Votre panier est actuellement vide !
22 juin 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/05510
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 22 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/05510 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OY5Y
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 octobre 2020 – juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne
N° RG 19/000703
APPELANTE :
S.A. Franfinance
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Mélanie LE QUELLEC substituant Me Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocats au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
INTIME :
Monsieur [S] [M]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
assigné le 15 janvier 2021 par acte remis à étude
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
L’affaire a été mise en délibéré au 1er juin 2023. A ladite date, le délibéré a été prorogé au 22 juin 2023.
ARRET :
– par défaut ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suite à une offre du 31 août 2016, la société Franfinance (Franfinance ci-après) a consenti à M. [S] [M] un prêt personnel de 11.000 € remboursable en 36 mensualités de 319,69 € hors assurance, au taux nominal conventionnel de 2, 96 % et au taux annuel effectif global de 3 %.
Par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 16 mars 2018 intitulée ‘dernier avis avant remise au contentieux’ et faisant état de l’absence de prise ‘en considération de nos diverses relances amiables concernant vos impayés’, l’emprunteur a été mis en demeure de régler la somme de 1.839,99 € sous 15 jours, à défaut de quoi ‘la déchéance du terme sera prononcée comme le prévoit votre contrat ci-dessus référencé’.
Puis, le 9 avril 2019, Franfinance a fait délivrer à M. [M] une sommation de payer la somme de 8.653,06 €, dont 5.622,11 € au titre du capital restant dû, 595,30 € de pénalité légale et 2.030,34€ correspondant aux échéances impayées.
C’est dans ce contexte que, par un acte en date du 17 septembre 2019, le prêteur a fait assigner l’emprunteur en paiement de la somme de 8.247, 75 €.
Vu le jugement rendu par défaut le 19 octobre 2020 suite à un renvoi par lettre simple de l’audience du 30 mars 2020 à celle du 7 septembre 2020, par lequel le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Narbonne a dit que la demanderesse ne pouvait se prévaloir d’une déchéance du terme, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
Vu la déclaration d’appel de Franfinance en date du 4 décembre 2020,
Vu ses uniques conclusions, remises par voie électronique le 7 janvier 2021, par lesquelles l’appelante demande à la cour de ‘réformer en toute ses dispositions la décision entreprise’ et, en substance, de condamner M. [M] au paiement des sommes suivantes :
– 8.247, 75 € avec intérêts de retard au taux d’entrée du contrat,
– 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
Vu l’absence de constitution d’avocat pour le compte de M.[M] malgré la signification de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelante par un acte du 15 janvier 2021 délivré à domicile,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 mars 2023,
Vu l’invitation faite à l’audience de plaidoirie du 3 avril 2023 au conseil de Franfinance de présenter ses observations par le biais d’une note en délibéré sous quinzaine sur la question de la validité de la clause du contrat prévoyant la déchéance automatique du terme au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment son arrêt rendu par la première chambre civile sur cette question le 22 mars 2023,
Vu la note en délibéré reçue de Me Bruno Fita le 12 avril 2023,
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Franfinance a régulièrement fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions à M. [M] par un acte du 15 janvier 2021 délivré à domicile et remplissant les conditions des articles 657 et 658 du code de procédure civile.
M. [M] n’ayant pas constitué avocat, l’arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l’article 473 du même code.
L’article 472 précise que si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et fondée, au seul vu des pièces fournies par le demandeur.
En l’espèce, les demandes qui sont régulières en la forme et recevables, peuvent être examinées au fond.
A cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation, étant précisé que l’insuffisance de preuve est toujours retenue au détriment de celui qui a la charge de la preuve.
En l’espèce, le tribunal statuant par un jugement non contradictoire à raison de l’absence de M. [M] a débouté Franfinance aux motifs que :
– sauf disposition expresse et non équivoque, la déchéance du terme ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, envoyée en lettre recommandée avec demande d’avis de réception, mentionnant les prêts en cause, indiquant les échéances non payées, informant l’emprunteur de ce qu’à défaut de paiement, la banque pourra obtenir le remboursement de l’intégralité du crédit et précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle,
– en l’espèce, Franfinance n’avait pas adressé une mise en demeure préalable par lettre recommandée avec accusé de réception mais une sommation de payer délivrée par huissier de justice, à la lecture de laquelle, il n’apparaissait nullement que le prêteur entendait se prévaloir de la déchéance du terme, qui ne mentionnait pas le prêt en cause, ni les échéances non payées, ni aucun délai dont pourrait bénéficier l’emprunteur pour y faire obstacle,
– dans ces conditions et à défaut de mise en demeure préalable, Franfinance ne pouvait se prévaloir d’aucune déchéance du terme ce qui faisait échec à sa demande de remboursement intégral du crédit octroyé M. [M],
– le prêteur ne présentait, à titre subsidiaire, aucune demande de paiement des mensualités impayées exigibles.
Au soutien de son appel, la société Franfinance fait valoir :
– que le premier incident de paiement non régularisé date du mois d’août 2018,
– que la jurisprudence reprise par le jugement de première instance précise que la déchéance du terme ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet,
– qu’en l’espèce, l’offre de prêt stipulait dans son chapitre intitulé « Avertissement relatif aux conséquences d’une défaillance de l’emprunteur », que « en cas de manquement à votre obligation de rembourser, le prêteur peut réclamer le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus et impayés »,
– que ces dispositions contractuelles ne faisaient pas mention de la nécessité d’une mise en demeure pour prononcer la déchéance du terme et au contraire, indiquaient de manière expresse et non équivoque la possibilité de prononcer la déchéance du terme sans mise en demeure préalable restée sans effet,
– qu’en toute hypothèse, la mise en demeure préalable à la déchéance du terme avait été mise en oeuvre au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception le 16 mars 2018,
– que l’article 1344 du code civil prévoit que « Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation »,
– que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (cf. Cass. 1ère civ., 28 octobre 2015, n° 14-23.267) « Le juge du fond doit rechercher si la mise en demeure adressée par le prêteur au débiteur défaillant permet, au regard, des exigences des conditions générales du prêt, de tenir pour acquise la déchéance du terme »,
– que de nombreuses cours d’appel retenaient que l’assignation vaut mise en demeure et déchéance du terme.
Dans le cadre de la note en délibéré du 12 avril 2023, Franfinance rappelle tout d’abord par extraits les attendus de l’un des deux arrêts de principe rendus le 22 mars 2023 par la 1ère chambre de Cour de cassation (FS-B, pourvois n°21-16.476 et 21616.044) ayant motivé de recueillir ses observations en raison de l’obligation faite au juge du fond de vérifier – in concreto – le caractère abusif ou non des clauses telles que celles prévoyant, comme en l’espèce, la faculté pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme sans mise en demeure préalable et ‘en cas de (de simple) manquement (de l’emprunteur) à (son) obligation de rembourser’.
L’établissement de crédit ne propose ensuite aucune discussion sur le point de savoir si les stipulations contractuelles relatives aux conséquences de la défaillance de l’emprunteur contenues dans l’offre de prêt signée par M. [M] présentaient ou non un caractère abusif. Franfinance fait en effet seulement valoir que, ‘si la cour retenait le caractère abusif de cette clause contractuelle’ :
– la conséquence en serait l’absence d’application,
– le premier incident de paiement non régularisé date du mois d’octobre 2017 et elle avait pris soin de procéder à la mise en demeure préalable par le biais de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 mars 2018,
– elle avait formalisé la déchéance du terme par une sommation de payer le 9 avril 2019 avant d’assigner l’emprunteur en paiement le 17 septembre suivant,
– M. [M] avait ainsi bénéficié des plus larges délais afin de lui permettre de régulariser sa situation, mais en vain,
– elle disposait d’une créance liquide, certaine et exigible du montant correspondant à sa réclamation.
Pour sa part, la cour – qui a l’obligation d’examiner d’office ‘le caractère abusif d’une (…) clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable’ (cf. Cass. 1ère civ., 22 mars 2023, n° 21-16.476) – estime que l’article 5, par. 3, de l’offre de prêt souscrite par M.[M], dont les termes sont rappelés ci-dessus et sur lequel Franfinance s’est initialement appuyée pour se prévaloir d’une déchéance du terme automatique ‘en cas de manquement à (l’)obligation de rembourser’, constitue une clause abusive au sens de l’ancien article L.132-1 du code de la consommation devenu L.212-1 du même code, du fait qu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment de l’emprunteur non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat : cette clause autorise en effet concrètement le prêteur à réclamer le paiement de l’intégralité du capital et l’indemnité légale dès le premier jour de retard de l’emprunteur et cela, sans aucune mise en demeure ou délai pour régulariser.
Faute de comparution de M. [M] qui aurait pu s’y opposer, il convient d’écarter l’application de cette stipulation.
Il appartient dès lors à Franfinance de justifier d’une créance exigible en rapportant la preuve d’une mise en demeure préalable, demeurée sans effet et précisant le délai dont disposait le débiteur pour y faire obstacle, seule susceptible d’entraîner la déchéance du terme.
Or, d’une part, l’établissement prêteur fait expressément état dans ses conclusions d’un premier incident de paiement non régularisé situé au mois d’août 2018, ce qui lui interdit de se prévaloir – au titre de la mise en demeure – de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception qu’elle a adressée à M. [M] le 16 mars 2018.
D’autre part, si elle évoque désormais, un premier incident de paiement non régularisé situé au mois d’octobre 2017 dans sa note en délibéré, les termes de la lettre du 16 mars 2018 ne permettent pas de la rattacher au prêt litigieux, si ce n’est par le numéro de dossier : ce courrier fait état de diverses relances amiables dont Franfinance ne justifie pas ; il se réfère à une dette de 1.839,99 € qui ne correspond pas aux sommes mentionnée dans l’historique du compte versé aux débats et il ne comporte aucun élément d’identification (date ou montant du prêt) permettant à l’emprunteur de comprendre aisement de quoi il s’agit.
Par ailleurs, Franfinance justifie seulement d’un dépôt du pli le 19 mars 2018 auprès du service de la Poste, mais nullement de sa distribution ou même seulement de sa présentation à M. [M].
Quant à elle et comme justement constaté par le premier juge, la sommation de payer délivrée le 9 avril 2019 ne constitue pas une mise en demeure préalable, faute d’accorder à l’emprunteur un quelconque délai pour régler les échéances impayées avant déchéance du terme.
Au vu de ces éléments, dont il résulte que Franfinance n’est pas en mesure de justifier d’une créance liquide et exigible à l’encontre de M. [M], le jugement mérite d’être confirmé.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, Franfinance supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe;
– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
– Condamne Franfinance aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT