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4 juillet 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/05329
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2023
N° RG 21/05329
N° Portalis DBV3-V-B7F-UWS3
AFFAIRE :
[U] [J]
C/
LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2019F00284
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mathilde BAUDIN
Me Pascale REGRETTIER
-GERMAIN
TC PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [U] [J]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Mathilde BAUDIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
Représentant : Me Jeremie BOULAIRE, Plaidant, avocat au barreau de DOUAI
APPELANT
****************
LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier 2100399
Représentant : Me Henri DE LANGLE de la SELARL HENRI DE LANGLE ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
Suivant offre de prêt du 22 décembre 2004, la société Caisse d’épargne et de prévoyance Ile de France (Caisse d’épargne) a consenti à M. [U] [J] un prêt immobilier d’un montant de 96 955,10 euros, au taux conventionnel de 4,60% amortissable sur une durée de 300 mois afin de financer l’acquisition d’un appartement à [Localité 6]. L’offre mentionnait un taux effectif global (ci-après ‘TEG’) de 6,04%.
Par deux avenants des 12 décembre 2013 et 6 mai 2015, la Caisse d’épargne a consenti à M. [J] une réduction du taux conventionnel, tout d’abord à 3,35%, puis à 2,24%.
Par acte du 31 janvier 2019, M. [J] a assigné la Caisse d’épargne devant le tribunal de commerce de Pontoise aux fins, à titre principal, de voir constater le caractère erroné du TEG et substituer le taux d’intérêt légal au taux conventionnel, et à titre subsidiaire de prononcer la déchéance de la banque du droit aux intérêts.
Par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 2 juin 2021, le tribunal de commerce de Pontoise a :
– constaté que le TEG de 6,04% présenté dans l’offre de prêt de la Caisse d’épargne est correct;
– déclaré M. [J] recevable mais mal fondé en ses demandes,
– condamné M. [J] à payer à la Caisse d’épargne la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [J] aux entiers dépens.
Par déclaration du 16 août 2021, M. [J] a interjeté appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 octobre 2022, M. [J] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
– déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;
– constater que la liquidation du coût du crédit procède d’une clause abusive ; la réputer non écrite et en écarter l’application ;
– prononcer l’annulation de la stipulation d’intérêts du contrat souscrit ;
– ordonner la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat;
– enjoindre à la Caisse d’épargne d’établir de nouveaux tableaux d’amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu’à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre ;
– condamner la Caisse d’épargne à lui restituer le trop-perçu correspondant à l’écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt et ceux au taux légal, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
– ordonner que lesdites sommes soient actualisées au regard des tableaux d’amortissement qui seront établis par la Caisse d’épargne, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat ;
En tout état de cause,
– prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt Primo jeune report 0141219;
– prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels des avenants au prêt ;
En tout état de cause,
– condamner la Caisse d’épargne à lui restituer le montant des intérêts indûment perçus par l’effet de la pratique du diviseur 360 ;
– condamner la Caisse d’épargne à lui payer une indemnité pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle ;
– fixer le montant de cette indemnité au montant des intérêts et frais exposés en exécution des prêts et de ses avenants ;
A tout le moins,
– fixer le montant de cette indemnité à la somme de 10 000 euros ;
– condamner la Caisse d’épargne à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la Caisse d’épargne ;
– condamner la Caisse d’épargne aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La Caisse d’épargne, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 6 septembre 2022, demande à la cour de :
A titre principal,
– déclarer irrecevable la demande d’annulation de la stipulation d’intérêts conventionnels formée par M. [J], et l’en débouter ;
– déclarer irrecevables comme prescrites toutes les demandes de M. [J] et l’en débouter ;
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
– débouter M. [J] de toutes ses demandes ;
A titre très subsidiaire,
– dire n’y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;
A titre infiniment subsidiaire,
Si par invraisemblable, la cour devait prononcer la déchéance totale ou partielle des intérêts, il
est demandé de :
– substituer au taux conventionnel, le taux d’intérêt légal en vigueur au moment de la conclusion du prêt;
– fixer le montant des intérêts indûment perçus ;
Sur la demande de dommages et intérêts,
– débouter M. [J] de sa demande complémentaire de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
– condamner M. [J] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
M. [J] sollicite, à titre principal, que la clause par laquelle la banque a entendu exclure les frais du préfinancement du coût du crédit soit déclarée abusive et réputée non écrite, et qu’en conséquence la stipulation d’intérêts soit annulée, et à titre subsidiaire la déchéance totale du droit aux intérêts au motif des manquements de la banque à son obligation de loyauté.
1 – sur la demande principale formée par M. [J] aux fins de déclarer abusive la clause du contrat de prêt relative à son coût
M. [J] soulève, en premier lieu, le caractère abusif de la clause du contrat de prêt selon laquelle : ‘le coût total du crédit et le TEG ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d’assurance et des primes d’assurance de la phase de préfinancement’ au motif qu’elle implique ‘incontestablement un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs’, car elle ne leur permet pas d’appréhender le surcoût susceptible de s’appliquer et méconnait l’obligation de clarté qui pèse sur le professionnel du crédit. Il fait valoir qu’en conséquence de cette clause, le calcul du TEG mentionné dans l’offre de prêt est erroné en ce que, contrairement aux dispositions du code de la consommation (article L. 132-1), il n’inclut pas les frais et intérêts de la période de préfinancement (intérêts intercalaires), et ce alors même qu’ils étaient parfaitement déterminables dès lors qu’il suffisait d’intégrer leur coût maximal sur une période de 24 mois. Il ajoute que le déséquilibre résultant de cette clause est significatif en ce qu’il entraîne un surcoût de plus de 12% du coût total du crédit. En réponse au moyen soulevé par la banque quant à la prescription de son action, M. [J] soutient que celle-ci n’est pas encourue, les actions tendant à faire échec à une clause abusive du contrat de prêt n’étant pas soumises à prescription.
La Caisse d’épargne soulève en premier lieu la prescription de l’action exercée par M. [J], soutenant que celle-ci, engagée sur le fondement d’une clause abusive, est bien soumise à la prescription quinquennale. Elle soutient, à titre subsidiaire, que la clause litigieuse, relative au défaut de prise en compte, pour le calcul du TEG, des intérêts intercalaires et des primes d’assurance de la phase de préfinancement, n’est pas abusive dès lors que ces frais et intérêts ne pouvaient pas être pris en compte puisqu’ils n’étaient pas déterminables. Elle ajoute qu’en tout état de cause, cette clause n’est pas abusive en ce qu’elle n’entraîne aucune impossibilité d’appréhender son incidence financière. Elle fait enfiin valoir que la phase de préfinancement n’a pas généré de déséquilibre au détriment de M. [J].
* sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action exercée par M. [J] aux fins de déclaration du caractère abusif d’une clause
Il résulte de l’article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.
Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 du code de la consommation définissant les clauses abusives n’est pas soumise à la prescription quinquennale.
Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action visant à déclarer abusive la clause litigieuse. Le tribunal ne s’étant pas prononcé sur ce point, il convient d’ajouter au jugement de ce chef.
* sur la demande visant à déclarer la clause abusive
Il résulte de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (…) Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre. Les clauses abusives sont réputées non écrites.
L’article L.313-1 du code de la consommation , dans la même version, dispose que dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. Toutefois, pour l’application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. En outre, pour les prêts qui font l’objet d’un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance.
En l’espèce, l’offre de prêt du 22 décembre 2004 détaille les conditions du prêt, et mentionne que celui-ci se déroule en deux phases, une phase de préfinancement pouvant aller jusqu’à 24 mois durant laquelle M. [J] sera redevable des intérêts intercalaires et de l’assurance, et une phase d’amortissement sur 300 mois durant laquelle les échéances mensuelles s’élèveront à 614,72 euros. Il est précisé que le taux d’intérêt fixe est de 4,60 % et le TEG de 6,04 %. Sont également mentionnés les différents frais, et un coût total du crédit, avec assurances et accessoires, à hauteur de 87 920,90 euros.
Le détail des différents frais et intérêts est immédiatement suivi de la clause suivante : ‘le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d’assurance, et le cas échéant des primes d’assurance de la phase de préfinancement’.
Les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement entrent normalement dans le calcul du taux effectif global, sous réserve toutefois qu’ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat. Tel n’est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt.
L’offre de prêt du 22 décembre 2004 précise que le financement porte sur un logement neuf (appartement) acquis en état futur d’achèvement (VEFA).
Les conditions générales du prêt, paraphées par M. [J], prévoient que : ‘ le versement de la totalité des fonds s’effectuera dans un délai de 24 mois maximum à compter de la date d’acceptation de l’offre de prêt (…) Dans le cas de construction collective (vente en état futur d’achèvement), le versement s’effectuera en deux phases : une partie en fonction de la somme appelée à la signature de l’acte d’acquisition, entre
les mains du notaire, l’autre partie en fonction de l’état d’avancement des travaux (dans les limites légales) entre les mains de l’emprunteur (souligné par la cour)’.
Il résulte de ces dispositions que la libération du capital devait se faire de manière progressive en fonction de l’état d’avancement des travaux, de sorte que les intérêts intercalaires – variant selon le montant du capital libéré – n’étaient pas déterminables lors de la souscription du prêt. Ils ne pouvaient dès lors être pris en compte dans le calcul du TEG. Il s’en déduit que la clause litigieuse, en ce qu’elle fournit au consommateur une information exacte et conforme aux dispositions légales (clause ne prenant pas en compte, pour le calcul du TEG et du coût total du crédit, les intérêts intercalaires et primes d’assurance de la phase de préfinancement), ne crée aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties, et qu’elle ne peut donc être qualifiée d’abusive.
La demande tendant à voire déclarer abusive cette clause est donc rejetée. Il n’y a pas lieu, par conséquent, à sanction de ce chef, qu’il s’agisse d’une annulation de la stipulation d’intérêts, ou d’une substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel. Le tribunal ne s’étant pas prononcé sur l’absence de caractère abusif de la clause, il convient d’ajouter au jugement de ce chef.
2 – sur la demande subsidiaire formée par M. [J], aux fins de déchéance du droit aux intérêts de la banque pour manquement à son obligation de loyauté
* sur la fin de non-recevoir soulevée par la banque, tirée de la prescription de l’action de M. [J] aux fins de déchéance du droit aux intérêts
La Caisse d’épargne demande à la cour, dans le dispositif de ses conclusions, de : ‘déclarer prescrites toutes les demandes de M. [J]’, ce qui inclut la demande de ce dernier aux fins de déchéance du droit aux intérêts. M. [J] se contente de soutenir que ses demandes ne sont pas prescrites dès lors qu’il s’agit de faire échec à une clause abusive.
Il résulte de l’article 954 du code de procédure civile que les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
La cour constate que les seuls moyens invoqués par la Caisse d’épargne à l’appui de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de ‘toutes les demandes de M. [J]’, portent – outre sur la prescription de l’action tendant à voir déclarer abusive la clause sur laquelle il vient d’être statué – uniquement sur l’action principale en nullité de la stipulation d’intérêts sur le fondement de l’article 1304 ancien du code civil, comme conséquence du caractère prétendûment abusif de la clause. La Caisse d’épargne n’invoque aucun autre moyen à l’appui de sa prétention visant à déclarer prescrites ‘toutes les demandes de M. [J]’, et notamment aucun moyen visant à établir que la demande subsidiaire de ce dernier, en déchéance du droit aux intérêts pour manquement de la banque à son obligation de loyauté, serait prescrite. Par conséquent, cette fin de non-recevoir ne peut qu’être écartée.
* sur la demande de déchéance du droit aux intérêts pour manquement de la banque à son obligation de loyauté
M. [J] fonde sa demande de déchéance du droit aux intérêts sur le manquement de la banque à son obligation de loyauté, au motif que le TEG mentionné dans l’offre est erroné, d’une part en ce qu’il omet d’inclure les frais et intérêts du préfinancement, d’autre part en ce qu’il est basé sur la pratique prohibée du diviseur 360 jours (année lombarde).
Il a déjà été statué sur le défaut de prise en compte de la période de préfinancement, aucune irrégularité n’étant établie dès lors que les frais et intérêts de cette période, non déterminables, ne pouvaient être inclus dans le calcul du TEG.
S’agissant du calcul des intérêts basé sur une année de 360 jours au lieu de 365 jours, M. [J] se fonde sur un rapport d’expertise amiable qu’il produit, et rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation qui prohibe le diviseur 360, la critiquant toutefois en ce qu’elle subordonne désormais toute sanction de cette pratique à la démonstration que l’écart entre le TEG mentionné dans le contrat de prêt et le TEG réel soit au moins égal à une décimale. Il soutient notamment que ce seuil s’avère impossible à atteindre, et critique cette jurisprudence en ce qu’elle méconnaît le caractère dissuasif des sanctions puisqu’elle aboutit à une absence de sanction d’une pratique cependant considérée comme prohibée. Il critique en outre la rétroactivité de cette jurisprudence qui est contraire à la sécurité juridique, et au droit au procès équitable.
La Caisse d’épargne observe que le rapport d’expertise produit par M. [J] est fondé sur le calcul des intérêts au taux conventionnel, et non pas sur le TEG. Elle soutient que, dans l’hypothèse d’un prêt remboursable par échéances mensuelles, comme c’est le cas, les intérêts sont calculés, chaque mois, sur la base du taux d’intérêt annuel convenu, divisé par 12, sans que le nombre de jours dans l’année ou dans le mois ne vienne interférer, de sorte que le montant des intérêts est strictement identique, que l’année soit civile ou de 360 jours, puisque le ratio est le même, un mois représentant toujours 1/12ème d’une année, que celle-ci ait 360 ou 365 jours. Elle critique le rapport présenté par M. [J] et la méthode utilisée par l’expert en ce qu’elle aboutit à considérer qu’une année serait en réalité composée de 12,16 mois (rapport de 30/365 jours) ce qui est impossible. Elle fait ainsi valoir que M. [J] ne rapporte pas la preuve d’une quelconque erreur affectant les intérêts, ce qui doit conduire au débouté de ses demandes. Elle rappelle enfin, à titre très subsidiaire, qu’une erreur dans le calcul des intérêts n’est sanctionnable qu’à condition de démontrer que le trop-perçu impacte le TEG au-delà de la décimale, ce qui n’est pas démontré pour le prêt souscrit par M. [J].
Par application des dispositions combinées des articles 1907 al.2 du code civil, et L. 312-1, L. 312-2 et R.313-1 du code de la consommation, dans leur version applicable au présent litige, les intérêts conventionnels d’un prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l’année civile.
Le rapport d’expertise amiable produit par M. [J] (établi par M. [X]) compare, à partir du tableau d’amortissement du prêt, le calcul des intérêts conventionnels sur une période toujours identique de 30 jours, qu’il rapporte tantôt à 360 jours (ce qui correspond aux intérêts mentionnés au tableau d’amortissement), tantôt à 365 jours (ce qui correspond à des intérêts légèrement moindres). Il en conclut que les intérêts ont été calculés, non pas sur l’année civile, mais sur la base d’une année de 360 jours pour chacune des échéances.
Ainsi que le soutient toutefois la Caisse d’épargne, sans que cela soit discuté par M. [J], cette méthode de calcul est erronée en ce qu’elle aboutit à considérer qu’une année puisse être composée, soit de 12 mois (30 x12 = 360 jours), soit de 12,16 mois (30 x 12,16 = 365 jours), ce qui est impossible.
S’agissant d’un prêt remboursé par échéances mensuelles, le calcul des intérêts conventionnels ne repose pas sur l’utilisation d’une année de 360 jours, mais sur un rapport 30/360, et ne porte ainsi que sur les intérêts mensuels pour lesquels son incidence est strictement neutre en vertu de l’équivalence financière des rapports 30/360 = 1/12 = 30,41666/365, soit le mois normalisé (365/12).
Il apparaît ainsi que le calcul des intérêts sur la base d’une année lombarde rapportée à trois-cent-soixante jours revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectués sur la base d’une année civile rapportée au mois normalisé (soit 30,41666 jours), ce qui n’est pas discuté par M. [J], de sorte que la preuve d’une irrégularité dans le calcul des intérêts n’est pas rapportée.
La cour observe en outre, à titre surabondant, que M. [J] ne conteste pas que l’écart entre le taux d’intérêt mentionné au contrat et le taux réel -qu’il ne cherche au demeurant pas à établir – est en tout état de cause inférieur à une décimale de sorte que, par application d’une jurisprudence ancienne à la date de l’introduction de l’instance, sa demande de déchéance du droit aux intérêts ne peut qu’être rejetée, sans qu’il y ait atteinte à la sécurité juridique et au droit à un procès équitable. Le jugement est confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 2 juin 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France,
Déboute M. [U] [J] de sa demande tendant à déclarer abusive la clause du contrat de prêt relative au mode de calcul des intérêts,
Condamne M. [U] [J] à payer à la Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [U] [J] aux dépens de la procédure d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,