7 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/07609
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 8
ARRÊT DU 07 JUIN 2023
(n° 2023/ 96 , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07609 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQXV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/10865
APPELANT
Monsieur [Z] [G]
[Adresse 2]
[Localité 3]
né le 29 Mai 1963 à KALYOBIA (EGYPTE)
De nationalité égyptienne
représenté par Me Billel ZEKRI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/016007 du 13/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
La société FIDELIDADE COMPANHIA DE SEGUROS SA,
dont le siège social est au PORTUGAL et dont l’adresse du principal établissement en France est situé [Adresse 1] RCS NANTERRE n°413 175 191, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité à l’adresse précitée
[Adresse 5]
[Localité 4]
N° SIRET : 413 175 191
représentée par Me Nathalie ROINE de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0002
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
M Julien SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 10 avril 2002, M. [Z] [G] a souscrit une assurance « crédit amortissable » auprès de la société FIDELIDADE COMPANHIA DE SEGUROS SAS (ci-après dénommmée FIDELIDADE) en vue de garantie, à concurrence de 50%, un prêt de 186.000 euros souscrit auprès de la banque CAIXA afin d’acquérir sa résidence principale.
Au mois d’octobre 2006, M. [G] a présenté des troubles de l’équilibre et des céphalées qui ont amené à la découverte d’un cavernome cérébelleux pour lequel il a été opéré.
La société FIDELIDADE a pris en charge les intérêts du prêt pour la période du 29 janvier 2007 au 31 décembre 2008, puis du 1er juillet 2009 au 30 novembre 2014.
Le 1er juillet 2009, M. [G] a été reconnu par la Sécurité Sociale en invalidité de 2ème catégorie.
Au cours de la période d’indemnisation, une expertise arbitrale a été confiée au docteur [O] [L], qui a conclu le 9 avril 2010 que : ‘M. [G] est médicalement dans l’incapacité totale d’exercer une quelconque activité professionnelle, et ce de manière définitive’.
Par un courrier en date du 31 mars 2015, la compagnie FIDELIDADE a indiqué à M.[G] qu’elle cessait la prise en charge, considérant qu’il était capable de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel, et précisant qu’elle se réservait le droit de demander le remboursement des prestations versées à tort au titre de la période du 1er juillet 2009 au 30 novembre 2014.
M. [G] ayant contesté la décision, une nouvelle expertise arbitrale a été organisée et a été confiée au docteur [U] [D] qui a rédigé son rapport le 11 mars 2016 concluant à : ‘une incapacité fonctionnelle de 33% ne lui permettant pas de reprendre son ancienne activité professionnelle, mais compatible avec une activité partielle dans un poste sédentaire ne comportant ni station debout prolongée, ni déplacements répétés, tel un travail de gardiennage ou de surveillance.’
La société FIDELIDADE a maintenu son refus de prise en charge considérant que M. [G] n’était plus en incapacité temporaire totale de travail depuis le 15 novembre 2012.
Par acte d’huissier en date du 10 juillet 2018, M. [Z] [G] a assigné la compagnie FIDELIDADE dveant le tribunal judiciaire de PARIS;
Par jugement du 14 janvier 2021, ledit tribunal, a :
‘ débouté M. [Z] [G] de l’intégralité de ses demandes,
‘ débouté la société FIDELIDADE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné M. [Z] [G] aux dépens,
‘ débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige.
Par déclaration électronique du 19 avril 2021, enregistrée au greffe le 27 avril, M. [G] a interjeté appel de la décision.
Par conclusions (n°1) notifiées par voie électronique le 19 juillet 2021, l’appelant, demande à la cour :
– INFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
– dire et juger M. [G] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions;
En conséquence,
– déclarer abusive la clause définissant l’Incapacité’ Totale comme « L’assuré est en état d’Incapacité’ Temporaire Totale de Travail lorsqu’il se trouve, par suite de maladie ou accident, dans l’impossibilité’ absolue de reprendre une activité’ professionnelle quelconque, même à temps partiel » ;
– condamner FIDELIDADE à prendre en charge les mensualités du prêt souscrit par M. [G] auprès de la CAIXA, avec effet rétroactif au 1er décembre 2014 ;
En tout état de cause,
– condamner solidairement ‘CNP Assurance et le Crédit Immobilier de France Bretagne Atlantique’ (sic) à lui payer une somme de 4.000 euros en application de l’article 37, al 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1990 ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions d’intimée notifiées par voie électronique le 7 octobre 2021, la société FIDELIDADE, demande à la cour, au visa des Conditions générales valant Notice d’information du contrat d’assurance prêt bancaire « Crédit amortissable » n°10208, des anciens articles 1134 et 1315 du code civil, de :
1/ CONFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que l’article 2.3 de la police d’assurance souscrite auprès de la compagnie FIDELIDADE ne constituait pas une clause abusive ;
2/ CONFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que M. [G] n’établissait pas remplir les conditions de garantie requises par la clause relative à la garantie ITT ;
3/ CONFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté M. [G] de l’ensemble de ses demandes;
4/ condamner M. [G] à payer à la compagnie FIDELIDADE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
5/ condamner M. [G] aux entiers dépens de la SELARL ROINE ET ASSOCIES, représentée par Me William FUMEY, avocat au barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [G] sollicite l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions lui causant préjudice.
Il soutient, à titre principal, qu’il remplit les conditions pour bénéficier de la garantie de la police de la compagnie FIDELIDADE. Il se prévaut pour ce faire des conclusions du docteur [L] et prétend que les conclusions postérieures du docteur [D] comportent de nombreuses incohérences et inexactitudes, que l’expert a négligé d’investiguer les atteintes pulmonaires et neurologiques, qu’il mentionne des céphalées ‘ permanentes’ et ‘lancinantes’ sans s’interroger sur leur retentissement et leur compatibilité avec une activité professionnelle et qu’il était ‘contraire à la bonne foi contractuelle’ et ‘hasardeux’ de lui demander de se prononcer sur son état de santé depuis le 31 octobre 2006, soit dix ans avant la date de l’examen, et plus de trois ans après la date de la première expertise arbitrale. Il ajoute que son état de santé s’est dégradé depuis le dépôt du rapport d’expertise comme en atteste les différentes pièces de son dossier médical et que, compte tenu de son âge , de son expérience professionnelle, et de la situation du marché du travail, il est totalement illusoire de penser qu’il pourra reprendre une activité sédentaire ne comportant ni station debout prolongée ni déplacements répétés, tel un travail de gardiennage ou de surveillance.
La compagnie FIDELIDADE sollicite la confirmation du jugement.
Elle fait valoir que :
* la demande de M. [G] porte uniquement sur les échéances de prêt postérieures au 1er décembre 2014, FIDELIDADE ayant réglé les échéances de prêt antérieures, du 29 janvier 2007 au 30 novembre 2014, déduction faite de la franchise contractuelle de 90 jours;
* en application des dispositions contractuelles et par application des articles 1103 et 1315 du code civil, il appartient à M. [G] de démontrer qu’il remplit, cumulativement, l’ensemble des conditions de garantie de la police, ce qu’il ne fait pas ;
* d’une part, M. [G] ne démontre pas qu’il est dans l’impossibilité absolue, par suite de maladie ou d’accident, de reprendre une activité professionnelle quelconque même à temps partiel ; d’autre part, il ne démontre pas bénéficier de prestations en espèces par la Sécurité Sociale ;
* le docteur [D] n’est pas un médecin-conseil de la compagnie FIDELIDADE ;il s’agit d’un médecin indépendant, présentant évidemment des garanties suffisantes d’indépendance, puisqu’il a été missionné en qualité d’arbitre conjointement par les deux parties, qui ont supporté chacune pour moitié les frais d’expertise.
* s’agissant d’un protocole d’arbitrage prévu au contrat, celui-ci tient lieu de loi entre les parties conformément aux dispositions de l’ancien article 1134 du code civil ; M. [G] est particulièrement mal fondé à contester la mission confiée à l’expert arbitral alors qu’il l’a validée en régularisant le protocole qui la définissait, sans la moindre réserve ou observation, ainsi que l’a très justement rappelé le tribunal ;
* aux termes de son rapport d’expertise arbitrale du 11 mars 2016, le docteur [D] a conclu sans équivoque qu’à compter du 15 novembre 2012, M. [G] ne présentait plus d’impossibilité totale d’exercer une activité quelconque ;
* il ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause les conclusions médico-légales rédigées par le docteur [D], qui ont valeur d’expertise judiciaire ; les attestations de pension d’invalidité ne font que constater que M. [G] ne peut pas reprendre son activité professionnelle, alors que la définition contractuelle de l’ITT n’est pas limitée à la profession exercée par l’assuré et implique que l’assuré ne soit pas reconnu, après contrôle médical, apte à reprendre une activité professionnelle quelconque, même partielle ;
* toute qualification de clause abusive de l’article 2.3 des conditions générales de la police d’assurance est exclue ;.
* en tout état de cause, la clause définissant l’ITT est claire et précise ; il n’existe pas de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties résultant de l’imprécision alléguée.
Sur ce,
Sur la garantie due au titre de la police de FIDELIDADE
Vu les dispositions de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable à la cause ;
En application de l’article 1315 du même code : ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de l’obligation’.
En matière d’assurance, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu la garantie et à l’assureur qui invoque une clause d’exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.
Vu les dispositions de l’article 2.3 des conditions générales de la police FIDELIDADE souscrite par M. [G] auxquelles il est expressément renvoyé ;
Vu les rapports arbitraux déposés par le docteur [L] le 9 avril 2010 ainsi que celui déposé le 10 mars 2016 par le docteur [U] [D], ce dernier concluant une impossibilité de reprendre une activité professionnelle jusqu’au 15 novembre 2012 et une incapacité fonctionnelle à hauteur de 33% puis que l’état de santé de M. [G] ne lui permettait pas de reprendre son ancienne activité professionnelle, mais était compatible avec une activité partielle dans un poste sédentaire ne comportant ni station debout prolongée, ni déplacements répétés, tel un travail de gardiennage ou de surveillance.
Le tribunal, par des motifs pertinents que la cour adopte, a considéré que :
*d’une part, M. [G] échoue à rapporter la preuve que son état de santé correspond à la définition contractuelle de la garantie ‘incapacité temporaire totale de travail’ ;
* d’autre part, que les termes de la clause définissant l’incapacité temporaire totale de travail, empruntés au langage commun, sont clairs, dépourvus de toute ambiguïté et parfaitement intelligibles par tout un chacun, et qu’ils ne nécessitent aucune interprétation; que la clause ne constitue par ailleurs pas une clause abusive dans la mesure oùl’acquisition de la garantie, bien que limitée contractuellement, n’exclut pas toute possibilité de mise en oeuvre qui, lorsque les conditions en sont réunies implique une indemnisation par l’assureur en contrepartie du risque encouru et des primes versées ; qu’elle doit par conséquent être appliquée.
M. [G] n’établissant pas remplir les conditions de garantie requises par la clause litigieuse sera débouté de sa demande de prise en charge et le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [G] aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile et en ce qu’il a débouté la compagnie FIDELIDADE de sa demande formée au titre des frais irrrépétibles.
M. [G], qui succombe, sera débouté de sa demande à l’encontre de la société FIDELIDADE COMPANHIA DE SEGUROS SAS fondée sur les dispositions de l’article 35 al. 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1990 et au titre des dépens.
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Il n’y a pas lieu en équité de faire droit à la demande de la société FIDELIDADE COMPANHIA DE SEGUROS SAS de ce chef ;
En cause d’appel, M. [G] sera en revanche condamné aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l’aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Déboute M. [Z] [G] de sa demande à l’encontre de la société FIDELIDADE COMPANHIA DE SEGUROS SAS fondée sur les dispositions de l’article 35 al; 2 et 3 de la loi du 10 juillet 1990 ainsi que sur les dépens ;
Déboute la société FIDELIDADE COMPANHIA DE SEGUROS SAS de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne M. [Z] [G] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l’aide juridictionnelle.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE