Déséquilibre significatif : 21 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00679
Déséquilibre significatif : 21 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00679

21 septembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG
23/00679

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 SEPTEMBRE 2023

N° RG 23/00679 – N° Portalis DBV3-V-B7H-VU6L

AFFAIRE :

S.A.R.L. LFR

C/

[X] [D]

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 20 Janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2022R01172

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 21.09.2023

à :

Me Niels ROLF-PEDERSEN, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Fanny LE BUZULIER, avocat au barreau de VERSAILLES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.R.L. LFR

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Niels ROLF-PEDERSEN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 291

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel BOUKRIS, du barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [X] [D]

né le 11 Juillet 1967 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Madame [I] [T] ÉP. [D]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Fanny LE BUZULIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 588

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Juin 2023, Madame Marietta CHAUMET, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [D] et Mme [I] [T] épouse [D] ont confié à la SARL LFR la réalisation de travaux dans un appartement dont ils sont propriétaires situé [Adresse 7] à [Localité 5].

Les travaux ont débuté le 1er juillet 2022 et ont donné lieu à des désaccords entre les époux [D] et la société LFR.

La société LFR a repris le chantier et les travaux ont été réceptionnés le 1er septembre 2022.

Par acte d’huissier de justice délivré le 21 décembre 2022, M. et Mme [D] ont fait assigner en référé la société LFR aux fins d’obtenir principalement sa condamnation au paiement d’une provision d’un montant de 49 985 euros, au titre du coût de réalisation des travaux de reprise.

Par ordonnance contradictoire rendue le 20 janvier 2023, le président du tribunal de commerce de Nanterre a :

– dit la SARL LFR recevable, mais mal fondée en son exception d’incompétence, l’a déboutée,

– condamné la SARL LFR à payer à M. et Mme [D] les sommes provisionnelles suivantes :

– 1 000 euros au titre des travaux de reprise du parquet de la salle à manger

– 33 000 euros au titre des travaux de reprise des moulures et corniches du salon d’angle,

– ordonné à la SARL LFR de communiquer à M. et Mme [D] le consuel dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant une durée maximale de 90 jours, à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,

– dit n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes de M. et Mme [D],

– débouté M. et Mme [D] de leur demande au titre de l’article 873-1 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la SARL LFR,

– condamné la SARL LFR à payer à M. et Mme [D] la somme provisionnelle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL LFR aux dépens,

– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 57,65 euros, dont TVA 9,61 euros

– dit que l’ordonnance est mise à disposition au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 30 janvier 2023, la société LFR a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu’elle a:

-bcondamné la SARL LFR à payer à M. et Mme [D] les sommes provisionnelles suivantes :

– 1 000 euros au titre des travaux de reprise du parquet de la salle à manger,

– 33 000 euros au titre des travaux de reprise des moulures et corniches du salon d’angle,

– ordonné à la SARL LFR de communiquer à M. et Mme [D] le consuel dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant une durée maximale de 90 jours, à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit,

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la SARL LFR,

– condamné la SARL LFR à payer à M. et Mme [D] la somme provisionnelle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL LFR aux dépens,

Dans ses dernières conclusions déposées le 2 mars 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société LFR demande à la cour, au visa des articles 1104, 1107, 1169, 1171 et 2044 du code civil et 114, 238, 455, 458, 648, 700 et 873 du code de procédure civile, de :

‘- déclarer recevable et bien fondée la SARL LFR en son appel de l’ordonnance rendue le 20 janvier 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre RG n°2022R01172

y faisant droit,

à titre principal,

– annuler l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre statuant en référé du 20 janvier 2023 RG n°2022R01172 pour défaut de motivation ;

à défaut,

à titre subsidiaire,

– infirmer l’ordonnance rendue en ce qu’elle a :

– condamné la SARL LFR à payer à M. et Mme [D] les sommes provisionnelles suivantes :1 000 euros au titre des travaux de reprise du parquet de la salle à manger et 33 000 euros au titre des travaux de reprise des moulures et corniches du salon d’angle ;

– ordonné a la SARL LFR de communiquer à M. et Mme [D] le consuel dans un délai de 15 ours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 50 euros euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant une durée maximale de 90 jours, à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit ;

– dit n’ avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la SARL LFR ; condamné la SARL LFR à payer à M. et Mme [D] la somme provisionnelle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

et, statuant à nouveau

– juger qu’il existe des contestations sérieuses sur l’existence de la créance invoquée par les consorts [D] ;

– dire n’ y avoir lieu à référé sur les demandes des consorts [D] ;

– condamner les consorts [D] à payer à la SARL LFR la somme de 6 275,95 euros ttc au titre du solde des factures restées impayées ;

en tout état de cause,

– condamner les consorts [D] à payer à la SARL LFR la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’.

M. [D] et Mme [D] ont constitué avocat le 21 février 2023 mais n’ont pas conclu.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande d’annulation de l’ordonnance attaquée

A titre principal, l’appelante sollicite l’annulation de l’ordonnance déférée pour défaut de motivation prétendant que le premier juge n’a pas examiné l’ensemble de ses arguments relatifs à l’existence de contestations sérieuses faisant obstacle à sa condamnation au paiement d’une provision.

Elle reproche ainsi au premier juge d’avoir pris acte qu’elle contestait la validité du protocole d’accord conclu le 1er septembre 2022, qu’elle affirme avoir signé en situation de dépendance morale et économique et en l’absence de concessions réciproques ni contrepartie, sans avoir répondu à l’argument.

Elle critique encore l’ordonnance entreprise en ce qu’après avoir retenu que les constats d’huissier des 24 août et 6 décembre 2022 n’étaient pas nuls, le premier juge n’aurait pas apprécié leur portée quant à l’existence de contestations sérieuses.

Sur ce,

Il résulte des articles 455 alinéa 1 et 458 du code de procédure civile que l’ordonnance doit être motivée à peine de nullité.

Le principe de motivation des décisions de justice, bien que non mentionné à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, a acquis une force supra-législative et est considéré par la Cour Européenne comme une application autonome de la notion de procès équitable, l’obligation de motivation des décisions de justice découlant du droit d’être entendu par un tribunal et du droit à un tribunal impartial.

La motivation du jugement est l’exposé des raisons qui ont conduit le juge à prendre la décision qu’il va exposer dans le dispositif. Il est satisfait à ces exigences lorsque sont énoncées et discutées dans la décision les circonstances de fait et les déductions de droit sur lesquelles le juge fonde celle-ci.

Cette exigence de motivation ainsi prescrite à peine de nullité ne saurait se confondre avec le bien-fondé du raisonnement juridique adopté par le premier juge ni avec celui de la règle de droit qu’il a appliquée.

En l’espèce, l’ordonnance énonce ‘En défense, LFR affirme en premier lieu que le protocole d’accord conclu le 1 er septembre 2022 a été signé par LFR en situation de dépendance morale et économique, qu’il comporte des inexactitudes dans les faits énoncés, qu’il ne comporte que des engagements à la charge de LFR, notamment des travaux supplémentaires à ses frais et qu’il est sans concession réciproque ni contrepartie, qu’il est enfin déséquilibré. Pour toutes ces raisons, LFR conteste la validité de ce protocole et, selon elle, le juge des référés, ne pouvant interpréter un acte juridique, ne pourra donc que dire n’y avoir lieu à référé’.

L’ordonnance énonce également examiner ‘successivement les trois obligations incombant à LFR, selon les consorts [D], les contestations opposées par LFR.’

L’appelante reproche au juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre de ne pas avoir procédé à l’examen de ses contestations.

Or, il résulte des termes de l’ordonnance critiquée s’agissant de ‘la réfection du parquet de la salle à manger’ qu’après avoir examiné les devis, les procès verbaux de constats d’huissier et le protocole d’accord du 1 er septembre 2022 versés aux débats, le premier juge a décidé que ‘Ces discordances et imprécisions suscitent un doute sur l’étendue de l’obligation qui pèse sur LFR et confèrent un caractère sérieux aux contestations apportées par LFR’, disant n’y avoir lieu à référé sur la demande formée à ce titre.

S’agissant du remplacement de la dalle en marbre de la salle à manger, le premier juge a condamné la société LFR à verser aux époux [D] une provision d’un montant de 1 000 euros, après avoir apprécie le procès-verbal de réception, ainsi que les pièces sus-visées et le devis de 7 000 euros produit par les intimés, considérant que la contestation soulevée relativement au montant de celui-ci était sérieuse et réduisant la somme octroyée.

Il sera par ailleurs observé que le dispositif de l’ordonnance déférée comporte manifestement une erreur matérielle indiquant ‘travaux de reprise du parquet de la salle à manger’, tandis que la motivation de la décision permet de comprendre qu’il s’agit en réalité d’une condamnation au titre de remplacement de la dalle en marbre de la salle de bain.

Cette erreur matérielle devra être rectifiée comme dit au dispositif du présent arrêt.

De même, l’ordonnance précise s’agissant la réfection des moulures et corniches du salon d’angle, et après avoir apprécié les éléments probants sus-mentionnés, que ‘ La contestation apportée par LFR au sujet des devis présentés par les consorts [D] n’apparaît pas sérieuse: le descriptif des travaux par la société Stuc et Staff est suffisamment détaillé et illustré pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur le lieu et l’objet des travaux. Quant au devis de la société Del Boca, il participe de l’évaluation du coût des travaux de reprise, peu importe que la validité de ce devis soit, comme il est d’usage, borné dans le temps. Les deux devis se montent respectivement à 38 017,39 et 33 953,70 euros. Sur la base de ces éléments, nous condamnons LFR à payer aux consorts [D] une provision de 33 000 euros au titre des travaux de reprise de ces moulures et corniches.’

Il découle de ce qui précède que si le premier juge n’a pas répondu à tous les arguments de la société LFR relatifs à la validité du protocole d’accord, il a examiné les contestations qu’elle a soulevées et a fondé sa décision sur l’ensemble des éléments probants soumis à son appréciation, de sorte que la motivation de l’ordonnance à ce titre apparaît suffisante.

L’appelante fait également grief à l’ordonnance déférée de ne pas avoir apprécié la portée des constats d’huissiers versés aux débats dont elle sollicitait la nullité en première instance.

Il sera tout d’abord relevé que le premier juge a répondu à la demande de nullité des actes précités formée par la société LFR, l’en déboutant, ce qui n’est pas contesté à hauteur de la cour.

L’ordonnance énonce ‘ Ces constats ne sont que des moyens produits par les consorts [D] au soutien de leur prétentions, soumis au contradictoire, dont nous apprécierons la portée dans la discussion sur les obligations qui fondent les demandes des consorts [D] au titre de l’article 873 du code de procédure civile’, ce que le premier juge a effectivement fait en examinant les demandes des époux [D] à l’aune des différentes pièces versées aux débats, y compris les procès-verbaux litigieux, comme ci-dessus précisé.

Dès lors, il convient de constater que la motivation de l’ordonnance critiquée répond aux exigences des dispositions des articles précités et que la demande de nullité formée par l’appelante doit être rejetée.

Sur la demande de provision

A titre subsidiaire, la société LFR sollicite l’infirmation de l’ordonnance critiquée en ce qu’elle l’a condamnée à verser aux intimés les sommes provisionnelles de 1 000 euros et 33 000 euros respectivement au titre des travaux de reprise de la dalle de la salle de bain et de réparation des moulures et corniches du salon d’angle, alors qu’il existe, selon elle, des contestations sérieuses à l’octroi de ces provisions.

Elle conteste en premier lieu la validité du protocole d’accord du 1er septembre 2022, affirmant qu’il a servi de fondement à sa condamnation, alors qu’il ne comporte pas de concessions réciproques requises par les dispositions de l’article 2044 du code civil, mettant à sa charge l’obligations de réaliser 10 points supplémentaires de travaux à effectuer à ses frais et de financer la restauration des moulures et angelots dégradés, alors que les consorts [D] ne s’engagent à rien pour leur part.

Elle conclut qu’en l’absence de réciprocité dans les concessions, ledit protocole ne peut pas être qualifié de transaction et pourrait faire l’objet d’annulation ou de re-qualification par les juges du fond, ce qui exclut la compétence du juge des référés.

Elle ajoute que le protocole d’accord litigieux étant un contrat à titre onéreux eu égard du coût des travaux supplémentaires et de restauration des moulures et angelots par des intervenants extérieurs qui s’élèvent à 33 000 euros, il encourt la nullité sur le fondement de l’article 1169 du code civil à défaut de prévoir, au moment de sa formation, une contrepartie non illusoire.

L’appelante argue par ailleurs de l’existence d’un déséquilibre significatif instauré par le protocole d’accord, dont l’appréciation relève de la compétence des juges du fond et dont la clause relative à la prise en charge des travaux de restauration sans aucune contrepartie doit, selon elle, être réputée non écrite.

En deuxième lieu, l’appelante soutient qu’il existe des contestations sérieuses résultant des griefs qu’elle aurait subis du fait des irrégularités des constats d’huissiers établis aux fins de démontrer sa défaillance dans la réalisation des travaux.

Elle expose que les constats établis les 24 août et 6 décembre 2022 ne comportent pas les mentions requises par les dispositions de l’article 648 du code de procédure civile, à savoir la date et le lieu de naissance et la profession, se bornant à indiquer ‘Monsieur et Madame [D]’, ce qui d’une part laisserait supposer l’existence d’un lieu intime entre l’huissier instrumentaire et les requérants et d’autre part, l’empêcherait de vérifier la réalité de l’existence des personnes désignées.

Elle ajoute qu’ils comportent en outre des appréciations personnelles et d’ordre juridique de l’huissier instrumentaire, telles que: certains postes, et notamment les moulures en plafond d’origine ne devaient pas être touchés et ne devaient faire l’objet d’aucune rénovation puisque cette intervention était réservée à des staffeurs; l’entreprise LFR a abandonné le chantier sans l’avoir terminé; les malfaçons commises sont source d’un préjudice esthétique grave dû à l’ancienneté et au caractère exceptionnel des lieux; je constate également que le parquet a été découpée de manière sauvage…’, ce qui démontre, selon elle, un manque total de son indépendance dans l’exercice de sa mission et l’existence d’une connivence avec les intimés.

L’appelante argue par ailleurs de l’absence des photos pourtant annoncées dans le constat du 24 août 2022 et critique son caractère non contradictoire.

En troisième lieu, la société LFR réfute avoir évalué le remplacement de la dalle en marbre de la salle de bain à une somme qui ne saurait excéder 1 000 euros et explique qu’elle s’était en réalité contentée de soutenir que sur le marché, le prix d’une vasque en pierre de Bourgogne ne saurait excéder ce montant, considérant en tout état de cause que sa condamnation à ce titre n’est pas justifiée.

Enfin, l’appelante conteste sa condamnation au paiement provisionnel des travaux de réparation des moulures et angelots selon les devis fournis par les sociétés Stuc and Staff et Del Boca, faisant valoir que protocole d’accord litigieux stipule que la restauration doit intervenir dans ‘la chambre verte’, tandis que le constat d’huissier indique que les dégradations sont intervenues dans ‘le salon d’angle’.

Elle ajoute que le devis de la société Del Boca concerne une réfection dans le salon et celui des sociétés Stuc and Staf/ atelier Camuset, la chambre verte, alors qu’aucun désordre n’est à déplorer, selon elle, dans celle-ci.

Elle conclut qu’en l’absence de précision sur le lieu de dégradations alléguées, les intimés ne démontrent pas l’existence de désordres dans la chambre.

La société LFR soutient par ailleurs que dans la mesure où elle démontre que les moulures et angelots du salon d’angle seulement nécessitent une réfaction, seul le devis produit par la société Del Boca doit être pris en compte, or la durée de validité de celui-ci aurait expiré depuis le 16 novembre 2022, rendant indispensable un nouveau calcul conformément aux conditions jointes au devis stipulant que ‘les prix sont recalculés en fonction de l’évolution des indices les plus pertinents’.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions et n’examine les moyens que s’ils sont invoqués dans la discussion de celles-ci

En l’espèce, l’appelante sollicite dans le dispositif de ses conclusions l’infirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle lui a ordonné de communiquer à Monsieur et Madame [D] le consuel dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ ordonnance, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant une durée maximale de 90 jours, à l’issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, sans critiquer ce chef dans le corps de ses écritures.

En conséquence, la cour n’est pas saisie de prétentions relatives à cette demande et l’ordonnance contestée sera d’emblée confirmée de ce chef de dispositif.

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondées.

Aux termes de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision, celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d’appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n’en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l’article du 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En vertu de l’article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.

Aux termes de l’article 2044 du code civil, ‘La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit’.

L’appelante verse aux débats la transaction amiable du 1er septembre 2022 signée par la SARL LFR et M. [D] détaillant les travaux qui doivent être finalisés selon les règles d’art par des professionnels/spécialistes suite aux réserves stipulées dans le procès-verbal de réception du chantier du 1er septembre 2022, ainsi que les travaux supplémentaires que la société LFR doit réaliser à ses frais.

Il ne ressort pas des stricts termes de ce document, avec l’évidence requise en référé, qu’il existerait des concessions à la charge des époux [D], ce qui constitue une contestation sérieuse quant à sa validité, comme soutenu par l’appelante.

La société LFR soulève par ailleurs l’existence d’une contestation sérieuse qui découlerait des irrégularités dont seraient entachés les constats d’huissier des 24 août et 6 décembre 2022.

L’appelante verse aux débats le ‘Procès-verbal de réception du chantier de l’appartement privé situé au 2ème étage du [Adresse 1] du 1er septembre 2022 signé par M. [D] et par la société LFR avec une mention ‘bon pour accord’.

Ce procès-verbal de réception fait état de réserves sur les travaux réceptionnés et indique, s’agissant de la salle de bain ‘La dalle en marbre de levier a été cassée par l’équipe de LFR le 11 juillet 2022. Les morceaux recollés, et posés sur un meuble individuel, ne sont pas présentables en l’état’ et s’agissant du salon d’angle ‘ Les moulures et les corniches situées sur le plafond ne sont plus dans l’excellent état de conservation initial constaté lorsque les équipes de LFR ont procédé au retrait du faux-plafond de la salle de bain( cf vidéos et photos) début juillet 2022. Les détails des moulures, le relief et la ciselure des motifs ont été fortement impactés par les travaux faits sur les corniches par équipes de LFR mi-août 2022; Il était pourtant explicitement mentionné dans le devis et dans l’e-mail du 27 mai 2022 envoyé à LFR qu’aucuns travaux sur les moulures et les corniches ne devaient être entrepris par la société SARL LFR’.

Il est également précisé dans ce même document ‘ Les parties acceptent les réserves mentionnées dans le présent procès-verbal de réception. … Les moulures seront réalisées par des experts tiers aux frais de LFR…Le solde des factures restant à ce jour ne sera pas réglé par les propriétaires. Un dédommagement devra être fait aux propriétaires compte tenu des risques encourus( notamment corporels liés à l’installation éléctrique), les malfaçons ( corniche et parquet), les délais de réalisation non respectés, des pertes de valeur financière de l’appartement et toutes les réserves ci-dessus. ‘.

Il résulte du procès-verbal de réception, dont ni les termes ni la validité ne sont contestés par l’appelante, qu’elle reconnaît sa responsabilité dans les désordres qui lui sont reprochés et adhère aux modalités de réparation envisagées.

Dès lors, même à supposer avérées les irrégularités alléguées des constats d’huissier litigieux, force est de constater, nonobstant la contestation sérieuse affectant la validité du protocole d’accord du 1er septembre 2022, que le procès verbal de réception sus-mentionné, conduit à valider le principe de provision accordée par le premier juge au titre des travaux de reprise des moulures et corniches du salon d’angle et de remplacement de la dalle en marbre de la salle de bain, le manquement de la société LFR à ses obligations contractuelles étant établi et le principe du droit à réparation des époux [D] n’étant pas sérieusement contestable.

Si l’appelante reproche au premier juge de l’avoir condamnée au paiement d’une somme provisionnelle de 1 000 euros au titre de remplacement de la dalle en marbre de la salle de bain, soutenant qu’elle n’a pas ‘évalué’ son coût, mais a simplement indiqué qu’il ne pouvait pas dépasser ce montant afin de démontrer ‘le peu de sérieux’ de la demande des intimés, versant aux débats une copie d’un site Internet avec une quinzaine de modèles de vasques en marbre de Bourgogne avec leurs prix, elle n’explique pas en quoi exactement la demande des époux [D] ne serait pas justifiée, ni en quoi l’estimation retenue par l’ordonnance entreprise serait erronée, de sorte que la contestation ainsi érigée ne saurait être considérée comme sérieuse.

S’agissant de la contestation relative à la réfection des moulures et corniches du salon d’angle, c’est par des motifs cohérents et suffisants que la cour adopte, que le premier juge a écarté son caractère sérieux après avoir examiné les deux devis des sociétés Stuc et Staff et Del Boca, non soumis à l’appréciation de la cour, considérant que le descriptif des travaux du premier est de nature à lever toute ambiguïté sur le lieu et l’objet des travaux et que le second participe à l’évaluation du coût des travaux de reprise, la circonstance selon laquelle celui-ci est limité dans le temps, comme le veut l’usage, n’impactant pas la faculté du juge de se baser sur les indications qu’il contient dans la détermination de la provision octroyée à ce titre.

Ainsi, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société LFR à payer aux époux [D] les sommes provisionnelles de 1 000 euros en remplacement de la dalle en marbre de leur salle de bain et de 33 000 euros au titre des travaux de reprise des moulures et corniches.

Sur la demande reconventionnelle de paiement

L’appelante sollicite la condamnation des intimés au paiement de la somme de 6 275,95 euros, correspondant, selon elle, au solde des factures impayées.

Elle expose avoir communiqué aux époux [D] en date du 20 juillet 2022 deux nouveaux devis pour les travaux supplémentaires effectués: n° 200722/012 pour un montant de 4 521 euros TTC et n°200722/011 d’un montant de 2 499,75 euros TTC, soutenant que compte tenu du devis initial de 19 844 euros et du paiement de 20 588,8 euros effectués par les intimés, la somme de 6 275,95 reste due.

Sur ce,

A l’appui de sa demande de paiement du solde des factures dont elle estime les intimés redevables, la société LFR verse aux débats deux devis respectivement de 4 521 et 2 499,75 euros adressés aux époux [D] en date du 20 juillet 2022.

Toutefois, l’ordonnance entreprise rejette cette demande par des motifs dont ces griefs ne remettent pas en cause la pertinence, dès lors qu’elle retient que la société LFR ne démontre ni avoir obtenu l’accord des époux [D] sur ces devis qui ne sont pas signés pas les intimés, ni avoir effectué les travaux correspondants ou encore édité les factures afférentes, ce qui constitue une contestation sérieuse au sens de l’article 873 précité faisant ainsi obstacle à sa demande de paiement, formulée au demeurant à titre non provisionnel.

En conséquence, l’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle formée par l’appelante.

Sur les demandes accessoires

L’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la SARL LFR ne saurait en outre prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire dans les limites de sa saisine et en dernier ressort,

Déboute la SARL LFR de sa demande de nullité de l’ordonnance rendue le 20 janvier 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre;

Confirme l’ordonnance du 20 janvier 2023 en toutes ses dispositions critiquées, sauf à rectifier l’erreur matérielle en disant que le chef ainsi rédigé :

‘Condamnons la SARL LFR à payer à Monsieur et Madame [D] les sommes provisionnelles suivantes :

° 1 000 € au titre des travaux de reprise du parquet de la salle à manger’

sera remplacé par le suivant :

‘Condamnons la SARL LFR à payer à Monsieur et Madame [D] les sommes provisionnelles suivantes :

° 1 000 € au titre des travaux de réparation de la dalle de la salle de bains’ ;

Y ajoutant,

Rejette tout autre demande ;

Condamne la société LFR aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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