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2 juin 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/03417
2ème Chambre
ARRÊT N°278
N° RG 20/03417
N° Portalis DBVL-V-B7E-QZHW
Société BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
C/
Mme [O] [F] épouse [D]
M. [B] [D]
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me LE BERRE BOIVIN
– Me LHERMITTE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Mars 2023
devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 02 juin 2023, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST anciennement dénommée Banque Populaire Atlantique
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA, plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Madame [O] [F] épouse [D]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [B] [D]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Jean-Charles CHAMPOL, plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant offre de prêt acceptée le 3 Mai 2013, la banque Populaire Atlantique devenue la Banque Populaire Grand Ouest (la BPGO) a consenti aux époux [D] un prêt immobilier d’un montant de 145 328 euros remboursable avec intérêts au taux nominal annuel de 2,95 %.
Suivant acte du 31 Mai 2017, les époux [D] ont fait citer la BPGO devant le Tribunal de Grande Instance de Nantes aux fins de voir prononcer, à titre principal, la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnels, et à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts au motif que la banque aurait calculé les intérêts conventionnels sur la base d’une clause 30/360, que le TEG ne serait pas proportionné au taux de période et qu’il serait irrégulier.
Par jugement du 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nantes a :
Prononcé la nullité de la clause d’intérêts du prêt n°086-43913 du 3 mai 2013.
Ordonné la substitution du taux légal au taux conventionnel pour toute la durée du prêt, avec les variations périodiques prévues par la loi pour le taux légal.
Condamné la société Banque Populaire Grand Ouest à rembourser à M. et Mme [D] une somme égale à la différence entre les intérêts perçus et ceux calculés au taux légal conformément aux dispositions qui précédent.
Condamné la société Banque Populaire Grand Ouest à communiquer à M. et Mme [D] un nouveau tableau d’amortissement conforme aux dispositions qui précédent, dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant six mois passés lesquels il devra de nouveau être statué.
Condamné la société Banque Populaire Grand Ouest aux dépens de I’instance.
Condamné la société Banque Populaire Grand Ouest à payer à M. et Mme [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Débouté les parties de leurs autres demandes
Ordonné l’exécution provisoire.
La BPGO a formé appel et par dernières conclusions notifiées le 31 mars 2021, elle demande de :
Réformer le jugement.
Statuant à nouveau,
Déclarer M. et Mme [D] irrecevables et à tout le moins mal fondés en leurs demandes,
Débouter M. et Mme [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,
Condamner solidairement M. et Mme [D] à payer à La Banque Populaire Grand Ouest la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner solidairement M. et Mme [D] aux entiers dépens d’instance et d’appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Par dernières conclusions notifiées le 30 décembre 2020, M. et Mme [D] demandent de :
A titre principal et confirmant la décision dont appel,
Constater que le taux d’intérêt conventionnel est calculé par la Banque Populaire Atlantique sur une année de 360 jours,
Constater que le taux effectif global n’est pas proportionnel au taux de période,
Constater que le taux de période n’a été calculé ni sur la base d’une année civile, ni sur un mois normalisé.
A titre principal,
Prononcer la nullité de la clause d’intérêts contenue dans le contrat de prêt conclu entre les époux [D] et la Banque Populaire Atlantique le 3 mai 2013,
Ordonner la substitution du taux d’intérêt légal,
Enjoindre à la Banque Populaire Atlantique, au besoin sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à venir, de produire un nouveau tableau d’amortissement tenant compte de la substitution du taux d’intérêt légal,
Se réserver le droit de liquider l’astreinte,
A titre subsidiaire,
Prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels dans la limite du taux légal,
En tout état de cause,
Débouter la Banque Populaire Atlantique de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner la Banque Populaire Atlantique à restituer aux époux [D] les intérêts en trop versés par le passé,
Condamner la Banque Populaire Atlantique à verser aux époux [D] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions visées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l’action en annulation de la stipulation d’intérêts
La BPGO soutient que la demande d’annulation de la stipulation d’intérêts serait irrecevable, la déchéance du droit du prêteur aux intérêts dans la proportion fixée par le juge étant la seule sanction applicable en cas d’inexactitude du TEG ou de stipulation d’une clause de calcul des intérêts sur une base autre que l’année civile.
Pourtant, la question de la nature de la sanction applicable au prêteur en cas d’inexactitude du TEG, du taux de période et de calcul des intérêts conventionnels sur une base autre que l’année civile relève du débat au fond, et non d’une fin de non-recevoir.
Sur la clause de calcul des intérêts sur la base de 360 jours
Les conditions générales du contrat de prêt comportent une clause de ‘conditions financières’ ainsi rédigée ‘Les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû au taux fixé aux conditions particulières sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours’.
Les emprunteurs soutiennent qu’une telle clause serait illicite en ce qu’elle majore le taux d’intérêts et fausse le calcul du TEG peu important le degré d’exactitude du TEG.
Cependant, si les intérêts conventionnels et le TEG doivent en effet être calculés sur la base de l’année civile, il demeure qu’il appartient aux emprunteurs d’établir que l’application de la clause litigieuse a pu concrètement affecter l’exactitude du TEG mentionné dans l’offre et jouer en leur défaveur.
Or, Les époux [D] soutiennent à tort que la stipulation d’une telle clause dans le contrat de prêt justifierait à elle seule l’annulation de la stipulation d’intérêts. Si le rapport d’analyse produit aux débats par les époux [D] conclut que l’application de la clause litigieuse ne peut aboutir qu’à la détermination d’un TEG mathématiquement faux il ne précise pas si le résultat serait en faveur ou en défaveur des emprunteurs.
Cependant, même en tenant compte de ce que l’inexactitude du TEG serait en défaveur des époux [D], encore faut-il qu’il soit établi que cette erreur soit supérieure à la marge d’erreur d’une décimale prévue par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.
La BPGO fait à juste titre observer que, pour le calcul du TEG d’un prêt à périodicité mensuelle, la détermination du taux de période en lui appliquant le rapport d’un mois de 30 jours sur une année de 360 jours, produit un résultat mathématique strictement équivalent à l’application du rapport d’un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, dont aucune disposition n’exclut l’application aux prêts autres que ceux dont le TEG est calculé selon la méthode d’équivalence.
M. et Mme [D] font valoir que l’incidence défavorable pour eux du mode de calcul utilisé par la banque est établi par le montant du premier prélèvement d’intérêts à la suite du déblocage des fonds et au titre duquel la banque a prélevé une somme de 476,35 euros alors qu’elle ne pouvait prétendre qu’au paiement de la somme de 469,82 euros par un calcul réalisé sur la base de l’année civile.
La banque conteste le calcul réalisé par les emprunteurs soutenant que le calcul sur une année civile serait moins favorable que le calcul effectué sur la base d’une année de 360 jours.
Il est constant que les fonds ont été débloqués le 24 mai 2013 à l’origine d’un prélèvement d’une somme de 476,35 euros à la tombée de l’échéance du 4 juillet 2013.
Au regard de la date de déblocage et de la date de l’échéance, il est constant que par référence à l’année civile, la banque pouvait prétendre au règlement de 41 jours d’intérêts calculés sur la somme de 145 328 euros au taux de 2,95 % soit la somme de 481,57 euros (145 328 x 2,95 % x 41/365).
Le fait que la banque ait calculé les intérêts sur la base de 40 jours sur la même période pour aboutir à la somme de 476,35 euros (145 328 x 2,95 % x 40 /360) n’apparaît que la conséquence d’un calcul effectué sur la base d’une année de 360 jours et de mois de 30 jours et du fait que l’un des mois de référence est un mois de 31 jours, justifiant qu’aucun intérêt ne soit calculé au titre du dernier quantième de ce mois;
Il apparaît dès lors ainsi que soutenu par la banque que le calcul des intérêts intercalaires par référence à l’année de 360 jours est plus favorable que celui effectué sur l’année civile.
Il sera de manière surabondante relevé qu’en retenant le calcul sur 40 jours sur la base de l’année de 365 jours, il n’en résulterait suivant les calculs des époux [D] qu’ils n’auraient été redevables que de la somme de 469,83 euros (145 328 x 2,95 % x 40 / 365) au lieu de 476,35 euros soit une majoration d’intérêts de 6,53 euros sur la totalité du prêt et qu’il n’est aucunement établi que ce trop perçu d’intérêts intercalaires aurait été de nature à affecter l’exactitude du TEG au delà de la marge d’erreur d’une décimale précédemment rappelée.
Pour le surplus, il sera constaté que le rapport d’analyse financière établi par la société Analyse Finance Crédit et produit aux débats par les époux [D] ne dément pas l’équivalence financière entre le calcul sur la base d’une année de 360 jours et des mois de 30 jours et le calcul sur la base de l’année civile et des mois normalisés de 30,41666 jours puisqu’il ressort de ses conclusions telles qu’elles ressortent de son tableau analytique que le coût total du crédit tel qu’énoncé est ‘juste’. ( Item n° 11 : coût total du prêt)
Il convient donc d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a, au seul motif de l’illicéité de la clause de calcul des intérêts sur 360 jours, prononcé la nullité de la stipulation d’intérêts.
Par ailleurs, M. et Mme [D] prétendent que cette clause de calcul des intérêts sur la base d’une année de 360 jours serait abusive comme créant à leur détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de prêt, en ce qu’elle dissimule aux emprunteurs des modalités de calcul des intérêts qui leur seraient défavorables.
La BPGO fait valoir à juste titre que la recommandation de la commission des clauses abusives du 14 avril 2005 prohibant le recours à une année bancaire de 360 jours a été rendue en matière de compte de dépôts dont les intérêts sont calculés journellement et qu’elle ne saurait dès lors trouver application en matière d’intérêts d’emprunt dont les intérêts sont calculés mensuellement comme en l’espèce.
Il a cependant été précédemment relevé que l’application de cette clause à un contrat de prêt remboursable par mensualités produit, en dehors des échéances brisées, un résultat mathématique strictement équivalent à l’application du rapport d’un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause.
Or, il a été vu plus avant qu’il n’est pas établi que l’application de cette clause ait été défavorable aux emprunteurs.
Il en résulte que M. et Mme [D] ne démontrent pas que cette clause créerait un déséquilibre significatif à leur détriment, de sorte qu’elle ne saurait être qualifiée d’abusive.
Surabondamment, il sera observé que cette clause, qui porte sur la rémunération prévue en contrepartie du service financier offert au consommateur et, partant, sur l’objet même du contrat, est rédigée de façon claire et compréhensible, et que l’opacité qui lui est prêtée relativement à ses prétendues conséquences économiques ne résulte que de calculs réalisés par l’emprunteur au soutien de ses contestations dont la pertinence n’a pas été retenue.
Il n’y a donc pas lieu de déclarer cette clause non écrite, et moins encore la stipulation d’intérêts conventionnels, qui lui est en toute hypothèse distincte et demeurerait applicable quand bien même la clause de calcul des intérêts sur 360 jours serait réputée non écrite.
Les époux [D] font également valoir que le TEG figurant dans l’offre n’est pas proportionnel au taux de période.
Il ressort des termes du contrat que la BPGO a satisfait aux prescriptions de l’article R. 313-1, exigeant la communication à l’emprunteur du taux et de la durée de la période, en indiquant dans l’offre que ‘le TEG annuel s’élève à 3,04 %, soit un taux de 0,253 % par période mensuelle’ et, dans le tableau d’amortissement annexé à l’offre et paraphé par les emprunteurs, que le prêt est à ‘périodicité mensuelle’.
En outre, il est de principe que les vices affectant la communication du taux et de la durée de la période ne sauraient donner lieu à sanction que pour autant qu’il en soit résulté une inexactitude du TEG annuel en défaveur de l’emprunteur, ce qui en l’espèce n’est pas démontré puisqu’un taux de période de 0,253 % fait ressortir le TEG à 3,036 %, soit, après application des règles d’arrondis prévues par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, 3,04 %.
Aucune irrégularité n’affecte le contrat à ce titre.
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la BPGO l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 9 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes,
Déboute M. et Mme [D] de l’ensemble de leurs demandes.
Condamne M. et Mme [D] à payer à la Banque populaire Grand-Ouest une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. et Mme [D] aux dépens de première instance et d’appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRESIDENT