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6 juillet 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02075
N° RG 21/02075 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K3QG
C8
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL L. LIGAS-RAYMOND – JB PETIT
la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] – [Localité 5]
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 06 JUILLET 2023
Appel d’une décision (N° RG 2021J38)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 21 avril 2021
suivant déclaration d’appel du 04 mai 2021
APPELANTE :
S.A. BNP PARIBAS au capital de 2 492 925 268 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 662 042 449, prise en la personne de son Directeur Général en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Bruno PETIT de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND – JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. LYLAS au capital de 83 130 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 524 728 896, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Véronique FOURNIER de la SELARL ARTEM AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 mai 2023, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
Vu le jugement rendu le 21 avril 2021 par le tribunal de commerce de Grenoble qui a :
– constaté l’application de la clause de résiliation anticipée au présent litige,
– condamné la société BNP Paribas à rembourser à la Sarl Lylas la somme de 138. 221,56 euros indûment payée le 14 novembre 2017 au titre de la clause de remboursement anticipé, outre les intérêts au taux légal sur la période allant du 14 novembre 2017 à la date de paiement effectif,
– débouté la Sarl Lylas de sa demande d’indemnité au titre du préjudice financier et moral,
– condamné la société BNP Paribas à verser à la Sarl Lylas la somme de 7. 803, 53 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société BNP aux entiers dépens de l’instance et les a liquidés à la somme indiquée au bas de la première page de la présente décision,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
Vu l’appel interjeté par la société BNP Paribas à l’encontre de ce jugement,
Vu l’arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d’appel de Grenoble qui a:
– infirmé le jugement rendu le 21 avril 2021 par le tribunal de commerce de Grenoble en toutes ses dispositions,
– débouté la Sarl Lylas de sa demande de remboursement du montant de l’indemnité de remboursement anticipé en ce qu’elle est fondée sur les articles 1156 et suivants du code civil et tout particulièrement l’article 1162 dans leur version antérieure à l’ordonnance du 16 février 2016, des articles 1109, 1110, 1111 et suivants, 1116 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance du 16 février 2016, des articles 1226 et 1227 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance du 16 février 2016, de l’article L 132-1 code de la consommation dans sa version antérieure à l’ordonnance du 16 février 2016, de l’article 1131 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 16 février 201,
– réouvert les débats afin que les parties fournissent des explications sur l’irrecevabilité de la demande fondée sur l’article L 442-6 I, 2° du code du commerce en ce qu’elle est formée devant la cour d’appel de Grenoble.
– réservé les dépens et notre décision sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions remises le 21 février 2023 par la société BNP Paribas dans lesquelles elle demande à la cour de :
– constater que la société BNP Paribas s’en rapporte à justice sur la recevabilité ou non devant la cour d’appel de Grenoble de la demande de la Sarl Lylas sur le fondement du déséquilibre significatif de l’article L 442-6 I 2° du code du commerce,
En tout état de cause,
– rejeter la demande comme étant infondée,
– condamner la Sarl Lylas à payer à la société BNP Paribas la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Sarl Lylas aux dépens de l’instance et d’appel,
Sur le fond, elle considère que la demande est infondée et reprend ses motifs développées dans ses précédentes conclusions.
Vu les conclusions remises le 11 janvier 2023 par la Sarl Lylas dans lesquelles elle persiste dans ses précédentes conclusions d’intimée,
Elle fait valoir que contrairement à ce qu’indique la cour, ce n’est pas le tribunal de commerce de Lyon qui aurait dû être saisi car la saisine du tribunal de commerce de Grenoble provenait d’une clause attributive de
compétence figurant au contrat s’effaçant devant le caractère impératif de l’article D442-3 conduisant à saisir le tribunal de commerce de Paris, lieu du siège social de la BNP Paribas.
Elle ajoute qu’en tout état de cause, au jour de l’assignation, les dispositions de l’article D442-3 du code de commerce ne s’appliquaient plus aux litiges portant sur le déséquilibre significatif dès lors que la sanction des clauses créatives de déséquilibre significatif avait été introduite dans le droit commun par le nouvel article 1171 du code civil et qu’il n’y a plus lieu d’en réserver le traitement à des juridictions spécialisées.
Elle en déduit qu’elle pouvait invoquer le déséquilibre significatif sur la base de l’ancien article L 442-6 I, 2° du code du commerce sans que la règle de compétence à une juridiction spécialisée soit applicable.
Elle relève qu’en tout état de cause, le tribunal de commerce de Grenoble n’a pas statué sur l’éventualité d’une fin de non-recevoir, qu’en outre la Cour de cassation a décidé que lorsqu’une juridiction de 1ère instance, bien qu’incompétente au regard de l’article D442-3 du code de commerce s’est saisie du litige et a prononcé une décision, c’est la cour d’appel du ressort du lieu de la juridiction de 1ère instance qui est compétente, qu’enfin à considérer la saisine du tribunal de commerce de Grenoble comme étant infondée, la cour d’appel de Grenoble aurait dû soulever d’office une fin de non-recevoir et ne pas statuer sur les autres moyens.
Motifs de la décision
La société Lylas fonde sa demande au titre du déséquilibre significatif sur l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat qui dispose :
« I.- Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
(‘)
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
L’article L.442-6 III du code de commerce prévoit que les litiges relatifs à l’application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.
Contrairement à ce que soutient la société Lylas, l’article L.442-6, I, 2° n’est pas devenu l’article 1171 du code civil lequel dispose que la clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite mais l’article L.442-1 I, 2° du code de commerce.
Les litiges relatifs à l’application de ce nouvel article L.442-1 relèvent aussi de juridictions spécialisées ainsi que le prévoit l’article L.442-4 du code de commerce.
Dès lors, l’introduction de l’article 1171 du code civil n’a pas fait disparaître la compétence des juridictions spécialisées pour statuer sur les actions en responsabilité engagées sur le fondement du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties prévu par les dispositions du code du commerce.
L’article D 443-3 du code de commerce fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la cour d’appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions. Le tribunal
de commerce de Grenoble n’est pas mentionné comme juridiction de première instance pouvant statuer sur les actions issues des dispositions du code de commerce sur le déséquilibre significatif.
Aux termes des articles L. 442-6, III, et D. 442-3 du code de commerce, seules les juridictions spécialement désignées par le deuxième de ces textes sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l’application du premier. La méconnaissance de ces dispositions est sanctionnée par une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office (Com., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-17.65). Il est donc indifférent que cette fin de non recevoir n’ait pas été soulevée par le tribunal de commerce de Grenoble.
Si seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la cour d’appel de Paris et s’il appartient effectivement aux autres cours d’appel, conformément à l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par l’article D. 442-3 du code de commerce, même si celles-ci ont statué à tort sur l’application de L. 442-6, elles doivent néanmoins relevé d’office l’irrecevabilité des demandes ne relevant pas de leur pouvoir juridictionnel.
En l’espèce, la seule demande ne relevant pas du pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Grenoble est celle fondée sur l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce. La cour d’appel a effectivement soulevé cette irrecevabilité et a invité les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non recevoir.
Les développements de la société Lylas soutenant la compétence du tribunal de commerce de Paris et non celle du tribunal de commerce de Lyon sont inopérants dès lors qu’il ne s’agit pas de statuer sur une exception d’incompétence mais sur une fin de non recevoir qui n’impose pas de saisir une autre juridiction.
En conséquence, aux termes des articles L. 442-6, III, et D. 442-3 du code de commerce, il convient de déclarer irrecevable la demande de la société Lylas en ce qu’elle est fondée sur ‘article L.442-6, I, 2° du code de commerce.
La société Lylas qui succombe en appel sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer la somme de 3.500 euros à la société BNP Paribas sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare irrecevable la demande de la société Lylas en ce qu’elle est fondée sur l’article L.442-6, I, 2° du code de commerce.
Condamne la société Lylas aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Condamne la société Lylas à payer la somme de 3.500 euros à la société BNP Paribas sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente