Déséquilibre significatif : 3 octobre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01287
Déséquilibre significatif : 3 octobre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/01287
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3 octobre 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/01287

ARRET

[I]

C/

S.A.M.C.V. MACIF

MS/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU TROIS OCTOBRE

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/01287 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IMGY

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN DU SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [O] [I]

né le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 6] (GABON)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Marc ANTONINI de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

APPELANT

ET

S.A.M.C.V. MACIF agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Isabelle RUELLAN de la SELARL GAUBOUR WALLART RUELLAN, avocat au barreau d’AMIENS

Plaidant par Me PICAUD substituant Me Bertrand NERAUDAU, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

DEBATS :

A l’audience publique du 27 juin 2023, l’affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 octobre 2023.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 03 octobre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [I], propriétaire d’un véhicule de marque BMW, assuré auprès de la société MACIF, a déposé plainte auprès des services de police pour le vol de ce véhicule le 9 mai 2020. Le même jour, M. [I] a adressé à l’assureur un formulaire de déclaration de vol et lui a remis les deux exemplaires des clés du véhicule ainsi qu’une facture relative à l’acquisition de deux jantes en aluminium, établie par la société Jantes A9. L’assureur ayant refusé sa garantie en invoquant la clause de déchéance pour fausse déclaration de l’assuré relative au sinistre, M. [I] l’a assigné en garantie et en restitution des primes indûment perçues.

Par jugement du 7 février 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a :

– débouté M. [I] de ses demandes,

– condamné M. [I] à payer à la MACIF la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [I] aux dépens.

Par déclaration du 21 mars 2022, M. [I] a fait appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions du 20 juin 2022, M. [I] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement,

– d’écarter l’application de la clause de déchéance de garantie,

– de condamner la MACIF à lui payer la somme de 16 800 euros au titre de la garantie avec intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2020,

– de condamner la MACIF à lui restituer la somme de 1 245,60 euros au titre des primes indûment perçues,

– de condamner la MACIF à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que :

– l’envoi de la facture relative à l’acquisition de deux jantes en aluminium, qui a effectivement fait l’objet d’une précédente indemnisation, est une simple erreur, la facture d’acquisition de nouvelles jantes n’étant pas en sa possession, et ne peut suffire à caractériser sa mauvaise foi,

– la clause de déchéance doit être écartée puisque d’une part, elle n’est pas rédigée en caractère très apparent en méconnaissance de l’article L. 112-4 du code des assurances, et d’autre part, elle est abusive au sens de l’article L. 212-1 du code de la consommation puisque son caractère très large permet d’écarter la garantie en présence d’une erreur dont les conséquences indemnitaires sont modiques,

– en application de l’article L. 121-9 du code des assurances, le contrat d’assurance a pris fin de plein droit dans un délai de 30 jours après le vol, de sorte que les cotisations perçues après l’expiration de ce délai doivent lui être remboursées.

Dans ses conclusions du 7 septembre 2022, la MACIF demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

– condamner M. [I] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– à titre subisidiaire, limiter l’indemnité à la somme de 16 300 euros, après déduction de la franchise de 500 euros.

Elle réplique que :

– la clause de déchance est valable en ce que d’une part, elle est rédigée sur fond gris en caractère gras contrairement aux autres clauses de la police, et d’autre part, elle ne fait que sanctionner la mauvaise foi de l’assuré et n’est donc pas abusive,

– la mauvaise foi de M. [I] est établie, non seulement par ses déclarations mensongères relativement aux circonstances et aux conséquences du sinistre (allégation d’une date inexacte du dernier usage du véhicule, fourniture d’une facture d’acquisition de jantes déjà fournie à l’occasion d’un précédent sinistre survenu le 2 avril 2019 et qui comporte des mentions fausses, non justification de l’achat de nouvelles jantes), mais aussi par son comportement à l’occasion de la déclaration d’un précédent sinistre du 17 septembre 2019, l’enquête ayant révélé plusieurs déclarations mensongères,

– l’article L. 121-9 du code des assurances n’est pas applicable.

MOTIVATION

1. Sur la validité de la clause de déchéance

Vu l’article L. 112-4 dernier alinéa du code des assurances et l’article L. 212-1 du code de la consommation ;

Aux termes du premier texte, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

Aux termes du second texte, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La clause de déchéance de garantie, insérée dans les conditions générales, dont l’opposabilité n’est pas contestée, stipule, en page 61 :

« ATTENTION

[…]

– Aux fausses déclarations :

Enfin, toute fausse déclaration sur la nature, les causes, les circonstances ainsi que les conséquences du sinistre ou toute utilisation de moyens frauduleux ou de documents inexacts vous priverait de tout droit à garantie, pour ce sinistre, et vous exposerait à des poursuites pénales. »

Cette clause est mentionnée en caractère très apparent et ne peut échapper à l’attention de l’assuré en ce qu’elle est précédée de la mention ‘Attention’ en caractère majuscule, est écrite en caractère gras dans un encadré gris, ces caractères différant des autres clauses du contrat.

Par ailleurs, la clause de déchéance en cas de fausse déclaration relative au sinistre est interprétée par la jurisprudence comme une application de l’obligation générale d’exécuter le contrat de bonne foi édictée par l’article 1134, devenu 1104, du code civil (2e Civ., 5 juillet 2018, n° 17-20.488 et 17-20.491 ; 2e Civ., 16 septembre 2021, n° 19-25.278). Cette obligation, d’ordre public, présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel entre assureur et assuré et sa violation constitue une inexécution suffisamment grave pour justifier la déchéance de garantie. Une telle clause de déchéance est d’ailleurs prévue en matière d’assurance maritime par l’article L. 172-28 du code des assurances qui prévoit que : « L’assuré qui a fait de mauvaise foi une déclaration inexacte relative au sinistre est déchu du bénéfice de l’assurance ». Simple application de l’obligation légale de bonne foi et de coopération entre assureur et assuré, la clause litigieuse ne peut être considérée comme abusive.

La demande tendant à voir écarter la clause de déchéance est, par conséquent, rejetée.

2. Sur la mise en oeuvre de la clause de déchéance

Vu l’article 1134, devenu 1104, du code civil ;

L’assureur doit établir la mauvaise foi de l’assuré pour prétendre à l’application d’une clause prévoyant la déchéance de garantie en cas de fausse déclaration relative au sinistre (2e Civ., 5 juillet 2018, n° 17-20.488 et 17-20.491 ; 2e Civ., 16 septembre 2021, n° 19-25.278).

Les pièces versées par l’assureur démontrent plusieurs déclarations inexactes de M. [I], que ce soit à l’occasion du sinistre du 9 mai 2020 ou à l’occasion de précédents sinistres du 2 avril 2019 et du 17 septembre 2019 (vols à la roulotte).

D’abord, dans sa déclaration de vol du véhicule du 9 mai 2020, M. [I] a indiqué avoir utilisé le véhicule la veille pour faire des courses. L’analyse des deux jeux de clés remises à l’assureur démontre que la dernière utilisation des clés date du 7 mai 2020.

Ensuite, M. [I] a fourni à l’assureur une facture n° 0812 du 16 mars 2019 de la société Jantes A9 relative à l’acquisition de deux jantes en aluminium d’un montant de 680 euros, qui a déjà fait l’objet d’une indemnisation à l’occasion du précédent sinistre du 2 avril 2019. Dans son rapport du 24 juillet 2020, l’enquêteur, missionné par l’assureur, a relevé que l’adresse de la société Jantes A9 mentionnée sur la facture est erronée et que cette société a pour objet la réparation de jantes endommagées et non la vente de jantes, son gérant, M. [L] ayant assuré n’avoir jamais vendu de jantes.

Enfin, les suspicions de fausses factures sont corroborées par l’analyse d’autres factures remises à l’assureur à l’occasion du précédent sinistre du 17 septembre 2019. M. [I] avait alors déclaré le vol d’un ordinateur de marque Apple et de chaussures de luxe. L’enquête a révélé que la facture de la société Webdistrib.com du 30 mars 2017 fournie pour justifier l’achat de l’ordinateur est un faux document, le distributeur ayant indiqué que le numéro de la facture correspondait à un autre client et une autre adresse de livraison. La société SDA ayant vendu les chaussures a affirmé que le ticket de caisse produit correspond à des chaussures qui ont été restituées par le client et qui lui ont été remboursées suite à une défectuosité.

Lors de l’enquête, M. [I] n’a fourni aucun justificatif du paiement des différents achats invoqués à l’occasion des déclarations de sinistre.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, établissent que M. [I] a sciemment fait de fausses déclarations pour obtenir des remboursements indus, ce qui caractérise sa mauvaise foi justifiant l’application de la clause de déchéance.

Le jugement est confirmé.

3. Sur la demande de remboursement des cotisations

Vu l’article L. 121-9 du code des assurances ;

Aux termes de ce texte, en cas de perte totale de la chose assurée résultant d’un événement non prévu par la police, l’assurance prend fin de plein droit et l’assureur doit restituer à l’assuré la portion de prime payée d’avance et afférente au temps pour lequel le risque n’est plus couru.

La perte totale du véhicule résulte de la réalisation d’un risque garanti, à savoir le vol. Les primes versées jusqu’à la résiliation du contrat prenant effet le 31 mars 2021 restent donc acquises à l’assureur.

Si les conditions générales prévoient, page 68, que l’assuré peut résilier le contrat « en cas de diminution du risque assuré lorsque la Macif ne consent pas à une réduction du montant de la cotisation », cette clause n’a pas été mise en oeuvre par l’assuré.

Le jugement est confirmé.

4. Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

Partie perdante en cause d’appel, M. [I] sera condamné aux dépens d’appel et à payer à la MACIF la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne [O] [I] aux dépens d’appel,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne [O] [I] à payer à la MACIF la somme de 3 000 euros.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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