Déséquilibre significatif : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17087
Déséquilibre significatif : 28 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/17087
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28 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/17087

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 28 JUIN 2023

(n° 129 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/17087 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMZL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2021 -Tribunal de Commerce de LYON – RG n° 2018J02025

APPELANTE

S.A.R.L. CAPALIM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quelité audit siège,

Immatriculée au RCS de BASTIA sous le numéro 480 661 297

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

BASTIA

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018,

INTIMÉE

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette quelité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT-ETIENNE sous le numéro 428 268 023,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151,

Assistée de Me Judith FONTENILLE, avocate au barreau de LYON, substituant

Me Sébastien SEMOUN de la SELARL LEXCASE SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mai 2023, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4,

Madame Sophie Depelley, conseillère,

Monsieur Julien Richaud, conseiller,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Sophie Depelley dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte Fenouil

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4, et par Monsieur Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Distribution Casino France (ci-après ‘la société Distribution Casino’) a pour activité l’exploitation sous différentes enseignes, notamment l’enseigne Spar, d’un réseau alimentaire de proximité, supermarchés et hypermarchés.

Le 20 juillet 2005, la société Capalim a fait l’acquisition auprès de la société Distribution casino France d’un fonds de commerce exploité sous l’enseigne Spar situé [Adresse 3] à [Localité 4] en Haute-Corse.

Le 25 juin 2009, les parties ont signé un contrat de franchise Spar pour l’exploitation dudit point de vente. Le contrat a été conclu pour une durée de 7 ans avec un terme au 24 juin 2016.

Par lettre recommandée du 10 décembre 2015, la société Capalim a notifié à la société Distribution Casino son intention de ne pas renouveler le contrat de franchise à son échéance.

Par lettre du 31 mai 2016, la société Distribution Casino France a pris acte de la décision de son franchisé et lui a rappelé le respect de la clause de non-concurrence post-contractuelle prévue au contrat.

Dès le mois de juillet 2016, la société Capalim a poursuivit l’exploitation de son point de vente avec le groupe concurrent Système U sous l’enseigne Utile.

Par acte du’27 juillet 2017, la société Distribution Casino France a assigné la société Capalim devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne pour obtenir réparation de la violation de la clause de non-concurrence prévue au contrat ainsi que le paiement d’une créance.

Par jugement du 17 mai 2018, le tribunal de commerce de Saint-Etienne s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement du 7 septembre 2021 le tribunal de commerce de Lyon a :

– Jugé que l’article L. 341-2 du code de commerce issu de la loi du 6 août 2015 n’est pas applicable au présent litige,

– Jugé que la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat SPAR est limitée dans le temps, dans l’espace et aux intérêts légitimes de la société Distribution Casino France,

– Jugé que la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat SPAR ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

– Jugé que la société Capalim a violé la clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l’article 14 du contrat de franchise SPAR du 25 juin 2009,

– Condamné la société Capalim à verser à la société Distribution Casino France la somme de 160.000 € en application de la clause pénale figurant à l’alinéa 4 de l’article 14 du contrat de franchise SPAR du 25 juin 2009 régularisé entre les parties.

Sur les créances de la société Distribution Casino France :

-Débouté la société Distribution Casino France de sa demande de condamnation de la société Capalim à lui payer la somme de 2 550 € TTC au titre de la facture de maîtrise d”uvre de la société SCOGEBA et la somme 20 362 € TTC pour les prétendues dissimulations des chiffres d’affaires,

Sur la créance de la société Capalim :

– Condamné la société Distribution Casino France à payer la somme de 3 222,17 € à la société Capalim qu’elle a reconnu lui devoir,

– Jugé, par conséquent, qu’il n’y a pas lieu de compenser les créances respectives de la société Distribution Casino France et de la société Capalim,

– Rejeté tous autres fins, moyens et conclusions contraires des parties,

– Condamné la société Capalim au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Capalim aux entiers dépens de l’instance,

– Condamné la société Capalim à payer à la société Distribution Casino France, cas d’exécution forcée de la décision, au paiement d’une indemnité équivalente au droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’huissier instrumentaire au titre de I l’article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001,

– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 28 septembre 2021 la société Capalim a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 19 mai 2022, la société Capalim demande à la Cour de’:

Vu l’article l’article 5.3 du Règlement n° 330/2010 de l’Union Européenne

Vu l’article L442-6 du code de commerce

Vu l’Avis de L’Autorité de la Concurrence du 07 décembre 2010

Vu la jurisprudence

Sur l’appel principal :

Reformer le jugement rendu en ce qu’il a :

« Jugé que la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat SPAR est limitée dans le temps, dans l’espace et aux intérêts légitimes de la société Distribution Casino France,

Jugé que la clause de non-concurrence post -contractuelle du contrat SPAR ne crée pas de déséquilibre significatif entre les parties,

Jugé que la société Capalim a violé la clause de non-concurrence post-contractuelle stipulée à l’article 14 du contrat de franchise SPAR du 25 juin 2009,

Condamné la Société Capalim à verser à la Société Distribution Casino France la somme de 160 000 euros en application de la clause pénale figurant à l’alinéa 4 de l’article 14 du contrat de franchise PAR du 25 juin 2009 régularisé entre les parties. »

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la SARL Capalim n’est pas redevable de la somme de 22 912 euros à la Société Distribution Casino France,

Sur l’appel incident :

Rejeter l’ensemble des demandes formées par la société Distribution Casino France,

En conséquence, statuant de nouveau ,

I. Sur la clause de non concurrence

A titre principal

Juger qu’il n’est pas démontré que la clause litigieuse est proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur,

Juger que la clause litigieuse, en ce qu’elle prive le débiteur de l’exercice d’une activité professionnelle dans son domaine de compétence crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

Juger que la clause de non-concurrence post contractuelle insérée dans le contrat de franchise du 25 juin 2009 est nulle et de nul effet,

Débouter la Société Distribution Casino France de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire

Si par extraordinaire, le tribunal devait considérer la clause de non-concurrence post contractuelle comme valable

Juger que le montant de la clause pénale y attaché est manifestement excessif

En conséquence

Réduire le montant de celle-ci

II. Sur la prétendue créance de la société distribution casino France sur la SARL Capalim

Juger que la Société Distribution Casino France reconnaît devoir verser la somme de 3222,15 euros à la SARL Capalim,

Juger qu’il n’est pas démontré que la SARL Capalim est débitrice de la Société Distribution Casino France,

Juger qu’aucune compensation ne peut s’opérer

Juger que les régularisations des années 2009, 2010 et 2011 sont prescrites,

Condamner la Société Distribution Casino France à verser à la SARL Capalim la somme de 3222,15 euros,

En tout état de cause,

Condamner la Société Distribution Casino France à verser à la SARL Capalim une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Société Distribution Casino France aux entiers dépens de première instance et appel.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 avril 2023, la société Distribution Casino France, demande à la Cour de’:

Vu les articles 1134, 1289 du Code civil ancien,

Vu l’article 2 du Code civil,

Vu l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce,

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 7 septembre 2021,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre principal :

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 7 septembre 2021 en ce qu’il a condamné la société Capalim à verser à la société Distribution Casino France la somme de 160.000 euros en application de la clause pénale figurant à l’alinéa 4 de l’article 14 du contrat de franchise SPAR du 25 juin 2009 régularisé entre les Parties ;

A titre incident :

Reformer le jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 7 septembre 2021 en ce qu’il a :

« Déboute la société Distribution Casino France de sa demande de condamnation de la société Capalim a` lui payer la somme de 2 550 € TTC au titre de la facture de mai^trise d”uvre de la société SCOGEBA et la somme de 20 362 € TTC pour les prétendues dissimulations de chiffres d’affaires ».

Et statuant à nouveau :

Condamner la société Capalim à verser à la société Distribution Casino France la somme de 22.912,00 Euros TTC Euros au titre du solde créditeur de la société Distribution Casino France ;

En tout état de cause :

Débouter la société Capalim de toutes ses demandes, fins, et prétentions ;

Condamner la société Capalim au paiement d’une somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Capalim aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle

L’article 14 du contrat de franchise signé entre les parties stipule au titre de la clause de non-concurrence :

« Pendant toute la durée du contrat, le franchisé s’interdit de créer, participer ou s’intéresser directement ou indirectement par lui-même ou par personnes interposées, à toute entreprise ou société concurrente du franchiseur et du réseau SPAR et, en particulier à tout commerce de distribution alimentaire.

En outre, le franchisé s’interdit d’exploiter ou de participer d’une quelconque manière, directement ou par personnes interposées, à l’exploitation, la gestion, l’administration, le contrôle d’un fonds de commerce ou d’une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l’unité en franchise, et de s’affilier, d’adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit, à une chaîne concurrente du franchiseur ou d’en créer une lui-même, et plus généralement de se lier à tout groupement, organisme ou entreprise concurrents du franchiseur.

De plus, cette interdiction sera valable pendant 1 an à compter de la date de cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, et ce, dans un rayon de 30 kms du magasin exploité dans le cas d’une zone dite rurale et dans un rayon de 10 kms dans une zone urbaine.

La violation de cette clause outre les conséquences qu’elle pourrait avoir sur le contrat en cours d’exécution entraînera le versement par le franchisé d’une somme de 160.000 €, sans préjudice des autres droits et recours du franchiseur et de l’obligation pour le Franchisé de respecter l’obligation concernée.

Cette obligation s’étend, le cas échéant, au gérant, à son conjoint, à tout dirigeant de fait, ainsi qu’à toutes personnes ayant eu accès au savoir-faire du franchiseur, ce dont le Franchisé devra les avertir. »

Exposé des moyens des parties

La société Capalim conteste la validité de cette clause de non-concurrence post-contractuelle et fait principalement valoir, au visa des articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et 5.3 du règlement n°330/2010, que celle-ci ne protège pas les intérêts du franchiseur de manière proportionnée sans restreindre de manière excessive la liberté d’exercice du franchisé. Elle relève que le savoir-faire du franchiseur pour l’exploitation d’un commerce alimentaire de proximité est de faible technicité, spécificité et originalité, et que sa protection indispensable par une telle clause de non-concurrence n’est pas démontrée, une clause de confidentialité pouvant suffire. Elle indique ne pas avoir été titulaire de la ‘bible’ du réseau et avoir exploité pendant quatre années son magasin sous l’enseigne Spar sans aucun contrat de franchise ce qui démontre que le savoir-faire n’est ni substantiel ni spécifique ou secret. Elle relève en outre que la rédaction de la clause litigieuse interdit toute activité professionnelle dans le domaine de compétence des associés de la société Capalim et que l’interdiction édictée étendue à une distance de 30 km en zone rurale et 10 km en zone urbaine du point de vente de l’exploitant est disproportionnée pour la protection des intérêts légitimes du franchiseur, notamment en Haute-Corse. Elle précise que le courrier du franchiseur du 31 mai 2016 ne peut s’analyser en une réduction de la clause litigieuse au seul point de vente. Elle indique que la présente Cour a déjà invalidé cette clause sous l’enseigne Spar (CA Paris n° 3 octobre 2018 RG n°16/05817). Enfin, elle soutient qu’il appartenait à la société Distribution Casino France de mettre en conformité la clause litigieuse dans un délai d’un an après l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 modifiant l’article L 341-2 du code de commerce, cette dernière ayant instauré une période transitoire à cet effet.

La société Distribution Casino France réplique pour l’essentiel que la société Capalim a manifestement violé la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat de franchise Spar en arborant l’enseigne Utile directement concurrente dès juillet 2016, alors que les dispositions de la clause étaient claires, précises et acceptées par la société Capalim. Elle explique lui avoir rappelé dans son courrier du 31 mai 2016 les termes de ladite clause tout en limitant cette dernière au seul point de vente exploité par la société Capalim, afin de lui être agréable. Elle relève que le droit communautaire n’est pas applicable puisqu’aucune affectation du commerce entre Etats membres n’existe et que le nouvel article L 341-2 du code de commerce n’est entré en vigueur que le 6 août 2016 et n’est pas applicable en l’espèce. Ce que confirme un arrêt de la chambre commerciale rendue le 16 février 2022. Elle soutient que la clause est valable selon le droit interne en ce qu’elle est limitée dans l’espace et dans le temps pour une durée d’un an à compter de la cessation du contrat et qu’elle est destinée à protéger un savoir-faire de l’enseigne Spar dont la spécificité et l’originalité ont été éprouvées et reconnues par différentes décisions de justice. Elle relève en outre que par décision du 24 novembre 2009 pourvoi n°08-17.650 la Cour de cassation a confirmé la liceité et la validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle insérée dans les contrats de franchise Spar, de même que la Cour d’appel de Lyon ( CA Lyon du 8 novembre 2007 RG n°05/06933 et 31 janvier 2008 RG n°06/00187). Enfin, elle soutient qu’il résulte de la jurisprudence française qu’il entre dans les pouvoirs de la juridiction saisie, plutôt que de prononcer la nullité de la clause de non-concurrence, d’en restreindre l’application par une réduction de ses effets dans le temps, dans l’espace ou dans ses autres modalités, raison pour laquelle, dans son courrier du 31 mai 2016, le franchiseur, pour éviter toute contestation, avait limité au seul point de vente et pour une durée d’un an la clause de non-concurrence.

Réponse de la Cour,

L’article L.341-2 du code de commerce a été crée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, laquelle dispose, dans son article 31-II, qu’elle s’applique à l’expiration d’un délai d’un an à compter de sa promulgation. Or la loi nouvelle ne peut, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, inexistante en l’espèce, remettre en cause la validité d’une clause contractuelle régie par les dispositions en vigueur à la date où le contrat a été passé (Cass. com., 16 février 2022, n°20-20.429 publié). Cet article n’est donc pas applicable au présent litige.

La clause figurant dans le contrat type de franchise sous l’enseigne Spar, réseau national (pièce n°38) repris par Distribution Casino France, est susceptible d’affecter la totalité du territoire français, partie substantielle du marché de l’Union. Il y a donc lieu de dire applicable le droit de la concurrence de l’Union et d’appliquer le règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées. Les conditions d’exemption automatique des clauses de non-concurrence post-contractuelles prévues dans le règlement d’exemption sont les suivantes, :

a) l’obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels ;

b) l’obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l’acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ;

c)l’obligation est indispensable à la protection d’un savoir-faire transféré par le fournisseur à l’acheteur ;

d)la durée de l’obligation est limitée à un an à compter de l’expiration de l’accord ;

Cette application ne change d’ailleurs pas les critères d’appréciation de la clause en droit national qui prévoit qu’une clause de non-concurrence, en ce qu’elle porte atteinte au principe de la liberté du commerce, doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes de son créancier et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur, c’est-à-dire être limitée quant à l’activité, l’espace et le lieu qu’elle vise ; elle ne peut, par exemple, empêcher le débiteur d’exercer toute activité professionnelle ; enfin, elle doit, au regard de la mise en balance de l’intérêt légitime du créancier de non-concurrence et de l’atteinte qui est apportée au libre exercice de l’activité professionnelle du débiteur de non-concurrence, être proportionnée (en ce sens Com.24 novembre n°08-17.650 ; Com. 16 février 2022 n°20.12.885).

La clause de non-concurrence post-contractuelle peut être considérée comme inhérente à la franchise dans la mesure où elle permet d’assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exclusivité. En ce sens, la clause litigieuse insérée au contrat de franchise Spar est destinée à la protection des intérêts légitimes de la société franchiseur Distribution Casino dont la réalité du savoir-faire transmis n’est pas utilement contestée par la société Capalim. Elle est par ailleurs limitée dans le temps et dans l’espace.

Néanmoins cette clause doit rester proportionnée à l’objectif qu’elle poursuit.

La clause de non-concurrence post-contractuelle prévoit une interdiction de toute activité, directement ou par personne interposée, en lien avec un commerce de distribution alimentaire dans un rayon de 30 kilomètres en zone rurale et 10 kilomètres en zone urbaine. Il n’est pas contesté que le fonds de commerce de la société Capalim, situé à [Adresse 3] au début de la [Adresse 3], se trouve dans une zone rurale de moins de 3000 habitants. La société Distribution Casino fait état dans ses écritures d’un savoir-faire ‘éprouvé et apprécié’ mais n’explicite pas le contenu de son savoir-faire ni sa spécificité, sauf à faire référence à des décisions de la Cour de cassation concernant le réseau Spar, telle que Com., 8 juin 2017, pourvoi n°15-22.318 faisant état d’un savoir-faire comprenant un « savoir-sélectionner » les produits, constitué par l’offre à la vente par le franchiseur de produits sélectionnés conditionnés spécialement et bénéficiant d’une notoriété incontestable et un « savoir-vendre » , résultant de la délivrance de conseils adaptés pour leur vente. Or un tel savoir-faire, en lien avec le commerce alimentaire de proximité, apparaît de faible technicité et spécificité, en sorte qu’ une restriction d’activité telle que prévue par la clause litigieuse n’apparaît pas indispensable pour assurer sa protection. En toute hypothèse, la société Distribution Casino ne démontre pas en quoi la clause litigieuse telle que libellée au regard de la restriction apportée à l’activité professionnelle du franchisé dans une zone rurale en Haute -Corse ( rayon de 30 km) est nécessaire pour la protection de son savoir-faire. Par ailleurs, la circonstance que le savoir-faire Spar a été reconnu par la Cour de cassation ne suffit pas à rendre cette clause licite au regard de la restriction litigieuse, étant observé que dans le précédant (Com. 24 novembre 2009 pourvoi n°08-17.650) la clause de non-concurrence post-contractuelle était limitée à une zone de trois kms du point de vente.

Enfin, la lettre du 31 mai 2016 écrite en ces termes : ‘En effet, la dénonciation à l’échéance du contrat de franchise nous liant ne préjudicie pas au respect de la clause de non-concurrence précitée qui s’étend une année après la fin de nos relations et produit ses effets sur le point de vente objet du contrat de franchise SPAR nous liant’, en ce qu’elle est un simple rappel de l’application de la clause à la situation du franchisé Capalim, ne constitue nullement un courrier par lequel le franchiseur limite l’effet de la clause au seul point de vente, étant observé que ce courrier a été envoyé quelques jours avant l’échéance du contrat en réponse à la notification du franchisé de son intention de ne pas le renouveler. Aussi, c’est en considération des termes de cette clause, emportant une restriction à son activité professionnelle, à savoir une interdiction de toute activité identique à celle objet du contrat au franchisé, directement ou par personne interposée, dans un rayon de 30 kms du magasin exploité dans le cas d’une zone dite rurale que la société Capalim devait envisager la réorganisation de son activité après l’échéance du contrat de franchise.

Dès lors, la clause de non-concurrence post-contractuelle, telle que libellée à l’alinéa 3 de l’article 14 du contrat de franchise, est disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes de la société Distribution Casino au regard de l’objet du contrat, et il y a lieu de l’annuler.

En conséquence, la société Distribution Casino sera déboutée de sa demande de condamnation de la société Capalim à lui verser la somme de 160 000 euros en application de la clause pénale pour violation de ladite clause de non-concurrence post-contractuelle. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de remboursement de la facture de maîtrise d’oeuvre de la société Distribution Casino

Exposé des moyens des parties

La société Distribution Casino fait principalement valoir au soutien de sa demande de paiement de la somme de 2.550 euros TTC que malgré son courrier de dénonciation du contrat de franchise Spar, la société Capalim a néanmoins indiqué souhaiter renouveler son partenariat avec elle, raison pour laquelle le franchiseur a démarré à la demande du franchisé le processus de réaménagement du magasin à compter de l’année 2016. Elle explique que dans ce cadre, un maître d”uvre est intervenu et que la société Capalim a changé à plusieurs reprises de projet de réaménagement.

La société Capalim conteste être entrée en pourpalers avec la société Distribution Casion alors même qu’elle avait clairement notifié son intention de ne pas renouveler le contrat de franchise et encore moins avoir sollicité le franchiseur pour la mise aux normes Spar de son magasin et avoir bénéficié de l’intervention d’un maître d’oeuvre. Elle fait observer qu’aucun devis n’est versé aux débats.

Réponse de la Cour,

Comme le relève la société Capalim, la facture dont il est réclamé le paiement est datée du 15 septembre 2016, soit postérieure à la fin du contrat de franchise. La date de réalisation des prestations n’est pas précisée. Les autres pièces versées aux débat (notamment les pièces n°29 et 32) sont insuffisantes pour établir que la société Capalim aurait été à l’initiative d’un projet de réaménagement du magasin aux normes Spar et d’avoir bénéficié d’une prestation commandée à cet effet.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Distribution Casino de sa demande en paiement de ce chef.

Sur les demandes de régularisation de redevances au titre d’une dissimulation de chiffre d’affaires

Exposé des moyens des parties

La société Distribution Casino soutient que la société Capalim a volontairement dissimulé une partie de son chiffre d’affaires pour le calcul des redevances pendant la durée du contrat de franchise. Elle en veut pour preuve qu’une étude des chiffres d’affaires déclarés par la société Capalim met en évidence des montants de chiffres d’affaires TTC inférieurs aux chiffres d’affaires HT mentionnés dans ses bilans. Elle explique avoir été contrainte de procéder à un nouveau calcul des redevances qui lui auraient été dues en repartant du chiffre d’affaires HT mentionné dans les bilans et de réclamer à cet effet une régularisation des redevances sur la période de 2009 à 2016 à hauteur de 20 362 euros.

La société Capalim réplique que les demandes de régularisation sur les années 2009 à 2011 sont prescrites . Elle conteste par ailleurs toute dissimulation de chiffre d’affaires et fait observer que chaque année, elle a envoyé ses bilans comptables à la société Distribution Casino pour obtenir des primes de fidélité permettant à celle-ci de procéder à la régularisation annuelle de la redevance.

Réponse de la Cour,

La Cour constate que la demande de régularisation de redevance a été formulée dans l’instance introduite le 27 juillet 2016 devant le tribunal de commerce de Lyon, en sorte que la demande portant sur une régularisation de redevance sur la période 2009 à 2011 est prescrite.

En outre, il ressort d’une part des dispositions de l’article 4 du contrat de franchise que le franchisé communiquera au franchiseur le chiffre d’affaires TTC mensuel réalisé dans son magasin, au plus tard le dixième jour du mois suivant et dans les trois mois suivant la fin de chacun de ses exercices (…) Ses états annuels comprenant au moins un bilan, un compte de résultats et des annexes, détaillés et complets. D’autre part, il est indiqué à l’article 9 du contrat que les redevances sont facturées mensuellement et par douzièmes avec pour assiette le CA TTC annuel réalisé sur l’exercice précédant, avec une régularisation après la clôture de l’exercice.

La société Capalim déclare avoir produit chaque année ses bilans comptables annuels conformément au contrat. La société Distribution Casino ne justifie d’aucune mise en demeure pour défaut de production de ces documents pendant l’exécution du contrat. Aussi, elle était en mesure de disposer des éléments de vérification des déclarations de chiffre d’affaires faites par la société Capalim et de procéder aux régularisations annuelles. Les pièces produites, notamment n° 16 et 37, ne permettent pas d’établir une dissimulation ‘manifeste’ du chiffre d’affaires par la société Capalim.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société Distribution Casino de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société Distribution Casino, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Distribution Casino sera déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société Capalim la somme de 3500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu’il a déclaré valide la clause de non-concurrence post-contractuelle du contrat Spar et condamné la société Capalim à verser à la société Distribution Casino France la somme de 160 000 euros en application de la clause pénale figurant à l’alinéa 4 de l’article 14 du contrat de franchise Spar du 25 juin 2009 régularisé entre les parties ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Annule la clause de non-concurrence post-contractuelle figurant à l’alinéa 3 de l’article 14 du contrat de franchise conclu entre les parties et libellée en ces termes : ‘De plus, cette interdiction sera valable pendant un an à compter de la date de cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, et ce dans un rayon de 30 kilomètres du magasin exploité dans le cas d’une zone dite rurale et dans un rayon de 10 km dans une zone urbaine’ ;

Déboute en conséquence la société Distribution Casino France de sa demande en paiement de la somme de 160 000 euros formulée à l’encontre de la société Capalim en application de clause pénale pour violation de ladite clause ;

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens d’appel ;

Condamne la société Distribution Casino France à payer à la société Capalim la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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