Déséquilibre significatif : 18 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00091
Déséquilibre significatif : 18 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00091
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18 avril 2023
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
22/00091

ARRET N°

N° RG 22/00091

N°Portalis DBWA-V-B7G-CJRB

M. [T], [X] [B]

C/

LA S.A. BANQUE POSTALE

FINANCEMENT

S.A. SOGECAP

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 18 AVRIL 2023

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 29 Novembre 2021, enregistré sous le n° 21/00456 ;

APPELANT :

Monsieur [T], [X] [B]

Chez Madame [J] [W]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Valérie VADELEUX, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Philippe CAMPS de la SELARL C.F.G. AVOCATS, avocat plaidant, au Barreau de TOULON

INTIMEES :

LA S.A. BANQUE POSTALE FINANCEMENT

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Dominique NICOLAS de la SELAS JURISCARIB, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.A. SOGECAP

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Régine ATHANASE, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Corinne CUTARD, avocat plaidant, au Barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Février 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 18 Avril 2023 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre de crédit signée le 30 janvier 2015, la SA Banque postale financement a consenti a M. [B] [T] un crédit soumis aux dispositions des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction alors en vigueur.

M. [B] a ainsi bénéficié d’un crédit d’un montant de 19 000 euros, au taux débiteur annuel fixe de 3, 64 %, remboursable par 60 mensualités de 358, 72 euros assurance comprise, du 12 janvier 2015 au 10 janvier 2020.

M. [B] a également bénéficié auprès du même préteur, suivant offre acceptée le 25 mars 2015, d’un crédit renouvelable d’un montant maximum autorisé de 10 000 euros.

Il a adhéré, pour chacune de ces deux offres, au contrat collectif d’assurance souscrit par la Banque postale financement auprès de la compagnie d’assurances Sogecap.

M. [B] a été admis a fait valoir son droit à la retraite le 1er juin 2017.

Le 26 juillet suivant, il a été victime d’un accident qui a entraîné une tétraplégie C4-C5 d’emblée et une trachéotomie avec utilisation d’une canule parlante.

Par lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil, reçue le 25 janvier 2019, il a sollicité de la Banque postale la mise en ‘uvre immédiate de l’assurance du prêt.

Sans réponse favorable, M. [B] a, par acte d’huissier en date du 25 juillet 2019, fait assigner la SA Banque postale financement et la SOGECAP devant le tribunal de grande instance de Fort de France.

Par jugement rendu le15 juin 2021, ce dernier s’est déclaré incompétent au profit du juge des contentieux de la protection.

Par jugement contradictoire du 29 novembre 2021, le juge du contentieux de la protection a :

– rejeté le moyen tiré de la nullité de l’assignation,

– débouté M. [B] [T] de toutes ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civil,

– condamné M. [B] [T] aux dépens de l’instance.

Par déclaration reçue le 09 mars 2022, M. [B] a interjeté appel de cette décision à l’encontre de la Banque postale et de la SOGECAP, appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués.

La Banque postale a constitué avocat le 05 avril 2022 et la société Sogecap, le 29 avril suivant.

L’appelant a communiqué ses premières conclusions le 12 avril 2022, signifiées le 20 avril suivant à la Sogecap.

Aux termes de celles-ci, et de ses dernières conclusions du 23 décembre 2022, il demande d’infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Fort de France du 29 novembre 2021 et de :

– condamner in solidum la Banque postale financement et la société Sogecap pour avoir failli à leur obligation de résultat aux visas des articles 1147 du code civil et 140-114 du code des assurances, en n’apportant pas la preuve exigée d’une parfaite information de M. [B] sur l’adéquation de l’assurance offerte à sa situation,

– juger que la remise de la notice, même claire, n’est pas suffisante,

– juger que le banquier et son assureur groupe ne prouvent pas avoir rempli parfaitement leur obligation d’information à l’égard de M. [B] sur l’adéquation du risque couvert à la situation personnelle,

– juger que ce manquement constitue une perte de chance qui sera évaluée à 100 % compte tenu de l’absence d’aléa quant à la date de départ à la retraite,

– condamner in solidum la Banque postale financement et la société Sogecap à rembourser l’intégralité des échéances payées à compter du 25 juillet 2017, date de l’accident,

* prélèvements indus prêt 5 janvier 2015 : 10.916,96 €,

* prélèvements indus prêt 25 mars 2015 : 7.783,79 €,

– condamner in solidum la Banque postale financement et la société Sogecap à payer à M. [B] une somme qui ne saurait être inférieure à 10 000 € au titre du préjudice moral eu égard à sa situation post-accident,

– condamner in solidum la Banque postale financement et la société Sogecap à payer à M. [B] une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700,

– condamner in solidum la Banque postale financement et la société Sogecap aux entiers dépens,

– juger irrecevable à défaut d’avoir interjeté appel incident la demande de Sogecap en sa demande « rejeté en 1ère instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile »,

– débouter la Sogecap en ses fins demandes et conclusions ;

Si par extraordinaire la cour confirmait que le tribunal pouvait relever d’office les dispositions de l’article 1 de la loi du 13 septembre 1984, non évoqué par aucune des parties,

– ordonner la réouverture des débats.

Par conclusions du 20 juillet 2022, la Banque postale demande de :

– débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer la décision rendue le 29 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France,

– condamner M. [B] [T] à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner M. [B] [T] à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [T] [X] [B] aux entiers dépens.

Par conclusions du 17 janvier 2023, la Sogecap demande de :

– confirmer le jugement rendu le 29 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu’il a débouté M. [T] [B] de toutes ses demandes formées à l’encontre de la société Sogecap et en qu’il l’a condamné aux dépens,

– débouter M. [T] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– infirmer le jugement rendu le 29 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Sogecap,

– condamner M. [T] [B] à payer à la société Sogecap

la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [T] [X] [B] à payer à la société Sogecap la somme de 5.000 euros en cause d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [B] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture de l’instruction est intervenue le 19 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions sus-visées et au jugement déféré.

MOTIFS :

1/ Sur l’infirmation du jugement pour avoir statué ultra petita :

M. [B] fait grief à la juridiction de première instance d’avoir fondé sa décision, notamment, sur les dispositions de la loi du 13 septembre 1984 alors qu’il n’avait visé essentiellement que l’article 68 de la loi du 11 janvier 1984.

Il en déduit que le tribunal a statué ultra petita.

L’appelant confond manifestement statuer au-delà de ce qui est demandé (« ultra petita ») et ne pas respecter le principe de la contradiction avant de faire application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile et substituer un fondement juridique à celui invoqué par les parties.

En l’espèce, faute pour l’appelant de produire les dernières conclusions de première instance, la cour n’est pas en mesure de vérifier le non-respect de ce principe, étant observé que le jugement ne mentionne pas les textes visés par les parties, mais seulement ceux sur lesquels il a fondé sa décision.

Par ailleurs, il apparaît que la juridiction de première instance n’a pas statué sur une demande qui n’était pas formulée par les parties.

L’application des dispositions légales fondant la décision du 29 novembre 2021 étant dans les débats depuis les premières conclusions d’appel du 12 avril 2022, il appartenait à l’appelant de conclure sur ce point, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire, sans attendre une réouverture des débats pour ce faire.

2/ Sur l’obligation d’information :

Le tribunal a retenu, à l’examen de la fiche conseil et de la notice d’information relatives au contrat collectif d’assurance remises à l’emprunteur, que les dispositions de la seconde étaient claires, compréhensibles, ne nécessitaient aucune interprétation et ne causaient aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Il a considéré que l’appelant avait choisi de cesser son activité professionnelle sans demander de report de son départ à la retraite et ainsi pris le risque de ne plus être couvert par la garantie avant l’échéance de son contrat de prêt.

Il a en conséquence débouté M. [B] de ses demandes.

Ce dernier affirme que la banque et l’organisme d’assurance ont manqué à leur obligation de conseil éclairé relatif à l’adéquation de la garantie souscrite à la situation de l’assuré.

Il se prévaut de la jurisprudence aux termes de laquelle le souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe est tenu envers les adhérents d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice.

Il prétend que l’assureur n’ignorant pas sa situation professionnelle ni sa date de départ à la retraite aurait dû le prévenir qu’il serait privé des garanties dès ledit départ.

Il en déduit une perte de chance de 100% de souscrire une assurance adaptée.

La Banque postale financement souligne que la notice d’information remise était explicite, parfaitement lisible quant aux garanties de mise en jeu ; qu’elle était complétée par une fiche conseil d’assurance résumant les points d’attention à avoir concernant l’assurance emprunteur, comportant un focus sur l’âge de couverture selon la situation professionnelle sous forme de tableau, à la lecture desquelles il apparaissait que les garanties prenaient fin à la retraite.

Elle conteste tout manquement à ses obligations.

La Sogecap se prévaut des dispositions du paragraphe 16 des notices d’information des deux adhésions aux contrats d’assurance, stipulant la cessation des garanties lors de la mise à la retraite ou pré-retraite.

Elle relève que M. [B] a signé la notice d’information et de la fiche conseil.

Elle en déduit qu’il a été parfaitement informé quant aux conditions de la garantie.

L’intimée conteste toute responsabilité, ce d’autant qu’elle n’est tenue à aucun devoir de secours en sa qualité de société d’assurance.

La cour retient que l’assureur de groupe n’est pas tenu d’éclairer l’assuré sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur ou à celle de celui qui cautionne ses engagements, cette obligation incombant au seul établissement de crédit souscripteur du contrat d’assurance.

La responsabilité de la société Sogecap ne peut donc être engagée sur ce fondement.

Le banquier, quant à lui, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est effectivement tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.

A défaut, il engage sa responsabilité contractuelle.

Cette obligation suppose que le banquier fasse comprendre au créancier la portée de l’information remise par la notice et le mette en garde contre le risque de ne pas en tenir compte.

En l’espèce, tel a été le cas à la lecture de la fiche conseil assurance recommandant de « lire attentivement la notice d’information des contrats collectifs d’assurance et plus particulièrement les points relatifs aux délais de franchise, aux risques exclus, aux définitions de garantes ainsi qu’à leur date de cessation ».

Comme l’a relevé la juridiction de première instance, la fiche poursuit :

« NOS PRECONISATIONS

Compte tenu des informations que vous nous avez communiquées, de l’offre de contrat de crédit et de vos besoins, nous vous recommandons d’adhérer à la garantie la plus protectrice de vos intérêts, correspondant à votre âge et à votre situation professionnelle ».

A la lecture du tableau, dénué de toute ambiguïté, relatif à « l’âge de couverture par garantie selon votre situation professionnelle » qui suit ce paragraphe, M. [B] pouvait sans difficulté relever que si l’assurance décès le couvrait jusqu’à son 70ème anniversaire et ce, qu’il soit en activité professionnelle ou non, il ne pouvait en revanche solliciter les garanties perte totale et irréversible d’autonomie, invalidité totale et définitive ou incapacité temporaire totale, que jusqu’à son 65ème anniversaire et à la condition d’être en activité professionnelle au jour de la demande.

L’appelant peut d’autant moins utilement faire grief à son banquier de ne pas avoir insisté sur la cessation des garanties sus-évoquées à l’occasion de son départ à la retraite, laquelle était clairement exposée dans la fiche conseil, qu’il ne démontre pas l’avoir informé d’un projet de départ anticipé à la retraite.

Or, l’obligation pour le banquier d’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à la situation personnelle de l’emprunteur doit s’apprécier à l’une des informations données par l’emprunteur sur cette situation personnelle, sans être tenu d’anticiper les choix de vie, tels une retraite anticipée, de ses clients, étant relevé que :

– M. [B], en sa qualité de fonctionnaire, pouvait poursuivre son activité professionnelle jusqu’à 65 ans, soit après le remboursement de l’offre de prêt,

– s’il n’avait pas fait le choix d’un départ anticipé à la retraite, l’accident qu’il a subi serait intervenu avant ses 65 ans et alors qu’il exerçait une activité professionnelle, ce qui lui aurait permis d’être couvert par la garantie sollicitée.

Il en résulte que le non respect allégué par le banquier de son obligation n’est pas caractérisé.

3/ Sur la demande de la Banque postale financement de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Si l’intimée formule, dans le dispositif de ses conclusions, cette prétention, elle ne développe toutefois aucun moyen à son appui.

La cour n’est donc pas tenue d’y répondre.

4/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Au regard de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. [B] aux dépens.

Si l’appelant soulève l’irrecevabilité de la demande de condamnation de la société Sogecap au titre des frais irrépétibles de première instance, force est de constater que cette demande a été formulée dès les premières conclusions de l’intimée, dans le délai imposé pour ce faire.

Nonobstant l’absence d’intitulé d’appel incident, cette demande est recevable.

Toutefois, aucune considération d’équité ne permet de faire application des dispositions de l’article 700 au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, comme ceux exposés en cause d’appel.

Succombant en son recours, M. [B] supportera la charge des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

DÉCLARE la société Sogecap recevable en sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles engagés en première instance ;

CONFIRME le jugement du juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Fort de France en date du 29 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable la Banque postale financement en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE M. [T] [B] aux dépens d’appel ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Signé par Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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