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5 juin 2023
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/01015
MINUTE N° 23/289
Copie exécutoire à :
– Me Grégoire FAURE
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 05 Juin 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/01015 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HZH6
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de MULHOUSE
APPELANTE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Grégoire FAURE, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉ :
Monsieur [W] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– rendu par défaut
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du
code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon offre préalable signée le 2 février 2017, la Sa BNP Paribas Personal Finance a consenti à Monsieur [W] [Z] un crédit affecté au financement d’un véhicule BMW Série 3 Gran Turismo Luxury 320D, d’un montant de 35 000 € remboursable en 60 mensualités de 666,31 € moyennant un taux d’intérêt débiteur fixe de 4,55 % (TAEG de 5,49 % l’an).
Par acte du 19 mai 2021, la Sa BNP Paribas Personal Finance a assigné Monsieur [W] [Z] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins de voir constater ou à défaut, prononcer la résiliation du contrat de crédit, voir condamner le défendeur à lui verser la somme de 15 842,28 € augmentée des intérêts au taux conventionnel de 5,49 % l’an à compter de l’assignation et jusqu’au règlement effectif, capitalisés chaque année conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil pour une année entière, voir ordonner la restitution immédiate du véhicule financé en application de l’article 6 des conditions générales relatif à la constitution d’une réserve et de l’article L 311-25 du code de la consommation, sous astreinte comminatoire et définitive de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement et aux fins de voir condamner le défendeur aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a précisé notifier à Monsieur [W] [Z], défaillant dans ses obligations de remboursement, la résiliation du contrat de crédit et l’exigibilité des sommes dues par l’assignation, valant en outre mise en demeure et fixant la date de déchéance du terme.
Interpellée à l’audience du 21 septembre 2021 par le premier juge sur la forclusion de l’action et les causes éventuelles de déchéance du droit aux intérêts du fait des manquements au prêteur à ses obligations d’information précontractuelle et de vérification de la solvabilité de l’emprunteur, la société BNP Paribas a fait valoir que ses demandes étaient recevables, le premier incident de paiement non régularisé datant du 5 décembre 2019 ; que le respect des obligations prescrites est justifié par les pièces produites.
Monsieur [W] [Z] n’a pas comparu.
Par jugement du 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
-déclaré la Sa BNP Paribas Personal Finance recevable en ses demandes,
-débouté la Sa BNP Paribas Personal Finance de sa demande en constat de la résiliation du contrat de crédit signé par les parties le 2 février 2017,
-débouté la Sa BNP Paribas Personal Finance de sa demande en prononcé de la résiliation du contrat de crédit signé le 2 février 2017,
-débouté la Sa BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement,
-débouté la Sa BNP Paribas Personal Finance de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la Sa BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de l’instance,
-rappelé que le jugement est de droit assorti de l’exécution provisoire.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a notamment retenu que le contrat prévoit une mise en demeure par lettre recommandée en cas de non-paiement à bonne date de toute somme due au titre du contrat ; qu’il ne comporte aucune clause dispensant expressément le créancier de cette formalité ; que faute de mise en demeure préalable, la banque ne peut revendiquer l’acquisition de la déchéance du terme ; que la gravité des manquements imputables à Monsieur [W] [Z] ne peut être caractérisée, de sorte que la demande tendant à voir prononcer la résiliation du contrat ne peut être admise ; qu’en l’absence de précision sur l’imputation de la somme de 1 700 € versée par le débiteur, il ne peut être fait droit à la demande en paiement de la demanderesse, qui ne peut concerner que l’échéance échue impayée au titre du mois de mars 2020.
La Sa BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel de cette décision le 11 mars 2022.
Par écritures notifiées le 8 avril 2022, elle conclut à l’infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu’il a déclaré recevable son action à l’encontre de Monsieur [W] [Z]. Elle demande à la cour de :
A titre principal :
-prononcer la résiliation du contrat de prêt liant les parties avec effet au 17 mars 2020,
En conséquence,
-condamner Monsieur [W] [Z] à verser à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 15 842,28 € augmentée des intérêts au taux de 5,49 % l’an à compter du 17 mars 2020,
-le condamner à verser à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 171,23 € à titre d’indemnité contractuelle,
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour rejetterait la demande tendant à prononcer la résiliation du contrat de prêt,
-condamner Monsieur [W] [Z] à verser à la Sa BNP Paribas Personal Finance l’ensemble des échéances échues impayées, soit la somme de 17 318,80 €,
En tout état de cause,
-condamner Monsieur [W] [Z] à restituer à la Sa BNP Paribas Personal Finance le véhicule BMW Série 3 type Gran Turismo sous astreinte de 200 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
-condamner Monsieur [W] [Z] à verser à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-le condamner en tous les frais et dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que les échéances des mois d’octobre, novembre 2019 et janvier 2020 ont fait l’objet d’un report de paiement en accord avec le prêteur ; que Monsieur [W] [Z] a manqué à son obligation de régler l’échéance du 5 mars 2020 ; que les manquements de l’emprunteur à ses obligations contractuelles sont suffisamment graves pour entraîner la résiliation du contrat ; que les règlements effectués à hauteur de 1 700 € sont intervenus bien après la date d’exigibilité de l’échéance du 5 mars 2020 et que le cumul des règlements effectués tardivement n’ont pas permis de procéder au règlement de la somme de 2 901,95 € correspondant à l’addition des mensualités impayées au 5 mars 2020 et des mensualités échues impayées et reportées, devenues ipso facto exigibles, l’accord du prêteur pour le report s’entendant nécessairement d’un respect scrupuleux de l’échéancier figurant au tableau d’amortissement ; qu’à la date de l’assignation le 19 mai 2021, les montants exigibles représentaient un solde de 1 201,95 € après déduction des versements de 1700 €, conduisant à prononcer la résiliation du contrat ; que compte tenu de la clause de réserve de propriété convenue, elle est en droit de solliciter la restitution du véhicule financé.
À titre subsidiaire, elle fait valoir que l’emprunteur reste redevable de mensualités échues pour un solde de 17 318,80 € au mois de février 2022 inclus.
Monsieur [W] [Z], à qui la déclaration d’appel et les conclusions d’appel ont été signifiées par acte du 6 mai 2022 déposé en l’étude d’huissier, n’a pas constitué avocat.
Par arrêt en date du 30 janvier 2023, la cour de céans a infirmé le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande tendant au prononcé de la résiliation du contrat et a rejeté la demande en paiement, statuant à nouveau de ces chefs, a prononcé la résiliation du contrat de crédit affecté signé par les parties le 2 février 2017, condamné Monsieur [W] [Z] à payer à la Sa BNP Paribas Personal Finance les sommes de 15 842,28 € portant intérêts au taux conventionnel de 4,55 % l’an à compter du 19 mai 2021 et 1 171,23 € portant intérêts au taux conventionnel de 4,55 % l’an à compter du 19 mai 2021 et a ordonné pour le surplus la réouverture des débats, la Sa BNP Paribas Personal Finance étant invitée à présenter ses observations sur le caractère éventuellement abusif de la clause stipulant la constitution d’une réserve de propriété par subrogation dans les droits du vendeur.
Par écritures notifiées le 28 février 2023, la Sa BNP Paribas Personal Finance a demandé à la cour de :
-déclarer que la clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur consentie par Monsieur [W] [Z] à la Sa BNP Paribas Personal Finance n’est pas abusive,
-condamner Monsieur [W] [Z] à verser à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-le condamner en tous les frais et dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que les parties ont convenu d’une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur ; que la formulation de cette clause est différente de celle ayant présidé à l’avis de la Cour de cassation du 28 novembre 2016, qui faisait référence aux dispositions de l’article 1250 1° du code civil ; qu’elle est désormais conforme à la réglementation applicable, l’article 1346-1 alinéa 3 du code civil autorisant désormais expressément que la subrogation puisse ne pas être consentie en
même temps que le paiement par le tiers subrogé, lorsque le subrogeant a manifesté sa volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement ; que la société JMS Automobile a pu valablement la subroger dans ses droits en amont du paiement ; que cette société a bien réceptionné un paiement de sa part, sans que les fonds transitent préalablement sur le compte de Monsieur [Z], le mécanisme de la subrogation ayant valablement été prévu antérieurement au paiement ; qu’en l’absence d’incertitude quant aux droits et obligations respectifs des parties, la clause ne peut être abusive.
MOTIFS
Sur la restitution du véhicule :
En vertu des dispositions de l’article 1346-1 du code civil applicable au contrat, la subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse. Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.
La Sa BNP Paribas Personal Finance se prévaut d’une clause du contrat liant les parties par laquelle le vendeur constitue une réserve de propriété et subroge le prêteur dans tous ses droits et actions nés de cette clause dès réception du prix et par laquelle : « en cas de manquement à l’une de ses obligations, notamment en cas de défaillance, l’acheteur s’engage à restituer le bien au prêteur à première demande. Le prêteur sera valablement fondé à engager toute poursuite lui permettant de récupérer son bien. En outre, pour compenser l’usage du bien financé et la dépréciation en résultant, le prêteur conservera le montant des échéances du prêt déjà perçu ».
L’article L 132-1 ancien, devenu L 212-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Il résulte par ailleurs d’un avis de la Cour de cassation du 28 novembre 2016 que doit être réputée non écrite comme abusive, au sens de l’article L132-1 du Code de la consommation,
dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, la clause, telle qu’interprétée par le juge, prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application des dispositions de l’article 1250, 1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
La modification législative opérée par ordonnance du 10 février 2016 n’est pas de nature à rendre sans effet l’avis précité, dans la mesure où, aux termes de l’article 1346-1 du code civil, le créancier doit recevoir le paiement d’une tierce personne, qu’il subroge dans ses droits contre le débiteur.
En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance ne peut être considérée comme une tierce personne, en ce qu’elle n’a versé le prix du véhicule financé entre les mains de la société JMS Automobile qu’au nom et pour le compte de Monsieur [Z], peu important que les fonds n’aient pas transité par le compte bancaire de l’emprunteur, puisque lesdits fonds utilisés appartiennent à l’emprunteur dès la conclusion du contrat de crédit.
Il sera relevé de même que par recommandation 21-01 publiée au BOCCRF du 17 mai 2021, la commission des clauses abusives a estimé, dans le paragraphe relatif aux clauses de réserve de propriété fondée sur l’application de l’article 1346-1 du code civil, que « les clauses stipulant, par le mécanisme de la subrogation, une réserve de propriété sur le bien financé au profit du prêteur, qui aurait payé le prix de vente, laissent indûment croire à l’emprunteur, pourtant devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise au prêteur, ce qui entrave l’exercice de son droit de propriété. Elles ont donc pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment. Il est ainsi démontré qu’elles sont abusives ». Elle a en conséquence recommandé que soient éliminées les clauses ayant pour effet ou objet de prévoir, par le mécanisme de la subrogation, une réserve de propriété sur le bien financé au profit du prêteur, qui aurait payé le prix de vente.
Au regard du caractère abusif de la clause dont se prévaut l’appelante, il convient de rejeter sa demande portant sur la restitution du véhicule BMW série 3 type Gran Turismo.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens seront infirmées.
Les prétentions de l’appelante prospérant en grande partie en appel, les dépens de première instance et d’appels seront mis à la charge de Monsieur [Z], conformément aux dispositions de
l’article 696 du code de procédure civile et il sera alloué à l’appelante une somme de 1 200 € par application de l’article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt par défaut,
Vu l’arrêt en date du 30 janvier 2023 ;
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONDAMNE Monsieur [W] [Z] aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
DECLARE abusive la clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur consentie par Monsieur [Z] à la société BNP Paribas Personal Finance,
DEBOUTE en conséquence la Sa BNP Paribas Personal Finance de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [W] [Z] sous astreinte à lui restituer le véhicule BMW Série 3 type Gran Turismo,
CONDAMNE Monsieur [W] [Z] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 200 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [W] [Z] aux dépens de l’instance d’appel.
La Greffière La Présidente