Déséquilibre significatif : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 23/00052
Déséquilibre significatif : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 23/00052

7 septembre 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG
23/00052

Ordonnance n 55

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07 Septembre 2023

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N° RG 23/00052 –

N° Portalis DBV5-V-B7H-G3AW

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[Z] [C]

C/

S.A. MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE —————————

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le sept septembre deux mille vingt trois par Madame Thierry MONGE, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière,

Dans l’affaire qui a été examinée en audience publique le vingt sept juillet deux mille vingt trois, mise en délibéré au sept septembre deux mille vingt trois.

ENTRE :

Monsieur [Z] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Medhi DUBUC-LARIBI de la SELASU DUBUC LARIBI, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D’UNE PART,

ET :

S.A. MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE S.A Société anonyme au capital social de 183 305 100 €, immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n° 304 974 249, ayant son siège social [Adresse 3] [Localité 4], prise en la personne de son directeur général M [Y] en exercice domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS, avocat constitué, et ayant pour avocat Me Marion HAAS, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR en référé ,

D’AUTRE PART,

Faits et procédure :

Monsieur [Z] [C] a acquis un véhicule particulier auprès de la société distributrice SAVIA NIORT pour un montant global de 135 664,56 euros toutes taxes comprises selon bon de commande n°B723034 en date du 13 février 2019.

Ledit véhicule devait être partiellement financé au moyen d’un crédit affecté outre le versement d’un apport d’un montant de 19 597,80 euros toutes taxes comprises.

Le véhicule a été livré le 29 août 2019.

Monsieur [Z] [C] indique s’être vu notifier son licenciement parallèlement à la livraison du véhicule et avoir tenté de mobiliser la garantie souscrite lors de la signature du prêt affecté.

Il indique s’être vu opposer un refus de prise en charge des mensualités d’emprunt en raison du délai de carence de 90 jours, la SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE retenant la date du 3 juillet 2019 pour la signature du crédit.

Monsieur [Z] [C] soutient que la date de livraison du véhicule n’aurait pas été respectée et que le véhicule livré ne correspondrait pas à celui commandé.

Par exploit en date du 28 janvier 2022, la SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE a fait assigner Monsieur [Z] [C] devant le tribunal judiciaire de La Rochelle en annulation des contrats de vente et de crédit et en restitution de la somme versée. La défenderesse a conclu au rejet de ces prétentions et sollicité la condamnation du demandeur à lui régler les sommes devenues exigibles en raison du prononcé de la résolution du contrat de prêt.

Selon jugement en date du 21 février 2023, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 22 septembre 2022,

– ordonné la clôture de l’instruction au 13 décembre 2022 ;

– rejeté les demandes d’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit présentées par Monsieur [Z] [C] ;

– débouté Monsieur [Z] [C] de sa demande de restitution des fonds perçus par la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE ;

– condamné Monsieur [Z] [C] à payer à la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE la somme de 101 256,61 euros (cent un mille deux cent cinquante-six euros et soixante et un centimes), avec intérêts au taux contractuel de 5,70% à compter du 13 janvier 2021 ;

– dit que les intérêts échus pour une année entière produiront intérêt dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

– condamné Monsieur [Z] [C] à restituer à la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE le véhicule MERCEDES BENZ Classe C 63 S BA AMG immatriculé [Immatriculation 5], muni de ses clefs et documents réglementaires ;

– rejeté la demande d’astreinte ;

– dit n’y avoir lieu d’autoriser la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE à faire appréhender ledit véhicule ;

– rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par Monsieur [Z] [C] ;

– condamné Monsieur [Z] [C] à payer à la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté la demande présentée par Monsieur [Z] [C] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [Z] [C] aux dépens ;

– dit que Maître CHAUVET pourra recouvrer directement auprès de Monsieur [Z] [C] les dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Monsieur [Z] [C] a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 28 février 2023 en ce qu’il a :

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 22 septembre 2022,

– ordonné la clôture de l’instruction du 13 décembre 2022 ;

– rejeté les demandes d’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit présentées par Monsieur [Z] [C] ;

– débouté Monsieur [Z] [C] de sa demande de restitution des fonds perçus par la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE ;

– condamné Monsieur [Z] [C] à payer à la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE la somme de 101 256,61 euros (cent un mille deux cent cinquante-six euros et soixante et un centimes), avec intérêts au taux contractuel de 5,70% à compter du 13 janvier 2021 ;

– dit que les intérêts échus pour une année entière produiront intérêt dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil ;

– condamné Monsieur [Z] [C] à restituer à la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE le véhicule MERCEDES BENZ Classe C 63 S BA AMG immatriculé [Immatriculation 5], muni de ses clefs et documents réglementaires ;

– rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par Monsieur [Z] [C] ;

– condamné Monsieur [Z] [C] à payer à la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté la demande présentée par Monsieur [Z] [C] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [Z] [C] aux dépens ;

– dit que Maître CHAUVET pourra recouvrer directement auprès de Monsieur [Z] [C] les dépens dont elle fait l’avance sans avoir reçu provision ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Par acte en date du 11 juillet 2023, Monsieur [Z] [C] a fait assigner la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE devant la première présidente de la cour d’appel de Poitiers, aux fins d’obtenir, par application des dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, l’arrêt de l’exécution provisoire assortissant la décision dont appel.

L’affaire a été appelée à l’audience du 27 juillet 2023.

Au titre des moyens sérieux de réformation, Monsieur [Z] [C] fait valoir que le véhicule livré ne correspond pas au véhicule commandé, de sorte que le contrat de vente encourt la nullité en application des dispositions des articles 1604 et suivants du code civil.

Il soutient qu’il existe des incohérences entre les différentes pièces contractuelles produites par la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES et le bon de commande qu’il a signé, et que le premier juge ne pouvait écarter sa demande de nullité du contrat du seul fait qu’il n’a initié aucune action en ce sens à l’encontre du vendeur et qu’il a signé le procès-verbal de livraison sans émettre aucune réserve.

Monsieur [Z] [C] fait en outre valoir que le contrat de crédit affecté ne comporte aucune mention relative au droit à rétractation dont il bénéficiait à la signature du contrat, de sorte que ledit contrat encourt la nullité en application des dispositions des articles L.312-19 et L.312-28 du code de la consommation.

Monsieur [Z] [C] soutient que certaines clauses du contrat de crédit, au regard desquelles le tribunal judiciaire de La Rochelle a prononcé des condamnations pécuniaires à son encontre ainsi que la restitution du véhicule, sont abusives, en application des dispositions de l’article L.212-1 du code civil, en ce qu’elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il soutient ainsi qu’il ne pouvait lui être imposé à la fois la déchéance du terme et la restitution du véhicule.

Monsieur [Z] [C] fait enfin valoir qu’il existe un doute manifeste sur la date réelle de signature du contrat de prêt et qu’à la date de signature du document intitulé « contrat de crédit », soit le 29 août 2019, il avait déjà été licencié, de sorte que la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES a manqué à son devoir de conseil en n’attirant pas son attention sur le fait qu’il n’était pas éligible à ce type de garantie en l’absence de contrat de travail en cours d’exécution.

Il soutient ainsi qu’il aurait dû être fait droit à sa demande de dommages et intérêts.

Monsieur [Z] [C] indique que le tribunal correctionnel de Niort a prononcé à son encontre une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de dix ans, de sorte qu’il serait privé de toute rémunération.

Il fait ainsi valoir, qu’au regard de sa situation financière précaire, l’exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour lui des conséquences manifestement excessives.

La société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE soulève l’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Elle fait valoir que Monsieur [Z] [C] n’a pas présenté d’observations sur l’exécution provisoire en première instance, de sorte que sa demande est irrecevable à défaut de justifier, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

Elle indique que les moyens soulevés par Monsieur [Z] [C] ne constituent pas des moyens sérieux d’annulation ou de réformation en appel.

S’agissant des conséquences manifestement excessives invoquées par le requérant, la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE fait valoir que Monsieur [Z] [C] avait connaissance de poursuites pénales à son encontre en première instance ainsi que des enjeux pénaux et financiers de son procès devant le tribunal correctionnel, de sorte qu’il ne justifie pas de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

Elle indique, en outre, que si Monsieur [Z] [C] fait l’objet d’une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, il peut travailler dans tout autre domaine et qu’il a par ailleurs fait appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel.

Elle sollicite la condamnation de Monsieur [Z] [C] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.

Motifs :

L’article 514-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d’opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie, arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l’arrêt de l’exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes: la démonstration de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l’exécution de cette décision risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Concernant la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire, le deuxième alinéa de l’article 514-3 précité prévoit, plus strictement, qu’elle ne sera recevable à demander l’arrêt de l’exécution provisoire qu’à la condition d’établir, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

En l’espèce, Monsieur [Z] [C] ne conteste pas ne pas avoir formulé d’observations sur l’exécution provisoire en première instance.

Même si Monsieur [Z] [C] avait connaissance de poursuites pénales à son encontre, le jugement du tribunal correctionnel prononçant une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de dix ans a été rendu le 2 février 2023, soit postérieurement à l’audience devant le tribunal judiciaire, et en cela il constitue un élément nouveau dans la situation du demandeur, postérieur à la décision de première instance.

Cependant, Monsieur [Z] [C] ne justifie pas de l’impossibilité d’exercer une activité autre que celles pour lesquelles une interdiction d’exercer a été prononcée.

Par ailleurs, le requérant ne verse aux débats aucun justificatif de ses ressources et de son patrimoine immobilier, de sorte qu’il ne justifie pas de sa situation financière.

Il en résulte que Monsieur [Z] [C] ne justifie pas de l’existence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

Les conditions fixées à l’article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, il n’y a pas lieu, faute pour Monsieur [Z] [C] de justifier de l’existence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance, d’examiner s’il présente à l’appui de sa demande, des moyens sérieux d’annulation ou de réformation, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire assortissant le jugement rendu par le tribunal judiciaire de La Rochelle sera déclarée irrecevable.

Succombant à la présente instance, Monsieur [Z] [C] sera condamné aux entiers dépens.

L’équité justifie de ne pas mettre d’indemnité de procédure à sa charge.

Décision :

Par ces motifs, nous, Thierry MONGE, statuant en matière de référé par délégation du premier président, par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire :

Déclarons irrecevable la demande de Monsieur [Z] [C] aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire dont est assortie la décision rendue par le tribunal judiciaire de la Rochelle le 21 février 2023,

Condamnons Monsieur [Z] [C] aux dépens,

Rejetons la demande formée par la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, Le président,

Inès BELLIN Thierry MONGE

 


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