Déséquilibre significatif : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 23/00812
Déséquilibre significatif : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 23/00812

14 septembre 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG
23/00812

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 23/00812 – N° Portalis DBVK-V-B7H-PW6I

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 JANVIER 2023

JUGE DE L’EXECUTION DE TJ DE RODEZ

N° RG 18/00029

APPELANTE :

La société BNP Paribas Personal Finance, Société anonyme immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 542 097 902, dont le siège social est situé [Adresse 1], [Localité 8], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Vincent RIEU de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et de Me Philippe METAIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES :

Madame [X], [N] [E]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 11] (57)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me LEYENDECKER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substituant Me Charles CONSTANTIN-VALLET

Monsieur [P] [S]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 12] (57)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représenté par Me Jacques henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me LEYENDECKER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, substituant Me Charles CONSTANTIN-VALLET

CRCAM DU LANGUEDOC (CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC) Société Coopérative à Capital et Personnel Variables, régie par les articles L 512-20 à L 512-54 du Code Monétaire et Financier et par l’ancien livre V du Code Rural, inscrite au RCS DE MONTPELLIER sous le N° 492 826 417, venant en suite d’opérations de fusion aux droits et obligations de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU MIDI, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 9] [Localité 6]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 JUIN 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Myriam GREGORI, Conseiller et Madame Nelly CARLIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Mme Virginie HERMENT, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Madame Myriam GREGORI, Conseiller, faisant fonction de président, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

*

* *

Une offre de prêt HELVET IMMO a été adressée, le 27 janvier 2009, par la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à Monsieur [P] [S] et Madame [X] [E] en vue de l’acquisition par ces derniers d’un bien immobilier à usage locatif en l’état futur d’achèvement, situé dans la résidence de tourisme [Adresse 14] à [Localité 13].

Cette offre de prêt a été acceptée le 8 février 2009 et l’acte de prêt a été passé, en la forme authentique, le 24 février suivant.

Par lettres recommandées avec accusés de réception en date du 10 octobre 2013 la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a prononcé la déchéance du terme.

Agissant en vertu de ce contrat de prêt la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a fait délivrer aux consorts [S]/[E] un commandement de payer valant saisie immobilière le 29 avril 2015, pour un montant en principal de 427.715,84 euros, portant sur une parcelle avec construction située [Adresse 7] à [Localité 10], puis les a fait assigner à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de NIMES lequel, par jugement du 6 septembre 2018, s’est dessaisi au profit du juge de l’exécution de RODEZ.

Par jugement du 21 décembre 2018, ce dernier a prorogé la validité des effets du commandement de payer valant saisie pour une durée de deux ans puis, par jugement du 20 décembre 2019, il a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de statuer sur quatre questions préjudicielles.

Les effets du commandement valant saisie ont de nouveau été prorogés pour une durée de deux ans le 9 novembre 2020.

Enfin, par jugement du 20 janvier 2023 le juge de l’exécution a :

– donné acte à [P] [S] et [X] [E] de ce que la société BNP Paribas Personal Finance a renoncé à sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de leurs moyens de défense sur le fondement des clauses abusives,

– dit que les clauses n°1, 2, 4 et 5 du contrat HELVET IMMO forment ensemble le mécanisme implicite d’indexation du contrat sur le franc suisse,

– dit que les clauses n°1, 3, 4 et 5 du contrat HELVET IMMO sont abusives en ce qu’elles créent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment de

[X] [E] et [P] [S],

– dit que les clauses de variation du taux d’intérêt sont abusives en ce qu’elles ne sont ni claires ni intelligibles pour le consommateur moyen,

– dit que les clauses sus énoncées sont réputées non écrites,

– dit que le contrat HELVET IMMO ne peut subsister sans ces clauses abusives,

En conséquence,

– annulé rétroactivement le contrat HELVET IMMO souscrit le 24 février 2009 par [X] [E] et [P] [S],

– dit que la société BNP Paribas Personal Finance ne dispose pas d’un titre exécutoire valable ni d’une créance certaine, liquide et exigible permettant la mise en oeuvre de la saisie immobilière,

– ordonné la mainlevée de la saisie immobilière initiée par la société BNP Paribas Personal Finance,

– ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 29 avril 2015 d’un montant principal de 427.715,84 euros, portant sur la parcelle de terrain avec construction sise [Adresse 7] à [Localité 10], cadastrée section C n°[Cadastre 4], appartenant à [P] [S] et [X] [E], commandement publié le 24 juin 2015 au Service de la publicité foncière de NIMES 1er bureau volume 2015 S n°64,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à [X] [E] et à [P] [S] la somme de 15. 000,00 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par acte reçu au greffe de la Cour le 13 février 2023, la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a relevé appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 1er juin 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, elle demande à la Cour d’infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de :

Sur le fond :

– débouter Monsieur [S] et Madame [E] de leur demandes et contestations ;

– Juger l’action de la société BNP Paribas Personal Finance recevable ;

– Juger que la société BNP Paribas Personal Finance est bien titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible et agit en vertu d’un titre exécutoire ;

– Juger que le montant de la créance BNP Paribas Personal Finance en principal, accessoires, intérêts et frais s’élève à la somme globale de 417.498,07 euros selon décompte arrêté au 5 juin 2023 avec intérêts au taux contractuel de 2,42%, à parfaire jusqu’à la date effective de paiement outre les dépens sur la présente saisie ;

– Juger que le quantum de la créance revendiquée par BNP Paribas Personal Finance est bien fondé et justifié ;

– Fixer la date de vente judiciaire dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter du prononcé de la décision des biens saisis, savoir Sur la commune de [Localité 10], au [Adresse 7], une parcelle de terrain avec construction, le tout cadastré à la Section C Numéro [Cadastre 4] pour une contenance euros 10a 54ca,

A titre principal, elle demande à la Cour de :

– fixer les modalités de visite de l’immeuble : visite organisée par la SCP BRUYERE-PRONER, Huissiers de Justice associés à [Localité 15] (Gard) ou tel autre huissier qu’il plaira à la Cour de désigner avec la collaboration de la SCPA RD avocats & associés, Avocats au Barreau de Nîmes et le concours de la force publique si nécessaire ;

– dire que la visite des biens et droits immobiliers saisis aura lieu entre 30 et 15 jours avant la date d’adjudication ;

– taxer le montant des frais de poursuite de vente du créancier poursuivant en l’état de la procédure ;

– mentionner le montant de la créance du poursuivant en principal, accessoires, intérêts et frais à la somme globale de 417.498,07 euros selon décompte arrêté au 5 juin 2023 avec intérêts au taux contractuel de 2.42 %, à parfaire jusqu’à la date effective de paiement outre les dépens sur la présente saisie ;

– juger que les intérêts continueront à courir jusqu’à la distribution du prix de la vente à intervenir ;

– employer les frais de la présence instance en frais privilégiés de vente ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la vente amiable serait accordée par la Cour :

– s’assurer que la vente amiable peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et après justification des diligences éventuelles du débiteur pour y parvenir ;

– fixer le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne pourra être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente que la société BNP Paribas Personal Finance, créancier saisissant, estime à 400.000 euros ;

– dire que le prix de vente sera consigné entre les mains du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Nîmes désigné en qualité de séquestre ;

– taxer les frais de poursuites de la SCPA rd avocats & associés, avocat poursuivant ;

– dire que les émoluments de l’avocat poursuivant seront fixés suivant les dispositions de l’article 37 du décret n°60-323 du 2 avril 1960 modifié et mis à la charge de l’acquéreur en sus des frais taxés ;

– fixer la date de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée dans un délai qui ne pourra excéder 4 mois du jugement d’orientation à intervenir ;

Sur les demandes formées par Monsieur [S] et Madame [E] sur le fondement du droit des clauses abusives :

– juger que Monsieur [S] et Madame [E] ne formulent aucune demande en restitution,

– A titre principal :

orientation juger que les stipulations prévoyant que les remboursements s’imputent en priorité sur les intérêts sont le reflet de l’ancien article 1254 du Code civil (aujourd’hui 1343-1) qui est une règle supplétive au sens de l’article 1 paragraphe 2 de la Directive 93/13 ;

En conséquence, juger que ces stipulations sont exclues du champ d’application de la Directive 93/13 ;

orientation Juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt relèvent de l’objet principal et qu’elles sont rédigées de manière claire et compréhensible ;

En conséquence, juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt ne relèvent pas du contrôle des clauses abusives et débouter l’Emprunteur de ses demandes sur le fondement des clauses abusives ;

orientation Juger que la « clause de reconnaissance d’acceptation du bordereau d’acceptation » n’est pas abusive ;

En conséquence, débouter Monsieur [S] et Madame [E] de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;

– A titre subsidiaire, juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

En conséquence, débouter Monsieur [S] et Madame [E] de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;

– A titre infiniment subsidiaire,

orientation Si par extraordinaire la Cour jugeait que le prêt Helvet Immobilier ne comporte pas de plafond, juger que seules les stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances pourraient créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

En conséquence, ordonner la suppression des seules stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances et juger que les autres stipulations peuvent être maintenues, le Contrat de prêt pouvant continuer d’être exécutées ;

orientation Si par extraordinaire, la Cour jugeait les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt abusives, juger que le taux d’intérêt conventionnel initial devra s’appliquer rétroactivement ;

– A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, il est fait droit à la demande de la nullité du Contrat de prêt Helvet Immobilier par Monsieur [S] et Madame [E], il appartiendra aux parties de mieux se pourvoir ;

Sur la demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive à intervenir sur la procédure pénale :

– donner acte à BNP Paribas Personal Finance de ce qu’elle s’en remet à la sagesse de la Cour concernant la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue d’une décision définitive de la Cour d’appel de Paris à intervenir sur la procédure pénale ;

Sur les demandes formées par Monsieur [S] et Madame [E] sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses et du dol :

– juger que Monsieur [S] et Madame [E] ne formulent aucune demande en restitution ;

A titre principal,

– juger que l’action tendant à ce que BNP Paribas Personal Finance soit condamnée en raison d’une faute délictuelle caractérisée par une pratique commerciale trompeuse est prescrite ;

– juger que l’action tendant à ce que BNP Paribas Personal Finance soit condamnée en raison d’une faute délictuelle caractérisée par un dol est prescrite ;

En conséquence,

– juger irrecevables Monsieur [S] et Madame [E] en leur action sur le fondement d’un prétendu dol tiré de pratiques commerciales trompeuses ;

A titre subsidiaire,

– Juger que BNP Paribas Personal Finance n’a pas commis de pratiques trompeuses, déloyales et dolosives

à l’égard de Monsieur [S] et Madame [E];

En conséquence, débouter Monsieur [S] et Madame [E] de leurs demandes sur le fondement du dol et des pratiques commerciales trompeuses ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, il est fait droit à la demande de la nullité du Contrat de prêt Helvet Immobilier par Monsieur [S] et Madame [E], il appartiendra aux parties de mieux se pourvoir ;

Sur la demande à titre infiniment subsidiaire tenant à la diminution du quantum de la créance de BNP Paribas Personal Finance en raison de l’indemnité consécutive à la défaillance de cette dernière dans l’exécution de ses obligations :

– débouter Monsieur [S] et Madame [E] de leurs demandes tendant à la réduction du montant de créance justifiée dans le décompte et résultant de l’indemnité consécutive à la déchéance du terme du prêt ;

En tout état de cause,

– Débouter Monsieur [S] et Madame [E] de l’intégralité de leurs demandes;

– Condamner Monsieur [S] et Madame [E] au paiement de la somme de 20.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au dispositif de leurs écritures transmises par voie électronique le 19 avril 2023, auxquelles la Cour renvoie pour l’exposé de leurs moyens et prétentions, [P] [S] et [X] [E] concluent à la confirmation du jugement dont appel,

SAUF en ce qu’il les a déboutés de leur demande tendant à voir constater le caractère abusif de la clause de reconnaissance d’information stipulée au sein du bordereau d`acceptation de l’offre de prêt litigieuse,

Et, statuant à nouveau, de :

À titre principal, sur les clauses abusives :

– juger que les clauses n°1 à 5 du contrat HELVET IMMOBILIER forment ensemble le mécanisme implicite d’indexation du contrat sur le franc suisse,

– juger que les clauses n°1 à 5 (clause implicite d’indexation) du contrat HELVET IMMO sont abusives en ce qu’elles ne sont ni claires ni intelligibles pour les consorts [E] et [S] et, en tout état de cause, en ce qu’elles créent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment de ces derniers,

– juger que les clauses n°6 à 8 (clauses de variation du taux d’intérêt) sont abusives en ce qu’elles ne sont ni claires ni intelligibles peut les consorts [E] et [S],

– juger que la clause n°9 (clause de reconnaissance d’information) est abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties à leur détriment,

– juger que les clauses n°1 à 9 sont réputées non écrites,

– juger que le contrat HELVET IMMOBILIER ne peut subsister sans ces clauses abusives,

En conséquence, anéantir rétroactivement le contrat HELVET IMMO souscrit par eux,

– juger que les conditions de mise en ‘uvre de la procédure de saisie immobilière initiée par BNP PPF ne sont pas remplies,

– ordonner la mainlevée de la saisie immobilière initiée par BNP PPF,

– ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière signifiée à eux par BNP PPF,

À titre subsidiaire, sur le sursis à statuer :

– ordonner le sursis à statuer sur l’ensemble de la procédure de saisie immobilière initiée par BNP PPF dans l’attente d’une décision définitive à intervenir dans le cadre de la procédure pénale pendante devant la Cour d`appel de Paris,

À titre plus subsidiaire, sur la pratique commerciale déloyale et trompeuse :

– juger que le moyen de défense soulevé par eux sur le fondement de la pratique commerciale trompeuse et du dol est recevable,

– juger que BNP PPF s’est rendue coupable d’une pratique commerciale trompeuse, déloyale et dolosive les ayant induit en erreur et, ainsi, vicié leur consentement lors de la conclusion du contrat HELVET IMMO,

En conséquence, annuler le contrat HELVET IMMO souscrit par eux,

– juger que les conditions de mise en ‘uvre de la procédure de saisie immobilière initiée par BNP PPF ne sont pas remplies en raison de la nullité du titre exécutoire,

– ordonner la mainlevée de la saisie immobilière initiée par BNP PPF,

– ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière,

A titre infiniment subsidiaire, sur la réduction du quantum de la créance invoquée par BNP PPF :

– juger que la clause pénale stipulée dans le contrat de prêt HELVET IMMOBILIER est manifestement excessive et qu’elle doit être réduite à un euro,

– juger que les sommes demandées par BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre des ‘frais de procédure’, des ‘frais de retour impayés et d’encaissement’, des ‘primes d’assurance avancées (sic),

En conséquence, ordonner la réduction de la créance invoquée par BNP PPF à proportion du montant de la réduction de la clause pénale et du montant des frais invoqués par BNP PPF sans aucune justification,

Dans l’hypothèse où la saisie immobilière initiée par BNP PPF serait jugée valide :

– les autoriser à procéder à la vente amiable du bien immobilier ou, à défaut, fixer le montant de la mise à prix du bien immobilier a 70.000 euros,

En tout état de cause :

– juger l’ensemble de leurs demandes, moyens, fins et prétentions recevables et bien fondés,

– débouter BNP PPF de l’ensemble de ses demandes,

– la condamner à leur payer la somme de 15.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises par voie électronique le 17 avril 2023 la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, intervenant en qualité de créancier inscrit, demande à la Cour de lui donner acte de ce qu’elle s’en remet sur les mérites de l’appel.

MOTIFS DE LA DECISION

L’appel, interjeté dans les formes de la loi avant toute signification avérée, est recevable, la justification de la notification du jugement d’orientation ne figurant pas dans le dossier transmis par le greffe du Tribunal judiciaire de RODEZ.

En application des dispositions de l’article L.311-2 du code des procédures civiles d’exécution il appartient au juge de l’exécution, saisi d’une procédure de saisie immobilière, de vérifier l’existence d’un titre exécutoire valide.

Les consorts [S]/[E] entendent voir prononcer l’annulation de l’acte notarié de prêt fondant la saisie immobilière.

En leur qualité de consommateurs, ils soutiennent en effet que le prêt HELVET IMMO que leur a consenti la SA BNP les a exposés à un risque financier qui leur cause un préjudice considérable en ce que toutes les composantes étaient variables en ce sens que, d’une part l’indexation implicite de la dette sur le taux de change entre euros et francs suisses leur fait courir un risque dissimulé, d’autre part la stipulation d’un taux d’intérêt variable leur fait supporter un taux d’intérêt illimité.

Concernant les clauses relatives à l’indexation, il ressort des pièces de la procédure que l’offre de crédit annexée à l’acte notarié comporte les clauses suivantes :

– au paragraphe intitulé ‘description de votre crédit’ il est indiqué que le contrat a pour objet la mise à disposition d’une somme d’argent en vue de l’acquisition

d’un bien immobilier et que la monnaie de compte est le franc suisse, le montant du crédit s’élevant à 435.856,73 francs suisses correspond au montant du financement en euros du projet et des frais de change relatifs à l’opération de change,

– au paragraphe intitulé ‘financement de votre crédit’, il est indiqué que le crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises, et que la somme libérée au jour de la signature de l’acte est de 286.277,00 euros,

– au paragraphe intitulé ‘ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisse pour gérer votre crédit’ il est précisé que la monnaie de compte est le franc suisse pour connaître à tout moment l’état de remboursement du crédit, et que la monnaie de paiement est en euros pour permettre le paiement des échéances, les versements mensuels en euros étant convertis en francs suisses selon les modalités définies à l’article ‘opération de change’,

– au paragraphe intitulé ‘opérations de change’ il est prévu que diverses opérations de change seront réalisées au cours de la vie du crédit, qui seront au taux de change euros contre francs suisses,

– au paragraphe intitulé ‘remboursement de votre crédit’, il est prévu que les remboursements se feront en euros et que l’amortissement du capital emprunté se fera en francs suisses, ledit amortissement évoluant en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels avec des distinctions suivants qu’il résulte de l’opération de change une somme inférieure à l’échéance en francs suisses exigibles ou une somme supérieure à l’échéance en francs suisses exigibles.

A juste titre le premier juge a considéré, au visa des dispositions de la directive européenne 93/13/CEE du 5 avril 1993, et plus précisément en ses articles 3 $1, 4 et 5, que les clauses susvisées doivent être qualifiées de clause d’indexation déguisée, en ce qu’elles se rapportent au risque de change que seul l’emprunteur sera amené à supporter, et que cette clause d’indexation déguisée apparaît comme abusive dans la mesure où elle est matérialisée par cinq clauses différentes sur six pages du contrat litigieux, imposant au consommateur une lecture croisée de notions pouvant lui apparaître pour le moins complexe.

Cette clause d’indexation déguisée apparaît d’autant plus abusive que le mécanisme de l’augmentation du capital restant dû par l’emprunteur, en euros, en cas d’évolution défavorable du cours de change n’est pas évoqué au contrat, et que ne sont nullement non plus exposés, ni même évoqués, de manière explicite, les risques particuliers liés aux contrats de prêt libellés en devise étrangère, étant relevé, à l’instar du premier juge, que l’expression ‘risque de change’ n’est jamais utilisée dans le contrat, sauf pour attirer l’attention du consommateur sur l’hypothèse où celui-ci déménagerait hors de la zone euros.

Par ailleurs, c’est encore de façon pertinente que le premier juge a relevé qu’aucun avertissement n’est donné relativement au risque lié à l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse, pas plus que relativement au contexte économique prévisible, notamment en ce que la simulation annexée à l’offre de prêt litigieuse ne rend compte ni de la possibilité de déplafonnement total de la mensualité en cas de dépréciation importante de la monnaie de paiement, ni de l’augmentation importante du capital restant dû en euros en dépit des remboursements effectués en cas de dépréciation importante de la monnaie de paiement.

Dès lors en considérant que, par une description technique d’un mécanisme complexe, par des informations diverses éclatées dans le contrat, sans que les risques ne fassent l’objet d’un réel avertissement, la SA BNP n’avait pas satisfait à l’exigence de transparence qui lui est imposée, en considérant en outre que la clause implicite d’indexation du prêt HELVET IMMO n’était ni claire ni intelligible sans le respect de cette exigence de transparence, et en jugeant même que ladite clause était volontairement inintelligible, le premier juge a fait une exacte analyse des éléments de la cause.

Par ailleurs, en relevant que le contrat HELVET IMMO prévoit un prêt en francs suisses, remboursable en francs suisses, avec un risque de change pesant exclusivement sur l’emprunteur, en relevant encore que, dans toutes les hypothèses de variation du cours du change, la banque est remboursée en francs suisses, avec pour seul aléa la variation de sa rémunération, en relevant en outre qu’il apparaît que le risque de change supporté par l’emprunteur n’est nullement limité par les mécanismes contractuels de l’option et du remboursement par anticipation en raison du caractère très onéreux de l’exercice de ces options, en considérant enfin que le risque de change ne se trouvait compensé par aucun avantage de taux, et en jugeant que la clause implicite d’indexation du prêt est abusive en ce qu’elle crée, avec un risque de change non plafonné, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment des emprunteurs, le premier juge a encore fait une exacte analyse des éléments de la cause.

Concernant les clauses relatives aux indices de variation du taux d’intérêt, il ressort de la lecture de l’offre de prêt que le contrat conclu entre les parties comportent les trois clauses suivantes :

– au paragraphe intitulé ‘charges de votre crédit’ il est indiqué que le taux d’intérêt initial est de 4,95% l’an et sera appliqué pendant les 5 premières années suivant le premier versement, et qu’à la fin de cette période, ‘à défaut de choisir l’une des deux options ci-dessous’, le taux d’intérêt du crédit sera calculé sur la base de la moyenne mensuelle du taux SWAP francs suisses 5 ans du mois civil précédant l’application du nouveau taux de prêt, cette révision ayant une incidence sur la composition de l’échéance et sur l’évolution du solde de compte ; elle interviendra ensuite tous les 5 ans au cours de la durée initiale du crédit,

– au paragraphe intitulé ‘option pour un taux fixe en euro’ il est stipulé que l’emprunteur peut opter pour un passage à un taux fixe en euros et que dans ce cas le taux d’intérêt du crédit sera le taux moyen Mensuel des Emprunts d’Etat à Long terme (TME publié par la Caisse des Dépôts et Consignations) majoré de 2,20, cette marge étant augmentée de 0,20 si la durée résiduelle du crédit, au moment du passage au taux fixe, est comprise entre 15 et 20 ans, et augmentée de 0,30 si cette durée est supérieure à 20 ans,

– au paragraphe intitulé ‘option pour un taux révisable en euro », il est stipulé que la révision du taux d’intérêt se fera sur la base du taux interbancaire à 3 mois offert en euros (TIBEUR à 3 mois) publié par la Fédération Bancaire Européenne, cette révision ayant une incidence sur le montant des intérêts et donc sur l’évolution du solde du compte.

A l’instar du premier juge il convient d’observer que les clauses susvisées relatives à la variation du taux d’intérêt font appel à trois indices différents selon l’option choisie, à savoir le SWAP francs suisse 5 ans, le TME ou le TIBEUR 3 mois, indices très peu compréhensibles pour le consommateur moyen, d’autant que la banque n’a mis à la disposition des emprunteurs aucun élément relatif à ces variations d’indices.

C’est dès lors à juste titre que le premier juge, considérant que les trois clauses susvisées ne sont de toute évidence ni claires ni intelligibles, les a déclarées abusives et réputées non écrites.

Les consorts [S]/[E] concluent à la réformation du jugement dont appel uniquement en ce que n’a pas été jugée abusive la clause de reconnaissance d’information contenue au bordereau de l’offre de prêt, doit également être jugée abusive.

Le document intitulé ‘Accusé de réception et acceptation de l’offre de crédit’ contient une stipulation selon laquelle les emprunteurs déclarent avoir été informés que le présent crédit comporte des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement, et qui renvoie aux paragraphes ‘Opérations de change’ et ‘Remboursement de votre crédit’.

Il apparaît que ce bordereau n’est nullement de nature à constituer une véritable reconnaissance par les emprunteurs de ce qu’ils ont reçu une information complète et loyale, notamment quant aux risques liés au change, et ne peut valablement, à lui seul, exonérer la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens que la stipulation d’information, constituant un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur qui s’engage, constitue également une clause abusive.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, et sauf à juger comme étant également réputée non écrite la clause susvisée de reconnaissance d’information, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, y compris en ce que, à titre de sanction du caractère abusif des clauses, tant implicite d’indexation que de révision du taux d’intérêt, mais également de reconnaissance d’information, et en considération de ce que le contrat ne pouvait pas subsister sans les clauses susvisées jugées abusives dans la mesure où, notamment, les stipulations relatives à la clause implicite d’indexation nécessitent une lecture croisée et globale et constituent un ensemble indivisible, et où les clauses de révision du taux d’intérêt sont essentielles, il a jugé, au visa des dispositions de l’article L.241-1 du code de la consommation, qu’était impossible la réécriture du contrat et la poursuite de son fonctionnement, et en a prononcé rétroactivement l’annulation en son entier.

Il sera encore confirmé, par voie de conséquence, en ce qu’il a considéré la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE comme étant dépourvue d’un titre exécutoire valable l’autorisant à mettre en oeuvre une procédure de saisie immobilière et en ce qu’il a ordonné la mainlevée, tant de la dite saisie immobilière que du commandement de payer valant saisie en date du 29 avril 2015.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qui succombe en son appel en supportera les dépens.

L’équité commande en outre de faire bénéficier [P] [S] et [X] [E] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de leur allouer, à ce titre, une somme complémentaire de 3000,00 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Reçoit l’appel de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,

SAUF à juger comme étant également abusive, et dès lors réputée non écrite, la clause de reconnaissance d’information contenue au document intitulé ‘Accusé de réception et acceptation de l’offre de crédit’ ;

Condamne la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à Monsieur [P] [S] et Madame [X] [E] une somme complémentaire de 3000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

 


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