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15 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/08821
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 15 MARS 2023
(n° 53 , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08821 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUIZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de LILLE
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. PHARMACIE [Z] agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS d’AMIENS sous le numéro 328 156 088
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque L0010, avocat postulant
Assistée de Me Daniel GAUDOUR, de la SELARL RDB ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS, avocat plaidant
INTIMEE
LKAF SANTE anciennement dénommée LAFAYETTE CONSEIL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le numéro 483 275 996
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477, avocat postulant
Assistée de Me Jean-Louis FOURGOUX, de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, chargée du rapport et de Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de la chambre 5.4
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*******
La société Pharmacie [Z] est une officine de pharmacie située à [Localité 4].
La société LAF Santé, anciennement dénommée Lafayette Conseil, a pour activité le conseil et l’assistance des pharmacies adhérentes au réseau Lafayette.
Par acte sous seing privé en date du 21 mars 2006, la SNC [Z] & Huygue, devenue la SELARL Pharmacie [Z], a conclu une convention d’assistance avec la société Lafayette Conseil, par laquelle Lafayette Conseil s’engageait à mettre à disposition de la pharmacie bénéficiaire, l’assistance et les sevices suivants’: assistance dans le domaine de l’administratif et de la gestion, assistance en matière de trésorerie, assistance en matière commerciale, assistance en matière d’achats, assistance en matière de management, droit d’utilisation du nom Pharmacie Lafayette.
Cette convention a été conclue pour une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes de 3 ans, avec faculté conventionnelle de rompre le contrat avant son terme en cas d’inexécution de toute obligation du contrat. En cas de rupture, était prévu un engagement de non réaffiliation d’une durée de 12 mois.
Suivant avenant en date du 1e août 2011, les dispositions de la convention relatives à la rémunération de la société Lafayette Conseil, à la confidentialité et à l’exclusivité ont été modifiées.
A compter de 2013, la société Lafayette Conseil a mis en place un système de reversion d’argent au profit des pharmacies, dénommé «’Trade’», contrepartie de la coopération commerciale de la pharmacie avec les laboratoires et notamment la mise en avant de produits et gammes de produits.
Suite à des divergences de vue sur le reversement des remises, ristournes et prestations de coopération commerciale négociées par Lafayette Conseil ainsi que des doutes sur la transparence du service «’Trade’»’, la pharmacie [Z] a par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 février 2017, mis en demeure la société Lafayette Conseil d’avoir à lui communiquer les contrats négociés avec les fournisseurs, ainsi que ses comptes sociaux des 3 derniers exercices, précisant qu’à défaut , elle se verrait dans l’obligation de constater la résiliation de la convention aux torts de la société Lafayette Conseil.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mars 2017, la société Lafayette Conseil, a refusé de communiquer les contrats de référencement, contesté tout manquement contractuel et dit qu’une résiliation anticipée ne pourra qu’être considérée comme abusive.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 2017, la pharmacie [Z] a demandé à la société Lafayette Conseil de prendre acte de la résiliation à effet immédiat de la convention d’assistance en application des dispositions de l’article 13.
La pharmacie [Z] a rejoint le réseau Pharmabest.
Par ordonnance du 7 novembre 2017 du juge des référés du tribunal de commerce d’Amiens, saisi par la société Pharmacie [Z], a condamné sous astreinte la société Lafayette Conseil à communiquer ses comptes sociaux sur les trois derniers exercices clos à la Pharmacie [Z].
Cette ordonnance a été réformée par arrêt du 20 mars 2018 de la cour d’appel d’Amiens.
Par jugement du 26 juin 2019, le tribunal de commerce de Lille, saisi par la société Lafayette Conseil à la suite du jugement d’incompétence du 22 juin 2018 du tribunal de commerce d’Amiens, a débouté la Pharmacie [Z] de sa demande d’incident et rejeté sa demande de communication des contrats.
Enfin, par jugement du 8 avril 2021, le tribunal de commerce de Lille a’:
-Jugé que la rupture unilatérale du contrat par la Pharmacie [Z] est fautive et que celle-ci a engagé sa responsabilité’;
-Jugé que la Pharmacie [Z] a violé son engagement post-contractuel de non réaffiliation’;
-Jugé que la Pharmacie [Z] a de manière fautive, fait usage de signes distinctifs du réseau Lafayette, après avoir résilié la convention d’assistance.
-Débouté la Pharmacie [Z] de tous ses moyens, fins et conclusions’;
-Condamné la Pharmacie [Z] à payer à la SAS Lafayette Conseil les sommes suivantes’:
*114’580€ au titre de la rupture fautive de la convention d’assistance,
*150’000€ au titre de la violation de la clause de non réaffiliation,
*15’000€ au titre de l’utilisation fautive des signes de rattachement au réseau.
-Débouté la Pharmacie [Z] de sa demande de condamnation de la SAS Lafayette Conseil à une somme de 676’330,64€’;
-Débouté la Pharmacie [Z] de sa demande d’expertise judiciaire’;
-Condamné la Pharmacie [Z] à payer à la SAS Lafayette Conseil, la somme de 15’000€, au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile’;
-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire’;
-Condamné la Pharmacie [Z] aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 73,24€ (en ce qui concerne les frais de Greffe), comprenant notamment les frais d’assignation, les frais de greffe et les frais de signification du jugement à intervenir.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 06 mai 2021, la société Pharmacie [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 27 juillet 2021, la société Pharmacie [Z] demande à la Cour de’:
«’Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 (ancienne version) du Code civil,
Vu les dispositions de l’article L.442-6 du Code de commerce (ancienne version),
Vu les dispositions de l’article 1371 (ancienne version) et 1303 à 1303-4 (nouvelle version) du Code civil,
Vu les dispositions des articles 263 et suivants, 515 et 700 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence versée et les pièces communiquées,
– JUGER la PHARMACIE [Z] recevable et bien fondée en son appel ;
– RÉFORMER le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole du 8 avril 2021 en ce qu’il a :
*Jugé que la rupture unilatérale du contrat par la Pharmacie [Z] est fautive et que celle-ci a engagé sa responsabilité,
*Jugé que la Pharmacie [Z] a violé son engagement post-contractuel de non réaffiliation,
*Jugé que la Pharmacie [Z] a de manière fautive, fait usage de signes distinctifs du réseau Lafayette, après avoir résilié la convention d’assistance,
*Débouté la Pharmacie [Z] de tous ses moyens, fins et conclusions,
*Condamné la Pharmacie [Z] à payer à la SAS Lafayette Conseil les sommes suivantes :
-114.580 € au titre de la rupture fautive de la convention d’assistance ;
-150.000 € au titre de la violation de la clause non-réaffiliation ;
-15.000 € au titre de l’utilisation fautive des signes de rattachement au réseau ;
*Débouté la Pharmacie [Z] de sa demande de condamnation de la SAS Lafayette conseil à une somme de 676.330,64 €,
*Débouté la Pharmacie [Z] de sa demande d’expertise judiciaire,
*Condamné la Pharmacie [Z] à payer à la SAS Lafayette Conseil, la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
*Condamné la Pharmacie [Z] aux entiers dépens.
Et statuant à nouveau’:
Sur la résiliation de la convention d’assistance,
A titre principal,
-JUGER que la Cour d’appel ne peut valablement être saisie que de l’existence ou non d’un manquement contractuel de la société Lafayette Conseil à l’exclusion de toute appréciation de la gravité de ce manquement ;
-JUGER que la société LAFAYETTE CONSEIL a commis un manquement contractuel en :
1) percevant directement les RFA de croissance liées au volume d’achat et les avantages de coopération commerciale revenant au prorata de sa participation à la Pharmacie [Z] et ce, en violation de l’article 1er de la Convention d’assistance ;
2) créant un système de réversion opaque, dénommé « Trade », ne permettant pas à la pharmacie de connaître la provenance’des sommes et le montant auxquels elle pouvait prétendre eu égard notamment aux achats et actions de coopération commerciale mises en place dans sa pharmacie, en ne reversant pas ces sommes et en refusant de communiquer les modalités de calcul du « Trade » ; et ce en violation de l’article 1er de la Convention d’assistance.
3) imposant à la pharmacie un système opaque et illégal de réversion de sommes d’argent exposant la pharmacie à de lourdes sanctions de la DIRECCTE et ce, en violation de son obligation d’assistance en matière financière, administratif, et de gestion contractée aux termes de l’article 1er de la Convention d’assistance ;
4) refusant d’indiquer précisément à la PHARMACIE [Z] l’assiette et les modalités de calcul du « Trade » et de communiquer la copie des accords de référencement permettant à la pharmacie de s’assurer que la convention d’assistance était parfaitement exécutée, et ce, en violation des stipulations de loyauté et de bonne foi de l’article 12 de la Convention d’assistance ;
-JUGER que ces manquements contractuels justifient, par leur seule existence, la résiliation du contrat par la Pharmacie [Z] sur le fondement de la clause de résiliation conventionnelle de plein droit stipulée à l’article 13 de la Convention d’assistance ;
-DEBOUTER la société LAFAYETTE CONSEIL de sa demande tendant à voir juger la Pharmacie [Z] auteur d’une rupture contractuelle fautive ;
-ÉCARTER DES DÉBATS les arrêts visés par la société Lafayette Conseil et portant sur l’exécution de contrats de franchise ;
A titre subsidiaire,
-DÉBOUTER la société LAFAYETTE CONSEIL de l’ensemble de ses demandes de condamnations à hauteur de 478.400 € ;
-JUGER qu’en application de l’article 10 de la Convention d’assistance et compte tenu de la date à laquelle la convention a été résiliée, le montant des dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée de la convention d’assistance ne saurait excéder le plafond conventionnel de 50.000€ ;
Sur la clause de non-concurrence
A titre principal,
-JUGER que l’article 9 CLAUSE DE NON CONCURRENCE de la Convention d’assistance est une clause de non-concurrence dont les conditions de validité ne sont pas réunies ;
-PRONONCER LA NULLITÉ de la clause de non-concurrence stipulée à l’article 9 de la Convention d’assistance ;
A titre subsidiaire,
-DÉCLARER inopposable la clause de non-concurrence à la Pharmacie [Z] en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
A titre encore plus subsidiaire,
-RAMENER la clause pénale stipulée à hauteur de 150.000 € à une somme symbolique de 1 € ;
Sur la demande de condamnation provisionnelle de la Pharmacie [Z],
A titre principal,
-CONDAMNER la société Lafayette Conseil à payer titre provisionnel à la Pharmacie [Z] la somme de 676.330,64 € au titre des remises et avantages de coopération commerciale payés par les fournisseurs à la centrale et devant revenir au prorata de sa participation la Pharmacie [Z] et ce, en application de l’article 1er de la Convention d’assistance ;
A titre subsidiaire,
-CONDAMNER la société Lafayette Conseil à payer titre provisionnelle à la Pharmacie [Z] la somme de 676.330,64 € au titre de l’enrichissement sans cause, devenu enrichissement injustifié
En tout état de cause,
-ORDONNER une expertise judiciaire et désigner tel expert qu’il plaira à la Cour de désigner avec pour mission :
*De prendre connaissance de tous les accords de référencement (version complète sans confidentialisation) conclus du 1er janvier 2012 au 31 mars 2017 entre les fournisseurs auprès desquels la Pharmacie [Z] a passé commande et la société LAFAYETTE CONSEIL ;
*De prendre connaissance des comptes sociaux et de la comptabilité de la société Lafayette Conseil du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2018 (reversements N+1 des fournisseurs) ;
*D’entendre tout sachant qu’il jugera utile de rencontrer ;
*De se rendre en tous lieux et notamment le siège social de la société Lafayette Conseil et ses locaux d’archives situés notamment [Adresse 2] ;
*De se faire communiquer tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission et notamment de la part des fournisseurs ;
*De dire si toutes les remises, ristournes et avantages de coopération commerciale au titre des commandes passées par la Pharmacie [Z] et des actions de coopération commerciale réalisées par elle de 2012 à 2017 lui ont bien été reversées directement par les fournisseurs ;
*À défaut, de déterminer le montant des sommes versées par les fournisseurs à la société Lafayette Conseil au titre de commandes et prestations de coopération commerciale réalisées par la Pharmacie [Z] au profit des fournisseurs ;
*De déterminer la provenance des sommes allouées au titre du « Trade » entre 2014 et 2017 et les modalités de calcul du « Trade » versé à la Pharmacie [Z] en 2014 et 2015 ;
-JUGER que les frais d’expertise seront avancés et à la charge de la société Lafayette Conseil laquelle a refusé déloyalement de communiquer les accords de référencement ;
-DIRE que l’expert devra, avant le dépôt de son rapport, donner connaissance de ses premières conclusions aux parties pour leur permettre de formuler, le cas échéant, leurs observations et répondre aux dires des parties ;
-DIRE que l’expert devra déposer son rapport définitif dans un délai de 6 MOIS à compter de sa saisine ;
-JUGER que la condamnation provisionnelle à hauteur de 676.330,64 € deviendra définitive et portera intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts échus à compter de la présente décision à intervenir dans l’hypothèse où la société Lafayette Conseil ferait obstruction à l’expertise ordonnée notamment en ne communiquant pas les accords de référencement (sans confidentialisation de certaines clauses) ou les éléments financiers permettant à l’expert de réaliser sa mission ;
-DÉBOUTER la société Lafayette Conseil de sa demande de condamnation au titre de l’utilisation des signes de rattachement au réseau après la résiliation de la convention d’assistance ;
-CONDAMNER la société Lafayette Conseil à payer à la Pharmacie [Z] la somme de 20.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-CONDAMNER la société Lafayette Conseil aux entiers dépens de première instance et d’appel.’»
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 26 octobre 2021, la société LAF Santé, demande à la Cour de’:
«’Vu l’article 1134 du code civil antérieur à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et les articles 1212 et 1225 du même code,
Vu les articles L. 151-1 et suivants et l’article L. 442-6-1-2 du code de commerce,
Vu les articles L. 5125-4 I et suivants du code de la santé publique
Vu l’article 700 du code de procédure civile
Vu le Règlement européen n°330/2010
Vu la convention d’assistance et les pièces versées aux débats,
-DECLARER mal fondé l’appel formé par la PHARMACIE [Z] ;
-CONSTATER que la PHARMACIE [Z] a engagé sa responsabilité pour une rupture fautive de la convention d’assistance ;
-CONSTATER que la PHARMACIE [Z] a violé son engagement post-contractuel de non réaffiliation ;
-CONSTATER que la PHARMACIE [Z] a fautivement fait usage des signes distinctifs du réseau Lafayette, après avoir abusivement résilié la convention d’assistance;
Par conséquent :
-CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
En tout état de cause et y ajoutant
-DEBOUTER l’appelante de toutes ses demandes ;
-CONDAMNER PHARMACIE [Z] aux entiers dépens et à payer la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.’»
MOTIVATION
Sur la demande de la Pharmacie [Z] tendant à voir écarter des débats les arrêts produits par Lafayette Conseil portant sur l’exécution de contrats de franchise
Aucun motif ne justifie de faire droit à cette demande, la partie étant en droit de verser la jurisprudence qu’elle estime pertinente.
Sur la résiliation de la convention d’assistance
La Pharmacie [Z] fait valoir que’:
-L’article 13 de la Convention d’assistance est une clause de résiliation conventionnelle de plein droit qui peut être déclenchée en cas d’inexécution de «’l’une quelconque des obligations’» et que cette résiliation est «’automatiquement de plein droit un mois après une mise en demeure’», les parties ayant conventionnellement soustrait au juge toute appréciation de la gravité du manquement justifiant la mise en ‘uvre de la clause,
-Elle a respecté les conditions de forme et de fond requises pour mettre en ‘uvre la résiliation conventionnelle, soutenant que la société Lafayette Conseil a violé plusieurs stipulations contractuelles de la convention d’assistance, à savoir’:
-Perçu des RFA de croissance liées au volume d’achat de la pharmacie et du réseau ainsi que des avantages de coopération commerciale directement des fournisseurs en violation de l’article 1e de la convention, sans avoir reçu de mandat d’encaissement, ainsi qu’il résulte des avoirs, des fiches de books commerciaux, et des aveux de la société Lafayette Conseil,
-Capté des RFA de croissance et de la coopération commerciale lui revenant reversés partiellement sous forme du «’Trade’», ainsi qu’il résulte des contrats SANOFI-AVENTIS communiqués, des accords de référencement communiqués partiellement par Lafayette Conseil dans un dossier similaire, et de l’incohérence du modèle économique de Lafayette Conseil au regard du chiffre d’affaires réalisés ainsi que du nombre d’adhérents au réseau, faisant valoir que les books commerciaux ne font aucune mention des RFA de croissance (ou de performance) et de la coopération commerciale et que Lafayette Conseil a créé un système opaque de réversion de somme d’argent via le système «’Trade’», non-prévu dans la convention d’assistance, violant ainsi l’article 1er de
la convention d’assistance et s’enrichissant ainsi au détriment des pharmacies ainsi qu’il résulte du rapport «’redevance/Trade’» et du rapport’«’Redevances et Cotisations annuelles du Réseau/Chiffre d’affaires annuel de Lafayette’», ce qui justifie sa demande de communication des accords de référencement et à défaut la résiliation de la convention d’assistance aux torts de Lafayette Conseil,
-L’a exposé délibérément à une très lourde sanction de la DIRECCTE, faisant état à cet égard de l’avertissement reçu le 6 septembre 2016 (sa pièce 17) par une autre pharmacie du réseau, sans régulariser la situation avec toutes les pharmacies, manquant ainsi à son obligation d’assistance en matière financière, administrative et de gestion contactée aux termes de l’article 1er de la convention,
-A fait preuve de déloyauté contractuelle en refusant de lui communiquer les accords de référencement et les modalités de calcul du «’Trade’», violant ainsi son devoir de loyauté et de bonne foi contractuelle figurant à l’article 12 de la convention, ajoutant qu’une clause de confidentialité figure à l’article 7 de la convention.
Elle soutient en conséquence qu’elle a mis en ‘uvre de bonne foi la clause de résiliation de plein droit.
La société Lafayette Conseil rétorque que’:
-Il appartenait à la Pharmacie [Z], à la date de mise en ‘uvre de la clause de résiliation anticipée, de démontrer un manquement suffisamment grave justifiant l’arrêt de la convention d’assistance, ajoutant que la Pharmacie [Z] cherchait un prétexte pour mettre un terme au contrat de manière anticipée et que la mise en demeure, formulée de manière approximative et précipitée, ne peut constituer une mise en demeure valable.
-Elle a respecté ses engagements contractuels en rendant compte auprès de ses adhérents, de façon permanente, transparente tout au long du processus de négociation, des conditions qui leur sont proposées par l’ensemble des laboratoires référencés.
-Elle n’est pas un intermédiaire et n’a aucune obligation de résultat.
-La Pharmacie [Z] ne justifie pas d’un éventuel écart entre le Book Commercial et les remises effectivement perçues et qu’aucune opacité des virements ne peut être caractérisée, de sorte que la clause de résiliation a été mise en ‘uvre de façon fautive par la Pharmacie [Z], en violation de son obligation de bonne foi, reposant sur l’article 1134 du Code civil et l’article 12 de la Convention d’assistance.
Réponse de la Cour,
L’article 13 de la convention d’assistance conclu le 21 mars 2006 dispose’:
«’Le présent contrat pourra être résilié par anticipation par l’une ou l’autre des parties, en cas d’inexécution de l’une quelconque des obligations incombant à l’autre partie aux termes de celui-ci, notamment’:
-en cas d’adhésion à un contrat de pharmaciens concurrents,
-en cas de communication à LAFAYETTE CONSEIL d’informations incomplètes, erronées, fausses ou mensongères pendant la période précontractuelle et/ou contractuelle,
-en cas de communication tendancieuse et/ou trompeuse ou fausse à d’autres bénéficiaires du présent accord,
-en cas d’interdiction prononcée à l’encontre du bénéficiaire d’exercer la profession de pharmacien pour une durée supérieure à un an,
-en cas de défaut de paiement ou retard de paiement de toute somme due à LAFAYETTE CONSEIL,
-en cas de renonciation de l’application de la technique commerciale préconisée par LAFAYETTE CONSEIL,
-en cas de rétrocession de marchandises à quelque entité que ce soit sauf à des pharmacies appartenant au réseau.
Tous ces cas étant entendus comme étant du fait du (des) pharmaciens(s) titulaire(s) ou de son (ses) associé(s).
La résiliation interviendra automatiquement de plein droit un mois après une mise en
demeure signifiée à la partie défaillante par lettre recommandée avec demande d’avis de réception indiquant l’intention de faire jouer la présente clause et restée sans effet.
(..)’»
La lettre recommandée avec accusé de réception du 8 février 2017 adressée par la SNC [Z] & Huygue mettait en demeure la société Lafayette Conseil d’avoir à lui apporter «’toutes les explications sur les faits ci-dessus relatés dans un délai de 30 jours et à remédier à toutes les anomalies sus-énoncées’» sous peine de voir constater la résiliation des accords contractuels conformément aux dispositions de l’article 13 de la convention.
La SNC y indiquait que la société Lafayette Conseil s’était obligée à agir au nom et pour son compte lors de la négociation auprès des fournisseurs de l’ensemble des conditions commerciales, s’interrogeait sur l’effectivité de ses prestations, notamment sur la question de savoir, si conformément à ses «’obligations de mandataire’», elle rendait compte de toutes les conditions d”achat négociées auprès des fournisseurs, rappelant que l’article 1er de la convention précisait que l’ensemble des remises accordées par les fournisseurs seraient distribuées au pharmacien. Elle se plaignait également de la pratique des factures dites «’trade’» instituées récemment, sans avenant à la convention initiale, dont elle disait qu’elle ne faisait «’qu’accroître ses doutes sur la transparence de [ses] agissements’», faisant état d’un reversement arbitraire des avantages négociés auprès des fournisseurs pour son compte, sans qu’il lui soit permis d’en déterminer le montant exact.
Elle demandait en conséquence pour les années 2013 à 2016, de lui adresser l’ensemble des conditions générales et particulières des contrats d’achat négociés «’en ce compris les accords de coopération commerciale, et notamment ceux résultant des’plans’«’trade’» pour s’assurer du reversement effectif des avantages commerciaux lui revenant, outre la communication des comptes de la société des trois derniers exercices.
L’article 1er de la convention faisant la loi des parties qui traite des engagements d’assistance de Lafayette Conseil au profit de la pharmacie bénéficiaire, indique s’agissant de l’assistance en matière d’achats, à laquelle aurait manqué l’intimée’:
«’Négociations de commande de marchandises’;
Négociations des prix pour la pharmacie bénéficiaire directement avec les fournisseurs et les laboratoires dans le respect de préconisations de prix’;
Négociations de l’ensemble des remises et conditions commerciales sur l’ensemble des commandes effectuées’;
Les remises seront distribuées directement au pharmacien partenaire par le laboratoire conformément au contrat de référencement liant le prestataire au laboratoire’».
Comme le soutient justement l’intimée, la convention d’assistance ne prévoit ni mandat liant la société Lafayette Conseil à ses adhérents, ni la perception par Lafayette Conseil de sommes des laboratoires pour le compte de ses adhérents.
Par conséquent aucune obligation de rendre un compte financier de gestion ne pèse sur Lafayette Conseil à l’égard de ses adhérents, ni davantage celle de produire les accords de référencement avec les laboratoires.
En conséquence, Lafayette Conseil était fondée à renvoyer la pharmacie adhérente vers le «’Book Commercial’» censé relater l’issue des négociations commerciales.
Ainsi, il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir satisfait à la demande de production des pièces visées dans la mise en demeure relativement à l’ensemble des conditions générales et particulières des contrats d’achat négociés ainsi que les comptes de la société des trois derniers exercices.
En revanche, s’agissant du Trade, la pièce 4 versée par l’appelante est un appel à facturation de Lafayette Conseil du 5 avril 2016 au titre de «’la mobilisation de l’équipe officinale » pour l’année 2015.
Il ne peut valablement être soutenu que cette facturation serait étrangère à la convention d’assistance alors qu’elle s’inscrit dans le cadre de cette convention liant les officines adhérentes au groupement, a été mise en place et versée par Lafayette Conseil à chacune d’elle à compter de l’année 2013, avec pour objet «’mobilisation de l’équipe officinale’». Elle est entrée dans le champ contractuel.
A cet égard, l’Annexe 9 du Contrat Groupement 2015 (pièce 37) intitulé «’SERVICES MARKETING 2015’» qui mentionne un «’BUDGET TRADE 2015= 91’000,00€’» indique dans la colonne «’Descriptif’»’:
«’Communication et valorisation des temps forts produits négociés avec le laboratoire auprès de ses adhérents. Le groupement doit (faire les meilleurs efforts pour) communiquer a minima via email, environ un mois avant l’opération les modalités de celles-ci auprès de tous ses adhérents’:
-Mise en place d’une TG et diffusion d’un film sur les écrans plasma du groupement, durée de l’animation 2 semaines.
-Justificatifs à nous fournir’: mail ou support diffusé aux adhérents/ Justificatif de diffusion du film’», elle comporte aussi, outre une colonne «’Nombre’», «Marque/Catégorie’» , «’Levier’», «’date de mise en place’», une dernière colonne «’Montant’» comportant la somme versée.
Or, Lafayette Conseil n’a donné aucune explication sur le système du «’Trade’» dont il est constant qu’il ne figure pas au Book Commercial entretenant ainsi une opacité fautive, ce en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée visant la clause résolutoire.
Il sera ajouté s’agissant de la rétention alléguée par Lafayette Conseil des remises laboratoires, que l’officine adhérente produit notamment une remise laboratoire versée par Lafayette Conseil sous forme d’avoir (sa Pièce 6), entretenant ainsi une certaine opacité que la mention «’reversion à tort par le laboratoire’» n’est pas de nature à dissiper.
Il convient donc, infirmant, le jugement entrepris, de dire que la clause résolutoire de plein droit a joué, un mois après la mise en demeure sur le fondement de l’article 13 de la convention d’assistance.
La société Lafayette Conseil sera ainsi déboutée de ses demandes de dommages-intérêts en réparation de son préjudice sollicitée au titre de la rupture fautive du contrat.
Sur la clause de non-réaffiliation
La Pharmacie [Z] fait valoir que la clause de non-réaffiliation doit être qualifiée de clause de non-concurrence puisque la clause interdit, après expiration du contrat, l’affiliation à un réseau concurrent et même la création d’un groupement ou réseau.
Elle soutient que la partie de la clause qui lui interdit de s’affilier à un groupement est abusive puisque cette affiliation serait indispensable dans ce secteur et que les conditions de validité de la clause ne sont pas réunies :
-La clause n’est pas limitée quant à l’activité proscrite à la pharmacie’;
-La clause ne comporte pas de limitation territoriale réelle’;
-La clause n’est pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société Lafayette Conseil’;
-La clause porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’exercer de la Pharmacie
La société Lafayette Conseil réplique qu’il s’agit bien d’une clause de non-réaffiliation et non d’une clause de non-concurrence, faisant valoir que la clause litigieuse porte sur une limitation de s’affilier à un autre groupement de pharmacies et ne limite pas le champ d’activité de la pharmacie.
Elle affirme que’:
-La sanction afférente à la violation de la clause est proportionnée à l’importance des intérêts qu’elle permet de protéger.
-L’encadrement spatio-temporel est justifié et licite puisqu’elle est circonscrite et proportionnée en lieu (le territoire métropolitain et les DOM-TOM) et en temps (pour une durée de 12 mois).
-La clause est légitime puisqu’elle permet de protéger le savoir-faire de la société Lafayette Conseil composé de négociations auprès des laboratoires, stratégies de marketing, formation continue, gestion financières et commerciales’;
-La clause ne fait pas obstacle à la liberté d’exercice et d’entreprendre de la pharmacie puisqu’elle lui permet d’exercer librement après la rupture à condition de ne pas intégrer un groupement dans l’année suivant la rupture.
Réponse de la Cour
L’article 9 de la convention d’assistance «’Clause de non concurrence’» dispose’:
«'(‘)
En cas de rupture du contrat pour quelque cause que ce soit ou de non renouvellement, la pharmacie bénéficiaire s’interdit de créer ou d’adhérer à un groupement ou réseau de quelque type qu’il soit, concurrent à LAFAYETTE CONSEIL en raison de la similitude de certaines prestations pouvant être offertes notamment gestion, marketing, négociation,”
Cette interdiction s’appliquera pour une durée de 12 mois et sera limitée au territoire de la France métropolitaine et des DOM TOM.
(‘)’»
Les clauses de non-concurrence post-contractuelles, auxquelles sont assimilées les clauses de non-réaffiliation en ce qu’elles portent atteinte au principe de la liberté du commerce, doivent être proportionnée à l’objectif qu’elles poursuivent.
Une clause de non-affiliation doit ainsi être justifiée par la protection des intérêts légitimes de son créancier et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur, c’est-à-dire être limitée dans le temps et dans l’espace.
Elle doit de surcroît, au regard de la mise en balance de l’intérêt légitime du créancier de non-affiliation et de l’atteinte qui est apportée au libre exercice de l’activité professionnelle du débiteur de non-affiliation, être proportionnée. Elle ne doit donc pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts du débiteur, outrepassant la nécessaire protection du savoir-faire du créancier.
En l’espèce, cette clause de non-réaffiliation vise la France métropolitaine et les DOM TOM sans qu’il soit justifiée du caractère indispensable de cette étendue géographique à la protection des savoirs faire du groupement. En effet, Lafayette Conseil n’explicite pas en quoi la similitude de certaines prestations pouvant être offertes notamment gestion, marketing, négociation,”par un réseau concurrent rendrait nécessaire l’interdiction d’une réaffiliation sur tout le territoire français alors que l’exclusivité des savoirs faire Lafayette Conseil a été concédée à la Pharmacie [Z] sur un secteur géographique représentée par les limites de la ville d'[Localité 4].
Par conséquent, cette clause est disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes de Lafayette Conseil.
De surcroît, la clause porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’exercice de la pharmacie en ce qu’elle l’empêche d’exercer en dehors de tout réseau pendant une année, portant ainsi atteinte à la rentabilité de son commerce, sans justifier du caractère indispensable d’une telle interdiction au regard de ses propres intérêts légitimes.
Dès lors, la clause 9 de la convention d’assistance est nulle et de nul effet.
Lafayette conseil est déboutée de sa demande d’indemnisation pour non-respect de l’engagement post contractuel de non-ré affiliation.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur l’utilisation des signes de rattachement au réseau postérieurement à la résiliation
La Pharmacie [Z] fait valoir que la société Lafayette Conseil ne justifie d’aucun préjudice.
La société Lafayette Conseil réplique qu’après la résiliation anticipée, la Pharmacie [Z] a persisté à se prétendre encore membre du réseau Lafayette. Elle soutient que la pharmacie était présentée sur plusieurs sites comme faisant toujours partie du réseau Lafayette ultérieurement à la prise d’effet de la résiliation. La société Lafayette Conseil affirme que la Pharmacie [Z] a créé une confusion déloyale sur le nouveau réseau auquel elle appartient depuis le 22 mars 2017, au détriment de la société Lafayette Conseil. La société Lafayette Conseil sollicite la somme de 15’000€ au titre du préjudice résultant de la confusion née de l’utilisation fautive des signes de rattachement du réseau.
Réponse de la Cour
L’article 14 de la convention d’assistance dispose’:
«’A l’expiration du contrat, pour quelque cause que ce soit, les parties se retrouveront placées dans la situation antérieure à celle de sa signature.
La pharmacie bénéficiaire perdra dès la cessation du contrat le droit de l’utilisation du nom «’Pharmacie Lafayette’» et de son logo associé déposé à l’INPI en tant que marque.
(”)’»
Il résulte des procès-verbaux de constat d’huissier des 28 avril et 27 mai 2017 que la pharmacie [Z] a continué à exploiter un site internet www. [05].fr en sa qualité d’adhérente au réseau Lafayette (constat du 28 avril 2017) et qu’elle a exploité un site internet pharmaforce.fr faisant référence au réseau Lafayette (constat du 27 mai 2017) alors qu’elle s’était prévalue de la résiliation de plein droit de la convention d’assistance à la date du 21 mars 2017.
Elle a donc violé l’article 14 du contrat, créant une confusion déloyale sur le réseau, faute dont il s’infère nécessairement un préjudice, lequel qui sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 15’000 € à Lafayette Conseil.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande de condamnation provisionnelle et l’expertise
La Pharmacie [Z] fait valoir que la quasi-totalité du chiffre d’affaires de la société Lafayette Conseil ne correspond pas à des redevances ou à des cotisations et que les avantages de coopération commerciale doivent partiellement lui revenir, et ce pour un montant de 676’330,64€. Elle se prévaut à cet égard de l’étude réalisée par Bilans &Projets Expertise Comptable (sa pièce 29).
Subsidiairement, elle fonde sa demande de provision sur un enrichissement sans cause devenu enrichissement injustifié de la société Lafayette Conseil lié à un appauvrissement à son détriment du fait de la non-perception des avantages de coopération commerciale lui revenant.
Enfin, elle sollicite une expertise au motif qu’elle est fondée à connaitre pour la période de 2012 à 2016 les termes des accords de référencement conclus avec les fournisseurs, le mode de détermination des remises, avantages de coopération commerciale ainsi que leur assiette de calcul, la provenance des sommes versées au titre du système «’Trade’» et son mode de calcul, le montant des sommes versées par les fournisseurs à la centrale au titre des prestations réalisées par la pharmacie et les sommes auxquelles la pharmacie pouvait prétendre.
La société Lafayette Conseil réplique que la Pharmacie [Z] ne produit aucun écrit chiffré venant prouver des différences supposées entre les remises annoncées et les remises effectivement perçues. La société Lafayette Conseil conteste devoir verser son chiffre d’affaires en plus des redevances à ses adhérents.
Elle ajoute que les critères de «’l’appauvrissement corrélatif d’une autre personne’» et de «’l’enrichissement injustifié’» ne sont pas remplis, faisant valoir que si elle perçoit une rémunération de certains laboratoires pour des prestations de service qu’elle réalise directement, cette rémunération est justifiée.
Enfin, elle soutient que la demande d’expertise se heurte au principe selon lequel il incombe à chaque partie de rapporter la preuve de ses allégations. Elle considère que la demande d’expertise est intrusive et non justifiée par des éléments factuels ou juridiques mais seulement par des allégations non étayées. Elle oppose également le secret des affaires.
Réponse de la Cour
La circonstance que Lafayette Conseil perçoive des sommes plus importantes que celles versées par ses adhérents au titre des redevances et des cotisations est impropre à justifier de la provision sollicitée par la Pharmacie [Z].
En effet, Lafayette Conseil a d’autres sources de revenus, notamment des redevances d’officines et de magasins d’optique qui ne sont pas sous enseigne Lafayette, outre des plans d’aménagement des points de vente (sa pièce 24) et développe des produits sous marques de distributeur (MDD) (sa pièce 25).
Enfin, elle perçoit directement des sommes des laboratoires au titre des propres prestations qu’elle effectue sans devoir les reverser à ses adhérents, telles que les opérations «’Testing produit’» réalisé par Lafayette Conseil sur son site internet.
Ainsi, la Pharmacie [Z] ne justifie pas de sa demande d’indemnité provisionnelle calculée sur le chiffre d’affaires annuel de Lafayette Conseil et sa demande fondée sur l’enrichissement sans cause ne peut davantage prospérer, faute d’établir notamment un enrichissement injustifié.
S’agissant de la demande d’expertise, il sera rappelé qu’une mesure d’instruction ne peut pallier la défaillance des parties dans l’administration de la preuve qui lui incombe.
Faute d’établir que Lafayette Conseil ne lui aurait pas versé des sommes lui revenant, la Pharmacie [Z] ne peut qu’être déboutée de sa demande d’expertise.
La seule circonstance qu’un avoir lui ait été facturé le 31 mai 2016 par Lafayette Conseil (sa pièce 6) et que le système du «’trade’» mis en place manque de transparence, ne saurait justifier une telle mesure.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de provision et la demande d’expertise.
Sur les dépens et l’article 700 CPC
Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la société Lafayette Conseil, devenue Laf Santé qui succombe pour l’essentiel.
En revanche, l’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 au profit de l’une ou l’autre des parties en première instance comme en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a’:
– Jugé que la Pharmacie [Z] a de manière fautive, fait usage de signes distinctifs du réseau Lafayette, après avoir résilié la convention d’assistance.
-Condamné la Pharmacie [Z] à payer à la SAS Lafayette Conseil la somme de
15 000€ au titre de l’utilisation fautive des signes de rattachement au réseau ;
– Débouté la Pharmacie [Z] de sa demande de condamnation de la SAS Lafayette Conseil à une somme de 676’330,64€’;
-Débouté la Pharmacie [Z] de sa demande d’expertise judiciaire’;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant’:
-Déboute la société LAF Santé (anciennement Lafayette Conseil) de sa demande tendant à voir dire que la Pharmacie [Z] est l’auteur d’une rupture contractuelle fautive’;
-Déboute la Pharmacie [Z] de sa demande tendant à voir écarter des débats les arrêts visés par Lafayette Conseil portant sur l’exécution de contrats de franchise’;
-Prononce la nullité de la clause de non-concurrence prévue à l’article 9 de la convention d’assistance,
-Déboute la société LAF Santé (anciennement Lafayette Conseil) de ses demandes d’indemnisation fondée sur la rupture fautive de la convention d’assistance et sur la violation de la clause de non-concurrence ;
-Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamne la société Laf Santé (anciennement Lafayette Conseil) aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE