Déséquilibre significatif : 23 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05045
Déséquilibre significatif : 23 juin 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05045
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23 juin 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/05045

2ème Chambre

ARRÊT N° 332

N° RG 20/05045 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RAEF

(1)

M. [S]-[T] [Y]

C/

Mme [L] [M]

CRCAM D’ILLE ET VILAINE ET VILAINE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Olivier SEBAL

-Me Amaury GAULTIER

-Me Xavier-Pierre NADREAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 JUIN 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Avril 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Juin 2023 par mise à disposition au greffe

****

APPELANT :

Monsieur [S]-[T] [Y]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Olivier SEBAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/11751 du 27/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉES :

Madame [L] [M]

née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 8]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Amaury GAULTIER de la SELARL DE MORHERY-GAULTIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/012262 du 11/12/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

CRCAM D’ILLE ET VILAINE

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par convention du 9 janvier 1997, M. [S] [Y] et Mme [L] [M], son épouse, ont ouvert un compte auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d’Ille-et Vilaine (le Crédit agricole).

D’autre part, selon offre préalable de crédit immobilier acceptée le 8 août 2007, la banque leur a, en vue de financer l’acquisition d’une résidence secondaire à [Localité 11], consenti un prêt de 149 829 euros au taux de 4,99 % l’an, remboursable en 300 mensualités de 875,01 euros, hors assurance.

Saisi d’une requête en divorce des époux [Y], le juge aux affaires familiales de Saint-Malo a, par ordonnance du 21 décembre 2012, attribué la jouissance de la résidence principale de [Localité 7] à Mme [M], en contrepartie de quoi celle-ci devait supporter la charge de remboursement du prêt contracté en vue de l’acquisition de la résidence secondaire de [Localité 11], ces dispositions ayant été reprises dans le jugement de divorce du 23 février 2015 rectifié le 3 juillet 2015.

Les échéances de remboursement ont cessé d’être honorées à compter de novembre 2012 mais, saisi par Mme [M], le juge des référés du tribunal d’instance de Saint-Malo a, par ordonnance du 17 janvier 2014, suspendu le paiement des mensualités pendant un an, avec arrêt du cours des intérêts durant le délai de grâce et report de la période d’amortissement du prêt d’un an.

Puis, saisie séparément par chacun des ex-époux, la commission de surendettement des particuliers d’Ille-et Vilaine a fait adopter les 9 et 23 décembre 2014 par les créanciers deux plans conventionnels de redressement consistant en un moratoire de deux ans, avec réduction du taux des intérêts à zéro, dans l’attente de la liquidation de la communauté.

À nouveau saisie par Mme [M] à l’issue du moratoire, la commission de surendettement des particuliers a élaboré un second plan conventionnel de redressement prévoyant un nouveau moratoire de deux ans.

L’immeuble de [Localité 7] a été vendu en février 2017 et celui de [Localité 11] en avril 2021, le Crédit agricole ayant perçu les sommes de 8 213,95 euros et de 60 793,12 euros sur le prix de vente de ces biens.

Enfin, par décision du 9 décembre 2021, la commission de surendettement des particuliers a imposé la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Mme [M].

Corrélativement, le Crédit agricole avait, sur l’autorisation du juge de l’exécution de Saint-Malo du 14 octobre 2016, fait inscrire les 24 et 26 octobre 2016 des hypothèques provisoires sur les biens immobiliers de Cancale et de Trédias puis, par acte du 31 octobre 2016, il a fait assigner M. [Y] et Mme [M] devant le tribunal de grande instance (devenu le tribunal judiciaire) de Saint-Malo en paiement du solde débiteur du compte et des sommes dues au titre du prêt.

Prétendant que le paiement des échéances de remboursement n’avaient pas repris à l’issue du moratoire accordé à M. [Y], la banque a, par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2017, mis celui-ci en demeure de régulariser l’arriéré sous quinzaine sous peine de déchéance du terme.

Les défendeurs ont invoqué la prescription de l’action du prêteur, contesté la régularité de la déchéance du terme du prêt, et Mme [M] s’est portée demanderesse reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Par jugement du 11 septembre 2020, le premier juge a :

débouté M. [Y] et Mme [M] du moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande pour cause de forclusion,

débouté M. [Y] de sa demande de nullité de la déchéance du terme,

condamné M. [Y] à verser au Crédit agricole la somme de 155 277, 14 euros au titre du prêt, dont 140 254,19 euros solidairement avec Mme [M],

condamné solidairement M. [Y] et Mme [M] à verser au Crédit agricole la somme de 10 737,99 euros au titre du solde du compte bancaire,

condamné le Crédit agricole à verser à Mme [M] la somme de 30 000 au titre du manquement au devoir de mise en garde de la banque,

ordonné la compensation partielle des créances respectives des parties,

condamné Mme [M], dans ses rapports avec M. [Y], à le garantir et relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre,

débouté les parties des plus amples demandes,

condamné solidairement M. [Y] et Mme [M] aux entiers dépens,

ordonné l’exécution provisoire.

M. [Y] a relevé appel de cette décision le 19 octobre 2020, pour demander à la cour de l’infirmer et de :

dire nul et de nul effet le courrier recommandé adressé par le Crédit agricole le 29 juin 2017 dans l’intention de prononcer la déchéance du terme,

débouter le Crédit agricole de l’ensemble de ses demandes,

condamner le Crédit agricole à payer à M. [Y] une indemnité de 5 000 euros en vertu des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu’aux dépens,

subsidiairement, réduire les demandes du Crédit agricole à de plus justes proportions,

en tout état de cause, confirmer le surplus du jugement attaqué, notamment en ce qu’il a condamné Mme [M] à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Le Crédit agricole demande quant à lui à la cour de :

décerner acte au Crédit agricole de ce qu’il ne forme plus aucune demande à l’encontre de Mme [M] en raison de son rétablissement personnel,

condamné M. [Y] au paiement des sommes de 10 451,42 euros au titre de sa créance résiduelle de prêt, avec intérêts au taux contractuel de retard à compter du 11 novembre 2021, et de 10 737,99 euros au titre du solde du compte, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation sur la somme de 8 850,27 euros,

condamner M. [Y] au paiement des frais d’hypothèques judiciaires provisoires inscrites sur les immeubles de [Localité 7] et de [Localité 11] s’élevant à 1 829,76 euros,

condamner M. [Y] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel,

débouter M. [Y] de toutes ses demandes.

Par ordonnance du 9 juillet 2021, Mme [M] a été déclarée irrecevable à conclure en application de l’article 909 du code de procédure civile.

Les parties ont été invitées à s’expliquer par notes en délibéré sur le caractère éventuellement abusif de la clause de l’offre de prêt stipulant que, ‘en cas de survenance d’un cas de déchéance du terme ci-dessous visé, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l’emprunteur. Le prêt deviendra alors de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêt, frais et accessoires en cas de non-paiement des sommes exigibles concernant quelque dette que ce soit de l’emprunteur vis à vis du prêteur’ , au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts des 26 janvier 2017 C-421/14 et 8 décembre 2022 C-600/21) ainsi que de la Cour de cassation (arrêt du 22 mars 2023 21-16.044).

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour M. [Y] le 7 octobre 2021 et pour le Crédit agricole le 25 avril 2022, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 février 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la recevabilité des pièces produites par Mme [M]

La décision du conseiller de la mise en état ayant déclaré Mme [M] irrecevable à conclure entraîne, conformément à l’article 906 du code de procédure civile, l’irrecevabilité des pièces produites au soutien de ces conclusions.

Sur le prêt

M. [Y] soutient que le Crédit agricole se prévaudrait irrégulièrement de la déchéance du terme du prêt, celle-ci ayant été précédée d’une mise en demeure du 29 juin 2017 qui ne précise ni les références du prêt en cause, ni les échéances qui seraient impayées, la somme de 17 225,97 euros dont le paiement est réclamé n’étant pas détaillée, alors par surcroît que cette déchéance du terme devait nécessairement être antérieure à l’introduction de l’instance en paiement et ne pourrait être régularisée en cours de procédure.

Toutefois, la banque a engagé son action dès le 31 octobre 2016 en raison de ce qu’elle avait mis en oeuvre les 24 et 26 octobre 2016 des mesures conservatoires par inscription d’hypothèques judiciaires provisoires et que les dispositions de l’article R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution l’obligeait à agir au fond dans le mois de ces inscriptions.

En outre, si, à cette date, elle ne pouvait se prévaloir de la déchéance du terme du fait du moratoire dont bénéficiait M. [Y] et Mme [M] au titre de leurs plans conventionnels de redressement, il ne lui était pas interdit de saisir le juge du fond afin d’obtenir un titre contre ceux-ci.

Enfin, à défaut de reprise du paiement des échéances du prêt par M. [Y], dont le moratoire prévu par son plan conventionnel de redressement expirait le 31 janvier 2017, rien n’interdisait au Crédit agricole de mettre en oeuvre, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2017, la procédure de déchéance du terme prévue par le contrat de prêt, quand bien même le juge était déjà saisi.

Par ailleurs, s’il est de principe que, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure préalable restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Mais, en l’occurrence, la lettre recommandée du 29 juin 2017 mettait bien M. [Y] en demeure de régler la somme de 17 225,97 euros dans le délai de 15 jours, à défaut de quoi le prêteur indiquait qu’il se prévaudrait de la déchéance du terme et que la totalité des sommes dues au titre du prêt, soit 143 736,13 euros, deviendrait immédiatement exigible.

En outre, le courrier renvoyait à un décompte joint qui mentionnait explicitement qu’il restait dû ‘au titre du prêt habitat n° 00010723769″ une somme totale de 143 736,13 euros ‘dont arriéré’ de 17 225,97 euros, ce dont il se déduit que l’emprunteur ne pouvait ignorer que la mise en demeure portait bien sur la régularisation de l’arriéré du prêt immobilier litigieux.

Il résulte cependant de l’article R. 632-1 du code de la consommation que le juge doit écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. 

Or, la question de la validité de la déchéance du terme et du droit du prêteur de s’en prévaloir ressort des éléments du débat comme ayant été soulevée par M. [Y].

En outre, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d’échéance impayée sans mise en demeure laissant à l’emprunteur un préavis d’une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.

En l’occurrence, la clause de déchéance du terme des conditions générales de l’offre de prêt acceptée le 8 août 2007 est ainsi rédigée :

‘En cas de survenance d’un cas de déchéance du terme ci-dessous visé, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l’emprunteur. Le prêt deviendra alors de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêt, frais et accessoires : en cas de non-paiement des sommes exigibles concernant quelque dette que ce soit de l’emprunteur vis à vis du prêteur’.

Or, une telle clause laisse croire aux emprunteurs qu’ils ne disposent d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, et que le prêteur peut se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour un retard même minime, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt consenti pour un montant de 149 829 euros pendant 25 ans.

Ainsi, elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs, exposés à l’obligation de rembourser immédiatement la totalité du capital restant dû.

Il convient en conséquence de déclarer cette clause de déchéance du terme abusive et de l’écarter d’office après que les parties eurent été invitées à présenter leurs observations.

Il s’en évince que la demande en paiement du capital restant dû du prêt est irrecevable, le Crédit agricole ne pouvant agir qu’en paiement des échéances échues impayées.

À cet égard il résulte des décomptes successifs produits qu’il restait dû à ce titre au prêteur au jour de la déchéance du terme du 21 juillet 2017 la somme de 17 225,97 euros, se décomposant comme suit :

12 250,14 euros au titre des échéances échues impayées de novembre 2012 à décembre 2013 (875,01 x 14),

600,78 euros au titre de la pénalité de majoration de trois points des intérêts de retard sur ces impayés,

4 375,05 euros au titre des échéances échues impayées de janvier à juin 2017 (875,01 x 5).

Toutefois, les règlements partiels devant s’imputer sur les fractions de la dette les plus anciennes, il y a lieu de considérer que les versements de 8 213,95 euros et de 60 793,12 euros encaissés par le Crédit agricole les 21 avril 2017 et 20 avril 2021 à la suite de la vente des biens immobiliers de [Localité 7] et de [Localité 11], puis celui de 85 712,78 euros réalisé le 9 novembre 2021 par la société de caution CAMCA ont soldé la créance d’échéances échues impayées dont le paiement était poursuivi à l’occasion de la présente procédure, ne laissant subsister qu’un reliquat du capital restant dû dont la banque est irrecevable à poursuivre le paiement du fait du caractère abusif de la clause de déchéance du terme.

Il convient donc, comme le sollicite M. [Y], de débouter le Crédit agricole de sa demande en paiement des échéances échues impayées du prêt.

Par ailleurs, tirant les conséquences de la mesure de rétablissement personnel imposée par la commission de surendettement des particuliers le 9 décembre 2021, le Crédit agricole a renoncé à ses demandes formées à l’encontre Mme [M].

Le chef du jugement attaqué condamnant Mme [M] au profit du Crédit agricole au titre du prêt ne peut donc qu’être infirmé.

Sur le solde débiteur du compte

Il résulte des relevés de compte produits que le solde de celui-ci était débiteur de la somme de 10 737,99 euros au 31 octobre 2017.

M. [Y], qui, se bornant à qualifier cette prétention de la banque de ‘mystère’, n’exprime qu’une critique générale de cet arrêté de compte, sans saisir la cour de moyen de réformation précis.

Il a donc été à juste titre condamné par le premier juge au paiement de cette somme.

Il sera seulement ajouté au jugement attaqué que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 31 octobre 2016 sur la somme de 8 340,84 euros due, selon les relevés produits, à cette date.

Tirant les conséquences de la mesure de rétablissement personnel imposée par la commission de surendettement des particuliers le 9 décembre 2021, le Crédit agricole a renoncé à ses demandes formées à l’encontre Mme [M].

Le chef du jugement attaqué condamnant Mme [M] au profit du Crédit agricole au titre du solde débiteur du compte sera donc infirmé.

M. [Y] demande par ailleurs à la cour de confirmer la disposition du jugement attaqué ayant condamné Mme [M] à le garantir de cette condamnation.

Bien que cette dernière ait été déclarée irrecevable à conclure, la cour n’a, conformément à l’article 472 du code de procédure civile, à faire droit à cette demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

À cet égard, il résulte certes de l’article L. 741-2 du code de la consommation que la mesure de rétablissement personnel n’efface pas la dette dont le montant a été payé à la place du débiteur par une personne physique coobligée.

Toutefois, l’obligation de Mme [M] d’assumer seule la charge des remboursements dus au Crédit agricole imposée par le juge aux affaires familiales ne concernait que le prêt, et non le solde débiteur du compte.

Il n’y a donc pas matière à faire droit à cette demande de garantie intégrale, la répartition de la charge finale de la dette de solde débiteur du compte joint des ex-époux [Y]-[M] relevant de la liquidation de leur communauté matrimoniale.

Le jugement attaqué sera donc, de ce chef, infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n’y a pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu’en cause d’appel.

M. [Y], qui a à juste titre succombé devant le premier juge au titre du solde débiteur du compte, supportera les dépens en première instance, en ce compris les frais d’inscription d’hypothèques judiciaires provisoires.

En revanche, le Crédit agricole, partie principalement succombante devant la cour, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Déclare les pièces produites par Mme [L] [M] irrecevables ;

Infirme le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Malo en ce qu’il a :

débouté M. [Y] de sa demande de nullité de la déchéance du terme,

condamné M. [Y] à verser au Crédit agricole la somme de 155 277, 14 euros au titre du prêt, dont 140 254,19 euros solidairement avec Mme [M],

condamné Mme [M] à verser au Crédit agricole la somme de 10 737,99 euros au titre du solde du compte bancaire,

condamné Mme [M], dans ses rapports avec M. [Y], à le garantir et à relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre,

condamné Mme [M] aux entiers dépens de première instance ;

Constate que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine ne forme plus aucune demande contre Mme [L] [M] ;

Déclare abusive et écarte la clause du contrat de prêt formé par offre acceptée le 8 août 2017 stipulant que ‘En cas de survenance d’un cas de déchéance du terme ci-dessous visé, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par lettre recommandée adressée à l’emprunteur. Le prêt deviendra alors de plein droit exigible, si bon semble à la banque, en capital, intérêt, frais et accessoires en cas de non-paiement des sommes exigibles concernant quelque dette que ce soit de l’emprunteur vis à vis du prêteur’ ;

En conséquence, déclare irrecevable la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine en paiement du reliquat du capital restant dû ;

Déboute la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine de sa demande en paiement des échéances impayées du prêt échues au 21 juillet 2017 ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf, y additant, à dire que la condamnation de M. [S] [Y] au paiement de la somme de 10 737,99 euros au titre du solde du compte bancaire produira intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2016 sur la somme de 8 340,84 euros ;

Rejette la demande de garantie formée par M. [S] [Y] contre Mme [L] [M] ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [S] [Y] aux dépens de première instance, en ce compris les frais d’inscription d’hypothèques judiciaires provisoires;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d’Ille-et-Vilaine au dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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