Déséquilibre significatif : 14 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01094
Déséquilibre significatif : 14 mars 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01094
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14 mars 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/01094

SB/LL

SA GENERALI IARD

C/

[X] [H]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 14 MARS 2023

N° RG 21/01094 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FYNS

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 20 juillet 2021,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon – RG : 11-21-412

APPELANTE :

SA GENERALI IARD, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès-qualités au siège :

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Elise LANGLOIS, membre de la SELARL CABINET D’AVOCATS PORTALIS ASSOCIES – CAPA, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 45

INTIMÉ :

Monsieur [X] [H]

né le 03 Juillet 1944 à [Localité 2] (21)

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Sylvain PROFUMO, membre de la SCP PROFUMO HERVÉ & PROFUMO SYLVAIN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 97

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 janvier 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS,PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans le le cadre de son activité agricole, M. [X] [H] a, le 31 mai 2019, souscrit auprès de la SA Generali Iard, un contrat d’assurance « Grêle aléas climatiques » pour une période d’un an renouvelable, prenant effet immédiatement.

Un sinistre est survenu le 14 juillet 2019, déclaré le 15 juillet suivant par M. [X] [H] à son assureur.

Un constat de perte a été établi le 25 juillet 2019 par les experts mandatés par l’assureur, constat que M. [H] n’a pas signé.

Le jour-même, il procédait à la récolte.

Par courrier recommandé du 6 août 2019, la SA Generali Iard rappelait vainement à M. [H] que dans la mesure où il n’acceptait pas l’évaluation des pertes établie par ses experts le 25 juillet 2019, il lui appartenait, en vertu des stipulations contractuelles, de désigner un expert de son choix, cette désignation devant intervenir au plus tard dans le délai de 10 jours à compter de la réception du courrier.

La SA Generali Iard a indemnisé M. [H] à hauteur de 11 099,01 euros, ce qui ne le satisfait pas.

Après une vaine mise en demeure du 2 octobre 2020, M. [X] [H] a fait assigner la SA Generali Iard devant le tribunal judiciaire de Dijon, par acte du 10 mai 2021, aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :

– 6 164,99 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2020,

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 20 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a :

– condamné la SA Generali Iard à payer à M. [X] [H] :

* la somme de 6 164,99 euros au titre du sinistre survenu le 14 juillet 2019 avec intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2020, date de réception de la mise en demeure,

* la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SA Iard Generali aux dépens en ce compris le coût de l’assignation délivrée le 10 mai 2021,

– constaté que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Appela été interjeté par la SA Generali Iard par déclaration de son conseil, reçue au greffe le 12 août 2021.

* *

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 2 novembre 2022, la SA Generali Iard demande à la cour d’appel de :

‘ Infirmer intégralement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dijon le 20 juillet 2021 et statuant à nouveau :

Juger que la clause d’expertise amiable contradictoire figurant dans le contrat d’assurance conclu avec M. [H] est valable et opposable à ce dernier ;

Juger que M. [H] a violé les termes de cette clause ;

En conséquence,

Juger irrecevables les demandes présentées par M. [H], et en conséquence, l’en débouter ;

A titre subsidiaire, juger mal fondées les demandes présentées par M. [H], et, en conséquence, l’en débouter ;

En tout état de cause, condamner M. [H] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [H] aux dépens de première instance et d’appel et juger qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ».

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 9 décembre 2022, M. [X] [H] demande à la cour d’appel de :

« Rejeter la fin de non-recevoir présentée par la SA Generali Iard.

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamner la SA Generali Iard à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SA Generali Iard aux dépens de l’instance d’appel ».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Les conditions générales du contrat liant les parties contiennent la clause suivante, les mentions soulignées l’étant par la cour :

« En cas de désaccord sur l’évaluation des pertes ‘ Arbitrage

Il est rappelé que dans tous les cas et à peine de déchéance, la récolte ne peut, sauf accord exprès de notre part, être effectuée tant qu’aucun accord n’est intervenu sur l’évaluation des pertes.

Si les dommages ne peuvent être déterminés de gré à gré avec l’expert que nous avons désigné, le différend est soumis à une expertise amiable avant tout recours à la voie judiciaire. Vous devez désigner un expert pour vous représenter au plus tard 10 jours après l’envoi d’une mise en demeure de notre part. 

A défaut et de convention expresse, vous serez réputé avoir accepté l’estimation faite par notre expert.

Si les deux experts ne s’accordent pas sur l’évaluation des dommages dans les 7 jours de la désignation de votre expert, ils s’adjoignent un troisième expert qu’ils nomment eux-mêmes, sous réserve du droit de chacune des parties d’exiger qu’il soit choisi en dehors du canton dans lequel le risque se trouve situé.

Faute par les deux experts de s’entendre sur le choix du troisième dans les 48 heures, la nomination est effectuée par le Président du Tribunal de Grande Instance du lieu où le sinistre s’est produit sur simple requête signée des deux parties ou de l’une d’elles seulement, l’autre partie étant convoquée par lettre recommandée.

Les trois experts opèrent en commun et à la majorité des voix dans les 10 jours de la désignation du tiers expert.

Chaque partie assume la charge des frais et honoraires de l’expert qu’elle a désigné et le cas échéant la moitié des honoraires du tiers expert et des frais éventuels de nomination si celle-ci a été faite par voie judiciaire.

L’appelante fait valoir que M. [H] s’est abstenu de se conformer à cette clause et que de ce fait, son action judiciaire n’est pas recevable.

En l’espèce, il est établi que M. [H] n’était pas satisfait de l’évaluation des dommages réalisée le 25 juillet 2019. Toutefois, il n’a pas communiqué à son assureur le nom d’un expert chargé de le représenter pour procéder à une expertise amiable contradictoire.

Par ailleurs, il n’a pas davantage sollicité son assureur pour qu’il consente à ce qu’il procède sans délai à la récolte, dont il soutient qu’elle ne pouvait pas attendre au regard de la maturité des végétaux.

‘ M. [H] soutient en premier lieu qu’en ce qu’elle met à la charge de l’assuré les frais et honoraires de l’expert qu’il doit désigner et la moitié des frais et honoraires du tiers expert, la clause litigieuse ne lui est pas opposable car :

– d’une part elle met à la charge de l’assuré une obligation excédant celle prévue par l’article L.113-2, 1° du code des assurances portant sur le paiement de la prime et diminue la valeur nette de l’indemnité à recevoir au-delà de ce qui est prévu par l’article L. 121-1 du même code instituant le principe d’une franchise,

– d’autre part elle est abusive au sens de l’article 1171 du code civil.

Toutefois, en ce qu’elle est relative aux frais d’expertise, cette stipulation, dont la mise en oeuvre est aléatoire, ne rend en aucun cas l’assuré débiteur à l’égard de l’assureur d’une somme excédant le montant de la prime d’assurance convenue et n’a pas d’incidence sur les modalités de calcul de l’indemnité qui doit lui revenir en cas de sinistre.

Par ailleurs, elle ne privilégie aucune des parties et ne crée aucun déséquilibre significatif entre elles.

Cette stipulation se borne à établir un processus obligatoire de résolution amiable du différend avec répartition des frais d’expertise, avant toute saisine du juge, étant observé qu’en cas d’action judiciaire, la juridiction compétente disposerait alors du pouvoir de se prononcer sur les frais engagés par les parties au contrat et sur leur répartition finale.

‘ M. [H] fait valoir en second lieu que la SA Generali Iard n’a en l’espèce pas fait preuve de bonne foi dans la mise en oeuvre de la clause qu’elle lui oppose.

Il lui reproche d’une part d’avoir mandaté non pas un seul mais deux experts pour le constat des pertes effectué le 25 juillet 2019.

S’il est exact que deux personnes ont signé le constat du 25 juillet 2019, elles l’ont l’une et l’autre signé sous le cadre réservé à l’expert, au sens générique du terme.

En toute hypothèse, contrairement à ce qu’affirme M. [H], cette circonstance n’était pas de nature à empêcher l’application de la clause : ainsi, en cas de désaccord avec ces experts, il pouvait parfaitement désigner un expert de son choix.

M. [H] fait, d’autre part, grief à la SA Generali Iard du temps qu’elle a pris pour l’inviter à ce qu’il désigne un expert de son choix alors qu’il était urgent de procéder à la récolte.

Outre que cette urgence aurait dû le conduire à solliciter l’accord de l’assureur aux fins d’une récolte immédiate, M. [H] pouvait, voire devait au regard de cette urgence, désigner un expert de son choix sans attendre d’être mis en demeure de le faire par une lettre recommandée de l’assureur, cette lettre ne constituant qu’un rappel destiné à faire courir le délai au-delà duquel en l’absence de désignation d’un expert par l’assuré, ce dernier est réputé avoir accepté l’évaluation initiale des pertes effectuée par l’expert de l’assureur.

Il résulte de ce qui précède que la SA Génerali est fondée à opposer à M. [X] [H] la clause ci-dessus reproduite.

Il est de jurisprudence constante que le non-respect d’une obligation contractuelle telle celle prescrite par cette clause préalablement à toute action judiciaire constitue une fin de non-recevoir. En conséquence, l’action de M. [H] doit être déclarée irrecevable et le jugement dont appel infirmé.

M. [H], partie perdante, sera tenu aux dépens de première instance et d’appel, le conseil de l’appelante étant admis au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevable l’action engagée par M. [X] [H] à l’encontre de la SA Generali Iard,

Condamne M. [X] [H] aux dépens de première instance et d’appel,

Autorise le conseil de l’appelante à recouvrer directement à l’encontre de M. [H] les dépens d’appel dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ni en première instance, ni en cause d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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