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8 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/00137
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00137 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3QP
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Décembre 2022 -Président du TC de PARIS – RG n° 2022059513
APPELANTE
S.A.S.U. KARAVEL, RCS de Paris sous le n°532 321 916
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistée à l’audience par Me François-Luc SIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : P411
INTIMEES
S.A.S. ABC TRAVEL, RCS de Paris sous le n°828 790 501, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.A.S. JFC TRAVEL, RCS de Paris sous le n°841 316 193, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentées et assistées par Me Louis-andré SOUSSY, avocat au barreau de PARIS, toque : A0839
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller et Michèle CHOPIN, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller
Michèle CHOPIN, Conseillère
Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
La société Karavel est une société française indépendante, active en France depuis 1999 dans le secteur de la production et la distribution de voyages au travers, notamment, de ses marques Promovacances, Partir Pas Cher ou encore Ecotour.
Le réseau d’agences de voyage Promovacances est constitué à la fois d’agences de voyage en propre et de mandataires.
La société Abc Travel a signé un contrat de mandat avec la société Karavel en novembre 2017 pour une durée indéterminée.
La société JFC Travel a également signé le 20 septembre 2018 un contrat de mandat avec la société Karavel pour une durée indéterminée.
La société Karavel a indiqué avoir découvert des fautes graves qui auraient été commises par les deux agences mandataires, à savoir notamment la vente de séjours en collaborant directement avec les fournisseurs référencés par elle, ce qui constituerait une violation délibérée des articles 7 et 21 des contrats de mandat, ainsi qu’un manquement à l’obligation de loyauté.
La société Karavel a adressé, le 9 septembre 2022, à chacune des sociétés ABC Travel et JFC Travel, une mise en demeure avant résiliation, impartissant à ces dernières un délai de 30 jours pour cesser de contrevenir aux dispositions des articles 7 et 21 de chacun des contrats de mandat, ce, conformément à l’article 26 de ces contrats.
Par constat d’huissier de justice du 7 novembre 2022, il a été relevé que la société Abc Travel et la société JFC Travel, membres du réseau Promovacances, apparaissaient comme membres du réseau d’agences de voyage Tourcom, réseau d’agence de voyage concurrent de celui de Promovacances.
Le 12 novembre 2022, les deux contrats de mandat liant la société Karavel à la société ABC Travel et à la société JFC Travel ont pris fin.
Par exploit du 9 décembre 2022, la société Karavel a fait assigner la société ABC Travel et la société JFC Travel devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de :
– déclarer la société Karavel recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– dire que la violation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de leur obligation de non concurrence post-contractuelle prévue dans chacun des contrats de mandat, constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser ;
– ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation, par les sociétés ABC Travel et JFC Travel, de l’obligation de non-concurrence post- contractuelle stipulée à l’article 21 de chacun des contrats de mandat, sous astreinte 1.000 euros par jour à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– dire que la violation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de leur obligation de compléter les dossiers clients avec les coordonnées des clients, prévue dans chacun des contrats de mandat, constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser ;
– ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation, par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de l’obligation de compléter les dossiers clients avec les coordonnées des clients stipulée à l’article 9 de chacun des contrats de mandat, sous astreinte 1.000 euros par jour à compter de l’ordonnance à intervenir ;
– condamner solidairement les sociétés ABC Travel et JFC Travel à payer à la société Karavel la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement les sociétés ABC Travel et JFC Travel aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire du 20 décembre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
– débouté la société Karavel de sa demande visant à ordonner sous astreinte la cessation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de la violation alléguée de la clause de non-concurrence ;
– ordonné aux défenderesses, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la signification de la présente ordonnance, et pendant un délai d’ un mois, (..) les coordonnées conformes à l’article 9 du contrat de mandat des huit clients listés à la pièce n° 15 de la société Karavel ;
– reconvoqué les parties à l’audience du vendredi 20 janvier à 10h30 pour les entendre sur les demandes à titre reconventionnel des défenderesses ;
– réservé les demandes au titre de l’ articIe 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par déclaration du 02 janvier 2023, la société Karavel a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 17 avril 2023, la société Karavel demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2022 en ce qu’elle a :
‘ débouté la société Karavel de sa demande tendant à ce que soit ordonnée, sous astreinte, la cessation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle,
‘ et en ce qu’elle a limité la condamnation des sociétés ABC Travel et JFC Travel à communiquer les coordonnées clients uniquement en ce qui concerne les huit clients listés à la pièce 15 communiquée par la société Karavel ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la signification de l’ordonnance et pendant un délai d’un mois ;
Statuant à nouveau,
– déclarer la société Karavel recevable et bien-fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– dire que la violation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de leur obligation de non-concurrence post-contractuelle prévue dans chacun des contrats de mandat, constitue un trouble manifestement illicite ;
En conséquence,
– ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel , de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l’article 21 de chacun des contrats de mandat, sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la décision à intervenir ;
– dire que la violation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de leur obligation de compléter les dossiers clients avec les coordonnées des clients, prévue dans chacun des contrats de mandat, constitue un trouble manifestement illicite ;
En conséquence,
– ordonner la cessation du trouble manifestement illicite constitué par la violation, par les sociétés ABC Travel et JFC Travel , de l’obligation de compléter tous les dossiers clients avec les coordonnées des clients stipulée à l’article 9 de chacun des contrats de mandat, sous astreinte de 1.000 euros par jour à compter de la décision à intervenir ;
– rejeter la demande des sociétés ABC Travel et JFC Travel de condamnation de la société Karavel au paiement d’une amende civile de 3.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile et de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamner solidairement les sociétés ABC Travel et JFC Travel à payer à la société Karavel la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement les sociétés ABC Travel et JFC Travel aux entiers dépens.
Elle expose notamment que :
– le juge des référés n’a pas adopté une lecture fidèle de l’article 21 des contrats de mandat, en omettant le Territoire (T majuscule) défini,
– le juge du fond n’a pas été saisi de la liceité de la clause de non-concurrence contractuelle, mais de la résiliation pour faute grave des mandats,
– or, la violation d’une clause de non-concurrence post-contractuelle constitue bien un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser,
– une telle clause est prévue dans chaque contrat, respecte les dispositions de l’article L 134-14 du code de commerce et est donc valide, et la violation de cette clause par les intimées est démontrée,
– la non-communication des coordonnées de clients constitue également un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser, alors que les sociétés ABC Travel et JFC Travel n’ont sciemment pas complété les dossiers-clients avec les coordonnées requises et refusé de les transmettre, ce qui constitue une violation évidente de l’article 9 des contrats de mandat,
– les sociétés ABC Travel et JFC Travel sont défaillantes à démontrer sérieusement que l’action initiée serait abusive.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 11 avril 2023, les sociétés ABC Travel et JFC Travel demandent à la cour de :
– dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Karavel ;
– renvoyer la société Karavel à mieux se pourvoir ;
– déclarer non-fondées les demandes de la société Karavel et l’en débouter ;
– déclarer mal fondé l’appel de la société Karavel à l’encontre de la décision rendue le 20 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris statuant en référé ;
Par conséquent,
– confirmer la décision déférée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé ;
– débouter la société Karavel de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Y ajoutant,
– déclarer nulles, et subsidiairement non-écrites, les clauses de non-concurrence invoquées par la société Karavel à l’appui de son action ;
– dire et juger que la société Karavel ne démontre pas la nécessité de protéger un savoir-faire ;
Subsidiairement,
– dire et juger que les sociétés ABC Travel et JFC Travel n’ont commis aucun acte de violation de ce prétendu savoir-faire dont elles contestent l’existence ;
– se déclarer incompétente rationae materiae sur les demandes de la société Karavel au profit du juge du fond, déjà saisi ;
– condamner la société Karavel à une amende civile de 3.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;
– condamner la société Karavel à verser aux sociétés ABC Travel et JFC Travel 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour l’exercice abusif de procédures judiciaires ;
– condamner la société Karavel à verser à la société ABC Travel la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 ;
– condamner la société Karavel à verser à la société JFC Travel la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 ;
– condamner la société Karavel aux dépens de première instance et d’appel.
Elles exposent notamment que :
– la société Karavel, qui se prévaut de fautes graves commises par les intimées a déjà assigné au fond et saisi le tribunal de commerce, alors que le juge des référés n’a pas le pouvoir pour trancher la réalité des fautes alléguées, et qu’aucune faute n’a été commise durant la relation contractuelle,
– les conditions de mise en oeuvre de l’article 21 ne sont pas réunies, et il n’existe aucun trouble ni dommage, ni aucune atteinte à son savoir-faire,
– les parties au litige n’exercent pas dans le même secteur et ne délivrent pas les mêmes prestations,
-les clauses de non-concurrence invoquées ne sont pas valides, et sont contraires aux droits européen et national, le comportement de la société Karavel s’analysant en une situation dominante et ne poursuivant pas un but légitime, son objectif réel étant “d’écraser” deux agences indépendantes,
– compte tenu du déséquilibre des relations, la cour pourra écarter l’application de la clause de non-concurrence,
– cette clause a pour finalité de protéger le savoir-faire de la société Karavel, qui, en l’espèce, ne l’a pas transmis, de sorte que ladite clause sera réputée non-écrite,
– les intimées sont certes adhérentes du réseau Tourcom, qui n’a rien de concurrentiel avec la société Karavel, s’agissant d’une plate-forme de logistique et de services en ligne,
– il n’existe donc aucun trouble manifestement illicite,
– par ailleurs, certains clients ne souhaitent pas donner leurs coordonnées, tandis que le défaut de transmission reproché concerne six dossiers dont trois sont actifs, la demande ayant été au surplus satisfaite, de sorte qu’elle n’a plus d’objet,
– la présente procédure est abusive et destinée à faire fermer des agences en désaccord avec la société Karavel, responsable d’un véritable acharnement procédural.
SUR CE,
En application des dispositions de l’article 873 du code de procédure civile, le président (du tribunal de commerce) peut, (…) Et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et le dommage imminent s’entend de celui qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.
Pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d’un droit dont la survenance et la réalité sont certaines.
La société Karavel expose que la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle, par les intimées constitue bien un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser, étant précisé que cette clause est parfaitement valide. Les intimées soutiennent, pour leur part, que les clauses de non-concurrence invoquées ne sont pas valides, et que la société Karavel a d’ores et déjà saisi le tribunal de commerce au fond de ce litige.
Dès lors que les stipulations claires et précises de la convention des parties doivent être exécutées par elles, le fait pour l’une d’elles de s’y refuser unilatéralement constitue bien un trouble manifestement illicite de nature à conduire le juge des référés à ordonner, à titre de mesure conservatoire ou de remise en état, l’exécution de l’obligation contractuelle. Il y aura donc lieu d’examiner si les sociétés ABC Travel et JFC Travel ont méconnu leurs obligations post-contractuelles tout en vérifiant qu’il s’agit de stipulations claires et précises. De plus, il est constant qu’il ne peut y avoir de trouble manifestement illicite que si la clause de non-concurrence qui en constitue le fondement est licite.
Ces points étant précisés, il appartient bien au juge des référés saisi d’une demande en cessation du trouble liée à l’inexécution d’une obligation prévue par un contrat, de rechercher si cette demande ne se heurte pas au caractère manifestement illicite de la clause prévoyant cette obligation.
L’article L 134-14 du code de commerce prévoit à cet égard que le contrat peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat. Cette clause doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confié à l’agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat. La clause de non-concurrence n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation d’un contrat.
L’article 21 de chacun des contrats de mandat est rédigé comme suit :
” En cas de cessation du contrat pour quelque motif que ce soit ou de cession des droits tirés du contrat à un tiers et afin de protéger le savoir-faire transmis pendant l’exécution du contrat, le mandataire s’engage sur l’ensemble du Territoire et pendant une durée de deux ans à compter de la cessation du contrat, à ne pas exercer directement ou indirectement pour son compte ou pour celui d’un tiers une activité de commercialisation et de distribution de produits et services concurrents des produits et services contractuels”.
Force est de constater que cette clause est limitée à une durée de deux années, ce qui correspond pratiquement à une durée maximale. Le chapitre préliminaire de chaque contrat définit le Territoire comme “le Territoire géographique sur lequel le mandataire bénéficie au titre d’une ou plusieurs agences qu’il exploite d’une exclusivité d’implantation, de prospection et de négociation”, de sorte que l’obligation de non-concurrence est également circonscrite dans l’espace.
S’agissant du déséquilibre significatif allégué dans les relations contractuelles, il convient de préciser qu’au stade du référé, il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la validité de la clause alors que seuls les juges du fond sont compétents pour statuer sur la nullité de ladite clause, mais il suffit pour la cour de procéder aux constatations suivantes :
– d’une part, les contrats signés consacrent des développements au savoir-faire de la société Karavel et en signant ces contrats, les intimées ont reconnu l’existence de ce savoir-faire.
– d’autre part, il ressort de la lecture des contrats que la clause de non-concurrence post-contractuelle est applicable dans tous les cas de cessation du contrat, quelle que soit la cause de cette cessation, ce qui permet de conclure que la société Karavel n’entend pas utiliser de manière dévoyée la clause de non-concurrence comme une clause pénale pour sanctionner des agences concurrentes.
Par ailleurs, il n’est pas discuté que la société Karavel a fait assigner les intimées devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir dire, notamment, que les contrats de mandat dont s’agit ont été résiliés pour faute grave aux torts exclusifs des sociétés ABC Travel et JFC Travel.
Cette action au fond a donc trait à l’exécution, le cas échéant fautive, des contrats de mandat, et non à la responsabilité contractuelle de l’une des parties postérieurement à la résiliation survenue, de sorte que l’instance au fond est distincte, dans son objet, de la présente instance.
Enfin, il ressort des pièces produites et des débats que :
– il n’est pas contesté que les sociétés ABC Travel et JFC Travel exercent une activité d’agence de voyage, ni qu’elles sont désormais membres du réseau Tourcom,
– le constat d’huissier de justice établi le 14 novembre 2022 précise que ces deux sociétés apparaissent sur le site www.tourcom.fr,
– trois séries de courriels sont produits, émanant tous de fournisseurs de la société Karavel, précisant avoir été démarchés postérieurement à la résiliation de leur contrat de mandat, par le réseau Tourcom, annonçant l’intégration des sociétés ABC Travel et JFC Travel,
– les sociétés ABC Travel et JFC Travel ne le contestent pas et se contentent d’affirmer que le réseau Tourcom ne serait pas concurrent de la société Karavel,
– les contrats de mandat signés en l’espèce entre les parties définissent les produits et services contractuels comme les “produits et prestations de services dont la distribution est confiée au mandataire”, la typologie de ces produits et services regroupant les activités “Package”, vols secs, locatif/ski, croisières et assurances,
– de la sorte, il apparaît bien que les sociétés ABC Travel et JFC Travel continuent à représenter, pour le compte du réseau Tourcom, des produits substituables à ceux qu’elles avaient précisément pour mandat de commercialiser, ainsi qu’à démarcher des fournisseurs de la société Karavel,
– il en résulte bien que le réseau Tourcom et la société Karavel se trouvent en situation de concurrence, le simple fait que le réseau Tourcom soit une plate-forme étant en réalité indifférent,
– mais toutefois, la clause de non-concurrence post-contractuelle invoquée ne pouvant être assimilée à une clause de non-réaffiliation, il ne peut être sérieusement reproché aux intimées d’avoir postérieurement à la résiliation de leur mandat avec la société Karavel adhéré à un réseau comme celui de Tourcom,
– dès lors, au regard du mode d’exercice habituel de la profession concernée, qu’il ne serait pas possible, sous peine de générer un trouble manifestement illicite, d’assurer l’efficacité d’une clause qui interdirait de fait à l’ex-mandataire de poursuivre son activité dans des conditions suffisamment viables, étant précisé que les sociétés ABC Travel et JFC Travel sont des agences de voyage et ont vocation à commercialiser des produits substituables à ceux qu’elles commercialisaient pour le compte de la société Karavel, force est de constater que la clause litigieuse leur interdit d’exercer une activité à titre individuel,
– il en résulte que la clause de non concurrence post contractuelle est susceptible d’entraîner pour les sociétés intimées une incapacité de fait d’exercer leur activité dans des conditions normales.
De la sorte, il apparaît qu’il existe une disproportionnalité manifeste pouvant faire obstacle au jeu de la clause, ce qui relève de l’appréciation du juge du fond. L’existence d’un trouble manifestement illicite n’est donc pas établie.
L’ordonnance rendue sera donc confirmée en ce qu’elle a dit qu’il n’y avait lieu à référé sur ce point.
Sur le trouble manifestement illicite issu de la non-communication des coordonnées de clients, l’article 9 des contrats de mandat signés par les parties stipule que :
” Dans le cadre de la création d’un dossier, le mandataire s’engage à compléter les champs indispensables au bon traitement de la commande:
– Nom et prénom du titulaire du dossier,
– Adresse du titulaire du dossier,
– Coordonnées téléphoniques,
– Une adresse e-mail,
– Nom et prénom du/des passagers”.
L’article 28 de ces contrats précise que:
“A l’expiration du présent contrat, pour quelque cause que ce soit:
(…)
2) le mandataire s’oblige à respecter la réglementation en matière de traitement informatique de données à caractère personnel. Le mandant garde la propriété exclusive de la base de données des clients que le mandataire s’interdit d’utiliser en dehors du contrat, sauf autorisation expresse du mandant”.
Il apparaît que :
– les intimées ne conteste pas n’avoir pas complété ni transmis les coordonnées de certains clients, avant d’y avoir été contraintes par l’ordonnance rendue,
– toutefois, il s’avère que la communication n’a été faite que s’agissant des huit clients dont le départ en voyage était imminent,
– or, l’article 9 ci -dessus cité impose bien la communication des coordonnées de tous les clients, quand bien même certains seraient déjà partis en vacances,
– par conséquent, la violation par les sociétés ABC Travel et JFC Travel de leur obligation de compléter l’ensemble des dossiers par les coordonnées des clients est établie et constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
L’ordonnance rendue sera confirmée de ce chef mais infirmée en ce qu’elle a limité, à titre de mesure propre à faire cesser ledit trouble, la communication des coordonnées aux seuls clients listés dans la pièce n°15 du bordereau de communication de la société Karavel.
A ce titre il sera fait obligation aux sociétés ABC Travel et JFC Travel de procéder, sous astreinte, à la communication des coordonnées manquantes, ce dans les termes du dispositif.
Eu égard à la solution du litige, aucune mauvaise foi n’étant démontrée, il ne sera pas fait droit à la demande des intimées au titre de la procédure abusive.
Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement réglé par le premier juge.
Chacune des parties, succombant partiellement en ses demandes, conservera la charge des dépens de l’appel.
Il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné aux sociétés ABC Travel et JFC Travel , “sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du lendemain de la signification de l’ordonnance et pendant un délai d’un mois (de communiquer) les coordonnées conformes à l’article 9 du contrat de mandat des huit clients listés à la pièce n°15 de Karavel”,
Statuant à nouveau de ce chef,
Ordonne aux sociétés ABC Travel et JFC Travel de communiquer les coordonnées conformes à l’article 9 du contrat de mandat de l’ensemble des clients listés, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour à compter de la signification de cet arrêt et pendant une durée de 30 jours à l’issue de laquelle il sera fait droit, ce dans le délai de huit jours à compter de la signification de cet arrêt,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Rejette toute autre demande,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens exposés en appel,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE