Déséquilibre significatif : 2 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/00282
Déséquilibre significatif : 2 mars 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/00282
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2 mars 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/00282

N° RG 19/00282 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MEJD

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond

du 10 janvier 2019

RG : 2018j137

SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT

C/

SARL MALFROY & MILLION

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 02 Mars 2023

APPELANTE :

SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Julien MARGOTTON de la SELARL PRIOU – MARGOTTON, avocat au barreau de LYON, toque : T.1287 substitué et plaidant par Me Anthony BOCENO, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SARL MALFROY & MILLION

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christine ETIEMBRE de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE, avocat au barreau de LYON, toque : 688 substituée et plaidant par Me PEQUIGNOT, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 19 Février 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 02 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Marianne LA-MESTA, conseillère

– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 mai 2015, la SAS Société Commerciale de Télécommunication (ci-après la  société SCT), qui exerce une activité de courtier en fourniture de services et matériels téléphoniques, a conclu un contrat avec la SARL Malfroy & Million (ci-après la société Malfroy & Million) portant sur une prestation de téléphonie fixe.

Par courrier du 22 mai 2017, la société Malfroy & Million a sollicité la résiliation du contrat d’abonnement téléphonique.

Suivant courrier du 29 mai 2017, la société SCT a enregisté la résiliation à compter du 1er juin 2017 et sollicité le règlement de la somme de 11.208,86 euros HT, soit 13.450, 63 euros TTC au titre des frais de résiliation du service de téléphonie fixe.

Par courrier du 12 juin 2017, la société Malfroy & Million a contesté la facture de téléphonie fixe n°2017-05-01004680 du 31 mai 2017, estimant que 149 euros avaient été prélevés à tort.

Le 20 juillet 2017, elle a également fait savoir qu’elle ne considérait pas être redevable du montant de l’indemnité de résiliation et demandé l’annulation de la facture de téléphonie fixe n°2017-06-01007826 d’un montant de 548,16 euros TTC.

La mise en demeure adressée le 29 septembre 2017 à la société Malfroy & Million par la société SCT aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 14.177 euros TTC étant restée infructueuse, celle-ci l’assigné devant le tribunal de commerce de Lyon par exploit d’huissier en date du 17 janvier 2018.

Par jugement contradictoire du 10 janvier 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

– jugé la clause 9.1 stipulant une durée d’engagement de 63 mois réputée non écrite,

– débouté la société Malfroy & Million de sa demande visant à juger que la société SCT a procédé par man’uvres à caractère dolosif,

– jugé le contrat portant sur la portabilité opposable à la société Malfroy & Million,

– débouté la société Malfroy & Million de sa demande de voir prononcer la nullité de l’ensemble des contrats,

– jugé que la résiliation du contrat de téléphonie fixe n’a pas été faite aux torts exclusifs de la société Malfroy & Million et débouté la société SCT de sa demande contraire,

– débouté la société SCT de sa demande de se voir payer par la société Malfroy & Million la somme de 13.450,63 euros TTC en principal au titre des frais de résiliation pour le service de téléphonie fixe, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de la délivrance de l’assignation,

– condamné la société Malfroy & Million à régler à la société SCT la somme de 726,96 euros TTC,

– débouté la société Malfroy & Million de sa demande de remboursement des sommes facturées indûment à hauteur de 447 euros,

– débouté la société Malfroy & Million de sa demande à hauteur de 5.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la saisine à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi,

– rejeté tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

– condamné sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile la société SCT à payer la somme de 1.500 euros à la société Malfroy & Million,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution,

– condamné la société SCT aux entiers dépens.

La société SCT a interjeté appel par acte du 14 janvier 2019.

Aux termes d’une ordonnance rendue le 7 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a :

– déclaré la société Malfroy & Million partiellement irrecevable en son appel incident tendant à étendre la dévolution à l’application au litige de l’article L.442-6 ancien du code de commerce,

– débouté la société Malfroy & Million de ses demandes de disjonction, de sursis à statuer et de renvoi devant la cour d’appel de Paris,

– enjoint la société Malfroy & Million de remettre ses écritures en conformité avec les effet de la présente ordonnance,

– dit que les dépens de cet incident suivront le sort du principal et rejeté la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par la société intimée.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 17 mars 2020 et fondées sur l’article 1134 ancien du code civil, la société SCT demande à la cour :

– de réformer le jugement déféré en ce qu’il a:

– jugé la clause 9.1 stipulant une durée d’engagement de 63 mois réputée non écrite,

– jugé que la résiliation du contrat de téléphonie fixe n’était pas intervenue aux torts exclusifs de la société Malfroy & Million,

– débouté la société SCT de sa demande à se voir payer par la société Malfroy & Million la somme de 13.450,63 euros TTC au titre des frais de résiliation,

– condamné la société SCT au versement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné la société Malfroy & Million à lui verser la somme de 726,96 euros TTC au titre des factures de téléphonie fixe,

– rejeté la société Malfroy & Million de sa demande de remboursement de la somme de 447 euros,

– débouté la société Malfroy & Million de la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts,

En conséquence,

– de déclarer bien fondée sa demande à l’encontre de la société Malfroy & Million,

– de constater la résiliation du contrat de téléphonie fixe aux torts exclusifs de la société Malfroy & Million,

– de débouter la société Malfroy & Million de l’ensemble de ses demandes,

En conséquence,

– de condamner la société Malfroy et Million à lui payer la somme de 13.450,63 euros TTC en principal au titre des frais de résiliation fixe, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation,

– de condamner la société Malfroy & Million à lui payer la somme de 726,96 euros TTC au titre des factures de téléphonie fixe impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation,

– de condamner la société Malfroy & Million au paiement de la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l’appui de ses prétentions, la société SCT fait valoir :

– qu’en signant le contrat, la société Malfroy & Million a reconnu expressément avoir pris connaissance des conditions générales de vente et les avoir acceptées, de sorte que celles-ci lui sont parfaitement opposables,

– que le cachet commercial et la signature de son représentant sont d’ailleurs apposés sur chacun des feuillets qui composent le bulletin de souscription, sachant que les conditions générales des services figurent au verso du premier feuillet et font donc partie intégrante du document, si bien qu’il est matériellement impossible de se voir remettre le bulletin de souscription sans les conditions générales concernées,

– qu’il est encore précisé en bas de la première page du contrat, qu’un feuillet rose du double du contrat est laissé au client lors du rendez-vous commercial, tandis qu’un second exemplaire de couleur bleu lui est ensuite retourné après la validation, ce qui signifie que la société Malfroy & Million a été destinataire à deux reprises des conditions contractuelles,

– que la société Malfroy & Million ne saurait pas plus se prévaloir du caractère illisible de la clause relative à la durée de l’engagement, dès lors que celle-ci ne souffre d’aucune pâleur d’impression et qu’elle est parfaitement déchiffrable à l’oeil nu, étant souligné que chaque stipulation contractuelle fait l’objet de paragraphes distincts dont le titre est précisé en caractères gras et majuscules,

– que les recommandations de la commission des clauses abusives en matière de taille des caractères typographiques ne peuvent s’appliquer dans le cas présent, puisque le contrat a été conclu entre deux professionnels, et non entre un professionnel et un consommateur,

– que le contrat initialement souscrit en 2005 par la société Malfroy & Million comportait une formule au compteur, c’est-à-dire un décompte à la minute, alors que celui régularisé le 6 mai 2015 prévoit notamment la mise en place d’un forfait illimité fixe moyennant un nouveau tarif de 256,80 euros HT par mois,

– qu’en raison de cette modification d’offre et de tarif, il y a eu novation du contrat qui s’est substitué au précédent,

– que les termes de la lettre de résiliation adressée par la société Malfroy & Million révèlent d’ailleurs que celle-ci avait parfaitement conscience d’avoir souscrit un nouveau contrat,

– que la société Malfroy & Million, qui est une société commerciale ayant contracté pour les besoins de son activité professionnelle, ne peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives pour tenter d’échapper à ses obligations contractuelles,

– que la société Malfroy & Million ne rapporte pas la preuve des manoeuvres dolosives qu’elle invoque, se bornant à procéder par simples allégations,

– qu’elle ne démontre pas plus l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l’article L442-6-1 2° du code de commerce, le seul fait qu’il s’agisse d’un contrat d’adhésion ne suffisant pas à établir ce déséquilibre, ni le préjudice qui en résulterait,

– qu’elle ne peut utilement invoquer les articles 1101 et suivants nouveaux du code civil, ceux-ci étant inapplicables au contrat conclu avant le 1er octobre 2016,

– que la société Malfroy & Million a sciemment violé les dispositions contractuelles en ne procédant pas au règlement de ses factures de téléphonie fixe à hauteur de 726,96 euros, alors qu’elle-même a parfaitement exécuté ses propres obligations,

– que l’article 10.6 des conditions particulières prévoit bien la facturation de la somme de 149 euros HT par site,

– que l’article 9-1 des conditions particulières des services de téléphonie fixe énonce quant à lui que ‘ le contrat de téléphonie fixe prend effet dès son acceptation et signature par les parties pour une période initiale de soixante-trois mois’,

– qu’en raison de la décision de la société Malfroy & Million de se libérer unilatéralement de ses engagements avant le terme du contrat, elle est bien fondée à solliciter le règlement de l’indemnité de résiliation anticipée telle que prévue par l’article 4 des conditions générales des services et par l’article 14.3.2 des conditions particulières de téléphonie fixe,

– qu’en vertu du mode de calcul mentionné dans ce dernier article, le montant de cette indemnité s’élève à la moyenne de la facturation des trois derniers mois, soit 294,97 euros HT multiplié par le nombre de mois restant à courir, à savoir 38, ce qui correspond à la somme globale de 11.208,86 euros HT,

– que ces frais de résiliation s’analysent en une clause de dédit qui offre la possibilité de renoncer au contrat moyennant le versement d’une somme d’argent dont le calcul est prévu à l’avance,

– qu’une telle clause, qui n’a pas le caractère d’une clause pénale, n’est donc pas susceptible de modération en application de l’article 1152 du code civil,

– que la demande de dommages et intérêts formulée par la société Malfroy & Million est totalement injustifiée, celle-ci ne produisant aucun élément chiffré relatif à un quelconque préjudice.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2020, fondées sur les articles 910 et suivants du code de procédure civile, les articles 1101, 1130 et suivants, 1231-5 et suivants du nouveau code civil, les articles 1271 et suivants de l’ancien code civil, ainsi que sur les articles L.121-2 et suivants du code de la consommation, la société Malfroy & Million demande à la cour de :

– juger que son appel incident n’a pas été contesté dans le délai de trois mois,

– juger toutes nouvelles conclusions adverses nulles,

– juger que la société SCT a procédé par man’uvres dolosives lors de la résiliation en dissimulant la durée, une clause de résiliation et en lui imposant, après la formation du contrat, un volet complémentaire aux contrats signés comprenant des conditions générales différentes de celles remises initialement et, en tout état de cause, en remettant lors de la formation du contrat des feuillets aux conditions totalement illisibles et non renseignées sur la durée,

– juger que la société SCT procède de manière systématique par sa politique commerciale à un refus de transparence sur la durée du contrat et la clause de résiliation malgré la mention au recto des documents contractuels que son commercial ne remplit pas de manière volontaire,

– juger que le contrat portant sur la portabilité non-renseigné par les parties lui est inopposable et qu’il n’a pas été porté à sa connaissance lors de la formation du contrat,

– juger que le contrat de portabilité est totalement inutile à la modification de son forfait car elle est d’ores et déjà cliente de la société SCT,

En conséquence,

– réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des man’uvres à caractère dolosif et prononcer la nullité de l’ensemble des contrats,

Statuant à nouveau,

– prononcer la nullité de l’ensemble des contrats,

– débouter la société SCT de l’intégralité de ses demandes présentées à son encontre,

A titre subsidiaire,

– juger que les nouveaux documents souscrits en mai 2015 pour changer les modalités de facturation sur une prestation restée identique n’a pas opéré novation, eu égard au premier contrat à durée indéterminée signé le 15 mai 2004,

– constater que les clauses de durée, de résiliation et de frais complémentaires sont intégrées dans le cadre d’un contrat d’adhésion, sur lequel il n’est permis aucune négociation, ne laissant aucune alternative à la personne soumise,

– juger que les clauses imposées par la société SCT créent un déséquilibre contractuel, dans la mesure où elles ne supportent aucune charge financière d’une éventuelle résiliation, alors qu’elle n’a plus à effectuer la prestation et son suivi,

En conséquence,

– juger que les obligations entre les parties deviennent déséquilibrées,

– prononcer la nullité des clauses de durée, de résiliation et de frais complémentaires,

A titre infiniment subsidiaire,

– constater que le contrat de téléphonie fixe prévoit expressément au recto que toute condition contraire au présent contrat est inapplicable,

– constater que le contrat de téléphonie fixe et celui de prestation installation ont été conclus à durée indéterminée,

– constater que le mandat de portabilité n’a pas été rempli par les parties et n’a pas été intégré dans le champ contractuel,

– constater que les clauses opposées par la société SCT sont au verso du mandat de portabilité, distinct du contrat de prestation de téléphonie fixe,

En conséquence,

– confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu’il a considéré que l’article 9.1 était réputé non écrit,

– réformer pour le surplus,

Statuant à nouveau,

– réparer l’omission de statuer,

– juger que la clause de durée, l’indemnité de résiliation et l’article 10.6 portant sur les frais complémentaires sont inopposables à son égard dans la mesure où ils sont intégrés dans un contrat autre que celui de la prestation téléphonie fixe qui lie les parties, et dans la mesure où cet avenant lui était inconnu,

– débouter la société SCT de ses demandes, y compris des factures complémentaires, portant sur des frais non contractuellement prévus et correspondant à des prestations non fournies,

En tout état de cause,

– constater que le comportement de la société SCT lui a causé un préjudice en termes de notoriété et de temps dépensé pour s’opposer aux demandes excessives et infondées,

En conséquence,

– condamner la société SCT à lui payer, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine :

– 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi,

– 447 euros en remboursement des sommes facturées de manière indue,

– condamner la société SCT à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont il sera fait au profit du cabinet juridique Saône-Rhône.

La société Malfroy & Million observe pour l’essentiel :

– que la société SCT n’ayant pas contesté son appel incident dans le délai de 3 mois imparti par l’article 910 du code de procédure civile, toute opposition à celui-ci devra désormais être considérée comme nulle,

– que les dispositions des articles L 121-2 et L 121-3 du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses s’appliquent dans les relations entre professionnels, contrairement aux dires de la société SCT qui vise d’ailleurs uniquement les textes concernant les clauses abusives,

– que les pratiques de la société SCT, consistant à imposer des conditions générales non remises au moment de la formation du contrat, sont constitutives de manoeuvres frauduleuses ayant vicié son consentement, ce qui doit conduire à la nullité des dispositions contractuelles concernées,

– qu’ainsi, les clauses portant sur la durée de l’engagement, l’indemnité de résiliation et les frais complémentaires dont se prévaut la société SCT n’étaient pas intégrées dans les contrats qu’elle a signés, composés de trois volets remis en originaux, à savoir un contrat de téléphonie mobile rayé car non concerné par la prestation, un contrat de service de téléphonie fixe et un contrat de prestation, installation, accès web,

– que la société SCT rajoute en effet un document intitulé ‘annexe mandat portabilité’ sur lequel figure, au verso, un article 9 mentionnant une durée de 63 mois avec tacite reconduction de 12 mois et un article 10.6 sur les frais complémentaires évoqué dans son courrier de réponse du 14 juin 2017,

– que ce document, auquel sont annexées les conditions litigieuses, est de taille et de police différentes, sur un papier différent, ce qui démontre qu’il s’agit d’un ajout a posteriori,

– qu’elle n’a en effet jamais été en possession de ce document qui ne lui a pas été envoyé par la société SCT et n’avait au demeurant pas lieu d’être régularisé puisque l’opérateur est resté le même et qu’aucune portabilité n’était à envisager,

– qu’il ne supporte sa signature qu’en raison de l’application du principe du carbone,

– que ce document lui est par conséquent inopposable, ce d’autant que ses dispositions sont contraires avec celles du contrat de téléphonie fixe, le tribunal ayant omis de statuer sur ce moyen,

– que lors de la signature, seul le montant mensuel du forfait illimité a été évoqué, ainsi que celui de la prestation d’installation qui n’a jamais été réalisée ni facturée, le nouveau contrat ayant simplement pour vocation de modifier les modalités de facturation sur une installation qui restait identique,

– que si la société SCT voulait imposer une durée particulière, il lui appartenait de la mentionner expressément sur le recto du contrat de service de téléphonie fixe, ce qu’elle s’est bien gardée de faire, pour mieux imposer la durée spécifiée dans les petites lignes des conditions générales, dont elle n’a pas notifié le contenu, dans le but de tromper sa clientèle,

– que ce type d’agissement est non seulement constitutif d’une infraction pénale, mais également d’un manquement à l’obligation d’information et de conseil dont est tenue la sociéété SCT,

– qu’en l’absence de précision d’une durée d’engagement sur le recto du contrat , il y a lieu de considérer que celui-ci est à durée indéterminée, donc résiliable à tout moment, comme le permettait le contrat initial,

– que les nouvelles dispositions contractuelles modifient seulement les modalités de facturation et donc le prix, alors que la prestation est restée strictement identique, la société SCT n’ayant d’ailleurs pas facturé de frais d’installation,

– que le changement tarifaire ne saurait emporter une novation du contrat notammant quant à la durée de l’engagement, alors qu’elle n’a jamais donné son accord à une telle modification,

– que subsidiairement, il sera retenu que la clause de durée génère un déséquilibre dans la relation contractuelle sans aucune réciprocité, puisque la société SCT laisse à la seule charge de son client le coût d’une sortie anticipée, sans prendre aucun risque financier, alors même qu’elle n’aura plus de prestations à fournir, ce en totale méprise des dispositions de l’article 1171 du code civil, d’application immédiate car protégeant un intérêt social fondamental,

– que cette clause, systématiquement identique et insérée insidieusement dans les contrats, à la supposer opposable, ne laisse aucun alternative à la personne soumise qui ne peut la négocier, malgré le discours du commercial garantissant une durée d’engagement limitée à un an,

– que ce déséquilibre est d’autant plus évident que même en cas de déménagement dans un autre département ne permettant plus de bénéficier des numéros de téléphone, la société SCT peut continuer à bénéficier de sa rémunération, sans pour autant fournir la prestation en contrepartie jusqu’à la fin du contrat,

– que du fait de son caractère abusif, cette clause doit être annulée,

– qu’au demeurant, la taille utilisée est de caractère inférieur au corps 8, c’est-à-dire à 3mm, ainsi que l’a retenu le tribunal de commerce, ce qui ne rend pas leur lecture transparente, étant rappelé que la recommandation de la commission des clauses abusives sur ce point a également valeur dans les relations entre les professionnels, contrairement à ce que prétend la société SCT,

– qu’à défaut d’être annulée ou déclarée inopposable, la clause relative à l’indemnité de résiliation, doit être assimilée à une clause pénale, en ce qu’elle a pour but d’obliger à l’exécution du contrat jusqu’à son terme,

– qu’en l’absence de démonstration, par la société SCT, de l’existence d’un préjudice du fait de la résiliation anticipée dans le cadre d’un contrat n’ayant nécessité aucun investissement complémentaire, cette indemnité sera réduite à néant,étant de surcroît souligné que cette clause résolutoire ne s’appliquait qu’au contrat de portabilité,

– qu’en tout état de cause, son mode de calcul est erroné en ce qu’il intègre le coût dû au titre de l’installation, jamais facturé jusqu’à présent, le boîtier n’ayant jamais été installé,

– qu’elle ne saurait être redevable de la somme de 149 euros imputée sur la facture du mois de mai 2017, celle-ci étant stipulée dans un article 10.6 des conditions particulières de téléphonie fixe non portées à sa connaissance,

– qu’au demeurant, ce forfait de 149 euros par site à raccorder est totalement injustifié dès lors que la société SCT n’a jamais eu à procéder à l’installation du boîtier ni à facturer la prestation prévue à cet effet, dans la mesure où elle était déjà client, donc équipée,

– qu’aucune facturation n’est due pour le mois de juin 2017, la résiliation ayant été été actée au 1er juin 2017,

– qu’à titre reconventionnel, elle est en droit de solliciter le remboursement de la somme de 149 euros facturée annuellement de manière indue, après chaque changement de contrat, soit 3×149 = 447 euros,

– qu’elle est également bien fondée à réclamer des dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros, ayant été lésée par le comportement peu scrupuleux de la société SCT;

– que non seulement, elle a dû consacrer un temps inutile à contester la facturation, mais elle a également vu sa notoriété remise en cause vis-à-vis de son nouvel opérateur, en passant pour une société qui n’honore pas ses engagements.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 12 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu’il n’y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n’en étant pas saisie.

Il est également précisé qu’en vertu des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de cette ordonnance.

Il sera encore relevé qu’en application de l’article 914 du code de procédure civile, seul le conseiller de la mise en état est compétent, jusqu’à la clôture de l’instruction, pour statuer sur une demande tendant à voir déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 du même code. Il s’ensuit que la demande de la société Malfroy & Million présentée pour la première fois devant la cour aux fins de voir déclarer nulles les conclusions de la société SCT pour non respect du délai de 3 mois prévu par l’article 910 précité doit être déclarée irrecevable.

Sur l’opposabilité des conditions particulières du contrat de téléphonie fixe

Il est au préalable rappelé que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes. Il lui appartient d’examiner en premier lieu les prétentions des parties dont l’accueil est de nature à influer sur la solution du litige, sans s’arrêter à l’ordre dans lequel elles sont présentées, dès lors qu’elles tendent toutes à la même fin. A ce titre, la cour examinera en premier lieu la question de l’opposabilité ou non des conditions particulières de téléphonie fixe dont se prévaut la société SCT à l’encontre de la société Malfroy& Million.

En vertu de l’article 1134 ancien du code civil applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 1315 ancien du code civil prévoit quant à lui que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, en vue de prouver l’étendue des obligations pesant sur la société Malfroy & Million au titre du contrat de téléphonie fixe régularisé le 6 mai 2015, la société SCT produit la copie du recto de 7 feuillets supportant la signature du représentant légal et le tampon humide de la société Malfroy & Million.

Il doit d’abord être relevé que l’affirmation de cette dernière selon laquelle la signature apposée sur le document intitulé ‘annexe mandat de portabilité’ n’y figure qu’en raison de l’application du principe du carbone ne résiste pas à la simple analyse visuelle du feuillet.

Celui-ci comporte en effet d’autres mentions manuscrites (nom et numéro de téléphone du responsable commercial de la société Malfroy & Million) n’apparaissant pas toujours sur les autres feuillets, ce qui signifie que cette page a bien été remplie de manière individualisée par la société Malfroy & Million et non pas au moyen d’une signature sur le recto du premier document présenté, puis reproduite à l’identique sur les autres pages grâce à un ‘carbone’.

Il sera en outre noté :

– d’une part, que le système de duplication invoqué par la société Malfroy & Million ne s’applique en tout état de cause qu’à la signature effectuée au moyen d’un stylo, mais pas au tampon humide qui doit nécessairement être apposé sur chaque page concernée pour y apparaître,

– d’autre part, que la comparaison entre les 7 signatures des différents feuillets révèle qu’aucune d’entre elles n’est strictement similaire, ce qui vient confirmer que chacune a été apposée individuellement par le représentant légal de la société Malfroy & Million.

Il s’ensuit que la société Malfroy & Million ne peut valablement prétendre qu’elle ne s’est pas vu remettre le document intitulé ‘annexe mandat de portabilité’ lors de la signature du contrat de téléphonie fixe le 6 mai 2015.

ll est certes regrettable que la société SCT ne verse pas aux débats l’original de l’ensemble des feuillets signés, ce qui aurait permis de vérifier si, comme elle l’affirme, les conditions générales et particulières des services sont bien rédigées au verso des bulletins de souscription, de sorte qu’il suffit de les retourner pour en prendre connaissance.

Toutefois, force est dans le même temps de constater que la société Malfroy & Million se borne uniquement à prétendre que la totalité du document a été ajoutée a posteriori par la société SCT, alors que ces allégations à ce sujet sont contredites par les observations développées ci-dessus concernant l’apposition de sa signature etde son tampon humide sur le recto du feuillet.

Elle ne conteste en revanche pas que les conditions particulières des services de téléphonique fixe ‘2ème partie’ dont se prévaut la société SCT à son encontre figurent bien au verso de ce document ‘annexe de portabilité’, ainsi qu’elle l’indique elle-même en pages 13 et 14 de ses dernières écritures.

Il sera à ce stade observé qu’il est indubitable que le recto du document intitulé ‘annexe de portabilité’ n’avait pas à être renseigné car cette portabilité avait d’ores et déjà été mise en oeuvre à l’occasion de la souscription du contrat initial de téléphonie en mai 2004 avec la société Eurocom, aux droits de laquelle est ensuite venue la société SCT.

Cependant, la circonstance selon laquelle le recto du feuillet était sans objet ne saurait avoir pour effet de rendre inopposables à la société Malfroy & Million les conditions particulières portées au verso de celui-ci, dès lors qu’elle a apposé sa signature en bas du recto du feuillet et qu’il lui était par conséquent parfaitement loisible de prendre connaissance des mentions figurant au verso du même feuillet, peu importe qu’elles ne ne soient pas en relation directe avec la première page.

A cet égard, il convient de relever :

– d’une part, que le recto du feuillet intitulé ‘contrat de services de téléphonie fixe’ comporte, juste au-dessus de l’encart supportant la signature et le tampon humide de la société Malfroy & Million, une mention selon laquelle « le Client (‘) reconnaît avoir reçu un exemplaire, avoir pris connaissance et accepté dans toute leur teneur les Conditions Générales, Particulières et Spécifiques de SCT Telecom intégrant les obligations, ainsi que les descriptifs et les tarifs des offres », ce dont il résulte qu’il appartenait à la société Malfroy & Million de s’enquérir de l’ensemble des conditions générales et particulières applicables au service souscrit,

– d’autre part, que contrairement à ce que soutient la société Malfroy & Million, la simple lecture du titre écrit en gras et en majuscules au verso du feuillet intitulé ‘annexe mandat de protabilité’ permet aisément de comprendre qu’il s’agit de la 2ème partie des conditions particulières de téléphonie fixe, dont la 1ère partie figure au verso du feuillet intitulé ‘contrat de services de téléphonie fixe’.

Il s’infère de cette précision ‘1ère partie’ qu’il y en avait nécessairement une seconde et que le but de la signature apposée au verso du feuillet ‘mandat de portabilité’ était justement de rendre opposable à la société Malfroy et Million cette seconde partie des conditions particulières des services de téléphonie fixe dont la typographie est au demeurant strictement identique à celle de la 1ère partie, ce qui rend une nouvelle fois dénuées de tout fondement les allégations de la société Malfroy & Million selon lesquelles ces conditions particulières ne lui ont pas été remises lors de la signature du contrat.

S’agissant d’un contrat d’adhésion proposé par une société de courtage téléphonique, comme l’indique d’ailleurs à bon escient la société Malfroy & Million dans ses écritures, il est en outre usuel que la majeure partie des conditions générales et particulières, y compris celles relatives à la durée de l’engagement et aux modalités de la résiliation, soient similaires pour toutes les conventions souscrites, ce qui implique une remise par le biais de documents ‘type’ dactylographiés.

Aucune mention manuscrite n’ayant été portée sur le recto du contrat de services de téléphonie fixe, relativement à la durée de l’engagement ou les modalités de rupture du contrat, la société Malfroy & Million ne peut valablement exciper d’une quelconque contradiction entre les indications de ce recto et les conditions particulières figurant au verso de ce feuillet, ainsi qu’au verso de celui intitulé ‘annexe mandat de portabilité’.

Il ressort par conséquent de l’ensemble des développements qui précèdent :

– que la totalité des conditions générales et particulières afférentes au contrat de services de téléphonie fixe régularisé le 6 mai 2015, telles que produites par la société SCT, font partie intégrante de la convention et doivent être déclarées opposables à la société Malfroy & Million, ce qui conduit à la confirmation du jugement déféré sur ce point,

– que l’argumentaire de cette dernière quant à l’absence de novation du contrat initialement souscrit en mai 2004 est totalement inopérant, dans la mesure où il ne peut qu’être constaté que le contrat de téléphonie fixe signé par ses soins le 6 mai 2015 est un nouveau contrat, régi par d’autres conditions que celles de la convention de mai 2004, au demeurant non communiquée par la société Malfroy & Million qui se prévaut uniquement d’une convention ultérieure régularisée le 5 octobre 2005 avec la société Eurocom.

Sur la nullité du contrat pour dol

En vertu de l’article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

L’article 1130 ancien du code civil énonce par ailleurs que l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

En l’occurrence, l’article 9.1 des conditions particulières du service de téléphonie fixe (2ème partie) souscrit le 6 mai 2015 par la société Malfroy & Million stipule que « le contrat de téléphonie fixe prend effet dès son acceptation et signature par les parties pour une durée initiale de soixante trois (63) mois ».

L’article 14.3.2 des même conditions particulières prévoit quant à lui qu’en cas de dénonciation du service par le client au cours de la période initiale d’engagement, celui-ci sera immédiatement redevable à SCT Telecom d’une somme correspondant :

‘- soit au minimum de facturation tel que défini à l’article 10.4 des présentes conditions multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu’au terme du contrat,

– soit, au montant moyen des facturations (3 derniers mois de consommation habituelle) émises antérieurement à la notification de la résiliation multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu’au terme du contrat, si ce montant devait être supérieur au minimum de facturation multiplié par le nombre de mois restant susvisé’.

Il sera observé que les titres des différents paragraphes des conditions particulières, dont ceux afférents à la durée et aux modalités de résiliation du service, tels que rappelés ci-dessus, sont écrits en gras et en majuscules pour une meilleure accessibilité. Il doit en particulier être noté que le paragraphe sur la durée du service figure tout en haut de la page relative à la 2ème partie des conditions particulières de la téléphonie fixe et qu’il n’est donc pas noyé au milieu d’autres stipulations contractuelles. Par ailleurs, bien que d’une police de taille réduite, le contenu de chaque paragraphe reste tout à fait déchiffrable et compréhensible.

La société Malfroy & Million ne saurait par conséquent valablement soutenir que ces clauses étaient illisibles et qu’elle n’était pas en mesure d’apprécier pleinement la portée des engagements souscrits du fait d’une présentation confuse.

De même échoue-t-elle à démontrer l’existence de manoeuvres frauduleuses de la société SCT ayant consisté à lui imposer des clauses non portées à sa connaissance lors de la signature du contrat, la société Malfroy & Million se bornant à cet égard à reprendre l’argumentaire sur l’ajout a posteriori du document ‘annexe de portabilité’ auquel il a déjà été répondu ci-dessus.

Les affirmations de la société Malfroy & Million sur le fait que le commercial de la société SCT lui aurait déclaré qu’elle ne s’engageait que pour une année, ne sont quant à elles assorties d’aucune offre de preuve.

Il découle de ces différentes observations que la dissimulation volontaire, par la société SCT, des informations sur la durée de l’engagement souscrit et les modalités de la rupture du contrat, n’est pas établie, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer la nullité du contrat de téléphonie fixe pour réticence dolosive, que ce soit à raison d’un manquement volontaire à un devoir de conseil ou de pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L121-1 du code de la consommation.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la société Malfroy & Million de ses demandes visant à juger que la société SCT a procédé par manoeuvres à caractère dolosif et à voir prononcer la nullité de l’ensemble des contrats.

Il doit en revanche être infirmé en ce qu’il a jugé la clause 9.1 stipulant une durée d’engagement de 63 mois réputée non écrite, aucun des deux moyens soulevés à ce titre par la société Malfroy & Million ne pouvant en effet être accueilli.

D’une part, dans la mesure où la société Malfroy & Million ne discute pas avoir contracté avec la société SCT dans le cadre de son activité professionnelle, elle n’est pas fondée à invoquer les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives lesquelles concernent uniquement les relations entre un consommateur et un professionnel.

D’autre part, le moyen tiré du caractère non écrit de la clause relative à la durée de l’engagement compte tenu du déséquilibre significatif du contrat en application de l’article 1171 du code civil, doit être écarté sans autre examen, dès lors qu’en vertu de l’article 16 de la loi n°2018-287 du 20 avril 2018, les dispositions dudit article, dans leur rédaction résultantde l’article 7 de la même loi, ne sont applicables qu’aux actes juridiques conclus ou établis à compter du 1er octobre 2018.

Sur les demandes en paiement de la société SCT

En vertu de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 1315 ancien du code civil prévoit quant à lui que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

– Sur la demande au titre des factures impayées

L’article 5.2 des conditions générales des services (1ère partie) stipule que les sommes facturées seront dues par le client à la date d’établissement de la facture et payables par prélèvement SEPA, dans un délai maximum de quinze jours (15 jours) suivant ladite date de facture.

Dans son courrier du 29 mai 2017 faisant suite à la dénonciation du contrat par la société Malfroy & Million (pièce n°4 de l’appelante), la société SCT indique avoir enregistré la résiliation des 3 lignes fixes pour le 1er juin 2017.

Il se déduit de cette missive que la société SCT a considéré que le contrat était rompu à compter du 1er juin 2017.

Elle est donc bien fondée à réclamer à la société Malfroy & Million le règlement du solde de la facture n°2017-05-01004680 émise le 15 juin 2017 d’un montant de 506,45 euros, dès lors que celle-ci correspond à l’abonnement et aux consommations dus pour la période du 1er mai au 31 mai 2017, donc antérieure à la résiliation du contrat, et que la société Malfroy et Million reconnaît de son côté ne s’en être que partiellement acquittée à concurrence de 327, 65 euros.

Il sera à ce stade relevé que la somme de 149 euros HT facturée par la société SCT ne saurait être déduite du solde restant à payer par la société Malfroy & Million au titre de cette facture n°2017-05-01004680, dans la mesure où l’article 10.6 des conditions particulières de téléphonie fixe prévoit expressément qu’un forfait annuel de ce montant est mis à la charge du client dans la cadre du contrat.

Eu égard à cette clause contractuelle, la société Malfroy & Million, qui n’établit pas l’existence d’un indu au titre du règlement annuel de ces 149 euros, sera déboutée de sa demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 3 x 149 = 447 euros, ce qui conduit à la confirmation du jugement déféré sur ce point.

Les prétentions de la société SCT au titre de la facture de téléphonie fixe n°2017-06-01007826 du 30 juin 2017 d’un montant de 548,16 euros ne sauraient en revanche prospérer, puisque cette facture se rapporte au mois de juin 2017, alors qu’elle avait précédemment indiqué que la résiliation était effective à compter du 1er juin 2017, et qu’elle ne démontre par ailleurs nullement, notamment par la production d’un relevé détaillé des appels, que la société Malfroy & Million aurait continué à bénéficier de prestations téléphonique au cours de cette période postérieure à la rupture des relations contractuelles. Il doit au demeurant être noté que la société SCT ne justifie pas des frais de mesures conservatoires imputés à la société Malfroy & Million à hauteur de 200 euros HT, en sus de l’abonnement lui-même.

Il s’ensuit que la société Malfroy& Million sera uniquement condamné à payer à la société SCT le solde de la facture du mois de mai 2017, soit 506,45 – 327,65 = 178,80 euros, ce avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation conformément à l’article 1153 du code civil, le jugement entrepris étant dès lors infirmé sur le montant alloué à la société SCT au titre des factures impayées.

– Sur la demande au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation :

L’article 1152 ancien du code civil dispose que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En l’occurrence, l’article 14.3.2 des conditions particulières afférentes au service de téléphonie fixe, déjà évoqué supra stipule qu’en cas de dénonciation du service par le client au cours de la période initiale d’engagement, celui-ci sera immédiatement redevable à SCT Telecom d’une somme correspondant :

‘- soit au minimum de facturation tel que défini à l’article 10.4 des présentes conditions multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu’au terme du contrat,

– soit, au montant moyen des facturations (3 derniers mois de consommation habituelle) émises antérieurement à la notification de la résiliation multiplié par le nombre de mois restant à échoir jusqu’au terme du contrat, si ce montant devait être supérieur au minimum de facturation multiplié par le nombre de mois restant susvisé’.

Il n’est pas discuté par la société Malfroy& Million qu’elle a pris l’initiative de rompre le contrat avec la société SCT par courrier du 22 mai 2017, soit avant le terme de la période d’engagement de 63 mois prévue par l’article 9-1 des conditions particulières, dont le contenu lui est opposable pour les motifs développés supra.

Du fait de cette résiliation anticipée unilatérale, intervenue aux torts exclusifs de la société Malfroy & Million, la société SCT est bien fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 14.3.2 précité.

Il y a cependant lieu de considérer que la clause en question n’offre pas au client une faculté de se libérer de ses engagements moyennant le versement d’une certaine somme, puisqu’elle tend à le contraindre à respecter l’ensemble de ses obligations, dont en particulier celle relative à la durée du contrat, en évaluant conventionnellement et forfaitairement le préjudice subi par la société SCT.

Il ne s’agit donc pas d’une clause de dédit, mais bien d’une clause pénale susceptible de modération si elle est manifestement excessive par rapport au préjudice subi par la société SCT.

Dans le cas présent, cette clause pénale qui permet à la société SCT d’obtenir la totalité du gain espéré pendant 63 mois, apparaît manifestement excessive par rapport au préjudice résultant de la privation de ce gain, mais sans fourniture de la contrepartie.

Compte tenu de ces éléments et sur la base de calcul contractuelle, le montant de l’indemnité de résiliation relative au service de téléphonie fixe sera réduit à la somme de 3.000 euros.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, la société Malfroy & Million sera condamnée à verser cette somme à la société SCT.

Il sera à ce stade observé que l’exécution provisoire de la décision sollicitée par la société SCT dans ses écritures est sans objet en cause d’appel.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société Malfroy & Million

L’article 1382 ancien du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, les prétentions financières de la société SCT ayant été accueillies au moins en partie, la demande de dommages et intérêts formulée par la société Malfroy & Million à raison du comportement fautif dont cette dernière aurait fait preuve à son endroit après la résiliation du contrat en lui réclamant le paiement de sommes injustifiées, ne peut évidemment être favorablement accueillie, étant en tout état de cause rappelé que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu’en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

Le jugement querellé sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Malfroy & Million.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Malfroy & Million, qui succombe au principal, devra supporter l’intégralité des dépens de première instance et d’appel, le jugement étant par conséquent infirmé sur ce point.

Il l’est également s’agissant de la condamnation de la société SCT à verser à la société Malfroy & Million une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît enfin équitable d’allouer à la société SCT une indemnité de 1.500 au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l’appel,

Déclare irrecevable la demande de la SARL Malfroy et Million fondée sur l’article 910 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a :

– débouté la SARL Malfroy & Million de sa demande visant à juger que la société SCT a procédé par manoeuvres à caractère dolosif,

– jugé le contrat portant sur la portabilité opposable à la SARL Malfroy & Million,

– débouté la SARL Malfroy & Million de sa demande de voir prononcer la nullité de l’ensemble des contrats,

– débouté la SARL Malfroy & Million de sa demande en remboursement des sommes facturées indûment à hauteur de 447 euros,

– débouté la SARL Malfroy & Million de sa demande à hauteur de 5.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la saisine à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

Dit que l’ensemble des conditions particulières du contrat de téléphonie fixe souscrit le 6 mai 2015 sont opposables à la SARL Malfroy & Million,

Dit que la résiliation de ce contrat de téléphonie fixe est intervenue aux torts exclusifs de la SARL Malfroy & Million,

Condamne la SARL Malfroy & Million à payer à la SAS Société Commerciale de Télécommunication la somme de 178,80 euros au titre de la facture de téléphonie fixe du 31 mai 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2018, date de l’assignation,

Déboute la SAS Société Commerciale de Télécommunication du surplus de sa demande en paiement au titre des factures de téléphonie fixe,

Condamne la SARL Malfroy & Million à verser à la SAS Société Commerciale de Télécommunication la somme de 3.000 euros au titre de l’indemnité de résiliation du service de téléphonie fixe,

Condamne la SARL Malfroy & Million à verser à la SAS Société Commerciale de Télécommunication une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Malfroy & Million aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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