Déséquilibre significatif : 4 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01601
Déséquilibre significatif : 4 avril 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/01601
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4 avril 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/01601

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/01601 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FQ4Q

Minute n° 23/00060

S.A.R.L. COULEURS VOYAGES

C/

Etablissement Public LE COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SOCIETE [Adresse 4]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 03 Juin 2021, enregistrée sous le n° 20/02582

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. COULEURS VOYAGES, Représentée par son représentant légal.

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SOCIETE ANONYME VIVEST venant aux droits du COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SOCIETE ANONYME LOGIEST

Représenté par son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 10 Janvier 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 04 Avril 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

Mme BIRONNEAU, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le comité sociale et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modéré Logiest (ci-après CSE Logiest) a conclu un contrat de vente de forfait touristique n°G200-301 le 22 octobre 2019 avec la société à responsabilité limitée Couleurs Voyages (ci-après SARL Couleurs Voyages) pour un voyage à Saint-Pétersbourg en Russie du 13 au 16 mars 2020 pour 40 personnes au prix total de 23 560 euros.

Le 9 mars 2020, exposant que, dans un message diffusé le 7 mars 2020, l’ambassade de France à Moscou recommandait « vivement aux ressortissants français prévoyant un déplacement temporaire en Russie pour des raisons professionnelles ou touristiques (…) de reporter leur voyage. » en raison du Covid-19, le CSE Logiest a interrogé la SARL Couleurs Voyages sur les conditions d’annulation et de report du séjour.

Après plusieurs échanges, la SARL Couleurs Voyages a proposé au CSE Logiest, par courrier électronique du 11 mars 2020, soit d’effectuer le voyage aux dates convenues, soit de le reporter du 13 au 16 novembre 2020 avec supplément de prix de 150 euros par personne.

Dans la même journée et par courrier électronique, le CSE Logiest a confirmé le report du voyage du 13 au 16 novembre 2020. La SARL Couleurs Voyages a alors fait parvenir au CSE Logiest un avenant au contrat daté du 12 mars 2020 mentionnant les nouvelles dates du voyage, soit du 13 au 16 novembre 2020, ainsi que le supplément de prix de 150 euros par personne pour 54 voyageurs, accompagné d’une facture « Report dates voyages G20-0301/1 » de 8 100 euros.

Dans un courrier du 24 juin 2020 rédigé par son avocat, dont la SARL Couleurs Voyages accusait réception le lendemain, le CSE Logiest a fait grief à cette dernière de lui avoir imposé ledit avenant ainsi qu’un surcoût qu’elle estime injustifié au regard des dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 abordant le cas des résolutions de contrat de vente de forfait touristique entre le 1er mars 2020 et 15 septembre 2020. Partant, le CSE Logiest a demandé soit la résolution du contrat sans frais et moyennant le remboursement intégral des sommes avancées, en application de l’article L. 211-14 du code du tourisme, soit le report sans frais supplémentaires du voyage en application de l’article 1er de l’ordonnance N°2020-315 du 25 mars 2020.

Par une lettre recommandée du 10 août 2020, dont le CSE Logiest, a accusé réception, la SARL Couleurs Voyages a confirmé l’annulation définitive des prestations reportées au 13 novembre 2020 avec l’application de 100% de frais et l’annulation de la facture G20-0301/1 correspondant aux frais de report de 8100 euros. La SARL Couleurs Voyages a également adressé au CSE Logiest une facture « Frais Annulation G20-0301/2 » datée du 10 août 2020 d’un montant total de 32 136,00 euros correspondant au coût total réglé par le CSE Logiest.

Par acte d’huissier en date du 24 novembre 2020 et enregistré par voie électrique au greffe le 26 novembre 2020, le CSE Logiest, a constitué avocat et fait assigner la SARL Couleurs Voyages devant le tribunal judiciaire de Metz aux fins d’obtenir la résolution du contrat aux torts de cette dernière et l’octroi de dommages et intérêts.

La SARL Couleurs Voyages n’a pas constitué avocat dans les 15 jours suivant l’assignation.

Estimant avoir été dans l’impossibilité de constituer avocat dans les délais, la SARL Couleurs Voyages a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Metz de deux requêtes en révocation de l’ordonnance de clôture du 18 février 2021.

Par ordonnances des 30 mars 2021 et 1er avril 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Metz a déclaré la première requête irrecevable puis a rejeté la seconde.

Par jugement du 03 juin 2021, le tribunal judiciaire de Metz a :

Vu les ordonnances rendues le 30 mars 2021 et le 1er avril 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Metz,

prononcé à la date du présent jugement la résolution du contrat de vente de forfait touristique n°G200-301 passé entre d’une part le comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modère Logiest, et, la SARL Couleurs Voyages, d’autre part ;

condamné la SARL Couleurs Voyages prise en la personne de son représentant légal à payer au comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modéré Logiest pris en la personne de son représentant légal la somme de 32 136 euros correspondant à la restitution du prix payé ;

condamné la SARL Couleurs Voyages prise en la personne de son représentant légal aux dépens ainsi qu’à régler au comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modéré Logiest pris en la personne de son représentant légal la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le CSE Logiest n’indiquait pas le fondement juridique de sa demande. Faisant alors application des articles 12 du code de procédure civile et 1224 et suivants du code civil, le tribunal a estimé que la lettre du 10 aout 2020 provenant de la SARL Couleurs Voyages ne satisfaisait pas aux conditions de l’article 1226 du code civil et ne pouvait être interprétée comme une volonté unilatérale de résoudre le contrat. Le tribunal a considéré que le courrier du 24 juin 2020 envoyé par le CSE Logiest ne pouvait, lui non plus, être vu comme une volonté de résilier unilatéralement le contrat puisqu’il proposait une alternative de choix.

Ainsi, en application des articles 1227 et 1228 du code civil, le tribunal a considéré qu’il lui revenait, en l’absence de clause expresse de résolution, d’apprécier souverainement, en cas d’inexécution partielle, si cette dernière était suffisamment grave pour justifier la résolution judiciaire du contrat. Le tribunal a retenu que le CSE Logiest avait réglé les frais de réservation, hormis ceux issus de la facture de frais supplémentaires en raison du report du voyage, de sorte que le contrat avait été partiellement exécuté. Le tribunal a ensuite relevé que, par courrier du 10 aout 2020, la SARL Couleurs Voyages avait décidé unilatéralement de mettre fin au contrat, alors que la situation de Covid-19, comme toute force majeure, ne faisait que suspendre l’obligation issue du contrat sans la faire disparaitre définitivement. Le tribunal en a déduit que l’inexécution de la SARL Couleurs Voyages, qui portait sur une obligation essentielle du contrat, était suffisamment grave dans la mesure où elle avait privé le CSE Logiest de toute contrepartie et justifiait le prononcé de la résolution aux torts de cette dernière.

Faisait application de l’article 1229 du code civil, le tribunal a retenu que la SARL Couleurs Voyages devait restituer au CSE Logiest la somme de 32 136 euros.

Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour en date du 23 juin 2021, la SARL Couleurs Voyages a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Metz aux fins d’annulation subsidiairement infirmation du jugement en ce qu’il a :

prononcé la résolution du contrat de vente de forfait touristique passé entre d’une part le comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modéré LOGIEST et la SARL Couleurs Voyages d’autre part ;

condamné la SARL Couleurs Voyages prise en la personne de son représentant légal à payer au comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modéré LOGIEST la somme de 32 136 euros correspondant à la restitution du prix payé;

condamné la SARL Couleurs Voyages prise en la personne de son représentant légal, aux dépens ainsi qu’à régler au comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modéré LOGIEST la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 décembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées le 02 décembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des moyens, la SARL Couleurs Voyages demande à la cour de, au visa de l’article 12 du code de procédure civile et du code du tourisme :

recevoir Couleurs Voyages en son appel et l’y déclarer bien fondée ;

infirmer la décision entreprise ;

Statuant à nouveau,

constater l’annulation du contrat par le CSE Logiest à la date du 24 juin 2020 ;

ordonner l’application des frais contractuels d’annulation de 100 % des sommes reçues;

ordonner la restitution de toute somme réglée par Couleurs Voyages en exécution du jugement entrepris à la date du prononcé de l’arrêt à intervenir ;

condamner le CSE Logiest aux dépens ;

condamner le CSE Logiest à payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SARL Couleurs Voyages estime tout d’abord que le tribunal, en appliquant les articles 1124 et suivants du code civil relatifs à la résolution judiciaire du contrat en lieu et place des dispositions du code du tourisme, a violé l’article 12 du code de procédure civile. La SARL Couleurs Voyages fait valoir que seules les dispositions de l’article L.211-14 du code du tourisme ou celles de l’ordonnance n°2020-315, instaurant un régime dérogatoire du droit commun, s’appliquent au contrat en cause, que ce soit sans motif ou à cause de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant à destination.

Sur la résolution du contrat par le CSE Logiest, la SARL Couleurs Voyages soulève que si l’article L. 211-14 du code du tourisme prévoit la possibilité pour le voyageur de résoudre le contrat avant le départ, le remboursement et donc l’absence de frais à la résolution est subordonnée à la démonstration de circonstances exceptionnelles et inévitables à destination. D’après la SARL Couleurs Voyages, le CSE Logiest n’apporte pas la preuve de cette condition, tant pour l’annulation du contrat initial que pour celui issu de l’avenant, et en conclu ainsi qu’elle ne peut être tenue à remboursement.

La SARL Couleurs Voyages expose ensuite que l’ordonnance 2020-315, si elle permet aux organisateurs de proposer aux voyageurs, en cas d’annulation causée par l’épidémie de Covid 19, un avoir utilisable pour un nouveau voyage ou remboursable sous 18 mois plutôt qu’un remboursement immédiat, elle ne déroge cependant pas aux conditions exigées par l’article L. 211-14 II du code du tourisme. La SARL Couleurs Voyages prétend donc que les dispositions de cette ordonnance ne sont pas applicables en l’espèce.

La SARL Couleurs Voyages se prévaut également du fait que le CSE Logiest avait accepté les conditions de report proposés le 11 mars 2020 et que cette acceptation valait annulation du contrat initial. Aussi, en renonçant au report du voyage au 13 novembre 2020 le CSE Logiest a de facto choisi d’annuler définitivement le contrat de sorte que la SARL Couleurs Voyages a donc acté cette annulation définitive du voyage dont les frais contractuels d’annulation sont de 100 %.

S’agissant des frais de résolution, la SARL Couleurs Voyages prétend que l’article L. 211-14 du code du tourisme doit s’appliquer en lieu et place de l’article 1229 du code civil. Selon cette dernières, les frais de résolution de 100%, soit 32 136 euros en l’espèce, ne sont pas disproportionnés au regard de la situation puisqu’une annulation la veille du départ ne permet pas de réattribuer les places à d’autres voyageurs. L’article 1171 du code civil n’est, d’après la SARL Couleurs Voyages, pas non plus applicable, aucun déséquilibre significatif du contrat entre les parties ne pouvant être constaté dans les obligations de chacune des parties. L’appelante argumente notamment que chaque partie conserve ou récupère tout ou partie des sommes payées en fonction de celle qui initie la résolution et de la proximité entre la date de la résolution et la date du départ. La SARL Couleurs Voyages ajoute que ce type de clause de frais d’annulation progressifs jusqu’à 100% est autorisé par la loi par dérogation au principe d’intangibilité du contrat en droit commun, du fait de la particularité du contrat de voyage et des relations avec les prestataires.

La SARL Couleurs Voyages prétend que les frais imposés sont raisonnables en ce qu’ils correspondent aux frais versés aux prestataires augmentés de la marge qu’elle conserve. L’appelante soutient que cette marge, d’un montant de 4 499,42 euros et 83 euros par personne est relativement modeste et fondée compte tenu de l’annulation et du travail effectué pour élaborer un report. La SARL Couleurs Voyages en conclue que la clause litigieuse n’est pas abusive mais raisonnable et justifiée et doit donc s’appliquer.

Par conclusions déposées le 20 mai 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des moyens, le CSE Logiest demande à la cour de, au visa des articles L. 211-14 du code du tourisme et des articles 1104 et suivants, 1163 et suivants, 1231 et suivants du code civil et des dispositions de l’ordonnance 2020-315:

rejeter l’appel ;

débouter la SARL Couleurs Voyages de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

condamner la société Couleurs Voyages aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d’appel ainsi qu’au règlement, en sus de la somme déjà allouée à ce titre pour la procédure devant le tribunal, d’une somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, le CSE Logiest explique qu’il ne saurait être considéré comme étant à l’origine de l’annulation du contrat alors même que, tel que relevé par le tribunal, c’est la SARL Couleurs Voyages qui a notifié au CSE Logiest l’annulation du voyage. Le CSE Logiest prétend notamment que, le 11 mars 2020, il n’était nullement question pour lui d’annuler le voyage mais de le reporter. En conséquences, le CSE Logiest estime que la SARL Couleurs Voyages, au regard des dispositions de l’article L.211-14 du code du tourisme et du code civil, est redevable de l’intégralité des frais et pourrait également être condamnée au paiement d’indemnités supplémentaires.

À titre subsidiaire, le CSE Logiest fait valoir qu’il ressort des pièces versées aux débats que la SARL Couleurs Voyages a manqué à son obligation d’information et de conseil, ainsi que son obligation d’exécution du contrat de bonne foi. Le CSE Logiest expose que l’agence a refusé d’annuler ou de reporter le voyage, en prétendant ensuite que seul le report était possible, cela malgré le contexte de Covid-19 et en ne lui laissant pas de délai raisonnable pour la souscription de l’avenant. Le CSE Logiest soutient que l’agence de voyage ne pouvait ignorer que le voyage était impossible ni se retrancher derrière l’absence de confinement à Saint-Pétersbourg, alors que les pays confinaient les uns après les autres.

Se prévalant de l’article 1163 du code civil, le CSE Logiest estime en outre que l’obligation issue du contrat n’était pas possible puisque les frontières étaient fermées.

Sur les frais de résolution, le CSE Logiest prétend tout d’abord que ceux-ci ne sont pas raisonnables puis estime qu’ils instaurent un déséquilibre significatif entre les parties, sanctionné par l’article 1171 du code civil. Le CSE Logiest expose que c’est la SARL Couleurs Voyages qui est à l’origine de l’annulation, que les frais engagés par l’agence pour le report du voyage ne sont pas justifiés. Le CSE Logiest ajoute qu’une clause contraignant le voyageur à payer l’intégralité du voyage dans les 44 jours précédents son départ en cas d’annulation est clairement abusive et instaure un déséquilibre significatif entre les parties, qui plus est dans le contexte sanitaire particulier de 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la résolution du contrat

L’article 1193 du code civil énonce que les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

Selon l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

En application des articles L. 211-1 et L. 211-14 du code du tourisme, les parties à un contrat de vente de forfait touristique, peuvent résoudre unilatéralement le contrat à tout moment avant le début du voyage ou du séjour.

L’ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats de voyages touristiques et de séjours en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables ou de force majeure met en place un système dérogatoire en cas de résolution d’un contrat de vente à forfait touristique survenue entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre 2020 inclus.

En l’espèce, il est constant que la convention liant les parties est un contrat de vente de forfait touristique.

La SARL Couleurs Voyages, organisatrice, et le CSE Logiest, voyageur, peuvent donc se prévaloir des dispositions du code du tourisme précitées.

Sur la modification du contrat initial

Il ressort des éléments produits par les parties, et notamment des échanges de courriers électroniques, que le 9 mars 2020, à 11h49, le CSE Logiest a demandé des informations à Mme [Z] sur les conditions de report ou d’annulation du voyage compte tenu du contexte de Covid-19 alors naissant. Le même jour, le CSE Logiest a formulé de façon claire une demande de report, au travers de ses mails de 17h46 et 18h08.

Il apparait également que la SARL Couleurs Voyages a d’abord argumenté en faveur du maintien du voyage, estimant qu’il n’y avait aucune raison d’en modifier les dates ou de craindre de son annulation. La SARL Couleurs Voyages a proposé, le 11 mars 2020 suite à l’insistance du CSE Logiest, un report du voyage du 13 au 16 novembre 2020 moyennant des frais supplémentaires à raison de 150 euros par voyageurs, soit 8 100 euros.

Si la SARL Couleurs Voyages prétend que le CSE Logiest est à l’initiative de la résolution, il ressort de ce qui précède que le voyageur n’a, au cours du mois de mars 2020, évoqué l’annulation que dans le but d’être informé de ses modalités et qu’il s’est par la suite positionné sur un report et non une résolution.

Il n’est pas contesté par les parties que le CSE Logiest a accepté le report du voyage proposé par la SARL Couleurs Voyages par mail du 11 mars 2020 à 17h08 et que cet accord a donné lieu à un avenant daté du 12 mars 2020.

Les parties s’étant dans un premier temps accordées sur une période de voyage spécifique et sur un prix déterminé, tant le report des dates que le supplément de prix facturé à 150 euros par personne, constituent une modification des éléments essentiels du contrat.

Aussi, la SARL Couleurs Voyages est mal fondée à soutenir qu’il se n’agit non pas d’une modification mais d’une annulation du premier contrat alors que l’avenant, rédigé par elle-même, fait expressément mention de « nouvelles dates du voyage » ou de « report de dates du voyage » sans jamais évoquer une quelconque annulation du contrat initial. La seule facture datée du 11 mars 2020, nommée « Facture report dates voyages G20-0301/1 » tout en comportant l’indication « Annulation voyage du 13 au 16 mars » est insuffisante pour établir l’annulation du contrat initial soutenue par l’organisateur.

En définitive, l’avenant du 12 mars 2023 reportant les dates du voyage et majorant le prix n’est pas à l’origine d’une annulation du contrat initialement conclu le 22 octobre 2019 mais résulte d’une modification de ce dernier selon accord mutuel des parties.

Sur la résolution du contrat tel que modifié par l’avenant

Par application de l’article L. 211-14 du code du tourisme et de l’ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020, la résolution du contrat de forfait touristique notifiée entre le 1er mars 2020 et le 15 septembre inclut, peut être à l’initiative de l’une ou de l’autre des parties.

Lorsque le contrat est résolu par le voyageur, sous la condition que des circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate ont des conséquences importantes sur l’exécution du contrat ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination, le voyageur est exonéré de frais de résolution. Il dispose également d’un droit à remboursement intégral des paiements effectués et peut se voir proposé par l’organisateur, en lieu et place de ce remboursement, un avoir du même montant qu’il ne pourra refuser.

Si la résolution est prise à l’initiative de l’organisateur, ce dernier doit au voyageur le remboursement intégral des paiements effectués ou lui proposer un avoir, qui ne peut être refusé par le voyageur, du même montant.

Il ressort du courrier d’avocat du 24 juin 2020, intervenant après un premier courrier resté sans réponse, que le CSE Logiest a proposé à sa cocontractante deux options: Soit la résiliation du contrat sans frais et moyennant remboursement intégral des sommes versées en application de l’article L. 211-14 du code du tourisme, soit un report sans frais supplémentaires du voyage en application de l’article 1 de l’ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020. Ce courrier se conclut par une mise en demeure de confirmer la résolution du contrat avec prise de position sur l’un de ces deux choix, laissant toutefois la possibilité à la SARL Couleurs Voyages de proposer un autre accord amiable.

Il y apparait en filigrane que le CSE Logiest a entendu se prévaloir de l’application de l’ordonnance 2020-315 en sa faveur tendant à obtenir d’emblée, la résolution du contrat par la SARL Couleurs Voyages, une résolution sans frais, un remboursement intégral ou un avoir du même montant.

En réponse à ce courrier, la SARL Couleurs Voyages a notifié au CSE Logiest, le 10 aout 2020, l’annulation du contrat avec annulation de la facture de 8 100 euros et émission d’une nouvelle facture pour frais de résolution de 32 136 euros. Cette notification a été effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il en résulte que, alors qu’il lui était loisible de faire une contre-proposition afin de trouver une solution amiable ou de notifier son refus quant aux options laissées par le voyageur, la SARL Couleurs Voyages a répondu par une résolution du contrat en imposant au CSE Logiest des frais de résolution.

Se faisant ainsi l’initiateur de la résolution, dont la notification est intervenue le 10 aout 2020 soit, sur une période appelant l’application de l’ordonnance 2020-315, la SARL Couleurs Voyages se devait soit de rembourser intégralement au CSE Logiest les paiements effectués, soit lui proposer un avoir de même montant.

La SARL Couleurs Voyages, qui n’aborde aucunement le fait qu’elle est à l’origine de la résolution du contrat, ne demande pas l’octroi d’un avoir au CSE Logiest en lieu et place d’un remboursement intégral.

Dès lors qu’il est établi que le contrat a été résolu à l’initiative de la SARL Couleurs Voyages et donc de l’organisateur, en application des règles suscitées, il revient à cette dernière de rembourser intégralement au CSE Logiest les frais engagés par lui, soit la somme de 32 136 euros.

Enfin, les moyens tenant à l’obligation d’information et de conseil, d’exécution de bonne foi du contrat, de déséquilibre significatif et de frais déraisonnables étant présentés à titre subsidiaire et n’emportant aucune conséquence sur la résolution telle que retenue, ne méritent pas d’examen plus approfondi.

Il y a donc lieu de constater la résolution du contrat par la SARL Couleurs Voyages et d’infirmer le jugement en ce sens et de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné celle-ci à rembourser au CSE Logiest la somme de 32 136 euros.

II- Sur les dépens et frais irrépétibles

La cour confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Metz le 3 juin 2021 en ce qu’il a condamné la SARL Couleurs Voyages aux dépens ainsi qu’à payer au CSE Logiest la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Couleurs Voyages succombant à hauteur de cour, l’équité commande de la condamner aux dépens ainsi qu’à payer au CSE Logiest la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu’il a prononcé à la date du jugement la résolution du contrat de vente de forfait touristique n°G200-301 passé entre d’une part le comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modère Logiest, et, la SARL Couleurs Voyages, d’autre part ;

Et Statuant à nouveau,

Constate la résolution du contrat de vente de forfait touristique n°G200-301 passé entre d’une part le comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modère Logiest, et la SARL Couleurs Voyages, par la SARL Couleurs Voyages

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ce dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société à responsabilité limitée Couleurs Voyages à payer au comité social et économique de la société anonyme d’habitations à loyer modéré Logiest la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société à responsabilité limitée Couleurs Voyages aux dépens.

La Greffière La Présidente de chambre

 


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