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3 octobre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/08698
Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 03 OCTOBRE 2023
(n° /2023)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/08698 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTSU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2023 du Juge de l’exécution d’EVRY – RG n° 22/00146
Nature de la décision : Rendue par défaut
NOUS, Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
SA BANQUE POPULAIRE [Adresse 7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Océane TROUDET substituant Me Justin BEREST de la SELEURL JB AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D538
à
DEFENDEURS
Madame [M] [N]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Laëtitia SIBILIA substituant Me Carole ABOUT de l’ASSOCIATION AD & L, avocat au barreau de PARIS, toque : J121
MONSIEUR LE COMPTABLE DU POLE RECOUVREMENT SPECIALISE DU SERVICE DES IMPOTS DES PARTICULIERS
Centre des Finances Publiques d'[Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Non comparant ni représenté à l’audience
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 05 Septembre 2023 :
Par jugement rendu le 19 avril 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a :
-dit que la déchéance du terme dont se prévaut la banque populaire [Adresse 7] est non acquise,
-déclaré nuls et de nul effet le commandement de payer valant saisie-immobilière du 7 mars 2022 et la procédure subséquente engagée par la banque populaire [Adresse 7],-ordonné la mainlevée du commandement de payer valant saisie-immobilière du 7 mars 2022 et la fin de la procédure de saisie-immobilière,
-dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné la banque populaire [Adresse 7] aux dépens,
Le 11 mai 2023, la banque populaire [Adresse 7] a interjeté appel de cette décision.
Par acte de commissaire de justice du 12 mai 2023, la banque populaire [Adresse 7] a fait assigner Mme [M] [N] devant le délégataire du premier président de la cour d’appel de Paris afin d’obtenir le sursis à l’exécution de ce jugement et la condamnation de Mme [M] [N] aux dépens.
A l’audience du 5 septembre 2023, la banque populaire [Adresse 7], reprenant oralement ses conclusions déposées à l’audience, a maintenu ses demandes. Elle fait valoir qu’il existe un moyen sérieux de réformation en ce que c’est à tort que le premier juge a considéré qu’elle ne pouvait pas se prévaloir de la déchéance du terme alors que :
-la lettre de mise en demeure adressée à l’emprunteur et signée par un tiers est valable de même que la lettre non réclamée et qu’il ne lui appartenait pas de vérifier l’exactitude de la signature de Mme [M] [N] sur l’avis de réception du courrier de mise en demeure,
– l’absence de la mention de l’échéance impayée sur le courrier notifiant la déchéance du terme n’affecte pas la régularité de celle-ci dès lors que l’envoi par la banque d’un courrier prononçant la déchéance du terme n’est pas une condition de régularité de la déchéance du terme,
– le règlement des mensualités du prêt postérieurement à la déchéance du terme est sans effet sur la déchéance du terme. Elle rappelle que lorsqu’elle a prononcé la déchéance du terme, Mme [M] [N] n’avait toujours pas réglé la somme de 561,73 euros dont elle était redevable au titre de l’échéance partiellement impayée du mois de mars 2021.
Elle ajoute que contrairement à ce que soutient Mme [M] [N], elle n’a pas prononcé la résolution anticipée du contrat de prêt mais a seulement mis en ‘uvre la clause “défaillance et exigibilité anticipée” en exigeant par anticipation le paiement de l’intégralité des sommes et qu’en application de cette clause, tout manquement de l’emprunteur à l’un de ses engagements pris aux termes du contrat l’autorisait à prononcer la déchéance du terme “huit jours après l’envoi d’une mise en demeure restée sans effet”.
Enfin, elle considère que la jurisprudence de la Cour de cassation du 22 mars 2023 invoquée par Mme [M] [N] relative à la nullité de la clause de déchéance du terme opérant un revirement de jurisprudence n’est pas d’application immédiate dès lors qu’elle modifie significativement l’état du droit applicable.
Mme [M] [N], reprenant oralement ses conclusions déposées à l’audience, conclut au rejet de la demande de la banque populaire [Adresse 7] et à sa condamnation à lui verser la somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. A titre subsidiaire, elle demande de limiter la suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement aux effets de la nullité du commandement de payer valant saisie-immobilière du 7 mars 2022, le principe même de la nullité de l’acte ne pouvant faire l’objet d’aucune suspension, de maintenir l’exécution provisoire attachée au jugement déféré en ce qui concerne ses effets sur l’interdiction bancaire dont elle fait l’objet, et en toute hypothèse, débouter la banque populaire [Adresse 7] de ses demandes et la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle considère que la mise en ‘uvre de la déchéance du terme suppose l’envoi d’une mise en demeure restée sans effet et qu’il appartient au prêteur professionnel de rapporter la preuve de l’envoi de cette mise en demeure et de la réception de celle-ci par l’emprunteur.
MOTIFS
L’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“En cas d’appel, un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée.
Jusqu’au jour du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.
Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour.
L’auteur d’une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d’un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être réclamés.
La décision du premier président n’est pas susceptible de pourvoi. ”
Si la signature figurant sur l’avis de réception d’une lettre recommandée adressée à une personne physique est présumée être jusqu’à preuve du contraire, celle de son destinataire ou de son mandataire, pour considérer que la déchéance du terme n’était pas acquise, le premier juge a pu, dès lors que Mme [M] [N] déniait la signature portée sur l’avis de réception de la mise en demeure adressée le 16 mars 2021, et après avoir procédé à une vérification de signature, en conclure que la signature portée sur l’avis de réception n’était pas sa signature. En outre, Mme [M] [N] produit une copie d’écran issue du site internet de la poste indiquant qu’aucune procuration n’a été enregistrée à son nom et la banque populaire [Adresse 7] ne produit aucun élément permettant de retenir que Mme [M] [N] a eu connaissance de cette lettre. La mise en demeure signée par un tiers ne pouvant produire effet dès lors qu’elle n’a pas été effectivement réceptionnée par son destinataire, la banque populaire [Adresse 7] n’établit pas qu’il existe un moyen sérieux de réformation permettant de considérer que la déchéance du terme n’est pas acquise.
Par ailleurs, pour justifier la décision du premier juge, Mme [M] [N] se prévaut à juste titre de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, en l’espèce un délai de huit jours, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement (1ère Civ., 22 mars 2023, pourvoi n° 21-16.044).
Contrairement à ce que soutient la banque populaire [Adresse 7], la Cour de cassation n’a pas édicté, aux termes de son arrêt du 19 mai 2021 (n°20-12520), une règle générale selon laquelle une nouvelle jurisprudence n’est pas applicable à un contrat ancien mais retenu, dans l’espèce considérée, une atteinte au droit d’accès au juge justifiant de faire exception au principe d’application immédiate de la jurisprudence. La banque populaire [Adresse 7] ne démontrant pas une telle atteinte, n’établit pas que cette jurisprudence ne serait pas applicable à la situation de Mme [M] [N].
Au regard de ce qui précède, les autres moyens invoqués par la banque populaire [Adresse 7] concernant l’incidence du paiement par Mme [M] [N] de l’échéance impayée et la régularité du courrier prononçant la déchéance du terme seraient inopérants à justifier la réformation de la décision.
La demande de la banque populaire [Adresse 7] de sursis à exécution est rejetée et partant celle relative aux dommages-intérêts pour procédure abusive.
La demande de dommages-intérêts formée par Mme [M] [N] qui ne qualifie pas la faute de la banque populaire [Adresse 7] est également rejetée. En effet, l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est pas suffisante à faire dégénérer l’exercice de ce droit en abus et n’est pas en soi constitutive d’une faute.
La banque populaire [Adresse 7], succombant à l’instance, est condamnée aux dépens et à verser à Mme [M] [N] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de la banque populaire [Adresse 7] afin de sursis à l’exécution du jugement rendu le 19 avril 2023 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris,
Rejetons la demande de dommages-intérêts formée par la banque populaire [Adresse 7],
Rejetons la demande de dommages-intérêts formée par Mme [M] [N],
Condamnons la banque populaire [Adresse 7] à verser à Mme [M] [N] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons la banque populaire [Adresse 7] aux dépens.
ORDONNANCE rendue par Mme Marie-Catherine GAFFINEL, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère