Déséquilibre significatif : 27 avril 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01503
Déséquilibre significatif : 27 avril 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01503
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27 avril 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
21/01503

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 27 Avril 2023

N° RG 21/01503 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GYGL

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 13 Mai 2019, RG 17/00767

Appelante – Défenderesse à l’opposition

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAV OIE, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimés – Demandeurs à l’opposition

M. [G], [R], [L] [Y]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6] ([Localité 6]),

et

Mme [V], [K] [Z] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4] ([Localité 4]),

demeurant ensemble [Adresse 3]

Représentés par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Sophie DUBOSSON, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 07 février 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant offres de prêts du 5 juillet 2012 acceptées le 20 juillet 2012, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel des Savoie (ci-après le Crédit Agricole) a consenti aux époux [G] [Y]/[V] [Z] trois crédits immobiliers :

– un prêt immobilier n° 531395 en devises (CHF) de la contre-valeur de 122 000 euros remboursable trimestriellement sur 300 mois, assorti d’intérêts au taux fixe de 3,3 % l’an,

– un prêt immobilier n° 531396 en devises (CHF) de la contre-valeur de 122 000 euros remboursable trimestriellement sur 300 mois, assorti d’intérêts au taux initial de 3,083 % l’an, taux révisable,

– un prêt immobilier à taux 0 % de 68 900 euros, remboursable mensuellement sur 300 mois.

Les époux [Y] ont cessé d’honorer le remboursement de leurs crédits à compter du mois de septembre 2015.

Plusieurs mises en demeure de régler les échéances impayées adressées aux emprunteurs les 29 décembre 2015, 16 mars et 5 octobre 2016 sont restées infructueuses.

Le Crédit Agricole a, en conséquence, prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 6 janvier 2017 mettant vainement en demeure les époux [Y] d’avoir à lui régler la somme totale de 380 678,37 euros.

Par acte d’huissier du 11 mai 2017, le Crédit Agricole a fait assigner les époux [Y] devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains pour obtenir le paiement des sommes exigibles au titre des trois prêts.

M. et Mme [Y] ont élevé diverses contestations, notamment la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels du prêt de 122.000 euros.

Par jugement contradictoire du 13 mai 2019, le tribunal a :

– prononcé la nullité des stipulations d’intérêts des prêts n° 531395 et n°531396, ceux-ci étant calculés sur la base d’une année lombarde de 360 jours.

– dit que le taux d’intérêt légal sera substitué aux taux d’intérêts conventionnels,

– enjoint au Crédit Agricole de produire, pour chacun des prêts, un tableau d’amortissement rectificatif établi sur la base du taux d’intérêt légal en vigueur au jour de l’acceptation des offres de crédit et un décompte de ses créances incluant la restitution des intérêts trop perçus par compensation sur les sommes dues,

– sursis à statuer sur les autres demandes,

– révoqué l’ordonnance de clôture et renvoyé l’affaire devant le Juge de la mise en état.

Le Crédit Agricole a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe de la cour du 17 juillet 2019.

Les époux [Y] n’ont pas comparu devant la cour.

Par arrêt rendu par défaut le 29 avril 2021, la cour a:

infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

condamné solidairement M. et Mme [Y] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie les sommes de :

– au titre du prêt à taux zéro : 69 179,58 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017 sur le principal de 69 119,76 euros,

– au titre du prêt n°531395: 150 901,67 euros, outre intérêts au taux de 3,30 % à compter du 6 janvier 2017 sur le principal de 150 569,05 euros,

– au titre du prêt n°531396 : 140 595,28 euros, outre intérêts au taux de 2,2708 % à compter du 6 janvier 2017 sur le principal de 140 393,55 euros,

condamné solidairement M. et Mme [Y] aux dépens de première instance et d’appel,

débouté le Crédit Agricole de toutes ses plus amples demandes.

Le 15 juillet 2021, M. et Mme [Y] ont formé opposition à cette décision.

Par ordonnance rendue le 9 décembre 2021, le conseiller de la mise en état, saisi par le Crédit Agricole aux fins d’irrecevabilité de l’opposition, a constaté que la recevabilité de l’opposition formée par les époux [Y] n’est plus discutée.

Par conclusions notifiées le 11 octobre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, le Crédit Agricole demande en dernier lieu à la cour de :

dire et juger M. et Mme [Y] mal fondés en leur opposition,

confirmer l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry du 29 avril 2021 en ce qu’il a :

– infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– statuant

à nouveau,

– condamné solidairement M. et Mme [Y] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie les sommes de :

– au titre du prêt à taux zéro : 69 179,58 euros outre intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017 sur le principal de 69 119,76 euros,

– au titre du prêt n°531395: 150 901,67 euros, outre intérêts au taux de 3,30 % à compter du 6 janvier 2017 sur le principal de 150 569,05 euros,

– au titre du prêt n°531396 : 140 595,28 euros, outre intérêts au taux de 2,2708 % à compter du 6 janvier 2017 sur le principal de 140 393,55 euros,

– condamné solidairement M. et Mme [Y] aux dépens de première instance et d’appel,

– débouté le Crédit Agricole de toutes ses plus amples demandes.

Y ajoutant,

condamner solidairement les époux [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers frais et dépens de la présente instance.

Par conclusions notifiées le 16 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. et Mme [Y] demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 571 et suivants du code de procédure civile,

Vu les article 1343-5, 1152, et 1907, alinéa 2, du code civil,

Vu les articles L.132-1, L. 312-8, L.312-22, L.312-23, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation et son annexe, dans leur version en vigueur le 20 juillet 2012,

rétracter l’arrêt rendu le 29 avril 2021,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

confirmer le jugement déféré, en ce qu’il a :

– prononcé la nullité des stipulations contractuelles relatives aux intérêts conventionnels des prêts n° 531395 et 531396,

– ordonné la substitution de l’intérêt légal à l’intérêt conventionnel,

– et enjoint au Crédit Agricole de produire, pour chacun des deux prêts, un tableau d’amortissement rectificatif établi sur la base du taux légal en vigueur au jour de l’acceptation des offres de prêts ainsi qu’un décompte de sa créance pour chacun des deux prêts, prenant en compte cette substitution, incluant la restitution des intérêts trop perçus par compensation sur les sommes dues,

A titre subsidiaire,

prononcer la déchéance du droit du Crédit Agricole à l’intégralité des intérêts conventionnels assortissant les prêts immobiliers n° 531395 et n° 531396 souscrits par M. et Mme [Y] le 20 juillet 2012,

en conséquence,

condamner le Crédit Agricole à restituer la somme de 32 381,50 euros aux époux [Y] au titre des intérêts versés jusqu’au jour de la déchéance du terme des prêts, le 6 janvier 2017, correspondant :

– pour 16 799,11 CHF soit 15 756,21 euros au cours du jour de la déchéance du terme le 6 janvier 2017 (1,06619), aux intérêts versés dans le cadre du prêt n° 531395,

– pour 17 725,72 CHF soit 16 625,29 euros au cours du jour de la déchéance du terme le 6 janvier 2017 (1,06619), aux intérêts versés dans le cadre du prêt n° 531396,

– fixer la créance du Crédit Agricole au seul montant du capital restant dû au titre de ces deux prêts en devises au 6 janvier 2017, à savoir :

‘ 145 770,45 CHF soit 136 720,89 euros au cours de 1,06619 pour le prêt n° 531395,

‘ 136 690,04 CHF soit 128 204,20 euros au cours de 1,06619 pour le prêt n° 531396,

ordonner la compensation entre les sommes dues entre les parties,

A titre infiniment subsidiaire,

déclarer abusive la clause relative au calcul du taux d’intérêt conventionnel sur la base de l’année lombarde s’agissant du prêt n° 531395, et par suite la réputer non écrite et comme telle inopposable aux emprunteurs,

condamner le Crédit Agricole à restituer la somme de 16 799,11 CHF soit 15 756,21 euros au cours du jour de la déchéance du terme le 6 janvier 2017 (1,06619) aux époux [Y] au titre des intérêts versés jusqu’au jour de la déchéance du terme du prêt n° 531395,

fixer la créance du Crédit Agricole s’agissant du prêt n° 531395 au seul montant du capital restant dû au 6 janvier 2017, à savoir 145 770,45 CHF soit 136 720,89 euros au cours de 1,06619,

ordonner la compensation entre les sommes dues entre les parties,

En tout état de cause,

débouter le Crédit Agricole de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de ses demandes relatives à l’indemnité contractuelle de résiliation de 7 %,

octroyer un délai de deux années à M. et Mme [Y] pour s’acquitter de leur dette à l’égard du Crédit Agricole, moyennant 23 mensualités de 1500 euros et la 24 ème du solde restant dû,

condamner le Crédit Agricole à payer à M. et Mme [Y] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens, et autoriser Me Christian Forquin, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux dont il aura fait l’avance sans avoir reçu provision s’agissant de la procédure d’appel.

L’affaire a été clôturée à la date du 9 janvier 2023 et renvoyée à l’audience du 7 février 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 27 avril 2023.

Le 9 janvier 2023 à 17h22, M. et Mme [Y] ont notifié deux pièces n° 7 et 8 et des conclusions récapitulatives. Le 12 janvier 2023, le Crédit Agricole a notifié des conclusions d’incident aux fins d’irrecevabilité de ces conclusions et pièces comme tardives, et, subsidiairement, aux fins de rabat de l’ordonnance de clôture et de renvoi à la mise en état.

MOTIFS ET DÉCISION

Sur la recevabilité des pièces et conclusions des époux [Y] notifiées le 9 janvier 2023:

En application de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

L’article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leur prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Enfin, l’article 16 du même code dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

En l’espèce, les époux [Y] ont conclu sur l’opposition le 16 juillet 2021, et le Crédit Agricole a répliqué par conclusions du 11 octobre 2021.

Les parties ont été avisées par le greffe de la date de l’audience de plaidoirie et de la date de la clôture, fixée au 9 janvier 2023, dès le 10 mars 2022, soit dix mois à l’avance.

Or ce n’est que le jour même de la clôture, à 17h22, que M. et Mme [Y] ont notifié de nouvelles conclusions, comportant sept pages supplémentaires par rapport aux précédentes, et deux nouvelles pièces (n° 7 et 8) comportant respectivement 65 et 70 pages. Ces pièces sont datées du 19 décembre 2022.

Cette communication tardive, et sans motif légitime, est incontestablement déloyale. Les deux pièces produites ne sont par ailleurs pas constitutives d’un élément nouveau pouvant justifier le rabat de l’ordonnance de clôture. En effet, il s’agit de deux rapports d’expertise amiable sollicités par les époux [Y] à une date non précisée, et qui ont été établis le 19 décembre 2022, de sorte qu’ils étaient en mesure de les produire, ou à tout le moins d’en annoncer la production, bien avant la clôture.

Ainsi, compte tenu de la tardiveté des conclusions et pièces notifiées par les époux [Y] le jour même de la clôture, à une heure interdisant à l’intimée de pouvoir répondre avant celle-ci, ces conclusions et ces pièces seront écartées des débats.

La recevabilité de l’opposition n’étant pas contestée, il convient en conséquence de la déclarer recevable.

Sur la nullité de la stipulation relative aux intérêts des prêts n° 531395 et 531396

M. et Mme [Y] soutiennent que la stipulation d’intérêts du prêt n° 531395, qui prévoit leur calcul sur le montant restant dû en capital du prêt en devise en fonction du nombre de jours calendaires ramenés sur la base d’une année égale à 360 jours, serait nulle, et que le calcul des intérêts du prêt n° 531396 a également été effectué sur cette même base, bien que le contrat ne contienne pas la même clause, de sorte que la banque devrait être déchue des intérêts conventionnels de ces deux prêts.

La banque s’oppose à une telle sanction.

En application de l’article 1907 du code civil, l’intérêt est légal ou conventionnel. L’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas. Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

Selon l’article L. 312-8, 3° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour du contrat, l’offre de crédit immobilier indique notamment le taux effectif global (TEG) du prêt tel qu’il est défini à l’article L. 313-1 du même code, texte applicable à tous les crédits. Les intérêts du prêt constituent la composante essentielle du TEG.

Les conditions d’application de l’article L. 313-1 (version en vigueur au jour du contrat) sont précisées notamment par l’article R. 313-1, II, du même code (dans sa rédaction issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011) aux termes duquel, notamment pour un crédit immobilier tel celui qui lie les époux [Y] au Crédit Agricole, le TEG est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur. Lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle, le TEG est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d’au moins une décimale.

Selon l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation, une année compte 365 jours ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c’est-à-dire 365/12), que l’année soit bissextile ou non.

Selon l’article L. 312-33 du code de la consommation (version en vigueur au jour du contrat), le prêteur qui ne respecte pas l’une des obligations prévues notamment à l’article L. 312-8 du même code, pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Il résulte de ces textes que la mention, dans l’offre de prêt, d’un taux conventionnel calculé sur la base d’une année autre que l’année civile, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts dans les termes de l’article L. 312-33 du même code, lorsque l’inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale (Civ. 1, 11 mars 2020, n° 19-10.875)

C’est en vain que M. et Mme [Y] contestent cette analyse, étant souligné que, contrairement à ce qu’ils soutiennent, les dispositions précitées sont applicables au taux d’intérêt conventionnel, composante essentielle du TEG, puisqu’il s’agit de dispositions communes à tous les crédits et que l’article R. 313-1 est le premier article de la section du code intitulée «le taux d’intérêt», qui ne comprend que deux sous-sections, la première intitulée «le taux effectif global» et la seconde «le taux d’usure».

Ainsi, le jugement déféré doit nécessairement être infirmé en ce qu’il a prononcé une autre sanction, soit la nullité des clauses de stipulation d’intérêts et la substitution du taux légal aux taux conventionnels, et en ce qu’il a consécutivement enjoint à la banque de produire des tableaux d’amortissement rectificatifs.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

A titre subsidiaire M. et Mme [Y] entendent voir prononcer la déchéance de la banque du droit aux intérêts conventionnels en soutenant que l’application d’une année de 360 jours a conduit au paiement d’un surplus d’intérêts.

Toutefois, l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, prévoit que le résultat du calcul du taux effectif global est exprimé avec une exactitude d’au moins une décimale. La marge d’erreur admise par ce texte a vocation à s’appliquer au crédit immobilier (Civ. 1, 6 janvier 2021, n°18-25.865).

Il leur appartient donc de rapporter la preuve d’une erreur de calcul d’intérêts supérieure à la décimale.

Or les intérêts d’un prêt amortissable mensuellement ou par trimestre sont calculés, sur la base d’un mois normalisé et d’une année civile, en utilisant le rapport de 30,41666 jours/365 jours conformément au point c) de l’annexe de l’article R. 313-1 du code de la consommation.

Ainsi, et pour reprendre l’exemple de la 5ème échéance du prêt n° 531395 mise en avant par les époux [Y], pour laquelle les intérêts payés sont de 1294,96 CHF selon le tableau d’amortissement, ce montant est identique qu’il soit calculé sur la base d’une année de 365 jours ou de 360 jours, puisque, selon la formule suivante (les échéances étant trimestrielles):

capital emprunté x taux d’intérêt x 91,25 (30,41666 x3)

365 jours

soit 156 965,37 x 3,30 % x 91,25 = 1294,96 CHF

365 jours

soit un résultat identique au montant effectivement payé par les époux [Y].

Le calcul sur la base d’une année normalisée de 360 jours permet de vérifier cette identité de résultat :

capital emprunté x taux d’intérêt x 90 (30×3)

360 jours

soit 156 965,37 x 3,30 % x 90 = 1294,96 CHF

360 jours

La même vérification, faite pour d’autres échéances, pour chacun des deux prêts, aboutit au même résultat.

Ainsi, ce sont à l’évidence les calculs des emprunteurs qui sont erronés, et non ceux de la banque, et ils n’établissent ni une majoration de taux supérieure à la décimale, ni même une quelconque différence dans le montant des intérêts payés.

Ils seront donc déboutés de leur demande de déchéance du droit aux intérêts pour les deux prêts.

Sur le caractère abusif de la clause de stipulation d’intérêts du prêt n° 531395

M. et Mme [Y] soutiennent encore que la clause de stipulation d’intérêts du prêt n° 531395 serait abusive compte tenu de sa rédaction obscure.

En application de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour du contrat, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Enfin, l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

La clause dont les époux [Y] soutiennent qu’elle serait abusive est la suivante:

«Les intérêts sont calculés sur le montant restant dû en capital du prêt en devise en fonction du nombre de jours calendaires ramenés sur la base d’une année égale à 360 jours (sauf pour la livre sterling: 365 jours), conformément aux usages commerciaux.»

Pour apprécier le caractère abusif d’une clause, il convient de vérifier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Or en l’espèce il a été démontré ci-dessus que la clause litigieuse n’a entraîné aucun surcoût du crédit pour les emprunteurs, de sorte qu’elle n’entraîne aucun déséquilibre significatif et ne présente pas les caractères d’une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 précité.

Cette demande des époux [Y] sera donc encore rejetée.

Sur la créance de la banque

Le Crédit Agricole ne remet pas en cause le calcul de la créance tel qu’il résulte de l’arrêt du 29 avril 2021.

M. et Mme [Y] sollicitent, en se fondant sur l’arrêt précité, que la banque soit déboutée de sa demande au titre des intérêts moratoires.

Toutefois, force est de constater que le Crédit Agricole ne réclame plus rien à ce titre, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer à nouveau de ce chef et l’arrêt du 29 avril 2021 ne sera pas remis en cause sur ce point.

Par ailleurs les époux [Y] sollicitent la réduction de l’indemnité de 7 % du capital restant dû en se fondant sur les dispositions de l’article 1152 ancien du code civil qui dispose que, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Le caractère excessif de la clause sera apprécié prêt par prêt.

Le montant de la créance de la banque s’établit donc comme suit, selon décompte établi par l’arrêt du 29 avril 2021, et non remis en cause par les parties :

‘ prêt à taux zéro:

– échéances échues impayées de décembre 2015 à janvier 2017 2 976,96 euros

– capital restant au jour de la déchéance du terme 61 815,70 euros

– intérêts échus au 18 mai 2017 59,82 euros

– indemnité de 7 % 4 327,10 euros

– total 69 179,58 euros

outre intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2017 sur le principal de 69 119,76 euros.

Concernant l’indemnité de 7 % du capital restant dû, il convient de rappeler que ce prêt, assorti d’un taux à 0 %, a été accordé en juillet 2012 pour une durée de 300 mois, soit 25 ans. La déchéance du terme a été prononcée par la banque en janvier 2017, les échéances ayant cessé d’être régulièrement payées dès le mois de septembre 2015, soit au bout de deux années de remboursement.

Les emprunteurs soutiennent, sans le prouver, que le défaut de paiement serait consécutif à des problèmes de santé de M. [Y] qui aurait ainsi perdu son emploi en Suisse. Aucun document ne justifie d’une telle situation.

Ainsi, au regard de la durée initiale du prêt et du taux d’intérêt nul, l’indemnité de 7 % du capital restant dû n’apparaît pas manifestement excessive.

‘ prêt n°531395:

– échéances échues impayées de septembre 2015 à

décembre 2016 13 250,43 euros

– capital restant dû au jour de la déchéance du terme 137 318,62 euros

– intérêts moratoires :

. échus sur chaque échéance impayée entre la date de

son exigibilité et la déchéance du terme, calculés au

taux de 3,30 % 332,62 euros,

. échus et à échoir sur le principal de 150 569,05 euros au taux de 3,30 % à compter du 6 janvier 2017, étant précisé que la somme réclamée par le Crédit Agricole tient compte sur un principal erroné, des intérêts échus jusqu’au 12 avril 2017, qu’il lui appartiendra de recalculer.

– total 150 569,05 euros

Le Crédit Agricole ne sollicite plus l’allocation de l’indemnité de 7 % sur le capital restant dû concernant ce prêt.

En conséquence, au titre de ce prêt, la créance du Crédit Agricole est de 150 901,67 euros, outre intérêts au taux de 3,30 % à compter du 6 janvier 2017 sur le principal de 150 569,05 euros.

prêt n°531396:

– échéances échues impayées d’octobre 2015 à janvier 2017 12 189,35 euros

– capital restant dû au jour de la déchéance du terme 128 204,20 euros

– intérêts moratoires :

. échus sur chaque échéance impayée entre la date de

son exigibilité et la déchéance du terme, calculés au taux

contractuel sans majoration de trois points 201,73 euros

. échus et à échoir sur le principal de 140 393,55 euros au taux de 2,2708 % à compter du 6 janvier 2017, étant précisé que la somme réclamée par le Crédit Agricole tient compte sur un principal erroné, des intérêts échus jusqu’au 12 avril 2017, qu’il lui appartiendra de recalculer.

– total 140 595,28 euros

Le Crédit Agricole ne sollicite plus l’allocation de l’indemnité de 7 % sur le capital restant dû concernant ce prêt.

En conséquence, au titre de ce prêt, la créance du Crédit Agricole est de 140 595,28 euros, outre intérêts au taux de 2,2708 % à compter du 6 janvier 2017 sur le principal de 140 393,55 euros.

Selon les stipulations contractuelles, les époux [Y] se sont solidairement engagés à l’égard du Crédit Agricole. En conséquence, ils seront solidairement condamnés au paiement des sommes restant dues au titre de chacun des trois prêts.

L’arrêt du 29 avril 2021 ne sera donc pas rétracté sur les condamnations prononcées.

Sur la demande de délais de grâce

En application de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront un intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

M. et Mme [Y] sollicitent des délais de paiement sur 24 mois en proposant de payer des mensualités de 1.500 euros, la dernière du montant du solde.

Toutefois, M. et Mme [Y] ne produisent pas la moindre pièce justifiant de leur situation financière, de sorte que la cour est dans l’impossibilité d’apprécier la réalité des difficultés qu’ils prétendent rencontrer pour payer, ni même leur capacité à payer les mensualités qu’ils proposent.

En outre, ils n’ont pas payé la moindre somme depuis septembre 2015, et ont ainsi bénéficié de très larges délais de paiement qu’ils n’ont pas mis à profit pour commencer à payer leur dette.

La demande de délais sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit Agricole la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [Y], qui succombent à titre principal, supporteront les entiers dépens de première instance, et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ecarte des débats les conclusions et les pièces n° 7 et 8 notifiées par M. [G] [Y] et Mme [V] [Z] épouse [Y] le 9 janvier 2023,

Reçoit l’opposition formée par M. [G] [Y] et Mme [V] [Z] épouse [Y] à l’encontre de l’arrêt rendu par défaut le 29 avril 2021,

Sur le fond, dit n’y avoir lieu à rétractation de cette décision,

Confirme en conséquence ledit arrêt en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [G] [Y] et Mme [V] [Z] épouse [Y] de leur demande de délais de grâce,

Condamne in solidum M. [G] [Y] et Mme [V] [Z] épouse [Y] à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel des Savoie la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [G] [Y] et Mme [V] [Z] épouse [Y] aux entiers dépens, de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 27 avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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