Déséquilibre significatif : 2 mai 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/02496
Déséquilibre significatif : 2 mai 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/02496
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2 mai 2023
Cour d’appel d’Angers
RG n°
18/02496

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

CM/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/02496 – N° Portalis DBVP-V-B7C-ENNM

Jugement du 09 Octobre 2018

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 17/00605

ARRET DU 02 MAI 2023

APPELANT :

Monsieur [P] [B] [H] exerçant sous l’enseigne NJ Entreprise

né le 08 Avril 1962 à ALBERGARIA A VELHA – PORTUGAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie MOINE de la SELARL MOINE – DEMARET, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :

SAS VFS LOCATION FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71180533, et Me Ambroise DE PRADEL DE LAMAZE, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 30 Mai 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

M. BRISQUET, conseiller

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 02 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

Exposé sur litige

Suivant contrat de location financière en date du 29 août 2012, la SAS VFS Location France exerçant sous le nom commercial Volvo Financial Services (ci-après la bailleresse) a donné en location à M. [B] [H] (ci-après le locataire), artisan inscrit au répertoire des métiers pour ses activités de travaux publics, terrassement et de maçonnerie exercées sous l’enseigne N.J Entreprise, une pelle hydraulique de marque Volvo type EW140 n° de série 121144 fournie par la société Kleber Malecot, concessionnaire Volvo, au prix de 142 000 euros HT, ce pour une durée irrévocable de 60 mois à compter du 22 août 2012 et un loyer mensuel de 2 620 euros HT.

Le locataire n’ayant plus acquitté régulièrement les loyers à partir d’avril 2015, la bailleresse lui a notifié la résiliation du contrat de location le 1er octobre 2015 puis l’a fait assigner en référé le 5 novembre 2015 en vue notamment de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire au 1er octobre 2015 et d’obtenir la restitution du matériel loué sous astreinte, l’autorisation de l’appréhender et le paiement d’une provision de 84 807,92 euros à valoir sur les loyers impayés et indemnités contractuelles.

Le matériel ayant été récupéré par la bailleresse dans des conditions qui sont discutées, le juge des référés du tribunal de grande instance du Mans a, par ordonnance en date du 1er juin 2016, rejeté l’exception d’incompétence matérielle au profit du tribunal de commerce, constaté la résiliation du contrat de location financière au 1er octobre 2015 et condamné le locataire à payer à la bailleresse la somme provisionnelle de 70 607,92 euros, la somme de 1 200 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal et une indemnité de procédure de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par arrêt en date du 31 janvier 2017, la cour d’appel d’Angers a confirmé cette ordonnance sur le rejet de l’exception d’incompétence et sur les dépens et, l’infirmant pour le surplus, a dit n’y avoir lieu à constatation de la résiliation de plein droit du contrat faute de justificatif de l’envoi en recommandé de la lettre de résiliation, condamné le locataire à verser à la bailleresse à titre de provision la somme de 3 881,98 euros correspondant aux loyers exigibles impayés, débouté la bailleresse du surplus de ses demandes, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la bailleresse aux dépens d’appel recouvrés conformément à l’article 699 du même code.

Par lettre recommandée en date du 3 février 2017, avec avis de réception signé, la bailleresse a notifié la résiliation du contrat au locataire qui, de son côté, l’a mise en demeure le 6 février 2017 de lui restituer le matériel sous 48 heures sous peine de résiliation du contrat et de le dédommager de son préjudice et a réglé la somme de 3 881,98 euros en exécution de l’arrêt.

Par acte d’huissier en date du 10 février 2017, la bailleresse a fait assigner le locataire devant le tribunal de grande instance du Mans statuant au fond afin de faire constater la résiliation du contrat par l’effet de la clause résolutoire à effet du 1er octobre 2015 et d’obtenir le paiement de la somme de 77 723,96 euros en réglement des Ioyers échus et à échoir et de Ia clause pénale et d’une indemnité de 3 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Le locataire a conclu au rejet des demandes, à la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la bailleresse et au paiement des sommes de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 5 000 euros pour procédure abusive et, subsidiairement, au caractère abusif des clauses contractuelles l’obligeant à régler l’intégralité des loyers à échoir jusqu’au terme du contrat, outre une indemnité de résiliation, malgré la récupération anticipée du matériel, à la réduction à de plus justes proportions des sommes réclamées à titre de clauses pénales et à l’octroi de délais de paiement, avec imputation des règlements en priorité sur le capital.

Par jugement en date du 9 octobre 2018, le tribunal a condamné M. [B] [H] à payer à la société VFS Location France la somme de 63 363,96 euros, outre une indemnité contractuelle de 2 500 euros, débouté la société VFS Location France du surplus de ses demandes, débouté M. [B] [H] de ses demandes reconventionnelles, ordonné l’exécution provisoire et condamné M. [B] [H] aux dépens, ainsi qu’à payer une indemnité de 3 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration en date du 12 décembre 2018, le locataire a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions autres que le rejet du surplus des demandes de la bailleresse.

L’intimée a formé appel incident du rejet du surplus de ses demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2022.

Dans ses dernières « conclusions d’appel n°2 » en date du 5 septembre 2019, M. [B] [H] demande à la cour, infirmant le jugement entrepris, de :

Sur sa demande reconventionnelle, vu l’article 1174 (sic) devenu 1304-2 du code civil,

– le dire et juger recevable et bien fondé en son action et ses demandes

– prononcer la résiliation du contrat dont s’agit aux torts exclusifs de la société VFS Location France

– en conséquence, dire la société VFS Location France mal fondée en toutes ses demandes de condamnation et l’en débouter

– la condamner à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts

Sur les demandes de la société VFS Location France,

A titre principal, vu l’absence de bonne foi de la société VFS Location France, vu les articles 1225 alinéa 2 et 1104 du code civil, vu l’arrêt en date du 31 janvier 2017, le règlement de 3 881,98 euros fait le 6 février 2017 et la mise en demeure adressée par lui le 7 février 2017,

– dire et juger que les mises en demeure délivrées par la société VFS Location France sont privées d’efficacité

– dire et juger que cette mauvaise foi empêche la société VFS Location France de se prévaloir de la clause résolutoire et/ou de déchéance de terme

– dire et juger la société VFS Location France irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en son action et ses demandes

– en conséquence, l’en débouter purement et simplement

A titre subsidiaire, vu les articles L. 132-1 du code de la consommation, L. 442-6-I-2º du code de commerce, 1170 et 1171 du code civil,

– déclarer abusives les clauses dont la société VFS Location France sollicite l’application

– dire et juger qu’elles créent un déséquilibre significatif

– en conséquence, les dire et les juger nulles et non avenues

– débouter purement et simplement la société VFS Location France de toutes ses demandes

A titre plus subsidiaire, vu les articles 1236 (sic) et 1152 anciens, 1231-5 du code civil,

– réduire à néant les clauses pénales

– dire et juger la société VFS Location France irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes en application desdites clauses

A titre encore plus subsidiaire, vu l’article 1244-1 du code civil,

– échelonner le paiement des sommes dues

– dire que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital

En toute hypothèse,

– condamner la société VFS Location France à lui verser une indemnité de procédure de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel en application de l’article 699 du même code.

Dans ses dernières « conclusions d’intimé » en date du 7 juin 2019, la société VFS Location France demande à la cour :

Vu l’article 1134 du code civil,

– débouter M. [B] [H] des fins de son appel et de l’ensemble de ses demandes

– confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la condamnation de M. [B] [H] à lui payer la somme de 63 363,96 euros

– l’infirmer en ce qui concerne la réduction de la clause pénale à la somme de 2 500 euros

– par conséquent, condamner M. [B] [H] à lui payer la somme de 77 723,96 euros en règlement des loyers impayés et indemnités forfaitaires contractuellement dues

– le condamner à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du même code.

Sur ce,

L’article 10 – Résiliation des conditions générales du contrat de location versé aux débats, dont les termes ne sont pas reproduits fidèlement par la bailleresse dans ses conclusions, est ainsi rédigé :

‘10.1 – Le contrat de location peut être résilié de plein droit, si bon semble au Bailleur, et sans que celui-ci ait à remplir préalablement de formalités extra judiciaires ou judiciaires, ni à adresser de mise en demeure, dans les hypothèses suivantes :

– en cas de non-paiement à l’échéance d’un seul terme de loyer, ou d’inexécution d’une seule des obligations souscrites par le Locataire au titre des conditions générales ou particulières de location (les offres de payer ou d’exécuter ultérieures, le paiement ou l’exécution après terme, ne peuvent enlever au Bailleur le droit d’exiger la résiliation),

(…)

10.2.1 – Dès la résiliation du Contrat intervenant le jour de l’envoi d’une lettre de résiliation adressée par le Bailleur au Locataire, en LRAR, le Locataire doit en toutes hypothèses :

i) restituer immédiatement le Matériel au Bailleur dans les conditions prévues à l’article 11, et ii) verser sous 48 heures au Bailleur

‘) les sommes impayées TTC ayant entraîné la résiliation

‘) les intérêts de retard et

‘) une somme égale à la totalité des loyers à échoir, de la date de résiliation jusqu’au terme prévu du Contrat.

En toutes hypothèses en cas de résiliation, le total des sommes dues par le Locataire au titre de cet article 10.2.1, ne pourra être inférieur à un montant minimum, fixé expressément à la valeur de remplacement d’un matériel identique.

10.2.2 Par ailleurs, en cas de recouvrement amiable ou judiciaire par suite de la défaillance du Locataire, le Locataire devra verser au Bailleur en sus des sommes susvisées – à titre de clause pénale – une indemnité compensatoire du préjudice subi et du coût de la gestion contentieuse, égale à 10 % du prix d’achat hors taxes du Matériel.

10.2.3 Les loyers dus, les loyers à échoir et accessoires et l’indemnité compensatoire porteront intérêts au taux défini à l’article 3.4 et seront majorées des taxes, frais de justice et honoraires, de toute nature, engagés pour le recouvrement, même irrépétibles.

10.3 – En cas de non restitution suite à la résiliation, le Locataire devra verser au Bailleurs, compte tenu de la rétention abusive du Matériel, une compensation financière réparatrice de la privation de droit de jouissance subie par le Bailleur d’un montant forfaitaire -par période de un mois de rétention- d’un montant équivalent à 150% du montant du loyer mensuel HT prévu au Contrat, jusqu’à la date de restitution effective. Jusqu’à la restitution effective du Matériel au lieu indiqué par le Bailleur, le Locataire sera soumis aux clauses de responsabilité et d’assurance fixées à l’article 8 ci-dessus.

10.4 – En cas de revente ou de relocation du Matériel suite à la restitution du Matériel après résiliation, le total des sommes encaissées restera acquise au Bailleur. En effet, un contrat de location n’est pas un contrat de crédit bail et il est ici rappelé qu’il n’existe pas d’option d’achat dans un contrat de location et qu’en conséquence à aucun moment le Locataire ne peut devenir, même pour les besoins du raisonnement, propriétaire du Matériel.’

Sur la résiliation du contrat de location financière

L’article 10 susvisé permet à la bailleresse de se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat de location en cas de non-paiement à l’échéance d’un seul terme de loyer, ce sans mise en demeure préalable, cette résiliation ne prenant effet, toutefois, qu’à la date de sa notification au locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il la dispense, de manière expresse et non équivoque, de la délivrance préalable d’une mise en demeure restée infructueuse, une telle dispense étant valable nonobstant les dispositions de l’article 1225 alinéa 2 du code civil selon lesquelles la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution, et la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire, d’autant que ce texte issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 est inapplicable au litige né antérieurement à son entrée en vigueur.

Au demeurant, à supposer que le locataire n’ait pas reçu le premier courrier recommandé de la bailleresse daté du 4 août 2015, dont l’accusé de réception n’est pas produit, lui demandant de régulariser sa situation au regard du solde débiteur de son compte s’élevant à 6 403,96 euros au titre des loyers impayés des 25 avril et 25 juillet 2015, il ne saurait disconvenir avoir reçu celui daté du 27 août 2015, dont il a signé l’accusé de réception le lendemain, le mettant en demeure de régler sous 48 heures l’arriéré de 7 083,96 euros, frais de rejet compris.

Reste que la bailleresse n’a jamais été en mesure de justifier de l’envoi en recommandé, tel qu’exigé par l’article 10, de son courrier de notification de la résiliation daté du 1er octobre 2015 visant les loyers impayés des 25 avril, 25 juillet, 25 août et 25 septembre 2015, de sorte que la résiliation n’a pu prendre effet à cette date contrairement à ce qu’a considéré le premier juge.

Cependant, suite à l’arrêt de la cour d’appel du 31 janvier 2017 ayant dit n’y avoir lieu à constatation en référé de la résiliation de plein droit du contrat de location du fait de l’existence d’une contestation sérieuse sur la date de résiliation tenant à l’absence de justification de cet envoi, elle a réitéré sa notification par un courrier recommandé en date du 3 février 2017, avec accusé de réception signé par le locataire, visant les mêmes échéances de loyer impayées d’un montant global de 12 967,92 euros.

Or, à la date d’envoi de ce second courrier, le locataire n’avait réglé sur ce montant que la somme de 3 201,98 euros, ce sur deuxième présentation le 18 novembre 2015, après blocage de la provision le 2 septembre 2015, d’un chèque rejeté le 27 août 2015.

Il n’a réglé la somme de 3 881,98 euros en exécution de l’arrêt que postérieurement, ce par un ordre de virement du 7 février 2017, et reste depuis débiteur d’une somme de 5 883,96 euros.

La bailleresse a donc pu, en dehors de toute mauvaise foi de sa part, lui notifier la résiliation du contrat de location en application de la clause résolutoire.

Certes, il est constant qu’au cours de l’instance devant le juge des référés, la bailleresse a récupéré le matériel, ce au plus tard le 8 décembre 2015, date à laquelle elle admet expressément avoir obtenu sa restitution en pages 9, 10 et 14 de ses conclusions d’intimée après avoir, pourtant, indiqué en page 8 que ‘cette clause pénale n’est pas excessive car Monsieur [P] [B] [H] n’a pas restitué le matériel qu’il continue à utiliser abusivement’ (souligné dans le texte).

Si le locataire prétend désormais, ce qui n’était aucunement le cas lors de la procédure de référé, y compris en appel, qu’il n’a pas restitué volontairement le matériel qui a été récupéré à son insu, il ne peut être accordé foi à ses allégations.

En effet, l’attestation établie le 21 novembre 2018 par son voisin qui précise avoir ‘vu le 04/11/2015 un porte engin Malécot charger la pelle Volvo de l’entreprise NJ en présence de la commerciale sans aucune présence des personnes de l’entreprise’ est insuffisante à démontrer que le locataire n’a pas donné son accord à cet enlèvement, quand bien même il n’y aurait pas assisté, et n’emporte pas la conviction sur la date d’enlèvement mentionnée, plusieurs années après les faits, d’autant qu’à réception du mail que lui a adressé le 25 novembre 2015 la société Kleber Malecot, fournisseur du matériel dont elle assurait le service après-vente, indiquant ‘nous vous confirmons que nous avons enlevé la pelle ew 140 de votre site pour la stocker sur notre agence de montlouis pour le compte de Volvo finance. La pelle est toujours dispo a montlouis’, le locataire, manifestement déjà au courant de cet enlèvement, n’a nullement réclamé le retour du matériel et que, comme énoncé dans l’ordonnance de référé du 1er juin 2016, la bailleresse qui demandait, dans l’assignation délivrée au locataire le 5 novembre 2015 pour l’audience du 25 du même mois, la restitution du matériel sous astreinte et l’autorisation de l’appréhender a abandonné par la suite cette demande en déclarant sur l’audience du 20 avril 2016 que le matériel avait été restitué.

En outre, dans le courrier recommandé de son conseil en date du 6 février 2017 mettant en demeure la bailleresse, pour la première fois, de lui restituer le matériel et de le dédommager du préjudice subi ‘pour n’avoir pas pu pendant plus d’un an travailler avec le véhicule VOLVO EW140″, le locataire expliquait encore que ‘du fait de l’assignation en référé que vous aviez cru devoir lui faire signifier, Monsieur [B] [H] a restitué le 8 décembre 2015 le véhicule VOLVO EW140 donné en location qui avait au surplus été mis en réparation de nombreuses fois, de sorte que, déjà, il ne donnait pas entière satisfaction’, ce qui n’est guère compatible avec une restitution à laquelle il n’aurait pas consenti.

Il s’en déduit que, suite à l’assignation en référé, le locataire a préféré restituer le matériel, ne serait-ce que pour éviter de s’exposer au paiement de loyers majorés en application de l’article 10.3 des conditions générales du contrat de location, sans acquiescer pour autant à la résiliation qu’il a continué de contester.

Il y a donc lieu de considérer que le contrat de location a été régulièrement résilié par le jeu de la clause résolutoire à effet du 3 février 2017 et que le locataire n’est pas fondé à solliciter, après cette résiliation de plein droit, le prononcé de la résiliation aux torts exclusifs de la bailleresse et assortie de dommages et intérêts pour défaut de mise à disposition du matériel qu’il avait choisi de restituer.

Le jugement sera, dès lors, confirmé en ce qu’il a débouté le locataire de ses demandes reconventionnelles à ces fins, mais réformé sur la date d’effet de la résiliation de plein droit.

Sur la dette du locataire envers la bailleresse

L’application de l’article 10 susvisé rendrait le locataire débiteur envers la bailleresse des sommes suivantes :

– 5 883,96 euros TTC correspondant, comme précisé ci-dessus, au solde restant dû sur les loyers échus impayés des 25 avril, 25 juillet, 25 août et 25 septembre 2015

– 6 403,96 euros TTC correspondant aux loyers échus impayés des 25 octobre et 25 novembre 2015, à l’exclusion de ceux échus du 25 décembre 2015 au 3 février 2017, période pendant laquelle le locataire n’avait plus la jouissance du matériel restitué

– 15 720 euros HT correspondant à six loyers à échoir depuis la date de résiliation du 3 février 2017 jusqu’au terme initialement prévu du contrat

– 14 200 euros HT correspondant à la clause pénale égale à 10 % du prix d’achat du matériel,

soit un total de 42 207,92 euros.

Pour y faire échec, le locataire ne saurait invoquer les dispositions d’ordre public de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, devenu l’article L. 212-1 du même code, qui, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, définit comme abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et prévoit que les clauses abusives sont réputées non écrites.

En effet, ces dispositions ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui, comme en l’espèce, ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant, la location financière litigieuse de la pelle hydraulique ayant été conclue pour les besoins de l’activité artisanale de travaux publics, terrassement exercé par le locataire sous l’enseigne N.J Entreprise.

Le locataire ne peut pas davantage se fonder sur les dispositions de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, qui sanctionne le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En effet, il ressort de l’article D. 442-3 du code de commerce issu du décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009 que toute cour d’appel autre que celle de Paris est dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour connaître d’une défense au fond portant sur l’application de l’article L. 442-6 I 2° du même code et que le moyen, présenté pour la première fois en appel, tiré d’un déséquilibre significatif au sens de ce texte est irrecevable, ce qui doit être relevé d’office, les parties ayant été invitées en cours de délibéré à présenter leurs observations sur cette irrecevabilité dans le respect du principe de la contradiction.

Le locataire ne peut pas non plus se fonder sur les dispositions de l’article 1171 du code civil issu de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, qui, dans un contrat d’adhésion, répute non écrite toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En effet, comme l’a exactement relevé le premier juge, ce texte n’est entré en vigueur que postérieurement à la conclusion du contrat de location financière litigieux.

Le locataire est donc uniquement en droit d’invoquer les dispositions de l’article 1152 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, qui confère au juge le pouvoir de modérer, même d’office, toute clause pénale manifestement excessive.

De fait, constituent une clause pénale, par laquelle les contractants évaluent forfaitairement et par avance les dommages et intérêts dus par le débiteur en cas d’inexécution totale, partielle ou tardive du contrat, non seulement la clause, expressément présentée comme telle par le contrat, de l’article 10.2.2 obligeant le locataire, en cas de recouvrement amiable ou judiciaire par suite de sa défaillance, à verser à la bailleresse une indemnité compensatoire du préjudice subi et du coût de la gestion contentieuse, égale à 10 % du prix d’achat HT du matériel, mais aussi celle de l’article 10.2.1 l’obligeant, en cas de résiliation du contrat pour manquement à ses obligations, à régler la totalité des loyers à échoir depuis la date de résiliation jusqu’au terme initialement prévu du contrat, car la majoration de la charge financière pesant sur le locataire induite par une telle anticipation de l’exigibilité des loyers a été stipulée à la fois comme un moyen de le contraindre à l’exécution et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi du fait de la résiliation par la bailleresse.

Or, même si la bailleresse a pris un risque en acceptant de financer l’acquisition du matériel choisi par le locataire, risque qui s’est réalisé puisque ce dernier a cessé de payer les loyers en avril 2015, soit au cours de la troisième année de location, elle a obtenu restitution du matériel en décembre 2015, soit plus d’un an et demi avant le terme initialement prévu du contrat, donc dans un état d’usage moins avancé que celui dans lequel elle l’aurait normalement récupéré à l’issue de la location, et a effectivement pu le revendre ainsi qu’elle en convient, ce à des conditions qu’elle ne précise pas, alors que l’article 10.4 lui permet de conserver l’intégralité du prix ainsi encaissé sans avoir à le déduire du montant des indemnités de résiliation mises à la charge du locataire et d’être ainsi dédommagée, au moins pour partie, du préjudice liée à la rupture anticipée du contrat.

Il s’en déduit que le montant des clauses pénales stipulées revêt un caractère manifestement excessif et doit être, non pas réduit à néant, mais modéré à 10 000 euros en application de l’article 1152 alinéa 2 du code civil.

En définitive, le locataire sera condamné à payer à la bailleresse la somme de 22 287,92 euros (5 883,96 + 6 403,96 euros + 10 000), le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les délais de paiement

Conformément à l’article 1244-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, ce dans la limite de deux années, et prescrire, par décision spéciale et motivée, que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

En l’espèce, si le locataire a connu une situation financière délicate début 2015, ainsi qu’il ressort du mail adressé le 6 novembre 2015 par son banquier à la bailleresse pour lui confirmer le blocage de la provision du chèque de 3 201,98 euros rejeté le 27 août 2015, mail indiquant que ‘l’entreprise se porte mieux, depuis septembre de nombreux prêts sont arrivés à ech (sic) et donc l’endettement a été très fortement réduit’, il ne produit aucun élément sur sa situation actuelle qui permette de lui accorder des délais de paiement.

Sa demande en ce sens sera donc rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes annexes

Compte tenu de ce qui précède, la procédure initiée par la bailleresse ne revêt aucun caractère abusif susceptible de l’exposer au paiement de dommages et intérêts et le jugement, qui n’est d’ailleurs pas spécialement critiqué par l’appelant en ce qu’il l’a débouté de sa demande à cette fin, laquelle n’est pas réitérée en appel, sera confirmé sur ce point.

Les parties, dont les prétentions respectives sont partiellement rejetées, conserveront chacune à leur charge les dépens et frais non compris dans les dépens qu’elles ont pu exposer en première instance comme en appel, sans application des articles 699 et 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre.

Par ces motifs,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [B] [H] de ses demandes reconventionnelles tendant à la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société VFS Location France, au paiement de dommages et intérêts, d’une indemnité pour procédure abusive et d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à l’octroi de délais de paiement.

L’infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare d’office M. [B] [H] irrecevable en son moyen, nouveau en appel, tiré de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce.

Vu la résiliation régulière du contrat de location financière par le jeu de la clause résolutoire à effet du 3 février 2017 ;

Juge manifestement excessif le montant des clauses pénales stipulées aux articles 10.2.1 et 10.2.2 des conditions générales du contrat.

En conséquence, condamne M. [B] [H] à payer à la société VFS Location France la somme de 22 287,92 euros (vingt deux mille deux cent quatre vingt sept euros et quatre vingt douze cents) au titre des loyers impayés échus jusqu’à la date de restitution du matériel et des indemnités contractuelles exigibles à la date de résiliation.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER

 


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