Déséquilibre significatif : 2 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/14056
Déséquilibre significatif : 2 mars 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/14056
Ce point juridique est utile ?

2 mars 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
19/14056

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 02 MARS 2023

N° 2023/39

Rôle N° RG 19/14056 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE2ZM

[Z] [X]

[U] [V] épouse [X]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES P ROVENCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe KLEIN

Me Gilles MATHIEU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX EN PROVENCE en date du 03 Juin 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/00993.

APPELANTS

Monsieur [Z] [X]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Céline CHAAR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Céline CHAAR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituant Me Philippe KLEIN, plaidant

Madame [U] [V] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 4] (UKRAINE),

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Céline CHAAR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Céline CHAAR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituant Me Philippe KLEIN, plaidant

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, représentée par son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Nathalie ROMAIN, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Nathalie ROMAIN, avocat au barreau de MARSEILLE, substituant Me Me Nathalie ROMAIN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 02 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2023

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte du 19 décembre 2013, Mme [S] [Y] a vendu à M. [Z] [X] et Mme [U] [V], alors respectivement âgés de 65 et 38 ans, une maison d’habitation sise à [Adresse 5], sous la condition suspensive d’obtention par les acquéreurs d’un prêt d’un montant de 200.000 euros, d’une durée de quinze ans, au taux d’intérêt annuel maximum hors assurance de 2,70 %.

Il a été prévu un dépôt de garantie de 9.500 euros, la signature de l’acte authentique de vente devant intervenir au plus tard le 31 mars 2014.

Les époux [X]-[V] ont formé une demande auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, qui leur a adressé, le 26 février 2014, une offre, composée de deux prêts d’un montant de, respectivement, 190.070 euros et 19.930 euros, d’une durée de 180 mois, au taux d’intérêt de 2,92 % hors assurance, qu’ils ont acceptée le 12 mars 2014, le montant et le taux de l’assurance emprunteur de l’époux n’étant toutefois pas indiqués au jour de la signature du contrat.

Le 1er avril 2014, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence a attesté ne pouvoir débloquer les fonds, en l’absence «’de retour de la CNP concernant l’adhésion à l’assurance de M. [Z] [X]’».

Selon courrier recommandé du 2 avril 2014, Mme [S] [Y] a mis en demeure les époux [X] d’acquérir le bien immobilier, conformément aux termes de l’acte signé le 19 décembre 2013.

Le 10 avril 2014, M. [Z] [X], considérant que le coût en était trop élevé, a refusé la proposition d’assurance formulée par CNP Assurances le 8 avril 2014.

Le 9 mai 2014, les époux [X]-[V] ont sollicité la restitution de leur dépôt de garantie, ce qu’a refusé la venderesse, qui les a, par la suite, sommés de comparaître en l’étude du notaire, lequel a constaté la carence des acquéreurs le 17 mars 2015.

Mme [S] [Y] les ayant, par exploit du 22 juillet 2015, assignés en paiement devant le tribunal de grande instance d’Avignon, celui-ci, par jugement du 15 septembre 2016, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 31 janvier 2019, a ordonné la libération au profit de Mme [S] [Y] du dépôt de garantie de 9.500 euros versé par M. [Z] [X] et Mme [U] [V] lors de la signature de la promesse synallagmatique de vente du 19 décembre 2013 à titre de dommages et intérêts.

Entre-temps, suivant exploit du 10 décembre 2014, M. [Z] [X] et Mme [U] [V] ont fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence en responsabilité devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence.

Par jugement du 3 juin 2019, ce tribunal a :

‘ constaté que M. et Mme [X] ont subi une perte de chance de conclure la vente immobilière,

‘ condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à payer à M. et Mme [Z] [X] une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,

‘ condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à payer à M. et Mme [Z] [X] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence aux dépens.

Suivant déclaration du 3 septembre 2019, M. [Z] [X] et Mme [U] [V] ont relevé appel de cette décision, leur appel étant limité au montant de l’indemnisation qui leur a été accordée.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 21 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les appelants demandent à la cour de :

‘ confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence du 3 juin 2019 en ce qu’il a retenu la responsabilité du Crédit Agricole et l’existence de leur préjudice,

‘ dire que la clause « ASSURANCE INVALIDITE des emprunteurs de 65 à 85 ans » de l’offre de prêt : « Monsieur [X] [Z] a accepté de demander son adhésion à ce contrat et s’engage, en cas d’acceptation de sa part de la proposition émise par l’assureur à régler, en sus des échéances du prêt, les primes qui lui seront réclamées par le prêteur, au taux fixé par l’assureur » est contraire aux dispositions d’ordre public du code de la consommation imposant la détermination du coût de l’assurance et du TEG dès l’établissement de l’offre de prêt et ne saurait couvrir la faute du Crédit Agricole,

‘ dire que leur demande aux fins de voir réputer non écrite une clause abusive sur l’assurance invalidité litigieuse tend aux mêmes fins qu’en première instance et n’est pas soumise à la prescription quinquennale,

‘ juger recevable et bien fondée leur demande tendant à voir réputer non écrite la clause «ASSURANCE INVALIDITE des emprunteurs de 65 à 85 ans » de l’offre de prêt qui dispose que : « Monsieur [X] [Z] a accepté de demander son adhésion à ce contrat et s’engage, en cas d’acceptation de sa part de la proposition émise par l’assureur à régler, en sus des échéances du prêt, les primes qui lui seront réclamées par le prêteur, au taux fixé par l’assureur», comme étant une clause abusive créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à leur détriment,

‘ ordonner le caractère non écrit de la clause « ASSURANCE INVALIDITE des emprunteurs de 65 à 85 ans » de l’offre de prêt qui dispose que : « Monsieur [X] [Z] a accepté de demander son adhésion à ce contrat et s’engage, en cas d’acceptation de sa part de la proposition émise par l’assureur à régler, en sus des échéances du prêt, les primes qui lui seront réclamées par le prêteur, au taux fixé par l’assureur », comme étant une clause abusive,

‘ dire que le Crédit Agricole a commis des fautes génératrices d’un préjudice dont il conviendra de les indemniser en infirmant de ce chef la décision dont appel,

‘ dire que l’attitude du Crédit Agricole a eu pour conséquence l’impossibilité le bien projeté et les a privés de toute autre possibilité d’acquisition,

‘ dire qu’ils sont fondés à solliciter la réparation intégrale de leur préjudice,

en conséquence,

‘ réformer le jugement du 3 juin 2019 en ce qu’il a limité le montant de leur préjudice à la somme forfaitaire de 15.000 euros,

statuant à nouveau sur le chef de jugement critiqué « condamne le Crédit Agricole à payer à M. et Mme [X] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts » :

‘ dire que le préjudice doit être évalué en fonction du principe de réparation intégrale,

‘ condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à leur payer les sommes suivantes :

‘ 16.667,56 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du dépôt de garantie perdu et des frais de la procédure judiciaire avec le vendeur,

‘ 124.780 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel,

‘ 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par les fautes du Crédit Agricole,

‘ 120.000 euros de dommages et intérêts correspondant à la perte d’investissement si le prêt avait été débloqué,

en tout état de cause,

‘ débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence de toutes les demandes, fins et prétentions,

‘ condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence au paiement de la somme de 8.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et confirmer le montant de première instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par ses dernières conclusions notifiées et déposées le 14 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence demande à la cour de :

‘ infirmer le jugement du 3 juin 2019 rendu par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

à titre principal :

‘ dire qu’elle a été parfaitement diligente dans l’octroi du prêt,

‘ dire qu’elle n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité pour manquement à ses obligations de diligence, d’information, de conseil ou de mise en garde,

‘ déclarer irrecevable comme constituant une prétention nouvelle la demande tendant à voir déclarer nulle la clause « Assurance décès invalidité des emprunteurs de 65 à 85 ans » de l’offre de prêt,

‘ déclarer irrecevable comme prescrite la demande tendant à voir déclarer nulle la clause «Assurance décès invalidité des emprunteurs de 65 à 85 ans » de l’offre de prêt,

‘ dire qu’en tout état de cause, la clause « Assurance décès invalidité des emprunteurs de 65 à 85 ans » de l’offre de prêt ne revêt pas de caractère abusif,

en conséquence,

‘ débouter les consorts [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire :

‘ dire qu’il n’existe pas de lien de causalité entre les prétendues fautes commises par elle et les demandes indemnitaires formulées par les consorts [X] en l’état des fautes commises par ces derniers (non-respect des caractéristiques de la condition suspensive du compromis de vente, absence de demande de financement auprès d’autres établissements bancaires),

‘ dire que les consorts [X] ne rapportent pas la preuve d’un préjudice,

en conséquence,

‘ débouter les consorts [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire :

‘ dire qu’aucune perte de chance d’acquérir le bien immobilier n’est caractérisée en l’état du maintien du financement par elle avec proposition de souscription d’une autre assurance,

‘ dire que les préjudices prétendument subis ne sont pas justifiés,

en conséquence,

‘ débouter les consorts [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause :

‘ rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions des consorts [X],

‘ condamner les consorts [X] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner les consorts [X] aux entiers dépens, distraits au profit de Me Gilles Mathieu sur son affirmation d’y avoir pourvu.

MOTIFS

Sur la clause « Assurance décès invalidité des emprunteurs de 65 à 85 ans » :

Les appelants font valoir que la clause, que leur oppose la banque, intitulée « ASSURANCE DECES INVALIDITE des emprunteurs de 65 à 85 ans », aux termes de laquelle il est notamment indiqué que « Monsieur [X] [Z] a accepté de demander son adhésion à ce contrat et s’engage, en cas d’acceptation de sa part de la proposition émise par l’Assureur à régler, en sus des échéances du prêt, les primes qui lui seront réclamées par le Prêteur, au taux fixé par l’Assureur », constitue une clause abusive, et comme telle doit être réputée non écrite.

Ils exposent que cet article est contraire aux dispositions d’ordre public du code de la consommation et doit être considéré comme créant à leur détriment, consommateurs, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, qu’en effet, cette clause expose les emprunteurs, postérieurement à la signature de l’offre de prêt dont le taux effectif global est chiffré, à supporter le coût inconnu d’une garantie imposée par la banque quel que soit son montant alors que le coût d’une garantie imposée par le professionnel doit obligatoirement être inclus dans l’évaluation du taux effectif global lors de la signature de l’offre.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence réplique que cette demande est une prétention nouvelle en cause d’appel qui doit être déclarée irrecevable conformément à l’article 564 du code de procédure civile, qu’au surplus, cette demande est prescrite, s’agissant d’une action en nullité relevant de la prescription quinquennale, qu’en effet, l’acceptation de l’offre datant du 12 mars 2014, les époux [X]-[V] ne pouvaient agir que jusqu’au 12 mars 2019, conformément à l’article 2224 du code civil.

Elle ajoute que cette clause ne revêt pas de caractère abusif, lequel est défini par l’article L.132-1, devenu L.212-1, du code de la consommation, que ne sont pas définies comme abusives les clauses prévoyant la souscription à un contrat d’assurance collective facultatif destiné à couvrir ses emprunteurs d’un certain âge contre le risque décès, qu’en tout état de cause, même si le contrat d’assurance collective était obligatoire, seul le risque décès est concerné, que, dans ces conditions, la clause litigieuse n’a pas eu pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des appelants.

Sur ce, la demande qui tend à voir réputer non écrite une clause du contrat liant les parties ne saurait être déclarée irrecevable comme nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile, dès lors que le caractère prétendument abusif de cette clause contractuelle constitue un moyen, en réponse à l’argumentation de l’intimée, destiné à justifier en appel l’action soumise au premier juge.

Par ailleurs, ladite demande tendant à voir une clause abusive réputée non écrite ne s’analyse pas, contrairement à ce que soutient la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, en une demande de nullité, et n’est pas soumise à la prescription.

Ceci étant, aux termes de l’article L.212-1 du code de la consommation invoqué, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Or, de la clause litigieuse telle que précédemment rappelée, laquelle prévoit notamment la possibilité pour l’emprunteur de ne pas accepter la proposition de l’assureur sollicité, ne résulte pas le déséquilibre significatif dont se prévalent M. [Z] [X] et Mme [U] [V].

Son caractère abusif n’étant pas établi, ladite clause n’a pas lieu d’être réputée non écrite, et les appelants sont déboutés de leur demande à ce titre.

Sur la faute de la banque :

L’intimée, qui forme de ce chef appel incident, soutient qu’elle n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard des emprunteurs.

Exposant qu’elle n’avait pas connaissance de cette décision de la CNP et ne pouvait annoncer un coût, en lieu et place de cette dernière, s’agissant d’une assurance de type « senior » répondant à des critères spécifiques et individuels, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence fait grief au tribunal d’avoir considéré qu’elle avait manqué à son obligation de diligence et d’information au motif que, informée de la proposition de la CNP le 13 février 2014, soit avant l’édition de son offre de prêt, elle aurait dû indiquer une fourchette du coût de l’assurance.

Elle fait valoir qu’elle a parfaitement informé les époux [X]-[V] des conditions de l’assurance emprunteur, que ceux-ci ont accepté l’offre de prêt, que M. [Z] [X] a adhéré au contrat d’assurance groupe décès, qu’il n’y a eu, contrairement à ce qu’ils prétendent, aucune modification unilatérale de l’offre de prêt, et qu’elle a apporté un soin particulier à l’analyse de leur situation financière.

Les appelants répliquent que la banque a commis une succession de fautes qui, non seulement les ont empêchés d’acheter le bien convoité, mais surtout les ont privés de la capacité d’en acquérir un autre.

Ils font ainsi valoir que, sans recueillir leur consentement, l’intimée a procédé à une modification des conditions de l’offre de prêt, en contradiction avec les articles L.312-8 4° et L.312-9 du code de la consommation.

Par ailleurs, ils soutiennent, notamment, que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, à laquelle il incombait, au visa des articles L.312-1 et suivants du même code, de s’informer préalablement du taux de l’assurance invalidité pour déterminer le taux effectif global dans l’offre de prêt du 28 février 2014, a manqué à ses obligations d’information et de discernement, ainsi qu’à son devoir de diligence à leur égard, qu’il appartenait à l’organisme bancaire de réaliser des investigations et vérifications afin de remplir son obligation de vigilance quant à la santé financière et les possibilités de remboursement des emprunteurs, que, alors qu’ils passaient de 37 % à 51,55 % d’endettement, et que la banque disposait des éléments depuis février 2014, ils n’en ont jamais été informés avant le 31 mars 2014, que, par son attitude, l’intimée a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité.

Sur ce, le reproche formulé par les appelants, selon lequel la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence aurait procédé à une modification unilatérale des termes de l’offre de prêt soumise aux emprunteurs, ne saurait être retenu.

En effet, il apparaît tout d’abord que leurs affirmations, aux termes desquelles c’est parce que l’assurance présentée sur le simulateur leur avait convenue qu’ils avaient accepté l’offre de prêt préalable qui y correspondait, sont dénuées de fondement quand il résulte des pièces versées aux débats que le document établi le 14 janvier 2014, précisant qu’il «’est un devis et/ou une simulation réalisé(e) à l’initiative du consommateur’» et « n’est en aucun cas une offre de crédit et ne saurait avoir une valeur contractuelle’», prévoyait une assurance à 100 % sur la seule Mme [U] [V], âgée de 38 ans, pour un coût mensuel estimé de, après remise, 31,50 euros, alors que la demande de financement signée des emprunteurs le 20 février 2014, sur la base de laquelle a été émise l’offre litigieuse le 26 février 2014, envisageait une assurance à ce même taux de 100 % sur la seule personne de M. [Z] [X], âgé de 65 ans, auprès de la CNP, sans indication du taux de cotisation.

Les appelants ne peuvent par ailleurs soutenir que l’article L.312-9 du code de la consommation en son 2° n’a pas été respecté, en exposant que le prêteur ne pouvait les astreindre à la souscription d’une assurance pour des montants sur lesquels ils n’avaient pas donné leur acceptation, dès lors que l’offre prévoyait expressément que la proposition émise par l’assureur était soumise à l’acceptation de M. [Z] [X], lequel a d’ailleurs refusé le 10 avril 2014 la proposition de la CNP Assurances qui lui a été communiquée le 8 avril 2014.

Quant à l’obligation d’information, l’argumentation des époux [X]-[V] relative à la connaissance qu’avait, avant même l’émission de son offre du 26 février 2014, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence du montant de la cotisation d’assurance ne repose sur aucun autre élément qu’un courriel du 10 avril 2014 émanant de CNP Assurances.

Aux termes de celui-ci, cette dernière, en réponse à un courriel du même jour de Mme [U] [V], lui indiquait qu’il n’y avait pas eu de dysfonctionnement au niveau du traitement de la demande d’adhésion de M. [Z] [X] dans ses services, qu’elle avait réceptionné un premier questionnaire de santé fin janvier pour un prêt de 210.000 euros, qu’une décision avait été rendue le 13 février suite à la réception de ses pièces médicales le 10 février, qu’ensuite, il y avait eu un nouveau montage des prêts avec une ligne à 190.070 euros et une à 19.930 euros, que M. [X] avait donc signé un nouveau questionnaire de santé le 3 avril 2014, que, alertée par le Crédit Agricole et par vous-même, elle avait priorisé le traitement du dossier, que la décision avait été rendue en urgence en 24 heures, soit le 4 avril 2014.

Or, de cet élément, il ne résulte pas suffisamment que la banque disposait de données chiffrées quant à la proposition de l’assureur dont n’auraient pas eu connaissance les appelants.

Et, en ce qui concerne l’offre du 26 février 2014, que les époux [X]-[V] ont acceptée le 12 mars 2014, l’épouse sans assurance groupe décès invalidité, le mari en sollicitant son adhésion au «’contrat d’assurance des emprunteurs âgés de 65 à 85 ans’», elle comporte en annexe les conditions générales de ladite assurance valant notice que les emprunteurs ont l’un et l’autre paraphée.

Cependant, s’agissant du non-respect imputé au prêteur des dispositions de l’article L.313-1 du code de la consommation imposant l’indication dans l’offre préalable du taux effectif global du prêt qui doit intégrer les frais, commissions, rémunérations de toute nature, liés directement ou indirectement à l’octroi du prêt, il est constant que le taux figurant dans l’acte litigieux est calculé hors assurance.

Et la banque, qui a subordonné, comme en atteste son attestation du 1er avril 2014 relative à l’absence de déblocage des fonds à défaut de retour de la CNP, l’octroi des crédits à la souscription par M. [Z] [X] d’une assurance décès, ne peut se prévaloir de l’alinéa 2 du texte précité, dans la mesure où il lui incombait de s’informer du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global, alors en outre que, ainsi qu’elle l’indique elle-même, il s’agissait en l’espèce d’un cas particulier au regard de l’âge du souscripteur.

Par ailleurs, l’intimée, qui ne justifie pas avoir pris en considération cette assurance dite «’senior’», qu’en sa qualité de professionnelle elle savait être de nature à majorer dans d’importantes proportions le coût du crédit, pour l’évaluation du taux, et donc du risque, d’endettement des emprunteurs au regard de leurs capacités financières, a également de ce chef manqué à ses obligations précontractuelles d’information, les mensualités du prêt à rembourser indiquées pour 1.305,29 euros et 136,87 euros, soit un total de 1.442,16 euros, dans l’offre, représentant en effet en réalité, avec le coût de l’assurance fixé à 329,45 et 34,55 euros, une charge mensuelle de 1.806,16 euros.

L’absence de cette donnée, qui aurait dû figurer, au moins de manière estimative, dans l’offre de prêt du 26 février 2014, mais n’a été fournie aux emprunteurs que tardivement puisque postérieurement même à la date initialement prévue pour la signature de l’acte de vente, constitue une faute imputable à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence.

Sur le préjudice :

Les époux [X]-[V] font grief au premier juge d’avoir limité leur indemnisation à la somme de 15.000 euros, alors qu’ils sont en droit de prétendre à la réparation de leur entier préjudice, dès lors que la non-acquisition définitive de l’avantage, à savoir l’acquisition du bien immobilier dans les conditions d’emprunt fixées par l’offre de prêt signée par les parties, est établi.

Ils soutiennent notamment que, outre qu’ils n’ont pas pu acheter un bien immobilier sur lequel une promesse de vente avait déjà été signée, et ont perdu le dépôt de garantie dans le cadre d’une instance qui a duré deux ans, ils ne peuvent désormais emprunter, et perdent beaucoup d’argent en loyers immobiliers et en frais de justice.

L’intimée réplique qu’il n’existe pas de lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et le préjudice prétendument subi, les appelants n’ayant pas respecté les modalités de la condition suspensive stipulée dans le compromis de vente du 19 décembre 2013, dont la non réalisation leur est dès lors imputable, ainsi que l’a relevé le tribunal de grande instance d’Avignon qui a jugé que le dépôt de garantie devait rester acquis au vendeur.

Elle ajoute notamment que les potentiels acquéreurs n’ont pas pris le soin de déposer de demandes de financement auprès d’autres établissements bancaires, manquant ainsi à la prudence la plus élémentaire, qu’ils n’ont en tout état de cause subi aucune perte de chance de conclure la vente puisqu’elle a maintenu sa proposition de financement, qu’au surplus, le taux d’assurance proposé par CNP Assurances étant un taux de marché, il est certain qu’ils n’auraient pas pu trouver une assurance senior à un taux plus avantageux, que leurs demandes indemnitaires sont pour le moins hasardeuses au regard de leurs agissements envers le vendeur du bien au cours du mois de mars 2014, dont on peut conclure que le montant de l’assurance n’a pas eu d’impact sur leur décision.

Sur ce, étant toutefois observé que l’allusion de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence au taux du marché en ce qui concerne l’assurance «’senior’» conforte le fait qu’elle était en mesure d’en apprécier le montant à inclure dans son offre, il apparaît que les préjudices invoqués par les époux [X]-[V] sont sans lien avec la faute commise.

En effet, le fait que les appelants, qui vont notamment jusqu’à solliciter le remboursement de leur taxe d’habitation sur sept ans, n’aient pu par la suite acquérir un bien immobilier, et aient dû payer un loyer, est sans rapport avec les manquements de la banque, l’origine en étant leur situation financière préexistante, qui les a, selon leurs propres explications, conduits à renoncer au crédit sollicité, au regard de son coût trop élevé.

Le préjudice résultant de la privation du dépôt de garantie et des frais induits par la procédure engagée par la venderesse à leur encontre n’est pas davantage imputable à l’intimée quand il apparaît, ainsi que cela ressort d’ailleurs de la décision du 15 septembre 2016, désormais définitive, du tribunal de grande instance d’Avignon qui a considéré que la somme de 9.500 euros devait rester acquise à Mme [S] [Y], que la défaillance de la condition suspensive prévue à l’acte du 19 décembre 2013 est le fait des seuls époux [X]-[V].

A cet égard, outre que le montant du crédit et le taux d’intérêts, tels que figurant dans la demande de prêt formulée par ces derniers et l’offre qu’ils ont acceptée, ne respectent pas les termes de ladite condition suspensive, il est relevé que le taux alors fixé était envisagé «’hors assurance’».

Or, les appelants, fussent-ils non avertis, ne peuvent soutenir avoir méconnu le fait que l’existence d’une assurance entraîne nécessairement un surcoût du crédit, et que, dans l’appréciation du risque garanti, est pris en considération l’âge de l’emprunteur.

Ainsi, Mme [U] [V] et M. [Z] [X], qui ne pouvaient ignorer l’âge de ce dernier et son incidence sur le taux de l’emprunt sollicité, même s’ils n’en connaissaient pas alors l’étendue exacte, ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, laquelle a d’ailleurs maintenu son offre de prêt dans l’hypothèse où ils trouveraient une assurance moins onéreuse, dans la perte des fonds consignés et les frais de procédure engendrés par leur opposition à la revendication, jugée justifiée, de la venderesse.

Le jugement est, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [Z] [X] et Mme [U] [V] de l’ensemble de leurs demandes,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne les époux [X]-[V] aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x