Déséquilibre significatif : 29 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01461
Déséquilibre significatif : 29 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01461
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29 juin 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/01461

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 29/06/2023

N° de MINUTE : 23/590

N° RG 21/01461 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TQEJ

Jugement (N° 19/01594) rendu le 01 Décembre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 7]

APPELANTS

Monsieur [T] [V]

né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 8] – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Madame [Z] [H]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9] – de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai, avocat constitué (constitué aux lieu et place de Me Jablonski)

INTIMÉE

SA Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts-De-France venant aux droits et obligations de la Caisse d’Epargne Nord France Europe, par voie de fusion absorption

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Etienne Charbonnel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 05 avril 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 5 avril 2023

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre de prêt en date du 15 avril 2014, M. [T] [V] et Mme [Z] [H] ont souscrit auprès de la Caisse d’Epargne Nord France Europe, aux droits de laquelle vient désormais la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France ci-après dénommée ‘la Caisse d’Epargne’, un prêt immobilier d’un montant de 130’709,26 euros remboursable en 180 mensualités, au taux nominal de 2,89 % l’an et au taux annuel effectif global (TEG) de 3,68 %.

Invoquant le calcul des intérêts sur la base de l’année lombarde de 360 jours au lieu de l’année civile de 365 jours, M. [V] et Mme [H] ont assigné en justice la Caisse d’Epargne aux fins d’obtenir l’annulation de la stipulation d’intérêt conventionnels et la substitution par l’intérêt légal, ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 1er décembre 2020, le tribunal judiciaire de Béthune a :

– déclaré M. [V] et Mme [H] irrecevables en leurs demandes de nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels,

– débouté M. [V] et Mme [H] de leurs demandes de dommages et intérêts,

– condamné in solidum M. [V] et Mme [H] aux dépens de l’instance,

– débouté M. [V] et Mme [H] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [V] et Mme [H] à payer la somme de 1 000 euros à la Caisse d’Epargne Hauts de France au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 17 mars 2021, M. [V] et Mme [H] ont relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 23 novembre 2021, ils demandent à la cour de :

Vu l’article 1907 du Code civil,

vu les articles L.313-1et suivants du code de la consommation, les articles R.313-1et suivants du même code, et la jurisprudence applicable,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– déclaré M. [V] et Mme [H] irrecevables en leurs demandes de nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels,

– débouté M. [V] et Mme [H] de leurs demandes de dommages et intérêts,

– condamné in solidum M. [V] et Mme [H] aux dépens de l’instance,

– débouté M. [V] et Mme [H] de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. [V] et Mme [H] à payer la somme de 1 000 euros à la Caisse d’Epargne Hauts de France au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

– statuant à nouveau des chefs infirmés,

– déclarer recevables les demandes de M. [V] et Mme [H],

– prononcer l’annulation de la stipulation d’intérêts,

– ordonner en conséquence la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit par M. [V] et Mme [H],

– enjoindre à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France venant aux droits de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Nord France Europe d’établir de nouveaux tableaux d’amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu’à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre,

– condamner la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France à restituer à M. [V] et Mme [H] le trop-perçu correspondant à l’écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n° 42555767 et les intérêts au taux légal, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

– déclarer que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d’amortissement qui seront établis par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre depuis la date de souscription du contrat,

– subsidiairement, si par impossible la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels devait être écartée,

– vu l’article L.312-33 du code de la consommation, désormais codifié à l’article L341-34 du même code,

– prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 42555767 souscrit auprès de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France par M. [V] et Mme [H],

en tout état de cause,

– condamner la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France à payer à M. [V] et Mme [H] la somme de 15’000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquements à son devoir de conseil,

– condamner la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France à payer à M. [V] et Mme [H] la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toute demande et prétention contraire de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France,

– condamner la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2022, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France demande à la cour de :

Vu les articles L.312-1et suivants du code de la consommation,

à titre principal,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béthune du 1er décembre 2020 en ce qu’il a déclaré irrecevables les consorts [V]-[H] à solliciter la nullité de la stipulation d’intérêts du prêt du 15 avril 2014,

à titre subsidiaire,

– statuant sur la demande nouvelle des appelants de déchéance du droit aux intérêts contractuels, les en débouter,

à titre infiniment subsidiaire,

– dire et juger que la seule sanction applicable est la déchéance du droit aux intérêts contractuels dans la juste proportion fixée par le juge,

– débouter à ce titre les consorts à [V]-[H] de leurs demandes, faute de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité,

en toute hypothèse,

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Béthune du 1er décembre 2020, en ce qu’il a débouté les consorts [V]-[H] de leur demande de dommages et intérêts fondée sur la responsabilité de la banque au titre de son devoir de conseil et de loyauté,

– confirmer le jugement en ce qu’il les a condamné au paiement d’une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

– y ajoutant, les condamner au paiement d’une somme complémentaire de 2 500 euros, outre les entiers dépens d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

La clôture de l’affaire a été rendue le 23 mars 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 5 avril 2023.

MOTIFS

Sur la demande de nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels

Au visa de l’article 1907 du code civil, L.313-2 et L.313-1 du code de la consommation, les appelants forment une demande de nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, subsidiairement de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, au motif d’une part, que la banque a omis dans le calcul du coût du total du crédit et du TEG les intérêts de la période de préfinancement, et d’autre part, a calculé les intérêts sur la base de l’année lombarde de 360 jours au lieu de l’année civile de l’année civile de 365 jours.

La banque soutient que la demande de nullité est irrecevable au motif qu’en application de l’article L.312-33 du code de la consommation, la sanction d’un éventuel manquement du prêteur aux dispositions de l’article L.312-8, qui elles-mêmes renvoient aux article L.313-1 et R.313-1 est la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts, ce qui a été consacré par l’article L.341-1 de la code de la consommation.

Il résulte des articles L.312-8, L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-360 du 14 mars 2016 applicable en l’espèce, que la mention dans l’offre de prêt immobilier d’un TEG erroné, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du prêteur du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et ce, uniquement lorsque l’inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale venant au détriment de l’emprunteur.

De même, la mention dans l’offre d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l’article L.312-33 du code de la consommation lorsque l’inexactitude du taux entraîne au regard du taux stipulé une erreur du TEG supérieure à la décimale venant au détriment de l’emprunteur.

Ainsi, même à supposer que le calcul du TEG soit en l’espèce affecté d’irrégularités ou que l’année lombarde ait été utilisée pour le calcul des intérêts, seule la sanction de la déchéance du prêteur du droit aux intérêts conventionnels dans la proportion fixée par le juge est applicable.

En outre, la détermination de la sanction applicable aux irrégularités soulevées par les emprunteurs n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès.

Dès lors, la demande de nullité de la stipulation d’intérêts doit être, non pas déclarée irrecevable comme le demande la banque, mais rejetée.

Il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de nullité de la stipulation d’intérêts, et de rejeter la dite demande.

Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts

* Sur les intérêts de la période de préfinancement et le coût total du crédit

M. [V] et Mme [H] font grief à la banque de n’avoir pas intégré dans le coût total du crédit et le calcul du TEG les intérêts intercalaires de la période de préfinancement de 24 mois, alors que ces intérêts étaient parfaitement déterminables dans leur montant, dès lors que leur taux et la durée de 24 mois de la période préfinancement contractuellement prévus étaient connus des parties. Ils se fondent sur la clause du contrat selon laquelle ‘Le coût total du crédit et le taux effectif global ne tiennent pas compte des intérêts intercalaires, de la prime de raccordement d’assurance et le cas échéant des primes d’assurance de la phase de préfinancement’, ainsi que sur l’analyse mathématique établie par le cabinet Pôle expert Nord-Est, aux termes de laquelle, après réintégration des intérêts intercalaires dans le coût du crédit, le TEG corrigé ressort à 4,65 % au lieu de

3,68 % indiqué à l’offre.

La banque oppose que les intérêts intercalaires n’avaient pas à être intégrés au coût total du crédit et au calcul du TEG, qu’ils n’étaient pas déterminables au motif que les intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, leur montant ne peut être déterminé et dépend du rythme de cette libération inconnue des parties au moment de la souscription du prêt. Elle ajoute que les emprunteurs ne rapportent pas la preuve, en tout état de cause, d’une erreur de calcul du TEG, et que l’intégration des frais de la période de préfinancement conduit nécessairement à une minoration du TEG, ce qui n’est pas au détriment de l’emprunteur.

A titre liminaire, il sera rappelé que les intérêts intercalaires sont dus pendant la phase de préfinancement, laquelle sépare le premier déblocage des fonds du premier remboursement, celui-ci marquant le début de la phase d’amortissement du prêt en capital et intérêts.

La technique du préfinancement peut constituer un simple différé d’amortissement au bénéfice de l’emprunteur, le capital étant alors immédiatement libéré dans son intégralité, ou au contraire, dans le cas d’une construction immobilière par exemple, la période de préfinancement permet à l’emprunteur de se loger pendant la construction de son futur logement, la charge financière liée au prêt étant limitée aux seuls intérêts intercalaires, lesquels augmentent au gré de la libération progressive du capital, dont le dernier déblocage marque la fin de la phase de préfinancement.

Dans sa rédaction applicable au litige, l’article L. 313-1 du code de la consommation dispose que :

‘ Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l’application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. (…)’

Il est constant que les intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement sont liés à l’octroi du prêt et entrent dans le calcul du taux effectif global, sous réserve qu’ils soient déterminables lors de la conclusion du contrat.

Toutefois, tel n’est pas le cas des intérêts dus au titre du capital libéré de manière progressive au cours de cette période, dès lors que leur montant dépend du rythme de cette libération, inconnu des parties lors de la souscription du prêt. (Cass Civ 1ère 15 juin 2022 ; 20-16.070)

En l’espèce, les parties ne précisent ni l’une ni l’autre les motifs de la période de préfinancement et ne produisent aucune pièce relative au déblocage des fonds.

Il ressort des mentions de l’offre de crédit qu’elle a pour objet ‘le réaménagement et le rachat du crédit immobilier’ destiné à l’acquisition de la résidence principale des consorts [V]-[H]. Dans une telle hypothèse, il n’est pas démontré que les fonds ont été débloqués de manière progressive en fonction des demandes des emprunteurs, ni en conséquence, que le moment de la libération des fonds et la durée de la phase de préfinancement étaient incertains et fonction de l’avancée d’une construction.

Dès lors, les intérêts de la période de préfinancement de 24 mois étaient déterminables et devaient donc être incorporés au coût total du crédit et par conséquent au calcul du TEG.

Cependant, il est rappelé que la charge de la preuve du caractère erroné du TEG repose sur les emprunteurs auxquels il incombe donc de justifier d’un écart de plus d’une décimale entre le TEG réel et le TEG corrigé en application de l’article 9 du code de procédure civile.

Or, les calculs que leur expert propose pour conclure à un TEG de 4,65 % sont manifestement erronés. En effet, ils ne tiennent pas compte de la période de préfinancement de 24 mois, les calcul ayant été opérés sur 180 mois seulement, alors qu’il aurait fallu si la période de préfinancement de 24 mois devait être intégrée, opérer les calculs sur 204 mois. Dans un tel cas, la prise en compte des intérêts intercalaires vient nécessairement minorer le TEG du fait de l’allongement de la période de calcul, comme le précise la banque.

Dès lors, l’analyse mathématique produite n’est pas susceptible de démontrer que la prise en compte des intérêts intercalaires aurait eu pour conséquence de majorer le TEG, et que dès lors, l’irrégularité affectant le TEG est au détriment des emprunteurs.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts de ce chef.

Sur le calcul des intérêts sur l’année de 360 jours au lieu de 365 jours

Les appelants font valoir que l’offre de prêt comporte une clause lombarde de calcul des intérêts abusive, et que la banque a calculé les intérêts sur la base d’une année de 360 jours au lieu de l’année civile de 365 jours, ce qui est prohibé.

La banque fait valoir que la clause critiquée n’est que le reflet de l’équivalence financière entre les formules de calcul des intérêts, le résultat étant le même que l’on utilise le rapport 30/360, 30,41666/365 ou 1/12, lorsque les intérêts sont remboursés à échéance constante selon un périodicité mensuelle. Elle ajoute que la seule présence d’une clause 30/360 ne suffit pas à sanctionner la banque, mais qu’il appartient aux emprunteurs de démontrer une erreur dans le calcul des intérêts conventionnels qui aurait eu un impact sur le TEG au delà d’une décimale, ce dont ils ne rapportent pas la preuve.

L’offre de prêt contient la clause suivante :’Durant la phase d’amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d’intérêt indiqué ci-dessus sur une base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.’

En application combinée des articles 1907 du code civil, des articles L.313-1, L.313-2 et R.313-1 du code de la consommation, le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile de 365 jours dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel

En application de l’article L. 137-2 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Afin de déterminer si la clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d’une année de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30, entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d’apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit.

Il est constant que s’agissant d’un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d’une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d’année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d’une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation.

Cette équivalence est démontrée par la banque qui procède dans ses conclusions, à titre d’exemple, au calcul des intérêts des échéances n° 5, n° 54 en utilisant les rapports 1/12, 30/360 et 30,41666/365, ce qui permet d’obtenir exactement le même montant d’intérêts.

En revanche, le calcul effectué par l’expert des échéance des 5 décembre 2014 et 5 mai 2016 n’est ni pertinent, ni probant dans la mesure où ce dernier a utilisé un rapport erroné pour faire ses calculs, soit 30/365, alors que lorsque le calcul des intérêts est fait sur la base de l’année civile de 365, il y a lieu d’utiliser le mois normalisé de 30,4166, soit le rapport 30,4166/365.

Les appelants n’établissent donc pas que la clause de calcul des intérêts entraînerait un surcoût d’intérêts et un déséquilibre au sens de l’article L. 137-2 du code de la consommation. La clause ne saurait donc être qualifiée d’abusive et son application écartée en application de ce texte.

Par ailleurs, le calcul des intérêts sur la base d’une année de 360 jours, au lieu d’une année civile ne peut être sanctionné que s’il génère un surcoût entraînant une erreur dans l’évaluation du TEG mentionné dans le contrat, lequel est calculé en tenant compte, notamment, des intérêts et ce, lorsque l’inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale, au détriment de l’emprunter, inexactitude qu’il appartient à ce dernier de démontrer, en application de l’article 9 du code de procédure civile.

L’inexactitude ne peut se déduire de la seule présence dans le contrat d’une clause telle que celle critiquée en l’espèce.

Or, il n’est pas démontré l’existence d’un surcoût d’intérêts, ni a fortiori d’une erreur dans l’évaluation du TEG supérieure à une décimale au détriment des emprunteurs, l’analyse financière de Pôle expert Nord-Est ne proposant aucun calcul rectifié du TEG.

En conséquence la demande de déchéance du droit aux intérêts doit être rejetée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la date de conclusion du contrat de crédit, dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison de retard dans l’exécution, toute les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère.

M. [V] et Mme [H] recherchent la responsabilité de la banque en raison d’un prétendu manquement à son devoir de conseil pour leur avoir proposé un crédit contenant une clause lombarde prohibée, et les avoir amenés à honorer un crédit dans la fausse croyance de conditions plus avantageuses qu’elles n’étaient en réalité, et invoquent un préjudice moral.

Cependant, ils n’établissent pas l’existence d’un préjudice moral découlant de la présence dans l’offre d’une clause lombarde, ni que l’offre aurait pu être contractée dans des conditions plus avantageuses.

Confirmant le jugement entrepris, la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant, M. [V] et Mme [H] seront condamnés in solidum au dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Hauts de France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Ils seront déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a déclaré M. [V] et Mme [H] irrecevables en leurs demandes de nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels ;

Statuant de nouveau de ce chef ;

Déboute M. [V] et Mme [H] de leur demande de nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels formée par M. [V] et Mme [H] ;

Rejette la demande de M. [V] et Mme [H] formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [V] et Mme [H] à payer à la Caisse d’Epargne et de prévoyance Hauts de France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [V] et Mme [H] aux dépens d’appel.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU

 


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