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31 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/10748
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 31 MAI 2023
(n° 109 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10748 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2SF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2021 – Tribunal de Commerce de MARSEILLE – RG n° 2018F02745
APPELANTE
Société CIEL D’AZUR LABS agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de MANOSQUE sous le numéro 417 880 895
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque L0046, avocat postulant
Assistée de Me Frédéric FRANC, avocat au barreau d’AVIGNON, toque E19, avocat plaidant
INTIMEE
S.A.R.L. BELIFLOR agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS d’ORLEANS sous le numéro 343 644 175
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B1055, avocat postulant
Assistée de Me Philippe SEDBON, avocat au barreau de PARIS, toque C607, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie Depelley, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4
Madame Sophie Depelley, conseillère
Monsieur Julien Richaud, conseiller
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4 et par Monsieur MARTINEZ, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société Ciel d’Azur Labs est un fabriquant-distributeur de produits cosmétiques bio et de santé à base notamment d’aloe véra et d’argile commercialisés sous la marque Pur Aloe créée en 2004.
La société Beliflor est un grossiste-distributeur, sur le territoire national, de produits diététiques et cosmétiques bio.
Depuis 2005, la société Beliflor a développé la distribution des produits de la société Ciel d’Azur Labs notamment auprès de certaines chaînes de magasins spécialisées en parapharmacie et en produits Bio.
La relation commerciale entre les parties n’a pas été formalisée par un contrat écrit. Le volume de commandes de la société Beliflor de produits Ciel Azur depuis 2013 a été le suivant :
– 2013 : 601 100 € HT, soit 688 774,75 € TTC
– 2014 : 692 811 € HT, soit 796 084,62 € TTC
– 2015 : 870 269 € HT, soit 998 300,72 € TTC
– 2016 : 1 359 158 € HT, soit 1 564 473,36 € TTC
– 2017 : 998 760 € HT, soit 1 167 672,61 € TTC
– 2018 : 320 000 € HT
– 2019 : aucune commande
Reprochant à la société Beliflor d’avoir mis sur le marché des produits directement concurrents en 2017 et constaté une baisse corrélative et importante des commandes de ses propres produits, la société Ciel d’Azur Labs l’a assignée par acte du 4 novembre 2018 devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser des dommages-intérêts en réparation d’une rupture brutale de la relation commerciale et d’une concurrence déloyale par actes de parasitisme. La société Béliflor a formulé des demandes reconventionnelles fondées sur la rupture brutale de la relation commerciale et le déséquilibre significatif.
Par jugement du 25 mars 2021, le tribunal de Commerce de Marseille a :
S’est déclaré matériellement compétent pour statuer sur l’intégralité du litige soumis ;
Donné acte à la société Beliflor de la sommation faite à la société Ciel d’Azur de verser aux débats, le dossier et le rapport d’enquête (voire les échanges) effectués par la société Ciel d’Azur par la Direccte DGCCRF) à la suite de la plainte de la société Beliflor ;
Débouté la société Ciel d’Azur Labs S.A.S. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Débouté la société Beliflor de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile, Fait masse des dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du Code de Procédure Civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction seront liquidés à la somme de 74,18 euros (soixante-quatorze euros et dix-huit centimes T.T.C.) et les partage à raison de moitié à la charge de chacune des parties ;
Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 9 juin 2021, la société Ciel d’Azur Labs a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 février 2022, la société Ciel d’Azur Labs demande à la Cour de :
Vu l’article L 442-6 du code de commerce,
Vu l’article 1240 du code civil
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Beliflor au titre de la rupture des relations commerciales et du déséquilibre significatif, de la communication du dossier d’enquête et de la demande d’expertise ;
Débouter la société Beliflor de l’ensemble de ses fins, demandes et conclusions ainsi que de son appel incident ;
Dire et juger que la société Ciel d’Azur Labs n’a pas rompu brutalement les relations commerciales avec la société Beliflor et n’a pas tente’ de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif ;
Débouter la société Beliflor de sa demande tendant à ordonner à la DIRECCTE la communication du dossier d’enquête ainsi que de sa demande d’expertise;
Réformer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 25 mars 2021 en ce qu’il a débouté la société appelante de l’ensemble de ses fins demandes et conclusions ;
Statuant à nouveau,
Dire et juger que la société Beliflor a engagé sa responsabilité pour rupture partielle brutale sans préavis des relations commerciales établies ;
Condamner la société Beliflor au paiement de la somme de 815 500 € au titre de la rupture partielle intervenue en 2017 et 2018 ;
Dire et juger que la société Beliflor a commis des actes de concurrence déloyale par acte de parasitisme ;
Condamner la société Beliflor à cesser la fabrication et la vente sur le territoire national de la gamme Prim Aloe (gel externe, jus et gel à boire) sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
Condamner la société Beliflor à retirer du marché les produits de la gamme PRIM ALOE susvisé ;
La condamner au paiement de la somme de 400 000 € en réparation du préjudice subi ;
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Beliflor au titre de la rupture des relations commerciales et du déséquilibre significatif, de la communication du dossier d’enquête et de la demande d’expertise ;
Débouter la société Beliflor de l’ensemble de ses fins, demandes et conclusions ainsi que de son appel incident ;
Dire et juger que la société Ciel d’Azur Labs n’a pas rompu brutalement les relations commerciales avec la société’ Beliflor et n’a pas tente’ de la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif ;
Débouter la société Beliflor de sa demande tendant à ordonner à la DIRECCTE la communication du dossier d’enquête ainsi que de sa demande d’expertise ;
Condamner la société Beliflor au paiement de la somme de 10000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 novembre 2021, la société Beliflor demande à la Cour de :
Vu les articles 138, 145 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 1240 et suivants du code civil,
Vu les articles L 442-6 et suivants du code de commerce,
Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que Beliflor n’a pas rompu partiellement et brutalement les relations commerciales qui n’étaient pas établies et plus généralement n’a commis aucune faute à l’égard de Ciel d’Azur ou encore n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale ou de parasitisme ou encore en ce qu’il a débouté Ciel d’Azur de sa demande d’interdiction par Beliflor de commercialiser les produits PRIMALOE ;
Juger que Ciel d’Azur ne rapporte pas la preuve d’un préjudice imputable à Beliflor ;
Juger au contraire que Ciel d’Azur a commis des fautes graves à l’égard de Beliflor ;
Donner acte de la sommation faite à Ciel d’Azur de verser aux débats, le dossier et rapport d’enquête (voire les échanges) effectue’ sur Ciel d’Azur par la DIRECCTE, DGCCRF) à la suite de la plainte de Beliflor ;
Constater que Ciel d’Azur n’y a pas déféré;
En tirer toutes conséquences que de droit :
Ordonner à la DIRECCTE ou ex DGCCRF la communication du dossier d’enquête complet effectué sur Ciel d’Azur, à la suite de la plainte de Beliflor ;
Débouter Ciel d’Azur de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
Recevoir Beliflor en son appel incident La déclarer recevable et bien fondée ;
Y faisant droit :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Beliflor de faire juger que Ciel d’Azur avait rompu les relations commerciales brutalement et tente’ de soumettre Beliflor à des obligations créant un déséquilibre significatif et tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale de lui imposer des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ne relevant pas des obligations d’achat vente ;
Statuant à nouveau :
Juger que Ciel d’Azur a rompu brutalement les relations commerciales avec Beliflor ;
Juger que Ciel d’Azur a tenté de soumettre Beliflor à des obligations créant un déséquilibre significatif et tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale de lui imposer des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ne relevant pas des obligations d’achat vente ;
En conséquence :
Condamner Ciel d’Azur à payer à la société Beliflor la somme de 750.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et 150.000 € à titre de dommages et intérêts au titre d’avoir tenté de soumettre Beliflor à des obligations créant un déséquilibre significatif ou encore avoir tenté d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ne relevant pas des obligations d’achat vente ;
Condamner la même à payer 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée outre celle de 25.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Subsidiairement :
Voire designer tel expert qu’il plaira à la Cour avec la mission suivante :
Se rendre chez Ciel d’Azur ou en tout lieu qu’elle jugera utile.
Interroger et solliciter de Ciel d’Azur tout document ainsi qu’auprès de toute personne qu’il jugera utile (parties, clients, administration, organisme…).
En particulier, se faire remettre le rapport d’enquête, tous les échanges intervenus entre Ciel d’Azur et la DIRECCT (DGCCRF), notamment à la suite de la plainte déposée par BELIFLOR.
Examiner le mode de prospection de la clientèle par Ciel d’Azur et identifier le type de clientèle.
Examiner toutes les conditions tarifaires pratiquées par Ciel d’Azur de 2013 à 2019 notamment les CGV de Ciel d’Azur en ce compris tous les tarifs (par catégorie de clients), les barèmes de prix, rabais, remises ou ristournes, accords de négociation, factures, ou autres.
Procéder pour ladite période à un comparatif des conditions tarifaires et/ou commerciales de Ciel d’Azur à l’égard de Beliflor par rapport à la clientèle de Ciel d’Azur de même catégorie (grossistes distributeurs) ou autres (revendeurs détaillants, ……..)
Examiner pour ladite période les conditions commerciales pratiquées à l’égard des clients de Beliflor dont ceux captés ou détournés par Ciel d’Azur.
Donner son avis sur les pratiques commerciales dont tarifaires de Ciel d’Azur pendant ladite période et dire si Beliflor n’a pas été désavantagée ou pénalisée dans le cadre de la concurrence soit à l’égard des autres acteurs du marché du réseau de distribution des produits Ciel d’Azur placés dans la même situation dont les concurrents de même catégorie (grossistes-distributeurs) ou encore des clients revendeurs.
Dire de manière générale si les pratiques commerciales tarifaires de Ciel d’Azur sont saines et loyales à l’égard de son réseau de vente (concurrence entre grossistes distributeurs ou concurrence entre les grossistes distributeurs et les revendeurs notamment) et permettent une saine et libre concurrence entre lesdits acteurs et en particulier si les conditions tarifaires pratiquées à l’égard de la clientèle traitée en direct par Ciel d’Azur sont compatibles avec la nature et le mode de réseau mis en place et ne pénalise pas les dits acteurs dans le cadre de leur prospection commerciale (maintien de la clientèle existante et recherche de nouvelle).
Décrire ladite situation de manière chronologique de 2013 à 2019.
Dire que l’expert devra fournir de façon générale tous éléments techniques ou de fait de nature à permettre à la juridiction de fond de se prononcer sur les responsabilités encourues et le préjudice subi par Beliflor.
Dire que l’expertise sera mise en ‘uvre et que l’Expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 255 et 263 à 284-1 du Code de Procédure Civile et devra déposer son rapport dans les 6 mois de l’avis de consignation du Greffe.
Voir fixer le montant de la provision à consigner au Greffe avant telle date qu’il plaira à la Cour de fixer.
Dire qu’à défaut de consignation dans les délais impartis, la désignation sera caduque.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la rupture de la relation commerciale
Exposé des moyens des parties
La société Ciel d’Azur Labs fait principalement valoir que la société Beliflor a brutalement rompu sans préavis la relation commerciale établie entre les parties depuis 2005, d’abord partiellement à la suite d’une chute des commandes amorcée en 2017, poursuivie en 2018, puis totalement par l’absence de toute commande en 2019. Elle réfute avoir commis une quelconque captation de la clientèle de la société Beliflor ni avoir mené une politique tarifaire critiquable envers ses distributeurs. Elle précise que les relations commerciales directement nouées avec certains clients de la société Beliflor , telles que les sociétés la Vie Claire, Nature et les Comptoirs de la Bio, l’ont été dans le respect des règles de la concurrence en négociant des délais de prévenance. Elle ajoute que les nouvelles conditions tarifaires annoncées le 26 septembre 2017 pour le 1er janvier 2018 ont été appliquées à tous ses distributeurs et que la société Béliflor a bénéficié d’un report de ce changement tarifaire au 1er janvier 2019. Au contraire, elle soutient que la rupture partielle de la relation commerciale est uniquement imputable à la société Béliflor qui a développé de manière déloyale des produits directement concurrents aux siens, expliquant la chute brutale des commandes à partir de 2017. Estimant la société Beliflor responsable d’une rupture brutale de la relation commerciale établie, la société Ciel d’Azur Labs réclame la somme de 815 500 euros calculée sur une durée de préavis manquant de 18 mois et une perte de marge brute de 70,46% sur le chiffre d’affaires escompté pour 2017.
La société Beliflor réplique pour l’essentiel que depuis 2016 la relation commerciale entre les parties était devenue précaire en raison de l’échec systématique des négociations annuelles, de la captation de sa clientèle par son propre fournisseur désorganisant le réseau par une politique tarifaire discriminatoire et une saturation du marché. Elle fait valoir que dans ce contexte, et alors qu’elle était dépendante de la distribution des produits de la société Ciel d’Azur Labs représentant 35% de son chiffre d’affaires global, elle a été dans l’obligation de se diversifier en développant une autre marque Primaloe, ce dont elle avait averti son partenaire dès 2015 devant l’échec des négociations tarifaires. En toute hypothèse, si la rupture de la relation devait lui être imputable elle soutient que son partenaire a commis des fautes graves en mettant en place un réseau de distribution opaque et discriminatoire, en captant sa clientèle et en trompant sa confiance, justifiant l’absence de tout préavis. Elle estime au contraire que la rupture de la relation commerciale est imputable à la société Ciel D’Azur Labs qui à compter de septembre 2017 a modifié de façon substantielle et sans préavis suffisant sa politique tarifaire provoquant la rupture de la relation commerciale. Elle réclame la somme de 750 000 euros correspondant à la marge sur coûts variables dont elle a été privée sous déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la baisse d’activité résultant de la rupture (52%).
Réponse de la Cour,
L’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Les parties ne contestent pas avoir noué une relation commerciale établie depuis 2005 suivant un volume d’affaires significatif en constante augmentation depuis 2013 et jusqu’en 2016 pour atteindre un volume de vente de 1 357 645 € HT. Cette relation commerciale n’était formalisée par aucun contrat écrit, ni clause particulière d’exclusivité, de quota ou de volume.
Il n’est pas non plus contesté que le volume d’affaires entre les parties s’est réduit à 998 645 € HT en 2017, puis à 321 029 € HT en 2018 et que plus aucune commande de la part de la société Beliflor n’ a été enregistrée en 2019.
Les parties s’opposent sur l’imputabilité de la rupture partielle puis totale de la relation commerciale établie jusqu’en 2016.
Par des motifs détaillés et pertinents, non utilement contestés à hauteur d’appel par les parties et que la Cour adopte, le tribunal a débouté la société Ciel d’Azur Labs de sa demande au titre d’une rupture partielle brutale de la relation commerciale en 2017.
Il sera ajouté qu’au démarrage de la collaboration, la société Beliflor était le premier et seul grossiste de la gamme Pure Aloe fabriquée par la société Ciel d’Azur qui refusant de formaliser la relation par un contrat de distribution (pièce Beliflor n°3), a progressivement confié la distribution de ses produits à différents acteurs économiques puis est devenue elle-même distributeur depuis 2009 (conclusions Ciel D’Azur page 3). A compter de 2014, les relations entre les parties se sont tendues lorsque des clients de la société Beliflor, telles que les sociétés La Vie Saine, Boutique Nature, les Comptoirs Bio et Greenweez ont souhaité se fournir en direct auprès de la société Ciel d’Azur (pièces Beliflor n°6, 7a et b, 13, 12, 14), la société Beliflor reprochant à la société Ciel d’Azur de proposer des tarifs plus avantageux à ses propres clients pour les récupérer en direct et s’approprier son travail de prospection développé depuis de nombreuses années (pièces Beliflor n°12,17,20,22). L’analyse des échanges entre les parties relèvent en outre des tensions sur les négociations commerciales à partir de 2015 dès lors que la société Ciel d’Azur Labs souhaitait minorer les remises commerciales accordées à la société Beliflor malgré une importante progression du flux d’affaires entre les parties (pièces Beliflor n°10, 11,12).
Comme l’a justement relevé le tribunal, la baisse des commandes (27%) de la société Beliflor entre 2016 et 2017 auprès de la société Ciel d’Azur ne peut s’analyser comme une rupture partielle de la relation commerciale imputable à la société Beliflor, dès lors que cette baisse des commande s’inscrit dans un contexte où certains de ses clients grands comptes se détournaient au profit d’un approvisionnement direct auprès de Ciel d’Azur (pièce Beliflor n° 41) pratiquant une politique tarifaire peu lisible dans ses différents canaux de distribution, des remises étaient revues à la baisse par la société Ciel d’Azur et que l’année 2016 avait été exceptionnelle par rapport à 2015. Par ailleurs, la société Beliflor n’a lancé ses produits sous la marque Primealoe qu’entre avril et août 2017 pour enregistrer sur l’année 2017 un chiffre d’affaires sur ces produits limité à 240 394 € HT (pièce n°15).
Par des motifs détaillés et pertinents, non utilement contestés à hauteur d’appel par les parties et que la Cour adopte, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes au titre d’une rupture brutale partielle en 2018 puis totale en 2019.
Il sera ajouté qu’alors que la relation commerciale entre les parties était très tendue, la société Ciel d’Azur Labs a notifié à la société Beliflor le 26 septembre 2017 la modification de ses tarifs pour l’année 2018, conditionnant la remise habituelle de 52% à la souscription d’un engagement d’exclusivité de distribution des produits de marque PurAloé, à défaut de quoi la remise était réduite à 35% (pièce Beliflor n°16). La société Ciel d’Azur Labs a tenté d’appliquer dès le 1er janvier 2018 cette modification substantielle des conditions de la relation commerciale, en invitant la société Beliflor à souscrire un engagement d’exclusivité par courriel des 27 novembre 2017 (pièce Ciel d’Azue n° 26) et en appliquant les nouvelles conditions commerciales 2018 aux commandes de la société Beliflor en janvier 2018 (pièce Ciel d’Azur n° 27). Ce n’est qu’à la suite d’un courrier de réclamation de la société Beliflor du 22 janvier 2018 , d’une plainte de cette dernière auprès de la DGCCRF (pièce n°17) et de plusieurs échanges entre les parties que la société Ciel d’Azur Labs a proposé le 6 février 2018 une réduction de la remise à 45% sans exclusivité (pièce Beliflor n°19), puis a reporté la modification des conditions commerciales au 1er janvier 2019 par lettre du 5 mars 2018 (pièce Ciel d’Azur n°24). Dans le même temps, la société Beliflor pour réduire sa dépendance vis à vis des produits de la société Ciel D’Azur a développé la commercialisation de ses produits Prim Aloé directement concurrents de ceux de la société Ciel d’Azur, enregistrant pour l’année 2018 un chiffre d’affaires plus substantiel de 745 266 € HT.
Comme le tribunal l’a justement retenu, il ressort de ces circonstances que depuis fin 2017, les parties ne pouvaient légitimement croire à la pérennité de leur relation commerciale qui était devenue précaire et qui n’était donc plus établie au sens des dispositions de l’article précitée au moment de la rupture partielle puis totale fin 2018.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les parties de leurs de demandes respectives de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Beliflor de communication de la part de la Direccte d’un rapport dont l’existence même n’est pas établie et de sa demande d’expertise.
Sur la demande de la société Beliflor au titre d’un déséquilibre significatif
Exposé des moyens des parties
La société Beliflor soutient avoir été victime d’un déséquilibre significatif au sens des dispositions de l’article L.442-6, I, 2° dans sa version applicable au litige au motif que la société Ciel d’Azur Labs a tenté de lui imposer brutalement et unilatéralement un changement tarifaire en conditionnant la remise de 52% habituellement consentie en contrepartie d’un engagement d’exclusivité du distributeur et en recherchant par là-même la déstabilisation de son partenaire.
A ce titre, la société Beliflor réclame la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts.
La société Ciel d’Azur Labs réplique qu’elle n’a imposé aucun changement tarifaire puisque la modification est entrée en vigueur avec un délai de préavis.
Réponse de la Cour
Aux termes de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
L’élément de soumission ou de tentative de soumission de la pratique de déséquilibre significatif implique la démonstration de l’absence de négociation effective ou l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l’acceptation impliquant cette absence de négociation effective. L’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d’une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d’une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.
S’il résulte des motifs qui précèdent que la société Ciel d’Azur Labs a tenté d’imposer une modification substantielle des conditions tarifaires à son partenaire fin septembre 2017 pour l’année 2018 et qu’il en a été tenu compte dans l’appréciation de l’imputabilité de la rupture de la relation commerciale, force est de constater que la société Beliflor ne démontre pas en quoi la modification tarifaire en cause était dépourvue de réciprocité ou créait une disproportion manifeste entre les droits et obligations des parties pour justifier sa demande de dommages-intérêts au titre d’un déséquilibre significatif.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Beliflor de sa demande de ce chef de préjudice.
Sur la concurrence déloyale
Exposé des moyens des parties
La société Ciel d’Azur Labs fait principalement valoir que la société Beliflor a commis des actes de concurrence déloyale par acte de parasitisme en développant la marque prim aloe et en se plaçant dans le sillage de la marque Pur Aloe pour créer une confusion et un dénigrement auprès de la clientèle. Elle observe que quatre produits prim aloe ( gel et jus à boire) sont la copie servile des produits Pur Aloé qui représentaient 70% du chiffre d’affaires facturé par Ciel d’Azur Labs à Beliflor en 2015 et 2016 et ces 4 produits phares ont subi une diminution des commandes de près de 82% entre 2016 et 2018. Elle soutient que ce faisant, la société Beliflor a décidé de concurrencer directement son propre fournisseur sans avoir à mener aucune étude de marché ni à constituer de réseau.
La société Ciel d’Azur sollicite la cessation sous astreinte de la fabrication et la vente des produits de la gamme prim aloe sur le territoire national et le retrait du marché desdits produits. Elle explique qu’elle a subi un préjudice économique et commercial important du fait de la baisse des commandes de Beliflor et avoir dû renoncer à un projet de construction d’une nouvelle unité de production sur une parcelle. Elle sollicite la somme de 400 000 euros à titre de dommages-intérêts.
La société Beliflor réplique pour l’essentiel qu’elle n’a commis aucune faute délictuelle. Elle soutient que les produits à l’aloe vera’de la société Ciel d’Azur ne sont pas innovants, qu’il existe de nombreux produits identiques commercialisés qui empruntent le terme Aloe, que le terme Prim est distinct de Pur. Elle affirme que les produits de Ciel d’Azur ne présentent tant au niveau de la forme que des couleurs aucune spécificité ou caractère distinctif voire d’originalité par rapport aux produits connus et existants sur le marché. Elle soutient que la demande visant à la cessation de la fabrication et commercialisation des produits prim aloe de la société Ciel d’Azur ne peut prospérer car Ciel d’Azur ne dispose d’aucun monopole et qu’elle cherche par ce biais à éliminer la concurrence. Elle ajoute que le préjudice allégué ne repose sur aucun élément sérieux.
Réponse de la Cour
Par des motifs détaillés et pertinents, non utilement contestés à hauteur d’appel par la société Ciel d’Azur Labs et que la Cour adopte, le tribunal a débouté cette dernière de l’ensemble de ses demandes fondées sur une concurrence déloyale.
Il sera ajouté que la société Beliflor produit aux débats de nombreux éléments (pièces n° 43 à 54) mettant en évidence l’existence sur le marché de multiples produits à base d’aloé vera sous des noms de marque et d’emballage similaires aux produits Pur Aloé et prim aloé, et l’absence de spécificité des produits de la société Ciel d’Azur Labs, étant observé que cette dernière avait refusé de formaliser la relation commerciale par un contrat de distribution. A l’appui de ses prétentions la société Ciel d’Azur Labs se borne à produire quelques pièces (11, 12, 13, 14, 19 et 32) insuffisantes à établir des actes de parasitisme et de dénigrement et utilement contredites par celles produites par la société Beliflor (pièces n° 34 à 36). Par ailleurs, non seulement le réseau de distribution des produits Pur Aloé a été développé par la société Beliflor, mais encore la société Ciel d’Azur Labs ne produit aucun élément pour documenter les frais qu’elle aurait elle-même engagé pour la recherche et le développement de ses produits, ou la perte de chiffre d’affaires sur les produits litigieux au regard de son chiffre d’affaires global et non pas simplement celui réalisé avec la société Beliflor (pièce n°10). Aussi, comme l’a justement relevé le tribunal, la société Ciel d’Azur Labs ne justifie pas de l’existence d’un préjudice résultant des actes de concurrence déloyale allégués.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Ciel d’Azur Labs de l’ensemble de ses demandes fondées sur une concurrence déloyale par acte de parasitisme.
Sur la demande au titre d’une procédure abusive
La société Ciel d’Azur Labs n’ayant pas fait dégénérer en abus son droit de relever appel, la société Beliflor sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait masse des dépens et partagé la charge par moitié entre les parties et dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Ciel d’Azur Labs, succombant en son appel principal, sera condamnée aux dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Ciel d’Azur Labs sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Beliflor la somme de 8 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la Cour,
Y ajoutant,
DÉBOUTE la société Beliflor de sa demande de dommages-intérêts au titre d’une procédure abusive,
CONDAMNE la société Ciel d’Azur Labs aux dépens d’appel,
CONDAMNE la société Ciel d’Azur Labs à payer à la société Beliflor la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE