Déséquilibre significatif : 15 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/15696
Déséquilibre significatif : 15 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/15696
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15 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/15696

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° 52 , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/15696 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSPT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2020 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n°J2019000332

APPELANTS

Monsieur [K] [N] en sa qualité d’associé unique de la SARL CODE BAR

Né le 22 mai 1964 à [Localité 7] (IRAN)

[Adresse 2]

[Localité 6]

SARL CODE BAR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 812 052 223

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentées par Maître Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque  D945, avocat postulant

Assistées de Maître Franck AGAHI, avocat au barreau de PARIS, toque C1404, avocat plaidant

INTIMEES

S.A. ETABLISSEMENTS TAFANEL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 562 072 397

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Maître Bruno REGNIER, de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET – CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L0050,

Assistée de Maître Valérie MENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1354, avocat plaidant

Société AJA 2 agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 801 244 899

[Adresse 3]

[Localité 4]

Acte de signification du 14/12/2020, PV de recherches infructueuses – article 659 du Code de procédure civile

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur Julien RICHAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère

Monsieur Julien RICHAUD, Conseiller

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

– par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Laure DALLERY, présidente de chambre et par Madame Claudia CHRISTOPHE, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt à été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Code Bar, dont monsieur [K] [N] est le gérant et l’associé unique en vertu de cessions de parts sociales et de garantie de passif conclues le 8 juin 2016 avec la SARL Aja 2, qui avait acquis la totalité des parts constituant son capital social le 15 janvier 2016 pour une somme d’un euro, exploite depuis sa constitution le 16 juin 2015 un fonds de commerce de café brasserie situé [Adresse 3].

Pour les besoins de son activité, elle a conclu avec la SA Etablissements Tafanel, pour une durée de 5 ans, les deux contrats suivants :

– le 15 juin 2015, un jour avant son immatriculation, une convention d’approvisionnement exclusif d’une bière de marque Kronenbourg en contrepartie de la mise à disposition d’une installation de tirage de bière ;

– le 15 octobre 2015, une convention d’approvisionnement exclusif de boissons non alcoolisées avec une quantité minimale imposée en contrepartie d’une aide financière de 18 000 euros.

Par courrier du 21 juin 2017, la SA Etablissements Tafanel mettait en demeure la SARL Code Bar de respecter les minimas de commandes stipulés dans le contrat du 15 octobre 2015 et de lui régler les marchandises livrées pour un montant de 17 684,29 euros TTC. Puis, par courrier de son conseil du 20 octobre 2017 elle itérait sa mise en demeure en visant l’article 5.2 de cette convention rédigé en ces termes : “en cas d’inexécution d’une quelconque de ses obligations par le revendeur, de non-respect de l’exclusivité d’approvisionnement et/ou de non-respect de l’engagement du volume global sur la durée d’exécution du présent contrat, le revendeur s’engage à rembourser au fournisseur la prestation financière mentionnée à l’article 1”. Elle sollicitait en outre, par cette lettre, le rachat du matériel mis à disposition en exécution du contrat du 15 juin 2015 pour un montant de 5 660,40 euros au motif que la SARL Code Bar avait cessé toute commande à compter du 31 juillet 2017.

C’est dans ces circonstances que la SA Etablissements Tafanel a, par acte d’huissier signifié le 13 novembre 2017, assigné la SARL Code Bar devant le tribunal de commerce de Paris. Monsieur [K] [N] intervenait volontairement à l’instance et assignait en intervention forcée la SARL Aja 2.

Par jugement du 28 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a en particulier, avec exécution provisoire de droit sur l’ensemble de ses dispositions :

– débouté la SARL Aja 2 de sa fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir à son encontre de monsieur [K] [N] et de la SARL Code Bar ;

– débouté la SA Etablissements Tafanel de sa demande de 5 660,04 euros au titre de la convention de tirage de bière du 15 juin 2015 ;

– dit que la SARL Code Bar devrait restituer à la SA Etablissements Tafanel l’installation de tirage de bière telle que décrite aux termes de la reconnaissance de dépôt du 15 juin 2015 et ce, sous astreinte temporaire ;

– prononcé la résiliation de la convention du 15 octobre 2015 aux torts exclusifs de la SARL Code Bar et condamné celle-ci et monsieur [K] [N] au paiement des sommes de 18 000 et 60 212,54 euros, assorties des intérêts légaux à compter du 20 octobre 2017, date de la mise en demeure, et condamné la SARL Aja 2 à relever et garantir monsieur [K] [N] de cette condamnation ;

– condamné la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 17 694,29 euros, et condamné la SARL Aja 2 à relever et garantir monsieur [K] [N] de cette condamnation ;

– condamné la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] à payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné la SARL Aja 2 à relever et garantir monsieur [K] [N] à hauteur de 3 000 euros ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné la SARL Code Bar, monsieur [K] [N] et la SARL Aja 2 à supporter les dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 118,98 euros et 19,82 euros de TVA.

Par déclaration reçue au greffe le 3 novembre 2020, la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] ont interjeté appel de ce jugement.

Néanmoins, par acte sous seing privé du 21 janvier 2021, la SARL Code Bar et la SA Etablissements Tafanel ont transigé sur un point de ce dispositif, la première conservant l’installation de tirage à bière moyennant le versement d’une somme forfaitaire et définitive de 4 000 euros à la seconde.

Par ailleurs, la SARL Aja 2 ayant été radiée d’office le 1er septembre 2020, le président du tribunal de commerce a, par ordonnance rendue sur requête le 16 septembre 2021, désigné un mandataire ad hoc pour la représenter à l’instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 juillet 2021 et signifiées à la SARL Aja 2 en la personne de son mandataire ad hoc le 18 janvier 2023, la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] demandent à la cour, au visa des articles 1109, 1152 et 1231 (anciens), 1130 et suivants et 1231-5 (nouveaux) du code civil et L 442-6 du code de commerce,

– d’infirmer le jugement rendu le 28 septembre 2020 par le tribunal de commerce de paris en ce qu’il a :

* prononcé la résiliation de la convention du 15 octobre 2015 aux torts exclusifs de la SARL Code Bar et condamné la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] au paiement des sommes de 18 000 euros et de 60 212,54 euros, assorties des intérêts légaux à compter du 20 octobre 2017, date de la mise en demeure ;

* condamné la SARL Aja 2 à relever et garantir monsieur [K] [N] de cette condamnation ;

* condamné la SARL Code Bar ainsi que monsieur [K] [N] à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 17 694,29 euros ;

* condamné la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] à payer la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* débouté la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] de leurs autres demandes ;

* ordonné l’exécution provisoire ;

* condamné la SARL Code Bar, monsieur [K] [N] et la SARL Aja 2 à supporter les dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 118,98 euros et 19,82 euros de TVA ;

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

* pris acte de l’intervention volontaire de monsieur [K] [N] à l’instance ;

* débouté la SARL Aja 2 de sa fin de non-recevoir ;

* débouté la SA Etablissements Tafanel de sa demande de 5 660,04 euros au titre de la convention de tirage de bière du 15 juin 2015 ;

* condamné la SARL Aja 2 à relever et garantir la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] des condamnations prononcées à leur encontre ;

* débouté la SA Etablissements Tafanel de ses autres demandes ;

– et, y ajoutant, de :

* déclarer infondé l’appel incident soulevé par la SA Etablissements Tafanel ;

* débouter la SA Etablissements Tafanel et la SARL Aja 2 de toutes leurs demandes dirigées contre la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] ;

* à titre subsidiaire, supprimer ou à défaut réduire le montant qui serait alloué à la SA Etablissements Tafanel à titre de clause pénale ;

* subsidiairement, en cas de la condamnation de la SARL Code Bar, condamner la SARL Aja 2 à relever et garantir intégralement monsieur [K] [N] et la SARL Code Bar de toutes les condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, de quelque nature que ce soit (notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens), en première instance et en appel ;

– en tout état de cause :

* de constater l’accord des parties sur l’installation de tirage de bière, par protocole d’accord signé le 21 janvier 2021 ;

* de débouter la SA Etablissements Tafanel et la SARL Aja 2 de toutes leurs demandes dirigées contre la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] ;

* à titre subsidiaire :

¿ de constater que le jugement de première instance a statué ultra petita et que de plus, il est infondé en ce qu’il a associé monsieur [K] [N] aux condamnations prononcés à l’encontre de la SARL Code Bar ;

¿ en conséquence, d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné monsieur [K] [N] à payer les prétendues dettes de la SARL Code Bar mises à la charge de celle-ci ;

* de condamner solidairement la SA Etablissements Tafanel et la SARL Aja 2, à payer à la SARL Code Bar et à monsieur [K] [N], la somme totale de 12 000 euros, soit à chacun la somme de 6 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* de condamner solidairement la SA Etablissements Tafanel et la SARL Aja 2 à l’intégralité des dépens de première instance et d’appel.

En réplique, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 août 2022, la SA Etablissements Tafanel demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants (ancienne version) du code civil, 1103, 1104 et suivants (nouvelle version) du code civil :

– de déclarer la SARL Code Bar, prise en la personne de son représentant légal, et monsieur [K] [N] recevables mais partiellement mal fondés en leur appel du jugement rendu le 28 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Paris ;

– de statuer ce que de droit sur l’appel de monsieur [K] [N] en donnant acte à la SA Etablissements Tafanel de ce qu’elle n’a jamais formulé de demande à son encontre ;

– de constater l’accord intervenu entre les parties sur l’installation de tirage de bière pression mise à disposition selon le protocole d’accord transactionnel régularisé le 21 janvier 2021 ;

– de débouter la SARL Code Bar, prise en la personne de son représentant légal, et monsieur [K] [N] de l’ensemble de leurs demandes ;

– déclarer la SA Etablissements Tafanel, prise en la personne de son représentant légal, recevable et bien fondée en son appel incident ;

– et y faisant droit, d’infirmer le jugement en date du 28 septembre 2020 en ce qu’il a débouté la SA Etablissements Tafanel de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la SARL Code Bar à lui payer la somme de 17 694,29 euros au titre des marchandises livrées et impayées augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2017, date de la mise en demeure ;

– statuant à nouveau, de condamner la SARL Code Bar, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SA Etablissements Tafanel, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 17 694,29 euros au titre des marchandises livrées et impayées augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2017, date de la mise en demeure ;

– de confirmer les autres dispositions du jugement attaqué ;

– y ajoutant, d’ordonner la capitalisation des intérêts à compter des présentes conclusions sur les sommes dues par la SARL Code Bar ;

– de condamner la SARL Code Bar, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la SA Etablissements Tafanel, prise en la personne de son représentant légal, la somme supplémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la SARL Code Bar, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens d’appel au profit de la SCP Régnier-Béquet-Moisan, avocats, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture, révoquée le 24 janvier 2023, a été rendue le même jour. La SARL Aja 2, représentée par son mandataire ad hoc, n’ayant pas constitué avocat, l’arrêt sera rendu par défaut en application de l’article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRET

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

A titre liminaire, la cour constate, à la lecture de la déclaration d’appel de la SARL Code Bar et de monsieur [K] [N] ainsi que de l’appel incident de la SA Etablissements Tafanel, que les chefs du dispositif du jugement relatifs à la fin de non-recevoir opposée par la SARL Aja 2, non constituée, ne sont pas dévolus à sa connaissance au sens de l’article 562 du code de procédure civile. Aussi, les moyens des appelants les concernant ne seront pas examinés et aucune confirmation ne sera prononcée. Il en est de même de la garantie de la SARL Aja 2 qui n’est contestée qu’en ce qu’elle concerne monsieur [K] [N] contre qui aucune condamnation n’était sollicitée.

Par ailleurs, les parties admettent que, par l’effet de la transaction conclue le 21 janvier 2021, aucune demande n’est présentée au titre de l’installation de tirage de bière.

Enfin, il ressort du procès-verbal de signification de la déclaration d’appel dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile que l’huissier a instrumenté à l’adresse figurant sur l’extrait Kbis de la SARL AJA 2, tant pour la personne morale que pour son gérant, et qu’il a, dans le premier cas, interrogé les voisins et consulté les Pages Jaunes après avoir vainement cherché sa dénomination sociale sur les boîtes aux lettres présentes sur place, et, dans le second cas, avoir compulsé les Pages Blanches et n’avoir pu, faute de boîte aux lettres à son nom, délivré l’acte à la nouvelle adresse qu’il y avait trouvée.

Et, aux termes du procès-verbal de signification des dernières conclusions d’appelant au mandataire ad hoc de la SARL AJA 2, également dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile, l’huissier a, à l’adresse du destinataire figurant sur l’extrait Kbis de cette société, vainement interrogé des voisins faute d’apercevoir son nom sur les boîtes aux lettres présentes, puis, en son étude, consulté les Pages Blanches, le site Infogreffe et les services postaux qui lui ont opposé le secret professionnel.

Ces diligences, précises, détaillées et exhaustives, sont suffisantes pour garantir que les droits de la SARL AJA 2 ont été respectés.

1°) Sur l’appel principal

Moyens des parties

Au soutien de ses prétentions, la SA Etablissements Tafanel, qui s’en remet sur l’infirmation poursuivie par monsieur [K] [N] contre lequel elle reconnaît n’avoir présenté aucune demande, expose que la SARL Code Bar ne lui a pas réglé les marchandises livrées, antérieurement à la cession de parts sociales du 15 janvier 2016, entre septembre et décembre 2015 pour un montant de 17 694,29 euros TTC. Elle explique que la convention de fourniture de boissons du 15 octobre 2015 est régulière, la SARL Code Bar ne justifiant ni d’un vice de consentement, les volumes stipulés ayant été définis selon ses propres prévisions (article 2), ni d’une violation de l’article L 442-6 e du code de commerce, inapplicable à raison de son abrogation le 4 août 2008, ni d’un déséquilibre significatif, faute de preuve d’une soumission et d’un déséquilibre commercial quelconque. Elle ajoute que la SARL Code Bar a violé, à compter du 29 avril 2016, son obligation d’approvisionnement exclusif qui n’a pas à faire l’objet d’une appréciation globalisée sur la durée du contrat. Elle en déduit que la résiliation du contrat aux torts de la SARL Code Bar est fondée et qu’elle emporte restitution de l’avantage financier consenti (article 5.2) et application des pénalités contractuelles (même article) sans modération au titre de l’article 1231 du code civil au regard de sa déloyauté.

En réplique, la SARL Code Bar et monsieur [K] [N] contestent la réalité des livraisons de marchandises par la SA Etablissements Tafanel et, partant, tout défaut de paiement, les éléments produits à ce titre étant des preuves que cette dernière a constituées pour elle-même. Ils exposent que le contrat du 15 juin 2015 est inexistant puisqu’il a été conclu avant l’immatriculation de la SARL Code Bar, et que les deux contrats sont quoi qu’il en soit nuls en ce qu’ils sont affectés par un vice du consentement (erreur, dol ou violence), qui se déduit de l’écart entre les commandes minimales stipulées et celles effectivement passées ainsi que de l’absence de toute “mise en garde” de la SA Etablissements Tafanel, et qu’ils violent l’article L 442-6 e du code de commerce. Ils ajoutent, en s’appuyant sur le même raisonnement, que les deux conventions caractérisent la soumission de la SARL Code Bar à des obligations créant un déséquilibre significatif au sens de l’article L 442-6 I 2° du même code. Ils précisent en outre que la SA Etablissements Tafanel n’a pas exécuté le contrat de bonne foi en refusant d’apprécier globalement et sur toute la durée d’exécution des conventions les manquements qu’elle dénonce. Ils contestent enfin le quantum des demandes et sollicitent subsidiairement la suppression et, à défaut, la modération des pénalités sur le fondement de l’article 1152 du code civil.

Monsieur [K] [N] explique pour sa part que le jugement a statué ultra petita en le condamnant alors qu’il n’était saisi d’aucune demande en ce sens.

Réponse de la Cour

a) Sur la condamnation de monsieur [K] [N]

Ainsi que le révèle l’exposé du litige du jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 septembre 2020 et que le confirme la SA Etablissements Tafanel dans ses écritures (page 11), aucune demande n’était présentée contre monsieur [K] [N]. Aussi, en le condamnant personnellement, le tribunal a statué ultra petita au sens de l’article 5 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné monsieur [K] [N] aux côtés de la SARL Code Bar et en ce qu’il a condamné la SARL Aja 2 à le garantir.

b) Sur la validité des contrats

– Sur l’existence et la représentation de la SARL Code Bar

La SARL Code Bar et monsieur [K] [N] soutiennent que le contrat du 15 juin 2015 est nul pour avoir été conclu par une personne indéterminée qui n’était pas son représentant légal, la signature ne correspondant pas à celle visible sur le contrat du 15 octobre 2015, et au nom d’une personne morale inexistante, l’immatriculation de la SARL Code Bar étant postérieure.

Cependant, si les appelants visaient dans leur déclaration d’appel leur condamnation à restituer la tireuse à bières, ils soulignent dans leurs dernières conclusions qui délimitent l’objet du litige au sens de l’article 954 du code de procédure civile, avoir abandonné, à raison de la transaction du 21 janvier 2021, toute prétention à ce titre (pages 24 et 29). Ils ne critiquent pas dans le dispositif de leurs écritures le chef de dispositif du jugement relatif à la restitution de cet appareil qui trouve sa cause et sa justification exclusives dans la nullité retenue, quoique non prononcée, par le jugement entrepris.

En conséquence, ces moyens sont sans objet et ne seront pas examinés

– Sur les vices du consentement

La SARL Code Bar vise, cumulativement et sans égard pour leurs conditions de caractérisation propres, les dispositions régissant l’erreur, le dol et la violence, y compris sous la forme de l’abus de dépendance, dans leurs rédactions issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Cette présentation est sans pertinence pour deux raisons. D’une part, cette ordonnance, entrée en vigueur postérieurement à la conclusion des contrats, est inapplicable à l’appréciation de leurs conditions de formation conformément à son article 9 ; d’autre part, il n’appartient pas au juge d’identifier d’office et hors débat contradictoire utile le vice auquel la SARL Code Bar entend faire référence dans une argumentation unique et par ailleurs imprécise, puis de le rattacher à un contrat spécifique, les deux étant évoqués indistinctement en dépit de la nullité constatée par le jugement entrepris.

La SARL Code Bar explique en effet que son consentement ne pouvait être libre et éclairé à raison du caractère ” exagéré ” de son engagement qui se déduit de l’écart entre les commandes stipulées et effectivement passées qui traduit une inadéquation entre ses obligations et ses capacités réelles sur laquelle la SA Etablissements Tafanel, qui lui soumettait un contrat d’adhésion, aurait dû attirer son attention.

Mais, outre le fait que l’existence d’un vice du consentement affectant la formation du contrat ne peut se déduire des seules conditions de son exécution effective, la SARL Code Bar, à qui incombe la charge de la démonstration du ou des vices qu’elle invoque conformément à l’article 9 du code civil, n’apporte pas le moindre élément sur ses capacités commerciales lors de la conclusion puis sur son activité réelle, et ne prouve ainsi pas que le décalage entre les commandes stipulées et les commandes passées trouve sa cause dans une disproportion intrinsèque des engagements souscrits à l’exclusion d’une gestion défaillante de son affaire ou de difficultés conjoncturelles que la SA Etablissements Tafanel, qui n’était légalement tenue à aucune obligation précontractuelle d’information ou de conseil, ne pouvait quoi qu’il en soit pas prédire. Et, il n’est pas démontré que cette dernière ait recelé une information inconnue de la SARL Code Bar ou ait accompli une man’uvre quelconque ayant provoqué l’erreur alléguée qui est en outre inopérante puisqu’elle ne porte pas sur la substance de la chose objet de la convention au sens de l’article 1110 du code civil mais sur la capacité commerciale de la SARL Code Bar.

Par ailleurs, alors que le contrat annulé du 15 juin 2015 est dépourvu de stipulation fixant un minimum de commandes, la SARL Code Bar ne prouve pas que celui du 15 octobre 2015, qui comporte à titre de contrepartie le versement d’une somme de 18 000 euros dont rien n’établit l’insuffisance au regard de l’exclusivité consentie, ait échappé à toute possibilité de négociation et que la référence à l’évaluation des quantités conventionnelles par la SARL Code Bar en fonction de ses prévisions (article 2) ne corresponde pas à la réalité.

En conséquence, même en occultant l’approche globale de la SARL Code Bar, aucun vice du consentement n’est établi.

– Sur l’exclusivité de l’engagement

En application de l’article L 442-6 II e du code de commerce dans sa version applicable aux faits litigieux, sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité d’obtenir d’un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres carrés qu’il approvisionne mais qui n’est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence postcontractuelle, ou de subordonner l’approvisionnement de ce revendeur à une clause d’exclusivité ou de quasi-exclusivité d’achat de ses produits ou services d’une durée supérieure à deux ans.

Par-delà le moyen erroné tiré de l’abrogation de cette disposition, la SARL Code Bar, qui ne communique notamment aucun élément permettant d’apprécier sa surface de vente au détail, ne justifie pas remplir les conditions pour en bénéficier.

Ce moyen est inopérant.

– Sur le déséquilibre significatif

En application de l’article L 442-6 I 2° du code de commerce dans sa version applicable aux faits litigieux, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La caractérisation de cette pratique restrictive suppose ainsi, l’existence de la condition préalable tenant à l’existence d’un partenariat commercial n’étant pas en débat, la

réunion de deux éléments : d’une part la soumission à des obligations, ou sa tentative, et d’autre part l’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La soumission, ou sa tentative, implique la démonstration par tous moyens par le demandeur, conformément à l’article 9 du code de procédure civile, de l’absence de négociation effective, ou de sa possibilité, des clauses ou obligations incriminées. Celle-ci, qui peut notamment être caractérisée par l’usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l’acceptation, ne peut se déduire de la seule structure d’ensemble du marché pertinent, qui peut néanmoins constituer un indice de l’existence d’un rapport de forces déséquilibré se prêtant difficilement à des négociations véritables avec les fournisseurs (en ce sens, Com. 20 novembre 2019, n° 18-12.823). L’appréciation de cette première condition est ainsi réalisée en considération du contexte matériel et économique de la conclusion proposée ou effective, l’insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d’adhésion ou les conditions concrètes de souscription (en ce sens, Com. 6 avril 2022, n° 20-20.887) pouvant constituer des critères pertinents de la soumission ou de sa tentative.

Si la qualité de fournisseur de la SA Etablissements Tafanel peut impliquer un rapport de forces défavorable à la SARL Code Bar, cette dernière ne produit aucun élément sur la structure du marché pertinent qu’elle ne définit d’ailleurs pas. Aussi, la soumission, qui ne peut se déduire de ses considérations très générales sur la puissance d’assujettissement du fournisseur et sur les contrats d’adhésion, n’est pas établie, rien ne prouvant par ailleurs les difficultés financières qu’elle évoque lors de la conclusion des conventions.

L’appréciation du déséquilibre significatif, qui peut être économique comme juridique, est globale, au regard de l’économie du contrat, et concrète. Ainsi, l’article L 442-6 I 2° du code de commerce autorise, non une fixation, mais un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (en ce sens, Com., 25 janvier 2017, n° 15-23.547, et Cconst. 30 novembre 2018, n° 2018-749 QPC). L’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d’une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d’une disproportion importante entre les obligations respectives des parties. A cet égard, si la preuve du déséquilibre significatif incombe à la SARL Code Bar, celle d’un éventuel rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à la SA Etablissements Tafanel. Enfin, les effets des pratiques n’ont pas à être pris en compte ou recherchés (en ce sens, Com., 3 mars 2015, n° 14-10.907).

A nouveau, la SARL Code Bar déduit le déséquilibre et son caractère significatif de l’écart entre les quantités minimales stipulées et les commandes effectuées, motif invérifiable pour les raisons exposées et quoi qu’il en soit impropre à caractériser la seconde condition d’application du texte. Par ailleurs, la cour constate que l’exclusivité limitée dans le temps (5 ans) a pour contrepartie le versement d’une somme de 18 000 euros dont l’insuffisance relative n’est pas établie.

En conséquence, ce moyen n’est pas pertinent.

c) Sur l’exécution et la rupture du contrat du 15 octobre 2015

– Sur les manquements contractuels

Conformément à l’article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.

Et, en application de l’article 1135 du code civil (devenu 1194), les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.

En outre, en vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n’étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

La SARL Code Bar impute à la SA Etablissements Tafanel une déloyauté et une mauvaise foi dans l’exécution des contrats caractérisées par son refus de prendre en considération la durée totale de ces derniers pour apprécier le non-respect des minimas stipulés, ce dont elle déduit la nullité des contrats. Outre le fait qu’une éventuelle inexécution contractuelle ne peut être cause de nullité d’une convention, mais le cas échéant de sa résolution au sens de l’article 1184 (devenu 1224) du code civil, l’analyse de la SARL Code Bar s’appuie sur une lecture tronquée de l’article 5.2 du contrat du 15 octobre 2015 qui est ainsi rédigé :

“en cas d’inexécution d’une quelconque de ses obligations par le revendeur, de non-respect de l’exclusivité d’approvisionnement et/ou de non-respect de l’engagement du volume global sur la durée d’exécution du présent contrat, le revendeur s’engage à rembourser au fournisseur la prestation financière mentionnée à l’article 1”.

Or, la SA Etablissements Tafanel invoque au soutien de sa demande de résiliation, non l’insuffisance des commandes annuelles, mais la violation de l’obligation d’approvisionnement exclusif. Et, la SARL Code Bar ne conteste pas que, alors qu’elle a poursuivi son activité très au-delà de ces dates et qu’elle s’est de ce fait nécessairement approvisionnée en boissons non alcoolisées au regard de la nature de son activité commerciale, elle a cessé de se fournir auprès de la SA Etablissements Tafanel dès le 29 avril 2016, ce que confirme sa pièce 5 non critiquée en sa teneur.

Aussi, ce moyen est à son tour inopérant.

– Sur le paiement des marchandises

En application de l’article 1315 (devenu 1353) du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Et, en vertu de l’article L 110-3 du code de commerce, à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

Pour établir la réalité des livraisons de septembre, octobre et décembre 2015 dont elle demande le paiement, la SA Etablissements Tafanel produit :

– un décompte certifié par son service contentieux édité le 15 septembre 2017 visant trois factures pour une somme totale de 17 694,29 euros (pièce 7) ainsi qu’un extrait de son grand livre comptable reportant les montants réclamés et les factures visées (pièce 16) ;

– les factures et les bons de livraison correspondants (pièces 8 et 14), édités chacun à leur date, qui ne sont certes pas signés, quoique sur certains apparaissent des signes s’apparentant à des signatures rapides, mais qui comportent ponctuellement des mentions manuscrites, accompagnées ou non d’un paraphe, portant sur des reprises de produits non conformes (bons de livraison 32127 du 22 septembre 2015, 37724 du 8 octobre 2015 et 55895 du 29 décembre 2015) ;

– les conclusions déposées par les appelants à l’audience du 7 décembre 2019 devant le tribunal de commerce qui ne comportent aucune contestation spécifique du principe et du montant de la dette, seul un rappel de l’argumentation dubitative de la SARL Aja 2 étant fait (pièce 25).

Si les éléments purement internes, titres constitués à elle-même par la SA Etablissements Tafanel, ne sont pas en eux-mêmes aptes à prouver le principe et le montant de l’obligation dont l’exécution est poursuivie, les mentions manuscrites qu’ils comportent parfois, l’absence persistante de contestation avant l’assignation puis, un temps seulement il est vrai, durant la procédure, ainsi que la poursuite de l’activité pendant la période concernée dans le cadre de l’exécution d’une convention d’approvisionnement exclusif que la SARL Code Bar soutient avoir respectée, au moins jusqu’au 29 avril 2016, constituent des indices graves et concordants qui, non utilement contredits et combattus, donnent force et crédit à ces factures et permettent de présumer au sens de l’article 1382 du code civil que les livraisons ont été effectuées pour les montants annoncés par la SA Etablissements Tafanel. La SARL Code Bar ne démontrant pour sa part aucun paiement, c’est à raison que le tribunal de commerce l’a condamnée à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 17 694,29 euros.

Aussi, le jugement sera confirmé de ce chef.

– Sur la résiliation

En application de l’article 1184 (devenu 1224) du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Le contrat du 15 juin 2015 ayant été annulé par le jugement entrepris et ce chef de dispositif n’étant plus critiqué, seule la résiliation du contrat du 15 octobre 2015 est à apprécier. Or, la SARL Code Bar ne conteste pas les manquements qui lui sont imputés et qui découlent de la cessation de son approvisionnement dès le 29 avril 2016 en boissons non alcoolisées parallèlement à une poursuite d’activité laissant présumer au sens de l’article 1382 du code civil le recours à un fournisseur tiers. Ces manquements graves, directement visés par l’article 5.2 du contrat, fondent la résiliation de la convention aux torts de la SARL Code Bar.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Par ailleurs, l’article 5.2 du contrat prévoit que ces inexécutions contractuelles fondent d’une part le remboursement de la somme de 18 000 euros et d’autre part le paiement, à titre de dommages et intérêts, d’une somme s’élevant au minimum à 20 % du chiffre d’affaires TTC à réaliser jusqu’au terme normal du contrat en application des quantités stipulées (soit 10 000 cols par an), selon les prix pratiqués lors de la dernière livraison et compte tenu des quantités déjà livrées.

Ainsi, c’est à bon droit que le tribunal a condamné la SARL Code Bar à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 18 000 euros versée en exécution du contrat du 15 octobre 2015.

Il est exact que le second paragraphe de l’article 5.2 fixant les dommages et intérêts dus en cas d’inexécution des obligations stipulées s’analyse en une clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil, ce que ne conteste pas la SA Etablissements Tafanel.

En vertu de l’article 1152 (devenu 1231-5) du même code, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre, le juge pouvant néanmoins, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Et, conformément à l’article 1231 du code civil, lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’article 1152.

Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif de la sanction au regard de la réalité du préjudice subi par le créancier de l’obligation inexécutée, la clause pénale étant, au sens de l’article 1229 du code pénal, la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale, ce qui explique qu’il ne puisse demander en même temps le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard.

Contrairement à ce que soutient la SARL Code Bar, la SA Etablissements Tafanel produit en pièce 5 la facture du 29 avril 2016 qui confirme les calculs qu’elle détaille en pièce 9 et qui sont pertinents, les quantités commandées en cols ayant leur prix fixé en considération du litrage et aucune variation de prix antécédente au sens de l’article 4, applicable à l’exécution du contrat et non à sa rupture, n’étant intervenue. Aussi, la somme de 60 212,54 euros est intégralement justifiée. Et, la SA Etablissements Tafanel prouvant avoir mis en demeure la SARL Code Bar de lui régler ces sommes par courrier de son conseil du 20 octobre 2017 (pièce 10), la clause pénale est applicable au sens de l’article 1230 du code civil.

En outre, ainsi qu’il a été dit, la SARL Code Bar ne fournit pas le moindre élément sur ses capacités réelles de commande et la disproportion entre les minima stipulés et les commandes effectuées est impossible à caractériser, toute appréciation in abstracto étant sans pertinence. Et, le préjudice subi par la SA Etablissements Tafanel réside dans la privation certaine de ces commandes minimales à compter du 29 avril 2016, soit 6 mois après la conclusion du contrat, et 4 ans et demi avant son terme stipulé. Aussi, la SARL Code Bar ne prétendant pas que le montant résultant de l’application de la clause excède le préjudice effectivement causé par la violation particulièrement précoce de son obligation d’approvisionnement exclusif, c’est par de justes motifs que le tribunal de commerce n’a pas réduit le montant des dommages et intérêts stipulés.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a “prononcé la résiliation de la convention du 15 octobre 2015 aux torts exclusifs de la SARL Code Bar et condamné la SARL Code Bar [‘] au paiement des sommes de 18 000 euros et de 60 212,54 euros, assorties des intérêts légaux à compter du 20 octobre 2017, date de la mise en demeure”.

Il sera également confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles, y compris sur le principe et la mesure de la garantie de la SARL AJA 2 que la SARL Code Bar ne critique pas.

2°) Sur l’appel incident

Il ressort de l’exposé du litige du jugement entrepris que la SA Etablissements Tafanel sollicitait le bénéfice des intérêts moratoires de sa créance de 17 694,29 euros à compter de sa mise en demeure du 20 octobre 2017. Le tribunal, qui n’a pas évoqué ce point dans sa motivation, a omis de statuer sur cette demande.

Or, en application de l’article 1153 (devenu 1231-6) du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d’un autre acte équivalent telle une lettre missive s’il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

La mise en demeure étant régulière et la créance certaine en son principe et sa mesure, le jugement ne sera pas infirmé, faute d’avoir statué, mais complété par la condamnation de la SARL Code Bar à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 17 694,29 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2017.

Par ailleurs, non sollicitée, la demande d’anatocisme s’analyse en une prétention accessoire à la précédente au sens de l’article 566 du code de procédure civile. Et, la capitalisation des intérêts ne supposant, à défaut de convention, qu’une demande judiciairement formée et des intérêts dus pour une année entière, celle-ci sera ordonnée conformément à l’article 1154 (devenu 1343-2) du code civil sur toutes les condamnations prononcées par le tribunal et par la cour, hors frais irrépétibles et dépens, à compter du 3 août 2022.

3°) Sur les demandes accessoires

Succombant en son appel, la SARL Code Bar, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens d’appel qui seront recouvrés directement par la SCP Régnier-Béquet-Moisan en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Bien que ses prétentions soient satisfaites en cause d’appel, l’équité commande de rejeter la demande de monsieur [K] [N] au titre des frais irrépétibles, sa condamnation étant étrangère aux prétentions de la SA Etablissements Tafanel.

Par ailleurs, la SARL AJA 2 étant étrangère à l’appel, l’équité commande de rejeter la demande de garantie présentée par la SARL Code Bar au titre des frais irrépétibles et des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt par défaut.

Constate l’abandon par la SARL Code Bar et monsieur [K] [N], conformément à la transaction conclue avec la SA Etablissements Tafanel le 21 janvier 2021, de toute critique des dispositions du jugement relatives à la restitution de l’installation de tirage de bière ;

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a :

– condamné monsieur [K] [N] au paiement des sommes de 18 000 euros et de 60 212,54 euros, assorties des intérêts légaux à compter du 20 octobre 2017, date de la mise en demeure ;

– condamné monsieur [K] [N] à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 17 694,29 euros ;

– condamné monsieur [K] [N] à payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné monsieur [K] [N] aux dépens ;

– condamné la SARL AJA 2 à garantir monsieur [K] [N] ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Constate l’absence de demande de la SA Etablissements Tafanel à l’encontre de monsieur [K] [N] ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Code Bar à payer à la SA Etablissements Tafanel les intérêts produits à compter du 20 octobre 2017 par la somme de 17 694,29 euros, au paiement de laquelle elle a été condamnée par le jugement ;

Condamne la SARL AJA 2 à garantir la SARL Code Bar de cette condamnation ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 (devenu 1343-2) du code civil sur toutes les condamnations de la SARL Code Bar prononcées par le tribunal et la cour, hors frais irrépétibles et dépens, à compter du 3 août 2022 ;

Rejette les demandes de la SARL Code Bar et de monsieur [K] [N] au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SARL Code Bar aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés directement par la SCP Régnier-Béquet-Moisan en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Code Bar à payer à la SA Etablissements Tafanel la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de garantie présentée par la SARL Code Bar à l’encontre de la SARL AJA 2 au titre des frais et des dépens d’appel.

LE GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

 


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