opposition à cette ordonnance le 30 mars 2020 par l’intermédiaire de son conseil.

Par jugement du 26 mai 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– Dit la société Atlantic Elec recevable en son opposition,

– Débouté la société Atlantic Elec de sa demande de nullité du contrat,

– Condamné la société Atlantic Elec à payer à la société Futur Digital la somme de 5.179,36 € avec intérêts au taux d’intérêt légal à compter du 6 février 2020 avec anatocisme,

– Condamné la société Atlantic Elec à payer à la société Futur Digital la somme de 4.600 € en application de la clause pénale,

– Débouté la société Atlantic Elec de sa demande de dommages et intérêts,

– Débouté la société Atlantic Elec de sa demande de délais de paiement,

– Condamné la société Atlantic Elec à payer à la société Futur Digital la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Atlantic Elec aux entiers dépens.

Par déclaration du 20 juillet 2021, la société Atlantic Elec a interjeté appel du jugement.

Par lettre d’huissier du 18 janvier 2022, la société Futur Digital a refusé la proposition de la société Atlantic de régler par mensualité de 250 €, les causes de la condamnation.

Par jugement du 12 mai 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a autorisé la société Atlantic Elec à se libérer de sa dette à l’égard de la société Futur Digital en 24 mois à raison de 300 € par échéance, la dernière pour le solde, condamnant la société Atlantic Elec à 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance d’incident prononcée le 22 septembre 2022, le conseiller de la mise en état:

– s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’éventuelle absence d’effet dévolutif de l’appel sollicitée par la société Futur Digital,

– a constaté le désistement de la société Futur Digital sur la demande de radiation à l’instance,

– a dit que les dépens suivront le sort de l’instance principale.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2023, la société Atlantic Elec demande à la cour de :

– Recevoir la société Atlantic Elec en son appel et l’y dire bien fondé ;

In limine litis

– Juger la demande de la société Futur Digital tendant à voir statuer sur l’absence de saisine régulière de la cour irrecevable et, en tout état de cause, mal fondée ;

En conséquence,

– Débouter la société Futur Digital ;

– Réformer le jugement rendu le 26 mai 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce

qu’il a :

// Débouté la société Atlantic Elec de sa demande de nullité du contrat et par voie de conséquence de sa demande de remboursement contre la société Futur Digital des sommes indûment encaissées soit 317,03 € ; débouté la société Atlantic Elec de sa demande de condamnation de la société Futur Digital à lui verser une somme de 3.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive ; fait droit à la demande de condamnation de la société Futur Digital contre la société Atlantic Elec au paiement de la facture FA1505775 du 7/01/2015 d’un montant de 2.880€ TTC et condamné la société Atlantic Elec à payer à la société Futur Digital la somme de 5.179,36 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2020 avec anatocisme ; condamné la société Atlantic Elec à payer à la société Futur Digital la somme de 4.600 € au titre de la clause pénale ; débouté la société Atlantic Elec de sa demande de délais de paiement ; condamné la société Atlantic Elec à payer à la société Futur Digital la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal

– Dire que le contrat conclu le 14 (sic) février 2014 est nul ;

– Débouter la société Futur Digital de toutes ses demandes tant principales qu’accessoires ;

– Condamner la société Futur Digital à rembourser à la société Atlantic Elec l’ensemble des sommes indûment encaissées au titre du contrat nul qui représente à ce jour une somme sauf à parfaire de 2.957,03 € (317,03 € + 2.650 €) ;

– Condamner la société Futur Digital à verser à la société Atlantic Elec une somme de 3.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire

– Pour le cas où la nullité du contrat ne serait pas prononcée :

Concernant les demandes au titre des factures impayées

– Dire que la prescription biennale prévue à l’article L.218.2 ou l’article L137.2 ancien code de la consommation s’applique au contrat du 18 février 2014 ;

Dès lors,

– Dire que les factures FA1505775 du 7 janvier 2015 et FA1607966 du 4 janvier 2016 sont prescrites,

– Débouter la société Futur Digital de sa demande en paiement au titre desdites factures;

A défaut d’appliquer la prescription biennale prévue pour les actions entre professionnels et consommateurs ou non professionnels,

– Débouter la société Futur Digital de sa demande en paiement de la facture FA1505775 du 7 janvier 2015 d’un montant de 2.880 € TTC ;

En tout état de cause,

– Prendre acte de la renonciation de la société Futur Digital à réclamer le paiement des mensualités échues, antérieures au 13 mars 2015 ;

– Réduire le montant des sommes réclamées au titre de la facture FA1505775 du 7 janvier 2015 des échéances antérieures au 13 mars 2015 ;

Concernant l’indemnité de résiliation,

– Dire que la facture FA161121423 du 18 octobre 2018 visant l’indemnité de résiliation est prescrite ;

A défaut,

– Dire que la clause 16 des conditions générales du contrat du 18 février 2014 est abusive et/ou à l’origine d’un déséquilibre significatif ;

Dès lors,

– Dire que cette clause doit être réputée non écrite ;

– A défaut de la considérer comme une clause abusive, retenir la responsabilité de la société

Futur Digital sur le fondement de l’article L.442-6 du code de commerce et la condamner au paiement d’une somme de 6.682,07 € de dommages et intérêts ;

– Débouter en conséquence, la société Futur Digital de sa demande de condamnation à hauteur de 6.682,07 € au titre de l’indemnité de résiliation ;

A titre infiniment subsidiaire

Pour le cas où la cour devait retenir la validité de la clause 16 des conditions générales du contrat du 18 février 2014,

– Qualifier cette clause contractuelle de clause pénale ;

– Dire que son montant est manifestement excessif ;

– Fixer le montant de l’indemnité de résiliation à la somme de 1 € symbolique ;

En tout état de cause,

Pour le cas où la cour devait prononcer des condamnations pécuniaires à l’encontre de la société Atlantic Elec,

– Constater que la société Futur Digital n’a pas sollicité la réformation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 26 mai 2021 sur le montant des condamnations prononcées contre Atlantic Elec mais sa confirmation pure et simple ;

– Déclarer irrecevable et débouter la société Futur Digital de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 12.442,07 € avec intérêts légal à compter du 6 février 2020 et capitalisation des intérêts ;

– Accorder à la société Appelante 24 mois de délais de paiement ;

– Débouter la société Futur Digital de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens;

– Condamner la société Futur Digital au paiement d’une somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Gomes, GB Avocats, Nanterre PN 314.

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, la société Futur Digital demande à la cour de :

A titre principal,

Vu les articles 561, 562 et 901 du code de procédure civile,

– Statuer sur l’absence de saisine régulière de la cour,

– Juger que le jugement du 26 mai 2021 rendu par le tribunal de commerce de Nanterre produira son plein et entier effet,

A titre subsidiaire, sur le fond,

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 26 mai 2021 en ce

qu’il a condamné la société Atlantic Elec et l’a débouté (sic) de ses demandes.

Vu ensemble les anciens articles 1108 et 1134 du code civil,

– Statuer sur l’exécution du contrat par la société Futur Digital,

– Statuer sur l’absence de manquement de la part de la société Futur Digital,

– Juger la société Futur Digital recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions,

– Statuer sur les manquements de la société à ses obligations,

– Juger que la société Atlantic Elec n’a pas réglé les factures émises par la société Futur Digital au titre du contrat de licence d’exploitation de site internet,

– Déclarer la société irrecevable et mal fondée en l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions,

En conséquence,

– Condamner la société Atlantic Elec à porter et payer à la société Futur Digital au titre du contrat de licence d’exploitation de site internet la somme de 12.442,07 € TTC avec intérêts au taux d’intérêt légal à compter du 6 février 2020, date de la mise en demeure, et prononcer la capitalisation des intérêts,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour prononce la nullité du contrat du 18 février 2014,

– Condamner la société Atlantic Elec à porter et payer à la société Futur Digital au titre du jeu des restitutions applicables aux contrats à exécution successive la somme de 7.200 € TTC avec intérêts au taux d’intérêt légal à compter du 6 février 2020 date de la mise en demeure, et prononcer la capitalisation des intérêts,

En toute hypothèse,

Vu ensemble les dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société Atlantic Elec à porter et payer à la société Futur Digital la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles ;

– Condamner la société aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 février 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la saisine de la cour

La société Futur Digital fait valoir que la cour n’a pas été régulièrement saisie au motif que la société Atlantic n’aurait pas sollicité l’infirmation ou la réformation du jugement dans sa déclaration d’appel, ni dans ses conclusions du 13 octobre 2021.

L’article 901 du code de procédure civile ne prévoit la nullité de la déclaration d’appel qu’en l’absence de certaines mentions limitativement énumérées et notamment l’énumération des chefs du jugement expressément critiqués.

En l’espèce, la déclaration d’appel précise que l’appel est limité ‘aux chefs de jugement expressément critiqués’ avec mention de ceux-ci. Les autres mentions exigées par l’article précité à peine de nullité figurent à la déclaration d’appel.

La nullité de la déclaration d’appel n’est pas encourue et cette dernière sera déclarée régulière.

Sur la nullité du Contrat

La cour ne peut que statuer sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

La société Atlantic sollicite au dispositif de ses écritures la nullité d’un contrat daté du 14 février 2014.

Les parties s’accordent pourtant à considérer que le Contrat litigieux dont la nullité est demandée porte la date du 18 février 2014 (page 12 et 13 des écritures de la société Atlantic; page 10 et 11 des conclusions de la société Futur Digital) ce que constate la cour à sa lecture (pièce 2 – Futur Digital).

La société Futur Digital ne soulève pas l’irrecevabilité d’une demande de nullité d’un contrat du 14 février 2014 au motif qu’elle serait nouvelle. Elle répond aux moyens soulevés par la société Atlantic Elec à propos de la nullité du contrat du 18 février 2014 (page 11 de ses écritures).

La cour considérera qu’il s’agit d’une erreur de plume et que la société Atlantic Elec sollicite la nullité du Contrat (daté du 18 février 2014).

La société Atlantic Elec excipe de sa qualité de non-professionnel pour revendiquer les dispositions protectrices applicables aux consommateurs, notamment le droit de rétractation, qui n’a pu s’exercer en l’espèce, de sorte qu’elle s’estime fondée à obtenir la nullité du Contrat.

Elle fonde sa prétention sur les dispositions des articles L.121-20-2, L.121-21 et L.121-16-1 III anciens du code la consommation alors applicables lors de la conclusion du Contrat.

La société Futur Digital fait valoir que ces dispositions, reprises sous les articles L.221-3 et L.221-18 du code de la consommation, ont été créées par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 postérieure à la signature du Contrat et sont donc inapplicables.

Aucun des articles applicables ne prévoit la nullité d’un contrat au motif que les dispositions relatives au délai de rétractation n’auraient pas été respectées.

En revanche, l’article 121-18-1 du même code, dans sa version alors applicable, envisage la nullité du contrat notamment lorsque le professionnel n’a pas informé le consommateur de son droit à rétractation.

Cependant, conformément à l’article 34 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ces dispositions introduites par l’article 9 de ladite loi s’appliquent aux contrats conclus après le 13 juin 2014 de sorte que les dispositions précitées ne sont pas applicables au Contrat signé le 18 février 2014.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Atlantic Elec de sa demande de nullité du Contrat.

Sur la créance

La société Futur Digital sollicite la confirmation du jugement entrepris. Elle demande la condamnation de la société Atlantic Elec à la somme de 12.442,07 €. Cependant, le jugement a condamné la société Atlantic Elec à une somme de 5.179,36 €, ayant pour origine les factures des 7 janvier 2015 et 4 janvier 2016, et de 4.600 € en application de la clause pénale (facture du 18 octobre 2016), soit en réalité 9.779,36 € et non12.442,07 €.

Sur les factures des 7 janvier 2015 et 4 janvier 2016

La société Atlantic Elec oppose au paiement des factures des 7 janvier 2015 et 4 janvier 2016, la prescription biennale prévue au code de la consommation à défaut, la prescription quinquennale tirée du code de commerce.

– la prescription biennale

La société Atlantic Elec invoque son statut de non-professionnel pour se prévaloir des dispositions de l’article L.137-2, en vigueur du 19 juin 2008 au 1er juillet 2016, puis abrogé et remplacé par l’article L.218.2, du code de la consommation qui stipule que : ‘L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.’. Cet article est entré en vigueur le 1er juillet 2016 avant l’ordonnance d’injonction de payer du 2 mars 2020, signifiée à la société Atlantic Elec le 13 mars 2020 de sorte qu’il s’applique à l’espèce sous réserve que la société Atlantic Elec justifie de sa qualité de consommateur au sens du texte précité.

Or, à supposer que la société Atlantic Elec puisse se prévaloir du statut de non-professionnel au sens du code de la consommation qui dispose, en son article liminaire, que pour l’application de celui-ci, on entend par consommateur, toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, et par non-professionnel, toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles, la prescription prévus à L.218.2 du code de la consommation ne bénéficie qu’au seul consommateur et non au non-professionnel, de sorte qu’elle ne peut l’opposer à la société Futur Digital.

– la prescription quinquennale

La société Atlantic Elec sollicite, à titre subsidiaire, l’application de la prescription quinquennale applicable entre commerçants selon les dispositions de l’article L.110- 4 du code de commerce qui prévoient que : ‘Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans.’ afin que la société Futur Digital soit déboutée de sa demande de paiement de la facture du 7 janvier 2015, émise plus de 5 ans avant l’ordonnance d’injonction de payer du 3 mars 2020, signifiée le 13 mars 2020.

Le jugement entrepris, dont la société Futur Digital demande confirmation, a fait une application particulière de la prescription quinquennale, en exposant que le point de départ du délai de prescription de l’action en paiement de la société Futur Digital, au titre de la facture du 7 janvier 2015, établie au titre de l’abonnement au service digital, doit s’entendre du jour de la réalisation des prestations et non au jour de l’établissement de la facture. Le tribunal a ainsi appliqué partiellement la prescription pour la période du 1er janvier au 13 mars 2015, écoulée plus de 5 ans avant le 13 mars 2020. Il a ainsi déduit de la facture du 7 janvier 2015 d’un montant de 2.880 € la somme de 580,64 € correspondant à cette période prescrite selon lui.

La société Atlantic Elec soutient que la prescription quinquennale doit s’appliquer à la facture du 7 janvier 2015 en sa totalité.

L’application de la prescription quinquennale n’est pas contestée par la société Futur Digital.

La date de l’exigibilité de la créance à l’égard du débiteur constitue le point de départ de la prescription quinquennale.

En l’espèce, la facture du 7 janvier 2015 de 2.400 € HT soit 2880 € TTC, avait pour objet ‘Site Internet – Prestation du 01/01/2015 au 31/12/2015″ qui devait être acquittée selon un prélèvement mensuel de 240 € TTC. En l’absence de précisions aux conditions générales et particulières du Contrat, la cour considérera que l’exigibilité de la redevance mensuelle était fixée au dernier jour du mois de la prestation fournie. Ainsi, le point de départ de la prescription quinquennale doit être apprécié à chaque terme du mois, date d’exigibilité de la mensualité, et non en fonction de la période de prestation fournie. La prescription s’applique en effet, à la demande de paiement tirée de l’obligation de payer souscrite par la société Atlantic Elec aux termes du Contrat, et non à la réalisation de sa contrepartie, en l’espèce des prestations de création et d’hébergement d’un site Internet.

Ainsi seules sont prescrites les redevances mensuelles des mois de janvier et février 2015, celles du mois de mars, exigible le 31 mars 2015, ne l’étant pas puisque l’injonction de payer a été signifiée le 13 mars 2020 moins de 5 ans plus tard.

Ainsi la facture du 7 janvier 2015 devra être réduite des mensualités de janvier et février 2015 soit 480 € TTC (2 x 240) conduisant à retenir la somme de 2.400 € TTC au lieu de 2.880 € TTC.

Le jugement qui a retenu, pour cette facture, la somme de 2.299,36 € TTC (2.880 € -580,64 €) ne sera pas suivi.

– Sur le bien fondé de la créance

La société Atlantic Elec ne conteste pas la facture du 7 janvier 2015 de 2.400 € HT soit 2880 € TTC, réduite à 2.400 € TTC par l’effet de la prescription comme il a été dit ci-dessus, ni celle due au titre de la facture du 4 janvier 2016 (2.880 € TTC), puisqu’elle expose dans ses écritures (page 16) que sa condamnation ‘au titre des échéances impayées visées aux factures des 7 janvier 2015 et 4 janvier 2016 sera limitée aux sommes exigibles postérieurement au 13 mars 2015.’.

La créance née des prestations de services fournies par la société Futur Digital à la société Atlantic Elec s’élève à la somme de 5.280 € TTC (2.400 + 2.880) réduite à la somme de 5.179,36 € TTC, puisque la société Futur Digital a sollicité la confirmation du jugement qui a condamné la société Atlantic Elec à la somme de 5.179,36 € TTC à ce titre avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2020 avec anatocisme.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la facture du 18 octobre 2016

La facture du 18 octobre 2016 (5.568,39 € HT soit 6.682,07 € TTC) correspond à un indemnité de ‘Résiliation suite à mise en demeure restées infructueuse’ en application de l’article 16 des conditions générales du Contrat et dont le paiement est exigible à réception.

– la prescription biennale et quinquennale

La société Atlantic oppose également la prescription biennale et quinquennale qui sera rejetée pour les motifs précédemment exposés.

La société Atlantic Elec ne peut se prévaloir de la prescription courte de deux ans comme il a été dit précédemment.

La date d’exigibilité de la facture fixe le point de départ de la prescription quinquennale soit au plus tôt le 19 octobre 2016 de sorte que la prescription n’est pas acquise, l’injonction de payer ayant été signifiée le 13 mars 2020 moins de 5 ans plus tard.

– sur le bien fondé de la créance

La société Atlantic Elec fait valoir, au visa des articles 1171 du code civil, L.442-6-1 du code de commerce et L.132-1 ancien du code de la consommation, que la clause de résiliation (article 16 du Contrat) est abusive car elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Cette clause doit donc selon elle être réputée non écrite. A titre subsidiaire, elle soutient que les dispositions de l’article 16 du Contrat prévoyant une pénalité de rupture et une pénalité forfaitaire revêtent les caractéristiques d’une clause pénale au sens de l’article 1552 ancien du code civil.

La société Futur Digital rappelle qu’un contrat à durée déterminée doit s’exécuter jusqu’à son terme et qu’elle s’obligeait à fournir ses prestations pendant ce temps, ce qu’elle a fait dit-elle. Elle rappelle que le déséquilibre significatif ne s’apprécie pas clause par clause, mais globalement, que le Contrat comporte de nombreuses obligations à sa charge et à supposer qu’il existe une déséquilibre significatif, la société Atlantic Elec ne justifie pas d’un préjudice et d’un lien de causalité entre sa faute prétendue et un préjudice.

Elle ne s’explique pas spécialement sur le subsidiaire relatif à la clause pénale. Ayant sollicité la confirmation du jugement qui a considéré que les dispositions de l’article 16 du Contrat, critiquées par la société Atlantic Elec, pouvaient être qualifiées de clause pénale, la société Futur Digital a ainsi admis que celles-ci revêtaient cette qualification.

Sur le déséquilibre significatif

La société Atlantic Elec ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, qui ne s’appliquent pas aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 ce qui est le cas en l’espèce (18 février 2014).

L’article 442-6 I 2° du code de commerce, dans sa version alors applicable, dispose :’Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; …’.

L’article 16 – Résiliation des conditions générales du Contrat prévoit :

‘16.1 – Le présent contrat peut être résilié de plein droit par le concessionnaire, sans aucune formalité judiciaire, 8 jours après une mise en demeure restée infructueuse, dans les cas suivants:

– Non-paiement à terme d’une seule échéance

– Non-exécution d’une seule des conditions du contrat

– Inexactitude des déclarations transmises par le client à FUTUR DIGITAL

– Non réalisation de ses obligations de déclarations par le client

Après mise en demeure le cessionnaire conserve le droit de résilier le contrat même si le client

a proposé le paiement ou l’exécution de ses obligations ou même s’il y a procédé après le délai fixé.

16.2 – …

16.3 – Suite à une résiliation, le client devra restituer le site internet comme indiqué à l’article 17.

Outre cette restitution, le client devra verser au cessionnaire :

– Une somme égale au montant des échéances impayées au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10% et des intérêts de retard

– Une somme égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu’à la fin du contrat majorée

d’une clause pénale de 10% sans préjudice de tous dommages et intérêts que le client pourrait

devoir au concessionnaire du fait de la résiliation

16.4 -….’.

*

Les parties s’entendent à considérer que la désignation ‘concessionnaire’ s’applique à la société Futur Digital. Le ‘cessionnaire’ s’entend au sens du Contrat comme un établissement de location financière. Il ne résulte pas du dossier qu’une telle location financière ait été mise en place.

La société Atlantic Elec reproche le défaut de réciprocité de cette clause résolutoire de plein droit pour inexécution du Contrat. Elle expose en particulier qu’en cas de manquement de la société Futur Digital elle ne disposait pas de la possibilité de résilier le contrat avant son terme la contraignant à verser les échéances mensuelles jusqu’au terme du Contrat, outre une indemnité de résiliation.

La société Futur Digital rappelle que le Contrat prévoyait un certain nombre d’obligations à sa charge : obligation de livraison conforme du site, obligation de moyen au titre du référencement, obligation de respecter le cahier des charges du client, de sorte qu’il n’existe pas de déséquilibre significatif.

*

Le Contrat s’analyse comme un contrat de prestations de services à exécution successive. La société Futur Digital fournit dans un premier temps un site Internet conforme au cahier des charges de la société Atlantic Elec, puis s’oblige à l’héberger pendant la durée du contrat avec une prestation complémentaire de référencement et de statistiques.

Ces obligations supposent la mobilisation immédiate des moyens de la société Futur Digital dès l’entrée en vigueur du Contrat (18 février 2014) pour créer le site jusqu’au procès-verbal de conformité (5 décembre 2014) puis pour l’héberger ensuite alors que le prix de cette prestation est, pour l’essentiel, ‘lissé’ sur la durée du Contrat de sorte qu’elle a un intérêt à prévoir une clause résolutoire de plein droit en cas de défaut de paiement. L’absence de réciprocité de cette clause, en cas de manquement de la société Futur Digital, crée néanmoins un déséquilibre sans toutefois qu’il puisse être qualifié de significatif dans la mesure où, le cas échéant, la société Atlantic Elec dispose de la faculté d’obtenir la résiliation du Contrat par voie judiciaire par application de la loi.

Il ne sera pas fait droit à la demande de voir réputée non écrite la clause résolutoire de plein droit. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la clause pénale

Les premiers juges ont fait application des dispositions de l’article 1231-5, alinéa 1 à 4, du code civil, à la clause 16.3 du Contrat, la considérant comme une clause pénale. Ils ont fixé l’indemnité à 4.600 € réduisant la demande initiale de la société Futur Digital qui était de 6.682,07 € TTC.

En cause d’appel la société Atlantic Elec sollicite que le montant fixé par les premiers juges soit

réduit à 1 €. La société Futur Digital demande la confirmation du jugement entrepris.

La société Futur Digital ne justifie le montant de l’indemnité demandée initialement (6.682,07 € TTC) que par la production d’une facture (sa pièce 16) et la production d’un extrait du Grand-livre des tiers tirée de sa comptabilité (sa pièce 24) qui n’explicitent pas le détail du calcul de celle-ci.

Comme les premiers juges, la cour considère comme excessif le montant demandé et le réduira cependant à la somme de 500 €, connaissance prise de l’ensemble des pièces du dossier.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de délai de paiement

La société Atlantic Elec sollicite, au visa de l’article 1244-1 ancien du code civil, et le cas échéant d’une condamnation par la cour, un délai de deux ans pour s’en acquitter.

Le juge de l’exécution a déjà accordé, par ordonnance du 22 mai 2022, un délai de 24 mois à raison de 300 € par mois, pour permettre à la société Atlantic Elec de s’acquitter des causes de sa condamnation prononcée par les premiers juges.

La société Atlantic Elec indique avoir ‘scrupuleusement’ respecté ces modalités (page 21 de ses écritures) et ne justifie pas de sa situation financière, de sorte qu’il n’y a lieu à faire droit à cette demande, les condamnations en appel étant moindres que celles prononcées en première instance.

Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.

Sur la procédure abusive

La société Atlantic Elec sollicite la condamnation de la société Futur Digital à verser à la société Atlantic Elec une somme de 3.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande la société Atlantic Elec qui ne justifie pas d’un abus commis par la société Futur Digital dans l’exercice de ses droits alors que la cour confirme le principe de sa condamnation au profit de la société Futur Digital.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Atlantic Elec qui succombe pour l’essentiel, sera condamnée aux dépens d’appel.

La société Atlantic Elec sera condamnée à la somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 26 mai 2021 en ce qu’il a condamné l’Eurl Atlantic Elec à payer à la société France Digital la somme de 4.600 € en application de la clause pénale,

Confirme le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne, l’Eurl Atlantic Elec à payer à la société France Digital la somme de 500 € au titre de la clause pénale,

Rejette toutes autres demandes,

Y ajoutant,

Condamne l’Eurl Atlantic Elec aux dépens d’appel,

Condamne l’Eurl Atlantic Elec à payer à la société France Digital la somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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