Déséquilibre significatif : 2 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01902
Déséquilibre significatif : 2 mai 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01902
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2 mai 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/01902

ARRET N°200

N° RG 22/01902 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GTEJ

SA AXA FRANCE IARD

C/

S.A.R.L. SARL DORINET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 02 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01902 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GTEJ

Décision déférée à la Cour : jugement du 01 juillet 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE.

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 2]

[Localité 3]

ayant pour avocats postulants Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et Me Jérôme GARDACH de la SELARL GARDACH ET ASSOCIES, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT, et pour avocat plaidant Me Emilie BUTTIER de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE :

S.A.R.L. DORINET

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Ludovic PAIRAUD de la SELARL PAIRAUD AVOCAT, avocat au barreau de DEUX-SEVRES, et pour avocat plaidant Me Antoine VEY de la SELAS VEY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

substitué par Me Xavier BOUILLOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

– Contradictoire

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

La SARL Dorinet exploite à [Localité 4] un restaurant à l’enseigne ‘L’Équinoxe’.

Elle avait souscrit en juillet 2018 auprès de la société AXA France Iard un contrat d’assurance multirisque professionnelle.

Faisant valoir que son activité avait été gravement affectée par les mesures décidées par les autorités publiques en raison de la pandémie de covid 19 au premier semestre 2020 puis fin 2020/début 2021, elle a sollicité la mobilisation de la garantie ‘pertes d’exploitation’ de la police auprès de son assureur, qui lui a opposé un refus de garantie.

Après vaines discussions, elle a fait assigner la société AXA France Iard, par acte du 17 février 2022, devant le tribunal de commerce de La Rochelle afin :

-de voir juger que la garantie ‘perte d’exploitation suite à fermeture administrative’lui était acquise pour les périodes

.du 15 mars au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée pendant le 1er confinement

.du 1er novembre 2020 au 9 juin 2021 au titre de celle ordonnée dans le cadre des deuxième et troisième vagues épidémiques

-de voir juger que la garantie ‘perte d’exploitation suite à l’arrêté de péril’ lui était acquise

-de voir juger que la compagnie avait manqué à ses obligations d’information et de conseil

Par conséquent :

¿ à titre principal : d’entendre condamner AXA à l’indemniser à hauteur de 692.824 euros de sa perte de marge brute subie lors de ces périodes

¿ à titre subsidiaire : d’entendre condamner AXA à lui verser à titre de provision la somme à parfaire de 692.824 euros ou tout autre montant lui procurant une juste indemnisation dans l’attente de la fixation du montant définitif de l’indemnité

¿ en toute hypothèse : de condamner AXA France Iard

.à lui verser 20.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive

.aux dépens

.et à lui payer 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle affirmait que les conditions de mobilisation de la garantie étaient réunies, et que la clause d’exclusion que l’assureur lui opposait d’une part, ne lui était pas opposable car elle-même n’avait pas signé les conditions particulières ; et d’autre part, devait être réputée non écrite car elle était dépourvue de caractère formel et limité et que son application priverait d’effet l’obligation principale de l’assureur.

Elle soutenait que l’assureur aurait manqué à son devoir d’information et de conseil s’il s’avérait qu’elle ait souscrit un contrat avec une clause garantissant sa perte d’exploitation en cas de fermeture administrative en raison d’une épidémie mais qui ne joue pas en cas d’épidémie comme celle ayant conduit à la crise sanitaire de 2020/2021.

La compagnie AXA France Iard a conclu à titre principal au rejet des demandes adverses en soutenant :

-que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie était assortie d’une clause d’exclusion qui était rédigée en des termes très apparents, qui était formelle et limitée, qui ne vidait pas de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur et qui répondait au caractère limité requis par l’article L.113-1 du code des assurances

-qu’elle n’avait nullement manqué à son devoir d’information et de conseil.

-à titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait sa garantie mobilisable : que la preuve du montant des pertes d’exploitation correspondant à l’indemnité sollicitée n’était pas rapportée, que celle du principe et du montant de la perte de chance subie par l’assurée si un manquement au devoir d’information et de conseil était retenu ne l’était pas non plus.

À titre plus subsidiaire, elle a sollicité l’institution d’une expertise en soutenant que le technicien devrait tenir compte des facteurs externes, et le rejet de la demande de provision.

Par jugement du 1er juillet 2022, le tribunal de commerce de La Rochelle a :

* dit que les conditions de la garantie perte d’exploitation énoncées dans les conditions particulières de la police étaient remplies

* dit qu’AXA France Iard ne pouvait se prévaloir de la clause d’exclusion

* dit qu’AXA France Iard avait manqué à son obligation de conseil

* écarté la demande de la société Dorinet au titre de la perte d’exploitation suite à l’arrêté de péril

* dit recevables et partiellement fondées les demandes de la société Dorinet

* débouté la société AXA France Iard de ses demandes en principal

* condamné AXA à verser à la société Dorinet à titre de provision la somme de 288.016 euros au titre du premier et du second confinement, somme corrigée des aides et à parfaire

* écarté la demande d’AXA France Iard au titre des facteurs externes

* ordonné une expertise aux frais avancés d’AXA et aux soins de M.[T]

* débouté la société AXA France Iard de sa demande au titre de la résistance abusive

* condamné AXA France Iard aux dépens et à payer 3.000 euros à la demanderesse en application de l’article 700 du code de procédure civile

* constaté l’exécution provisoire du jugement.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu, en substance,

-que la garantie ‘perte d’exploitation suite à arrêté de péril’ n’était pas mobilisable en l’absence d’arrêté de péril

-que la garantie ‘perte d’exploitation suite à fermeture administrative’ était mobilisable, les conditions particulières la stipulant, les autorités administratives, en l’occurrence ministérielles, ayant bien ordonné la fermeture des restaurants pendant les deux confinements et ce en raison d’une maladie contagieuse ou d’une épidémie au sens du contrat

-que la clause d’exclusion invoquée par l’assureur n’était pas rédigée en caractères très apparents ; qu’elle n’était pas claire puisqu’elle recélait une contradiction évidente ; et que dans le sens que lui donnait l’assureur, elle vidait de sa substance l’obligation essentielle dès lors qu’il n’est pas plausible qu’une épidémie ait des effets limités à un unique établissement dans tout un département; qu’elle devait ainsi être réputée non écrite ; qu’AXA ne pouvait donc s’en prévaloir

-qu’AXA avait manqué à son devoir d’information puisque celui-ci lui prescrivait en vertu de l’article L.112-2 du code des assurances de fournir une fiche d’information sur les garanties avant la conclusion du contrat, alors qu’en l’occurrence, le contrat était à effet du 1er juillet 2018 et la fiche d’information préalable datée et signée du 11 juillet

-que l’indemnité devait couvrir la perte d’exploitation subie durant les deux confinements

-qu’une expertise serait utile pour réunir les éléments permettant de chiffrer l’indemnité

-qu’au vu des pièces comptables produites, des calculs de l’expert-comptable et des clauses de la police, notamment relatives à la franchise, le tribunal pouvait évaluer à une somme de 288.016 euros la part non sérieusement contestable de l’indemnité devant revenir à l’assuré.

La société AXA France Iard a relevé appel le 22 juillet 2022.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 4 janvier 2023par la société AXA France Iard

* le 4 janvier 2023 par la société Dorinet.

La société AXA France Iard demande à la cour de faire droit à son appel principal, de rejeter les demandes formées par la société Dorinet au titre de son appel incident ;

¿ à titre principal : d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que les conditions de la garantie perte d’exploitation énoncées dans les conditions particulières de la police étaient remplies ; en ce qu’il a dit qu’AXA France Iard ne pouvait se prévaloir de la clause d’exclusion ; en ce qu’il a dit qu’AXA avait manqué à son obligation de conseil ; en ce qu’il a dit recevables et partiellement fondées les demandes de la société Dorinet ; en ce qu’il a débouté AXA de ses demandes en principal et en ce qu’il l’a condamnée à verser 288.016 euros à la société Dorinet à titre de provision,

et statuant à nouveau :

-de juger que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est assortie d’une clause d’exclusion qui est applicable en l’espèce

-de juger que cette clause d’exclusion respecte le caractère formel exigé par l’article L.113-1 du code des assurances

-de juger qu’elle ne vide pas l’extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité requis par l’article L.113-1 et qu’elle ne prive pas l’obligation essentielle d’AXA de sa substance au sens de l’article 1170 du code civil

-de juger qu’AXA n’a pas manqué à son devoir d’information et de conseil

En conséquence :

-de juger applicable en l’espèce la clause d’exclusion dont est assortie l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie

-de débouter l’assurée de l’intégralité des demandes formées contre AXA et de la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l’exécution du jugement

-d’annuler la mesure d’expertise ordonnée par les juges consulaires

En revanche : de confirmer le jugement

-en ce qu’il a débouté la demanderesse de sa prétention fondée sur la garantie ‘perte d’exploitation suite à arrêté de péril’

-en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

¿ à titre subsidiaire, si la cour estimait la garantie d’AXA mobilisable en l’espèce : de réformer le jugement ce qu’il l’a condamnée à verser 288.016 euros à la société Dorinet à titre de provision, et

-de juger que la preuve du montant des pertes d’exploitation correspondant à l’indemnité n’est pas rapportée

-de débouter la société Dorinet de sa demande de condamnation

¿ à titre plus subsidiaire, d’ordonner une expertise avec une autre mission, qu’elle propose

¿ en tout état de cause :

-de débouter l’assurée de toutes ses demandes

-et de la condamner aux dépens de première instance et d’appel

-et à lui payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société AXA France Iard fait valoir que l’intimée a reconnu lors de la souscription du contrat d’assurance avoir pris connaissance des conditions de garantie et des exclusions.

Elle affirme que la clause d’exclusion opposée à l’assurée revêt bien un caractère formel au sens exigé par l’article L.113-1 du code des assurances, lequel s’apprécie par rapport à la clarté des termes et des critères d’application que la clause comprend et non par rapport aux clauses définissant l’objet de la garantie ni par rapport aux conditions de la garantie. Elle soutient que cette clause est parfaitement claire ; qu’elle ne nécessite aucune interprétation ; que l’assurée l’a comprise pour ce qu’elle dit, à savoir que la garantie n’est pas due en cas de fermeture de tout autre établissement dans le département pour une cause identique.

Elle ajoute que la compréhension de la clause s’appréciant nécessairement à la date de la souscription, il ne peut être soutenu que le restaurateur a pu se méprendre sur le sens du terme ‘épidémie’, alors qu’il n’y avait jamais eu d’épidémie de coronavirus et que l’épidémie en considération de laquelle un restaurateur pouvait souhaiter se garantir par une police d’assurance était une épidémie propre à son exploitation c’est’à-dire d’origine alimentaire.

Elle soutient que le mot ‘épidémie’ n’avait pas à être défini dans le contrat car ce terme, seulement employé au titre des conditions de garantie, n’affecte pas la validité de la clause d’exclusion, dont les critères d’application sont parfaitement indépendants des événements visés au titre des conditions de garantie dont fait partie l’épidémie, de sorte que l’assuré n’a pas besoin d’appréhender le terme d’épidémie pour comprendre ce qui est exclu. Elle ajoute que l’avenant qu’elle a proposé à ses clients ne change rien à ce constat.

Elle conteste que la clause d’exclusion ne respecte pas le caractère limité de l’article L.113-1 du code des assurances et qu’elle prive de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur, en soutenant exemples et consultation à l’appui que la réalité scientifique est en ce sens qu’une épidémie peut très bien n’affecter qu’un seul établissement ; qu’une épidémie n’implique pas nécessairement une grande étendue géographique ou un grand nombre de personnes infectées ni même une contagion d’un individu à l’autre ; qu’une épidémie peut parfaitement être à l’origine de la fermeture administrative d’un seul établissement ; et que le risque d’une telle fermeture individuelle est une réalité juridique et factuelle. Elle rappelle que le caractère limité d’une clause d’exclusion s’apprécie indépendamment du sinistre déclaré, et au regard des autres situations de sinistre susceptibles d’être garanties, et elle fait valoir qu’à cet égard, la plausibilité pour un restaurateur de subir une fermeture administrative pour une épidémie localisée à son établissement telle listériose ou légionellose est bien plus grande que celle d’une fermeture pour une épidémie du type du coronavirus. Elle soutient qu’il est tout à fait concevable qu’une fermeture administrative individuelle, couverte comme telle par sa garantie, résulte d’une épidémie généralisée, telle la découverte d’un ‘cluster’ dans le cadre du covid 19.

Elle indique que la Cour de cassation vient de juger dans quatre arrêts rendus le 1er décembre 2022 que la clause litigieuse n’avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Elle réfute tout déséquilibre significatif au détriment de l’assuré en affirmant que la fréquence de réalisation du risque, à savoir la fermeture individuelle d’un restaurant pour cause d’épidémie, est plus probable que celle du risque exclu par le contrat d’une fermeture collective d’établissements pour cause d’épidémie.

Elle affirme que la commune intention des parties est facile à déceler, et qu’elle était de couvrir les conséquences de la fermeture administrative isolée de l’établissement assuré et non pas de couvrir les conséquences d’une fermeture généralisée.

Elle soutient qu’une mesure de fermeture administrative généralisée constitue un préjudice anormal et spécial dont les conséquences ne peuvent incomber à l’assureur.

Elle affirme que la rédaction de la clause en lettres majuscules, en grand format et détachée des paragraphes précédents, répond au formalisme exigé par l’article L.112-4 du code des assurances.

Elle conteste avoir manqué à son obligation de conseil, en faisant valoir qu’elle produit les conditions particulières et la fiche d’information préalable toutes deux signées par l’assurée avant le sinistre, et elle soutient qu’un agent général n’a nulle obligation d’attirer l’attention de l’assuré lors de la souscription du contrat sur une clause claire prévoyant une exclusion de garantie. Elle ajoute que la chance perdue d’avoir souscrit une garantie plus favorable est en l’espèce inexistante car il n’existait pas de police qui aurait pu couvrir le sinistre.

Elle maintient que la garantie ‘pertes d’exploitation suite à arrêté de péril’ n’est pas mobilisable car ses conditions ne sont pas remplies, faisant valoir qu’il s’agit nécessairement d’un acte administratif adopté par le maire ou, à [Localité 5], par le préfet, tendant à la réparation ou à la démolition d’un immeuble, ce qui n’a rien à voir avec les circonstances de l’espèce, et elle soutient que la clarté de cette clause exclut la nécessité de l’interpréter.

Elle sollicite la confirmation du chef de décision qui a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, formée par la société Dorinet et non par elle-même contrairement à ce que les premiers juges ont écrit par voie d’erreur matérielle.

À titre subsidiaire, si la garantie était jugée mobilisable, elle conteste le calcul de l’indemnité opéré par les premiers juges, au vu d’éléments insuffisants pour appréhender la perte d’exploitation ; en ne tenant pas compte des résultats des exercices antérieurs ni des charges variables non supportées pendant la fermeture et des subventions et aides reçues ; en oubliant la franchise contractuelle de trois jours ; en appliquant un taux de marge qui n’est pas vérifié, et sur une période qui excède celle de trois mois maximum contractuellement stipulée ; et elle soutient que le covid ne constituant pas le risque garanti, doit être considéré comme un facteur externe au sens de la police.

La société Dorinet demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l’exception de celles faisant l’objet de son appel incident, aux fins de précision, de juger :

.que la date de la fin du second sinistre est le 30 juin 2021

.que le covid 19 ne peut être considéré comme un facteur externe dans le cadre du calcul de l’indemnité d’assurance

.que les aides perçues de l’État n’ont pas à être déduites de l’indemnité d’assurance

À titre incident, d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la garantie ‘arrêté de péril’ n’était pas applicable, de débouter AXA de l’ensemble de ses demandes

Par conséquent, statuant à nouveau :

.de juger que la garantie ‘perte d’exploitation suite à arrêté de péril’ est acquise à la société Dorinet pour les périodes suivantes :

.du 15 mars au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée pendant le 1er confinement

.du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de celle ordonnée dans le contexte des deuxième et troisième vagues épidémiques

Par conséquent, à titre principal : de condamner la société AXA France Iard à indemniser la société Dorinet sur le fondement de l’acquisition de la garantie ou sur celui de la perte de chance, de la perte de marge brute subie lors de ces périodes à hauteur de montants qui seront déterminés dans le cadre de l’expertise en cours.

En toute hypothèse : de condamner AXA

.à lui verser 20.000 euros au titre de la résistance abusive

.à lui payer 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

.aux entiers dépens de l’instance.

Elle soutient que les conditions d’acquisition de la garantie sont réunies en l’espèce, où l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 a prescrit la fermeture des commerces non indispensables à la vie de la nation, dont les restaurants, et où de nouvelles mesures réglementaires ont été mises en place à l’automne 2020 avec couvre-feu puis nouveau confinement, ce qui caractérise au sens du contrat une fermeture administrative de l’établissement, au moins partielle.

Elle maintient que la clause d’exclusion qui lui est opposée est nulle, en faisant valoir :

-qu’elle n’est pas mentionnée en caractères très apparents comme requis par l’article L.112-4 du code des assurances, étant certes rédigée en caractères majuscules mais différemment que les autres clauses d’exclusion figurant dans la police, qui sont mentionnées en caractères gras dans un encadré de couleur

-qu’elle ne respecte pas le caractère formel et limité requis par l’article L.113-1 dudit code, dans la mesure où elle ne définit

.ni le terme ‘épidémie’, que le sens commun désigne comme l’extension d’une maladie contagieuse à une population ou à un grand nombre d’individus mais que l’assureur prétend pourtant pouvoir n’affecter qu’un seul établissement, ce qui montre que le souscripteur ne sait pas ce dont il s’agit et, notamment, ne sait pas en quoi elle se distingue de la ‘maladie contagieuse’ aussi visée au contrat

.ni le terme ‘établissement’, qui peut désigner aussi bien un local commercial qu’un établissement scolaire ou de soins, de sorte que là aussi, le souscripteur ne sait pas par exemple s’il est couvert lorsque, dans le même département, une école fait l’objet d’une fermeture administrative pour suspicion de rougeole et une auberge pour suspicion de légionellose

-qu’elle conduit à vider la garantie de sa substance, car le principe même d’une épidémie est quoiqu’en dise AXA d’affecter une population et pas un établissement unique, et qu’il est hautement improbable qu’un seul établissement puisse être fermé pour cause d’épidémie, l’appelante n’ayant pu en donner un exemple, ceux qu’elle met en avant correspondant en réalité non à des épidémies mais à des intoxications ou à des maladies contagieuses.

Elle demande à la cour de ne pas appliquer la jurisprudence, selon elle irrationnelle et dangereuse pour les assurés, de la Cour de cassation dans ses quatre arrêts rendus le 1er décembre 2022 dans des affaires mettant en cause des restaurateurs et la compagnie AXA au titre de ce contrat.

Elle conteste que l’intention des parties lors de la souscription de la police ait été de couvrir les fermetures individuelles et non collectives, et observe que les risques individuels étaient déjà largement couverts par les termes ‘maladie contagieuse’ et ‘intoxication’.

Elle tient pour inopérante l’objection d’AXA que les assureurs n’ont pas vocation à couvrir des risques de l’ampleur de l’épidémie d’un coronavirus.

Elle affirme qu’AXA France Iard a manqué à son obligation d’information et de conseil, en n’attirant pas son attention dès la phase précontractuelle sur les limites de la garantie des pertes d’exploitation, faisant valoir que le tableau des garanties figurant aux conditions particulières n’indique pas les exclusions. Elle soutient que son préjudice est celui d’avoir été empêchée de constater l’étroitesse du champ de la garantie et de chercher à être mieux couverte.

Formant appel incident du rejet de cette prétention, elle reprend devant la cour sa demande de mobilisation de la garantie ‘perte d’exploitation suite à arrêté de péril’, en soutenant que cette notion n’est pas définie au contrat et qu’elle est donc en droit d’y voir toute décision administrative restreignant l’activité de l’assuré en raison d’une situation de péril, tel le covid 19.

Rappelant qu’une expertise est en cours, elle demande à la cour de dire

.que le covid 19 ne saurait être considéré comme un facteur externe, alors que c’est lui qui a engendré le dommage, et que les deux événements que constituent l’épidémie et la fermeture administrative ne peuvent être décorélés, la garantie n’étant pas activable si l’un ne survient pas

.que subventions et aides d’État n’ont pas à être déduites de l’indemnisation d’autant qu’elles n’entrent pas comptablement dans le chiffre d’affaires.

Elle soutient que la résistance d’AXA est désormais manifestement abusive, la contraignant à plaider après avoir successivement affirmé que son contrat était limpide et n’ouvrait droit à rien, puis cherché à imposer par avenant un nouveau contrat rédigé différemment, et finalement fait volte-face en proposant une indemnisation transactionnelle, mais pour un montant dérisoire.

L’ordonnance de clôture est en date du 5 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est constant entre les parties que le contrat d’assurance souscrit par la SARL Dorinet auprès de la compagnie AXA France Iard est constitué des conditions générales que celle-ci produit sous pièce n°1 et des conditions particulières datées et signées du 11 juillet 2018 qu’elle produit sous pièce n°2, dans lesquelles le souscripteur reconnaît avoir pris connaissance avant la conclusion du contrat des conditions générales.

* sur la mobilisation de la garantie ‘perte d’exploitation suite à fermeture administrative’

¿ le principe de la garantie

Les conditions particulières stipulent en page 6 une garantie spécifique ‘PERTE D’EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE’ selon laquelle :

‘La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies:

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même

2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.

Durée et limite de la garantie

La garantie intervient pendant la période d’indemnisation, c’est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l’établissement sont affectés par le sinistre, dans la limite de 3 mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l’indice.

L’assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés.’.

Il n’existe pas véritablement de discussion entre les parties sur le fait que les deux conditions de mise en oeuvre sont réunies en l’espèce et que le sinistre dont la garantie est demandée entre dans l’objet du contrat, l’établissement ‘L’Equinoxe’ exploité à [Localité 4] par l’assurée ayant fait l’objet d’une fermeture administrative, à tout le moins partielle, dans le cadre des mesures prises par les autorités en mars 2020 puis à l’automne 2020/2021 pour lutter contre la propagation du covid-19, qui interdisaient aux restaurants de recevoir du public.

¿ l’exclusion invoquée de cette garantie

La compagnie AXA France IARD oppose à son assurée l’exclusion stipulée à la suite de la stipulation de garantie :

‘SONT EXCLUES

-LES PERTES D’EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L’OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L’ETABLISSEMENT ASSURE, D’UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE’.

La société Dorinet demande que soit écartée l’application de cette clause d’exclusion de garantie aux motifs qu’elle n’apparaît pas en caractères très apparents ; qu’elle nécessite d’être interprétée, ce qui implique qu’elle n’est pas formelle et limitée ; et qu’elle vide de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur.

AXA France IARD soutient que cette clause d’exclusion est en caractères apparents ; formelle et limitée ; et qu’elle n’aboutit pas à vider de sa substance son obligation à garantie.

S’agissant en premier lieu de l’exigence posée à l’article L.112-4 du code des assurances que les clauses de la police édictant des exclusions soient mentionnées en caractères très apparents, la clause d’exclusion invoquée par AXA y satisfait, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges motif pris qu’elle n’est pas rédigée en caractères gras, dès lors que la clause est placée immédiatement à la suite du paragraphe énonçant la garantie, qu’elle s’en détache en débordant plus sur la droite de la page, et qu’elle est rédigée en gros caractères majuscules espacés, ces procédés typographiques attirant spécialement l’attention du souscripteur sur l’existence de cette clause, son objet et sa teneur, en la faisant nettement ressortir de l’ensemble des autres clauses.

S’agissant en second lieu du caractère formel et limité de la clause, l’article L.113-1, alinéa 1er, du code des assurances, dispose que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Il résulte de ce texte légal qu’une clause d’exclusion de garantie n’est pas formelle lorsqu’elle ne se réfère pas à des critères précis et qu’elle nécessite interprétation.

Elle doit, en effet, permettre à l’assuré de comprendre sans recherche ni analyse particulières ce qu’est la circonstance dont la survenance le prive d’une garantie qui était acquise par principe.

L’assurée soutient que la clause d’exclusion invoquée par l’assureur n’est pas formelle, car elle ne définit pas le terme ‘épidémie’, particulièrement pour le distinguer de la ‘maladie contagieuse’ aussi visée au contrat et pour permettre de savoir s’il s’agit ou non de la propagation d’une maladie à un grand nombre de personnes comme le conçoit le sens commun mais que le conteste l’assureur.

Cependant, la circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’étant pas l’épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement fait l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique à l’une de celles énumérées par la clause d’extension de garantie, l’ambiguïté -avérée- du terme ‘épidémie’ est dépourvue d’incidence sur la compréhension, par l’assuré, des cas dans lesquels la clause d’exclusion s’applique.

L’intimée soutient aussi que la clause n’est pas formelle parce qu’elle ne définit pas le terme ‘établissement’, ce qui ne permet pas selon elle de savoir quand une autre fermeture administrative dans le même département caractérise la situation donnant lieu à l’exclusion.

Il s’agit là toutefois d’un critère d’application de la clause qui est clair et qui ne suscite pas d’incertitude du fait de la précision qu’est ainsi visé un autre établissement situé sur le même territoire départemental ‘quelle que soit sa nature et son activité’.

Les propositions d’avenant émises par la compagnie AXA après la crise sanitaire ne remettent pas en cause ce constat de clarté de la clause litigieuse, et le moyen qu’en tire l’intimée est à cet égard inopérant.

S’agissant en troisième lieu du caractère limité de la clause d’exclusion, il suppose qu’elle n’ait pas pour effet de vider de sa substance la garantie souscrite par l’assuré, en ne laissant subsister, après son application, qu’une garantie dérisoire.

Tel n’est pas le cas de la clause invoquée par la société AXA France Iard, dès lors que la garantie souscrite couvre le risque de pertes d’exploitation consécutif à une fermeture administrative ordonnée à la suite d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication, de sorte que l’exclusion considérée laisse dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d’autres circonstances que celles prévues par la clause d’exclusion, et qu’en cela, elle n’a pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Le jugement entrepris sera ainsi réformé en ce qu’il a dit que la clause d’exclusion invoquée par l’assureur devait être réputée non écrite.

La SARL Dorinet demande la mobilisation de la garantie perte d’exploitation en raison du préjudice que lui ont causé les mesures de fermeture prononcées en vertu des arrêtés ministériels des 13 et 14 mars 2020, du décret du 16 mars, du décret du 14 avril 2020, du décret du 11 mai 2020 ainsi que du décret du 29 octobre 2020.

Il est constant que ces mesures ont entraîné la fermeture de plus d’un établissement, et notamment de plus d’un restaurant, dans le département de la Charente-Maritime où l’intimée exploite son établissement.

La société Dorinet sera ainsi déboutée de sa prétention à voir mobiliser à son profit la garantie ‘perte d’exploitation suite à fermeture administrative’ du contrat la liant à AXA France Iard.

Le jugement sera ainsi infirmé en ses chefs de décision accueillant cette prétention, y compris pour prononcer condamnation à une provision et pour ordonner une expertise.

* sur le moyen tiré d’un manquement de l’assureur au devoir d’information et de conseil

La compagnie AXA France Iard produit sous pièce n°25 un document intitulé ‘information préalable à la proposition de votre contrat d’assurance Multirisque Professionnelle PME’ établi en application des articles L.112-3 et L.113-2 du code des assurances relatifs à la déclaration du risque que l’intimée a signé, qui est en date du 11 juillet 2018, et qui consigne sur deux pages les questions sur lesquelles elle a été interrogée par l’agent d’assurance avant la souscription.

Ce document d’une part, précise les caractéristiques de son activité et des locaux dans lesquels elle l’exerçait, et d’autre part recense ses besoins, attentes et souhaits quant aux risques pour lesquels elle souhaitait être garantie.

L’intimée y certifie qu’au cours de ses échanges avec l’agent général, elle a exposé sa situation personnelle et communiqué les éléments nécessaires à l’établissement d’une proposition d’assurance en cohérence avec ses besoins et exigences, et que lui avaient été remis avant la souscription du contrat un document d’information sur le produit d’assurance, le questionnaire de déclaration de risque, l’information sur le tarif et les conditions générales.

En liminaire des conditions particulières où elle a apposé sa signature sous la date du 11 juillet 2018, l’assurée a déclaré reconnaître ‘avoir bien pris connaissance avant la souscription des conditions de garantie et des exclusions via la remise des Conditions générales du présent contrat’, ces conditions générales lui ayant été ‘remises conformément à votre choix soit au format papier soit sur un support électronique par envoi à votre adresse e.mail’ (pièce n°2 d’Axa, p 1).

Il résulte de ces éléments que l’information et le conseil n’ont pas été dispensés par l’assureur après la souscription du contrat, mais bien préalablement comme requis, la circonstance que le contrat ensuite conclu ait pris effet au 1er juillet 2018 résultant d’une demande expresse en ce sens du souscripteur et cet effet rétroactif, licite, ne retirant rien au caractère préalable de l’information donnée.

Le contrat proposé et souscrit couvre l’assuré contre une perte d’exploitation consécutive à la fermeture totale ou partielle liée à une décision administrative, ce qui suffit à établir que la compagnie AXA a rempli son devoir de conseil pour ce qui est de la protection contre le risque réalisé, et à retenir qu’elle n’a pas engagé sa responsabilité pour manquement à ce titre.

La société Dorinet ne saurait utilement soutenir, pour le reste, qu’AXA France Iard aurait manqué à ses obligations en ne lui proposant pas une garantie couvrant spécifiquement les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie de coronavirus qui, faute de précédent depuis quasiment un siècle en Europe, constituait un risque trop hypothétique pour qu’il ait été fautif de ne pas l’avoir envisagé, que ce fût d’ailleurs pour le couvrir ou pour l’exclure expressément.

Il sera ajouté que l’intimée ne rapporte au surplus pas la preuve du préjudice qu’elle allègue, faute de justifier d’aucun élément voire seulement même indice propre à établir qu’elle aurait été intéressée par une telle assurance si celle-ci lui avait été proposée et qu’elle aurait ainsi perdu une chance de la souscrire, alors que c’est rétrospectivement qu’elle fait état de l’intérêt de se garantir contre un tel risque, qui n’était pas, ou très marginalement, couvert par les polices en vigueur, et auquel rien ne persuade qu’elle aurait été sensible.

* sur la mobilisation de la garantie ‘perte d’exploitation suite à arrêté de péril’

La société Dorinet demande à la cour, par voie d’appel incident, de juger que la garantie ‘perte d’exploitation suite à arrêté de péril’ lui est acquise pour la période du 15 mars au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée pendant le premier confinement et du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de celle afférente au second confinement.

La clause est ainsi libellée :

‘PERTE D’EXPLOITATION SUITE A ARRÊTÉ DE PÉRIL

La garantie PERTE D’EXPLOITATION est étendue en cas d’interruption temporaire de votre activité professionnelle, résultant directement d’un arrêté de péril entraînant la fermeture provisoire de votre établissement (6 mois maximum) sous réserve que cet arrêté ne concerne pas un défaut d’entretien des locaux assurés par le présent contrat.

Cette garantie est accordée sans qu’il soit fait application de la franchise spécifique perte d’exploitation’.

L’arrêté de péril est un acte du maire tendant à la réparation ou à la démolition d’un immeuble qui menace de s’effondrer.

Il s’agit là d’une notion connue même des non juristes, qui n’est pas susceptible de plusieurs significations et porte nécessairement sur la situation d’un local en mauvais état, ainsi qu’il est notoire et que le montre en tant que de besoin la partie de la clause qui refuse le bénéfice de la garantie à l’exploitant dont les locaux feraient l’objet d’un arrêté de péril en raison de leur défaut d’entretien.

Comme tel, l’arrêté de péril n’avait pas à être spécialement défini dans le contrat, contrairement à ce que soutient l’assurée.

La clause est claire, et ne nécessité aucune interprétation

Il est inopérant, pour l’assurée, de faire valoir que le régime juridique de l”arrêté de péril’ a été modifié par l’ordonnance n°2020-1144 du 16 septembre 2020 qui a supprimé ce terme dans le code de la construction et de l’habitation, d’autant que c’était après la date de souscription du contrat, à laquelle il convient de se placer.

Ni l’arrêté du 14 mars 2020, ni le décret du 29 octobre 2020, qui émanent du ministre des solidarités et de la santé, et édictent des mesures de lutte contre la propagation d’un virus, ne sont des arrêtés de péril.

Le préjudice dont l’intimée demande la prise en charge ne résulte en aucune façon d’une mesure administrative fondée sur l’état de son local, ni d’ailleurs d’aucun autre local.

La société Dorinet est ainsi mal fondée à prétendre que la garantie ‘perte d’exploitation suite à un arrêté de péril’ lui est acquise, et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette prétention.

* sur la demande d’AXA à fin de restitution des sommes payées au titre de l’exécution provisoire assortissant le jugement infirmé et en annulation de l’expertise ordonnée

Le jugement est infirmé en ses chefs de décision accueillant la demande de mobilisation de la garantie ‘perte d’exploitation suite à fermeture administrative’ du contrat, y compris en ceux qui prononcent condamnation à une provision et ordonnent une expertise.

Il n’y a donc pas lieu d”annuler’ l’expertise ordonnée, comme le demande AXA.

En ce qu’il infirme les condamnations mises en première instance à la charge de la société AXA France Iard, le présent arrêt constitue pour elle un titre exécutoire suffisant pour poursuivre le recouvrement des sommes versées en exécution du jugement, et il n’y a pas lieu de prononcer condamnation à cet égard.

* sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En première instance, la société Dorinet sollicitait la condamnation de la société AXA France Iard à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le tribunal a rejeté cette prétention dans ses motifs, et l’a fait dans le dispositif de sa décision en une formulation inversée qui traduit une erreur matérielle manifeste en énonçant qu’il ‘déboute la société AXA France Iard de sa demande au titre de la résistance abusive’.

L’intimée reprend par voie d’appel incident sa demande à même fin en cause d’appel, où elle sera pareillement rejetée, la compagnie AXA n’ayant commis aucune faute en lui opposant une exclusion stipulée au contrat, et l’ayant fait dans des formes et conditions exemptes de caractère fautif, étant rappelé que tout en lui indiquant ne pas couvrir le sinistre, elle lui a proposé sans reconnaissance de garantie une somme substantielle à titre d’accord transactionnel (cf pièce n°7 de l’intimée).

* sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société Dorinet succombe en toutes ses prétentions.

Elle supportera donc les dépens de première instance et d’appel.

L’équité justifie de ne pas mettre d’indemnité de procédure à sa charge.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

RECTIFIE l’erreur matérielle entachant en sa page 23 le jugement déféré, rendu le 1er juillet 2022 par le tribunal de commerce de La Rochelle, en ce qu’il énonce dans le dispositif ‘Déboute la société AXA France Iard de sa demande au titre de la résistance abusive’ alors qu’il convient de lire ‘Déboute la SARL Dorinet de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société AXA France IARD au titre de la résistance abusive’

CONFIRME le jugement déféré en ce chef de décision ainsi rectifié et en ce qu’il a écarté la demande de la société Dorinet au titre de la perte d’exploitation suite à l’arrêté de péril

L’INFIRME pour le surplus

statuant à nouveau :

DIT la société AXA France Iard fondée à opposer à son assuré la SARL Dorinet la clause d’exclusion stipulée au contrat du chef de la garantie ‘perte d’exploitation suite à fermeture administrative’

REJETTE les prétentions de la SARL Dorinet fondées sur la mobilisation de cette garantie

DÉBOUTE la SARL Dorinet de sa prétention à voir juger que la société AXA France Iard a manqué envers elle à son devoir d’information et de conseil

DÉBOUTE la SARL Dorinet de tous ses chefs de prétentions

ajoutant :

DIT n’y avoir lieu à ordonner la restitution des sommes versées en exécution du jugement infirmé

REJETTE toutes demandes autres ou contraires

CONDAMNE la SARL Dorinet aux dépens de première instance et d’appel

REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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