Déséquilibre significatif : 13 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04970
Déséquilibre significatif : 13 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04970
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13 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/04970

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58Z

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 AVRIL 2023

N° RG 21/04970 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UVWC

AFFAIRE :

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

[F] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de Versailles

N° Chambre : 1

N° RG : 2021F00069

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Kazim KAYA

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. AXA FRANCE IARD

RCS Nanterre n° 722 057 460

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Pascal ORMEN substituant à l’audience Me Isabelle ALLEMAND du cabinet ALLEMAND – DE PAZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0217

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [C] exerçant sous l’enseigne La Civette du Parc

RCS Versailles n° 423 427 673

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 et Me Thibault GINOUX et Antoine VEY du cabinet VEY & ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C0238

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F] [C] exploite le restaurant La Civette du Parc à [Localité 5] depuis le 1er janvier 2008.

Il a souscrit auprès de la SA Axa France Iard (ci-après Axa) un contrat d’assurance multirisque professionnelle à effet du 1er janvier 2020, incluant une garantie « Perte d’exploitation suite à fermeture administrative ».

M. [C] explique avoir été contraint de fermer son établissement du 15 mars au 15 juin 2020 à la suite de l’arrêté du 14 mars 2020 et des décrets subséquents prescrivant des mesures de restriction dans le cadre de l’état d’urgence consécutif à l’épidémie de Covid-19, puis partiellement du 17 au 31 octobre 2020 dans le contexte de couvre-feu de la seconde vague épidémique, enfin du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 dans le cadre de cette seconde vague.

Le 30 juillet 2020, il a déclaré un premier sinistre auprès de la compagnie Axa et sollicité sa garantie pour les pertes d’exploitation subies durant la crise sanitaire. Par courrier en réponse du 14 août 2020, la société Axa a refusé sa garantie en se prévalant des exclusions de la garantie pertes d’exploitation figurant dans le contrat. Le 16 janvier 2021, M. [C] a déclaré un second sinistre auprès de son assureur, sans plus de succès.

Suivant autorisation du président du tribunal de commerce de Versailles par ordonnance du 12 janvier 2021, M. [C] a, par acte du 14 janvier 2021, fait assigner à bref délai la société Axa devant ce tribunal.

Par jugement contradictoire du 7 juillet 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :

– Dit que la SA Axa France Iard doit garantir [C] [F] au titre de la perte d’exploitation suite à Ia fermeture administrative de son établissement du fait de l’épidémie de Covid-19 ;

– Ordonné une expertise ;

– Commis pour y procéder M. [V] [O] [Adresse 6]. : [XXXXXXXX01] Port. : [XXXXXXXX02] Mel : [Courriel 8], avec pour mission de :

* Convoquer et entendre Ies parties, assistées, le cas échéant, de Ieurs conseils, et recueillir Ieurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

* Se faire remettre toutes Ies pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

* Evaluer la perte d’exploitation subie par la société (sic) [C] [F] pour Ie sinistre déclaré et indemnisable dans le cadre du contrat d’assurance conclu avec la SA Axa France Iard au titre de la perte d’exploitation subie suite aux fermetures administratives décrétées,

* Donner son avis sur le montant des sommes dues par la SA Axa France Iard à la société (sic) [C] [F],

* Rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties,

* Mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, par le dépôt d’un pré-rapport, Ies parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu’il Ieur fixera, Ieurs observations, qui seront annexées au rapport ;

– Fixé à 3.000 € le montant de Ia provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versée par [C] [F], au plus tard le 28 juillet 2021, entre Ies mains du greffe de cette juridiction, sous sanction de caducité prévue à l’article 271 du code civil ;

– Dit que les opérations d’expertise seront suivies par le juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal ;

– lmparti à l’expert, pour le dépôt du rapport d’expertise, un délai de 6 mois à compter de l’avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision ;

– Dit qu’à l’issue de sa première réunion avec Ies parties, l’expert communiquera aux parties et au juge chargé du contrôle un calendrier de ses opérations, et une estimation de son budget ;

– Dit qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le juge chargé du contrôle des expertises ;

– Condamné Ia SA Axa France Iard à payer à titre provisionnel à [C] [F] Ia somme de 103.200 € ;

– Renvoyé la cause et Ies parties à l’audience du 12 janvier 2022 à 14 heures ;

– Réservé l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Réservé Ies dépens, dont Ies frais de greffe s’élèvent à Ia somme de 89.65 €.

Par déclaration du 29 juillet 2021, la société Axa a interjeté appel du jugement.

L’expert a déposé son rapport le 13 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2023, la société Axa demande à la cour de :

– Déclarer recevable et bien fondé son appel et, y faisant droit ;

A titre principal,

– Infirmer le jugement du 7 juillet 2021 du tribunal de commerce de Versailles en ce qu’il :

« – Dit que la SA Axa France Iard doit garantir [C] [F] au titre de la perte d’exploitation suite à Ia fermeture administrative de son établissement du fait de l’épidémie de Covid-19,

– Ordonne une expertise,

– Commet pour y procéder M. [V] [O] [Adresse 6]. : [XXXXXXXX01] Port. : [XXXXXXXX02] Mel : [Courriel 8], avec pour mission de :

* Convoquer et entendre Ies parties, assistées, le cas échéant, de Ieurs conseils, et recueillir Ieurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

* Se faire remettre toutes Ies pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

* Evaluer la perte d’exploitation subie par la société [C] [F] pour Ie sinistre déclaré et indemnisable dans le cadre du contrat d’assurance conclu avec la SA Axa France Iard au titre de la perte d’exploitation subie suite aux fermetures administratives décrétées,

* Donner son avis sur le montant des sommes dues par la SA Axa France Iard à la société [C] [F],

* Rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties,

* Mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, par le dépôt d’un pré-rapport, Ies parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu’il Ieur fixera, Ieurs observations, qui seront annexées au rapport,

– Fixe à 3.000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert qui sera versée par la société [C] [F], au plus tard le 28 juillet 2021, entre les mains du greffe de cette juridiction, sous sanction de caducité prévue par l’article 271 du code civil,

– Dit que les opérations d’expertise seront suivies par le juge chargé du contrôle des expertises de ce tribunal,

– Impartit à l’expert, pour le dépôt du rapport d’expertise, un délai de 6 mois à compter de l’avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision,

– Dit qu’à l’issue de sa première réunion avec les parties, l’expert communiquera aux parties et au juge chargé du contrôle, un calendrier de ses opérations et une estimation de son budget,

– Dit qu’en cas de refus ou empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le juge chargé du contrôle des expertises,

– Condamne la SA Axa France Iard à payer à titre provisionnel à [C] [F] la somme de 103.200 €,

– Renvoie la cause et les parties à l’audience du 12 janvier 2022 à 14h,

– Réserve l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 89,65 € » ;

– Infirmer le jugement du 7 juillet 2021 du tribunal de commerce de Versailles en ce qu’il a débouté Axa France Iard de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d’exclusion ;

– Confirmer le jugement du 7 juillet 2021 du tribunal de commerce de Versailles en ce que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est assortie d’une clause d’exclusion, qui est inscrite en des termes très apparents, de sorte que sa rédaction est conforme aux règles de formalisme prescrites par l’article L.112-4 du code des assurances ;

– Confirmer le jugement du 7 juillet 2021 du tribunal de commerce de Versailles en ce qu’il a jugé que cette clause d’exclusion respecte le caractère formel exigé par l’article L.113-1 du code des assurances ;

Statuant à nouveau,

– Juger que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est d’une durée maximale d’indemnisation de 3 mois ;

– Juger que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est assortie d’une clause d’exclusion, qui est applicable en l’espèce ;

– Juger que cette clause d’exclusion ne vide pas l’extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l’article L.113-1 du code des assurances et qu’elle ne prive pas l’obligation essentielle d’Axa France Iard de sa substance au sens de l’article 1170 du code civil ;

En conséquence,

– Déclarer applicable en l’espèce la clause d’exclusion dont est assortie l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie ;

– Juger qu’Axa France Iard n’a pas manqué à son devoir d’information ou de conseil ;

– Juger que la garantie pertes d’exploitation suite à arrêté de péril n’est pas mobilisable ;

– Juger qu’Axa n’a commis aucun acte de résistance abusive ;

– Débouter M. [C] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre d’Axa France Iard et le condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l’exécution du jugement du 7 juillet 2021 ;

– Annuler la mesure d’expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Versailles ;

A titre subsidiaire,

– Juger que la période du 17 au 31 octobre 2020 n’est pas garantie ;

– Juger que l’épidémie de Covid-19 ne constitue pas un risque garanti et qu’elle doit en conséquence être considérée comme un facteur externe au sens de la police d’assurance, dans le cadre du calcul de l’indemnité d’assurance ;

– Juger que les aides d’Etat doivent être déduites des indemnités d’assurance ;

– Ordonner la fixation de la mission de l’expert désigné par le tribunal de commerce de Versailles comme suit :

* Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par l’intimée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années,

* Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

* Examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable,

* Donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées,

* Donner son avis sur le montant des aides/subventions d’Etat perçues par l’assuré,

* Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020 ;

En tout état de cause,

– Déclarer l’appel incident de M. [C] exerçant sous l’enseigne « La Civette du Parc » mal fondé et le débouter de toutes ses demandes ;

– Condamner M. [C] exerçant sous l’enseigne « La Civette du Parc » à payer à Axa France Iard la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2022, M. [C] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, à l’exception de celles faisant l’objet d’un appel incident ;

– Aux fins de précision, juger :

* Que les périodes d’indemnisation sont les suivantes :

– Du 15 mars au 15 juin 2020,

– Du 17 au 31 octobre 2020,

– Du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021,

* Que le Covid ne peut être considéré comme un facteur externe dans le cadre du calcul de l’indemnité d’assurance,

* Que les aides d’Etat n’ont pas à être déduites des indemnités d’assurance ;

– A titre incident, infirmer le jugement en ce qu’il a omis de statuer sur la demande de l’intimé de condamnation au titre du manquement au devoir d’information et de conseil ;

– A titre incident, infirmer le jugement en ce qu’il a omis de statuer sur la demande de l’intimé au titre de la garantie « arrêté de péril » ;

Par conséquent, statuant à nouveau,

– Juger qu’Axa France Iard a commis un manquement à son obligation d’information et de conseil ;

– Juger que la garantie « Perte d’exploitation suite à arrêté de péril » est acquise à la société (sic) [C] [F] pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique,

* du 24 au 31 octobre 2020 au titre du couvre-feu de l’automne 2020,

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxième et troisième vagues épidémiques ;

Par conséquent, à titre principal,

– Condamner la société Axa France Iard à indemniser la société (sic) [C] [F], sur le fondement de l’acquisition de la garantie ou sur celui de la perte de chance, de la perte de marge brute subie lors de ces périodes, à hauteur des montants qui seront déterminés par le tribunal de commerce de Versailles dans le cadre de l’instance en cours, sur le fondement des principes d’indemnisation (période garantie, franchise, facteurs externes …) que la cour établira ;

En toute hypothèse,

– Condamner Axa France Iard à verser à la société (sic) [C] [F] la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

– Condamner Axa France Iard à verser à la société (sic) [C] [F] la somme de 20.000 € au titre de la résistance abusive ;

– Condamner la société Axa France Iard aux entiers dépens de l’instance, lesquels pourront être recouvrés par Me Antoine Vey, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la validité de la clause d’exclusion de garantie

La garantie « Perte d’exploitation suite à fermeture administrative » dont M. [C] sollicite la mise en oeuvre est définie en page 8 des conditions particulières du contrat d’assurance multirisque professionnelle n°6296812904 qu’il a souscrit le 16 décembre 2019. Elle est ainsi rédigée :

« La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous même

2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication. (…) »

Elle est suivie de la clause d’exclusion suivante :

« SONT EXCLUES

– LES PERTES D’EXPLOITATION, LORSQUE, À LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ÉTABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITÉ, FAIT L’OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L’ÉTABLISSEMENT ASSURÉ, D’UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE. »

Le jugement dont appel a retenu que l’assureur ne pouvait opposer la clause d’exclusion à l’assuré dès lors que cette clause vidait la garantie de sa substance et donc qu’elle ne respectait pas le caractère limité prévu à l’article L.113-1 du code des assurances, ni les dispositions de l’article 1170 du code civil.

La société Axa entend se prévaloir de la stricte application de la clause d’exclusion figurant au contrat. Elle soutient que cette clause répond au formalisme exigé par l’article L.112-4 du code des assurances, qu’elle respecte le caractère formel exigé par l’article L.113-1 du code des assurances et qu’elle est bien applicable en l’espèce ; qu’en outre, la clause d’exclusion ne prive pas l’extension de garantie de sa substance et que, dès lors, elle respecte également le caractère limité exigé par l’article L.113-1 et ne vide pas de sa substance l’obligation essentielle de l’assureur, ainsi que l’exige l’article 1170 du code civil.

M. [C] fait valoir que les conditions d’acquisition de la garantie perte d’exploitation sont réunies dès lors que son établissement a fait l’objet, à trois reprises, de décisions de fermeture administrative à raison d’une maladie contagieuse ou d’une épidémie. Il considère que la clause d’exclusion inscrite dans les conditions particulières est nulle car elle n’apparaît pas en caractères très apparents, ce qui suffit à la rendre inopposable en application de l’article L.112-4 du code des assurances ; qu’en outre elle n’est pas formelle et limitée dès lors qu’elle vide la garantie de sa substance (article L.113-1 du code des assurances). Il fait observer que l’assureur a lui-même fait l’aveu de la fragilité de ses polices initiales en proposant à la plupart de ses assurés bénéficiant de la garantie litigieuse, un avenant prenant soin d’exclure la couverture des épidémies et maladies contagieuses mais aussi des transactions. Il demande à la cour de ne pas appliquer la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans ses arrêts du 1er décembre 2022, sauf à ouvrir la voie à d’importantes dérives, autorisant les assureurs à vendre des garanties tout en les privant d’effet.

– Sur la conformité de la clause aux dispositions de l’article L.112-4 du code des assurances

La société Axa sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a retenu que la clause d’exclusion, objet du présent litige, est conforme aux dispositions de l’article L.112-4 du code des assurances.

M. [C] répond que la clause d’exclusion est certes inscrite en lettres majuscules mais qu’elle ne ressemble aucunement aux autres clauses d’exclusion figurant dans les conditions générales, qui sont mentionnées en caractères gras, dans un encadré de couleur, de manière à attirer particulièrement l’attention du lecteur.

*****

L’article L.112-4 du code des assurances prévoit notamment que les clauses des polices d’assurance édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

La clause doit être rédigée en termes très apparents de manière à attirer spécialement l’attention de l’assuré.

En l’espèce, la clause consacrée à la garantie « Perte d’exploitation suite à fermeture administrative » figure en page 8 des conditions particulières. Elle est suivie de la clause d’exclusion, laquelle est rédigée dans son intégralité en lettres majuscules dans une police de taille suffisante, alors que les développements précédents sont rédigés en lettres minuscules. La clause d’exclusion se distingue ainsi nettement de la clause d’extension de garantie et des autres stipulations.

La clause d’exclusion de garantie, par cette présentation, attire spécialement l’attention du souscripteur, quand bien même elle ne figure pas en gras ou dans un encadré. L’examen des 11 pages de conditions particulières ne permet pas de considérer que la clause litigieuse y est noyée, les stipulations contractuelles, rédigées dans une police de taille suffisante, étant organisées en paragraphes structurés, aérés et aisément lisibles.

En conséquence, cette clause d’exclusion répond aux exigences de l’article L.112-4 précité et le jugement sera suivi sur ce point.

– Sur le caractère formel de la clause d’exclusion

La société Axa énonce que le sens de l’exclusion est clair et compréhensible, qu’il n’a pas à faire l’objet d’une interprétation, qu’iI n’est nullement besoin d’être un spécialiste en droit des assurances pour comprendre le cas où la garantie est due (mon établissement est le seul à subir une fermeture administrative) et le cas où la garantie est exclue (d’autres établissements dans le même département sont fermés pour la même cause).

Elle explique que l’extension de garantie litigieuse ne constitue pas une garantie contre le risque d’une épidémie mais contre le risque d’une fermeture administrative. Elle considère qu’il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir défini le terme « épidémie », qui est seulement employé au titre des conditions de garantie, puisque ce qui compte, ce n’est pas la nature, la localisation et l’étendue de l’épidémie mais sa conséquence, à savoir la fermeture du seul établissement assuré ou celle de plusieurs établissements dans le département, pour la même cause. Elle rappelle que la Cour de cassation a validé le caractère formel de la clause d’exclusion, en jugeant que la notion d’épidémie était sans incidence sur la compréhension de la clause, de sorte que celle-ci devait s’appliquer dès lors qu’à la date de fermeture de l’établissement assuré, un autre établissement faisait l’objet d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique. Elle ajoute que la proposition d’avenant faite par la société Axa à ses assurés ne remet pas en cause la clarté de la clause d’exclusion mais s’explique par une nouvelle appréciation des risques liés aux épidémies par les acteurs du marché du fait de la crise du Covid-19.

M. [C] réplique que la lecture de la clause d’exclusion dépend de la définition du terme « épidémie », que ne propose pas le contrat, pas plus que ne sont définis les termes « établissement » ou « cause identique », de sorte que cette clause ne répond pas à l’exigence de précision et de limitation. Il critique l’appréciation restrictive que fait l’assureur du terme « épidémie ». Il rappelle qu’une garantie qui prête à interprétation, à raison de son imprécision ou de son ambiguïté, doit être interprétée en faveur de l’assuré et que l’exclusion qui y est attachée est nécessairement non écrite lorsqu’elle est elle-même soumise à interprétation, et par conséquent ni formelle, ni limitée. Il fait état de décisions de jurisprudence défavorables à la société Axa et avance que celle-ci n’aurait jamais transigé ou modifié ses contrats si elle estimait que sa clause est parfaitement claire.

*****

Il résulte de l’article L.113-1 du code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie qui privent l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

Une clause d’exclusion n’est pas formelle lorsqu’elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

A titre liminaire, la cour observe que le caractère formel et limité de la clause litigieuse doit s’apprécier au regard des seules stipulations du contrat dans lequel elle figure, sans considération des modifications envisagées voire effectivement apportées à ce contrat.

En l’espèce, la clause d’exclusion ne nécessite pas d’être interprétée et n’est pas de nature à créer un doute sur la portée de l’exclusion, selon laquelle lorsque la fermeture administrative affecte concomitamment, dans le même département, un autre établissement pour une cause identique, et donc lorsqu’une même épidémie entraîne la fermeture administrative d’un autre établissement, la garantie ne s’applique pas.

La société Axa fait justement observer qu’aucun des mots figurant dans la clause d’exclusion ne relève du vocabulaire spécialisé de l’assurance, qu’en sa qualité de professionnelle de la restauration soumise à de nombreuses règles d’hygiène, M. [C] n’ignorait pas les périls sanitaires susceptibles de se traduire dans le cadre de son activité par des épidémies « localisées » et par la fermeture administrative « individuelle » de son établissement, qu’il n’a pas pu se méprendre sur la portée de la clause d’exclusion, rédigée en caractères très apparents.

La mention « quelle que soit sa nature et son activité » permet à l’assuré de bien comprendre que la fermeture de tout autre établissement, quel qu’il soit, écarte l’application de la garantie lorsque cette fermeture, dans le même département, résulte d’une cause identique.

La mention de « cause identique » est sans ambiguïté et se réfère à la cause de fermeture des établissements concernés, à savoir la fermeture administrative consécutive à une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication, de sorte que la notion d’épidémie constitue une condition de la mise en oeuvre de la garantie.

Dès lors, la circonstance particulière de réalisation du risque privant l’assuré du bénéfice de la garantie n’est pas l’épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture administrative, un autre établissement faisait l’objet d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l’une de celles énumérées par la clause d’extension de garantie, de sorte que l’ambiguïté alléguée du terme « épidémie » est sans incidence sur la compréhension par l’assuré des cas dans lesquels l’exclusion s’applique.

La clause d’exclusion apparaît ainsi claire et précise, de sorte que son caractère formel ne peut être remis en cause, ainsi que l’ont exactement retenu les premiers juges.

– Sur le caractère limité de la clause

La société Axa reproche au tribunal de commerce d’avoir jugé que la clause d’exclusion vidait la garantie de sa substance au sens de l’article L.113-1 du code des assurances, soulignant que la survenue d’une épidémie ne fait naître aucune obligation pour elle, puisqu’il s’agit seulement d’une condition permettant aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative d’être garanties. Elle ajoute que le caractère limité d’une clause doit s’apprécier non en fonction de ce qu’elle exclut, mais de ce qu’elle garantit après sa mise en oeuvre.

Elle relève qu’une épidémie peut toucher un seul établissement, risque plus élevé que celui d’une fermeture administrative collective et qu’une épidémie correspond à une multiplicité de cas et ne renvoie pas nécessairement aux idées de propagation et contagion de la maladie.

Elle affirme qu’il est fréquent qu’une épidémie affecte un seul établissement, fait état d’exemples en ce sens et relève que les autorités peuvent prendre, en cas d’épidémie, des mesures de fermetures administratives isolées. Elle estime qu’il lui revient d’établir les conditions d’application de l’exclusion, mais qu’elle n’a pas à supporter la charge de la preuve de la validité de la clause d’exclusion, qui doit être appréciée globalement et non au seul regard de l’épidémie de Covid-19.

Elle soutient qu’une clause d’exclusion limitant la couverture à un risque même improbable n’est pas de nature à la priver de son caractère limité, que la garantie souscrite peut aussi être mobilisée quand le foyer de l’épidémie se trouve hors de l’établissement assuré. Selon elle, l’intention des parties était, lors de la souscription de l’assurance, non de garantir le risque de fermeture généralisée sur tout le territoire, mais de se “couvrir” face au risque d’une fermeture administrative du fait d’une épidémie dans l’établissement, exposé à des risques sanitaires. Elle indique n’avoir jamais entendu couvrir les conséquences d’un risque systémique, que celles résultant de mesures gouvernementales de fermeture collective ne relèvent pas d’une garantie individuelle de droit privé. Elle avance que la rédaction de l’extension de garantie est conforme aux intérêts de l’assuré, son périmètre permettant de couvrir tous les risques sanitaires envisageables. Elle conclut que la clause d’exclusion ne prive pas l’obligation essentielle de l’assureur de sa substance.

M. [C] réplique que la clause d’exclusion, appliquée à la lettre, conduit à ne pas couvrir les pertes d’exploitation générées par une fermeture administrative à raison d’une maladie contagieuse ou d’une épidémie, dès lors qu’un seul autre établissement serait fermé pour une « cause identique » dans le même département ; qu’à supposer que la garantie « fermeture administrative en cas d’épidémie » trouve à s’appliquer, elle est neutralisée par l’exclusion ; qu’ainsi cette clause n’est ni formelle, ni limitée, et vide la garantie de sa substance. Il rappelle que la garantie couvre également les « maladies contagieuses » et les « intoxications », de sorte que l’ajout du terme « épidémie », qui par principe affecte une population, ne peut qu’avoir été motivé par l’intention de couvrir un événement de grande ampleur.

*****

Une clause d’exclusion n’est pas limitée, au sens de l’article L.113-1 susvisé du code des assurances, lorsqu’elle vide la garantie de sa substance, en ce qu’après son application elle ne laisse subsister qu’une garantie dérisoire.

En outre, selon l’article 1170 du code civil, « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

L’article 1171 du même code dispose que « Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».

Il doit être à nouveau rappelé que le risque assuré est celui des pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative, et non le risque de survenance d’une épidémie.

A cet égard, ne doit pas seulement être envisagée la situation sanitaire créée par la Covid-19 mais aussi celle pouvant résulter de n’importe quelle épidémie. Il convient aussi tenir compte du fait que l’autorité administrative peut vouloir, dans certaines zones géographiques encore peu touchées par une maladie infectieuse, limiter, dans un département donné, les mesures de fermeture à un seul établissement pour éviter les contaminations pouvant avoir été détectées dans cet établissement ou dans une zone géographique qui lui est proche. Il a pu en être ainsi en période de Covid-19 en cas de « cluster » constaté dans un établissement alors que les autres établisssements du même type n’ont pas été fermés.

La garantie reste encore mobilisable lorsque l’assureur ne peut pas rapporter la preuve de la fermeture administrative d’un autre établissement dans le même département et pour la même cause.

Enfin, la garantie objet du litige couvre également le risque de pertes d’exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication, de sorte que l’exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d’autres circonstances que celles prévues par la clause d’exclusion, n’a pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la clause satisfait au caractère limité imposé par l’article L.113-1 du code des assurances.

Enfin, la proposition faite par la société Axa à ses assurés de souscrire de nouveaux avenants à l’effet de supprimer la garantie perte d’exploitation suite à une fermeture administrative pour cause d’épidémie ou de maladie infectieuse et de réécrire la garantie perte d’exploitation suite à une fermeture administrative, ne remet pas en cause la validité de la clause d’exclusion litigieuse et ne constitue pas un aveu d’inopposabilité de la clause d’exclusion par l’assureur.

Il est incontestable que les mesures d’interdiction d’accueillir du public prévues par l’arrêté du 14 mars 2020 susmentionné puis par le décret n°2020-293 du 23 mars 2020, le décret n°2020-548 du 11 mai 2020 et le décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020 se sont appliquées « sur l’ensemble du territoire de la République » et qu’elles ont visé, pour une cause identique à savoir l’épidémie de Covid-19, d’autres établissements situés dans le même département que le café, bar, brasserie exploité par M. [C].

La société Axa est en conséquence fondée à opposer aux déclarations de sinistres de M. [C] la clause d’exclusion dont est assortie l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a dit que la société Axa n’était pas fondée à opposer à M. [C] la clause d’exclusion dont est assortie l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie, et M. [C] sera débouté de de sa demande de mobilisation de cette garantie.

Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’annulation de la mesure d’expertise judiciaire formulée par la société Axa dès lors que la cour est saisie d’une demande d’infirmation du jugement qui a ordonné cette mesure.

Sur l’obligation d’information et de conseil

M. [C] reproche à la société Axa d’avoir manqué, dès la phase précontractuelle, à son obligation d’information et de conseil en n’attirant pas son attention sur les limites de la garantie « pertes d’exploitation ». Il prétend que, correctement informé, il aurait pu constater le champ très peu étendu de sa garantie et chercher à être mieux couvert et que cette perte de chance résultant du défaut d’information de son assureur justifie qu’il soit indemnisé à ce titre.

La société Axa répond qu’elle n’a pas failli à son obligation légale d’information précontractuelle, telle que prévue à l’article L.112-2 du code des assurances ; que son agent a parfaitement respecté ses obligations, en adressant à M. [C] la fiche d’information préalable que celui-ci a signée. Elle fait observer que le contrat d’assurance, qui n’a pas en tout état de cause vocation à garantir tous les risques, a été signé à effet du 1er janvier 2020 et qu’il s’est renouvelé au moins une fois avant la survenance du sinistre déclaré par l’assuré ; qu’ainsi, ce dernier a été en mesure de prendre connaissance de la clause d’exclusion mentionnée en caractères très apparents dans les conditions particulières de son contrat et dont il a compris le sens et la portée. Elle ajoute que l’intimé est incapable de démontrer qu’il aurait été en mesure de souscrire un contrat plus adapté à la crise du Covid-19.

*****

Il sera d’abord observé que, contrairement à ce que soutient M. [C], les premiers juges n’ont pas omis de statuer sur ce point. Dans la mesure, en effet, où ils ont considéré que la garantie « Perte d’exploitation suite à fermeture administrative » était acquise, ils n’avaient pas à examiner ce fondement subsidiaire.

Aux termes de l’article L.112-2 du code des assurances, l’assureur est tenu de remettre à l’assuré, avant la conclusion du contrat, un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d’information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l’assuré.

La société Axa produit la fiche d’information préalable remise par son agent général à M. [C] et signée le 16 décembre 2019 par ce dernier, qui reconnait notamment s’être vu remettre avant la conclusion du contrat, établi par l’agent sur la base des besoins et exigences qu’il a exprimés : le document d’information sur le produit d’assurance, le questionnaire de risque, l’information sur le tarif, les Conditions générales 690200.

Il ne peut pas non plus être reproché à l’assureur, comme le fait pourtant l’intimé, de ne pas avoir mentionné l’exclusion litigieuse dans le tableau synthétique des garanties, alors que comme relevé précédemment ladite exclusion figure en caractères apparents en page 8 (sur 11 au total) des conditions particulières de la police souscrite et signée par l’assuré, qui a reconnu avoir « bien pris connaissance avant la souscription des conditions de garantie et des exclusions ».

Il n’est ainsi établi aucun manquement de l’assureur à son devoir d’information et de conseil, la société Axa faisant justement observer qu’en présence d’un risque imprévisible et inédit, tel que le Covid-19, à l’origine d’un état d’urgence sanitaire national qui a conduit à un confinement général jamais connu, il ne saurait être fait grief à un intermédiaire d’assurance, en l’occurence son agent, de ne pas avoir attiré l’attention d’un assuré sur l’absence de garantie d’un tel risque.

M. [C] sera débouté de sa demande indemnitaire sur ce fondement.

Sur la garantie « Perte d’exploitation suite à arrêté de péril »

M. [C] prétend que les pertes d’exploitation qu’il a subies peuvent également être couvertes par la garantie « Perte d’exploitation suite à arrêté de péril » prévue par la police d’assurance. Il fait valoir que le contrat ne comporte aucune précision ou définition de « l’arrêté de péril », alors que les conditions générales contiennent un chapitre entier renfermant les définitions des termes du contrat ; que le lecteur du contrat peut légitimement estimer qu’il est couvert pour toute situation de péril ayant entraîné la fermeture de son établissement, comme ce fut le cas pour la fermeture à raison du Covid-19 ; qu’en outre « l’arrêté de péril », au sens juridique, a disparu de l’ordonnancement juridique depuis le 1er janvier 2021, de sorte que si on retient que seul un arrêté de péril au sens du code de la construction et de l’habitat permet d’activer la garantie, l’assuré est couvert pour un événement qui n’existe plus et la clause n’a plus d’effet. Il en déduit que la garantie « Perte d’exploitation suite à arrêté de péril » est due pour les trois périodes pendant lesquelles il a dû cesser son activité.

La société Axa réplique que la garantie « Perte d’exploitation suite à arrêté de péril » n’a pas vocation à intervenir ; qu’une telle garantie n’a pas pour objet de prendre en charge toute perte d’exploitation subie en situation de péril, ce qui n’aurait aucun sens dans le cadre d’une police multirisque professionnelle ; que le jeu de cette garantie suppose que la perte d’exploitation alléguée résulte d’un arrêté de péril, ce qui ne résulte d’aucun des textes visés par M. [C], ayant pour finalité d’atténuer la propagation du virus Covid-19.

*****

La cour relève une fois encore que, contrairement à ce que soutient M. [C], les premiers juges n’ont pas omis de statuer sur ce point et qu’ils n’avaient pas à examiner ce fondement subsidiaire, ayant considéré que la garantie « Perte d’exploitation suite à fermeture administrative » était acquise.

La clause « Perte d’exploitation suite à arrêté de péril » figurant en page 8 des conditions particulières est ainsi rédigée :

« PERTE D’EXPLOITATION SUITE A ARRETÉ DE PÉRIL

La garantie PERTE D’EXPLOITATION est étendue en cas d’interruption temporaire de votre activité professionnelle, résultant directement d’un arrêté de péril entraînant la fermeture provisoire de votre établissement (6 mois maximum) sous réserve que cet arrêté ne concerne pas un défaut d’entretien des locaux assurés par le présent contrat.

Cette garantie est accordée sans qu’il soit fait application de la franchise spécifique perte d’exploitation. »

La mobilisation de cette garantie suppose que la perte d’exploitation alléguée résulte d’un arrêté de péril, dont chacun sait qu’il induit l’existence d’un acte administratif adopté par une autorité administrative en cas de menace d’effondrement d’un immeuble, et ce sans qu’il soit besoin pour en comprendre le sens de se référer aux dispositions du code de la construction et de l’habitation. Il en résulte que la clause en question n’est pas sujette à interprétation. En outre, cette situation ne correspond aucunement à celle qui a conduit les autorités administratives à ordonner des mesures de restriction aux fins de lutter contre la propagation du virus Covid-19.

Au surplus, l’intimé ne saurait se prévaloir de l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, au motif qu’elle aurait supprimé la notion d’arrêté de péril, dès lors que la garantie revendiquée a été souscrite avant cette date et qu’en outre les sinistres qu’il a déclarés sont antérieurs au 1er janvier 2021, date d’entrée en vigueur de cette ordonnance.

M. [C] sera débouté de sa demande de mobilisation de la garantie « Perte d’exploitation suite à arrêté de péril ».

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

M. [C] considère que le comportement de son assureur relève de la résistance abusive, et doit être réparé sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Il fait valoir que la société Axa a rejeté systématiquement toute demande d’indemnisation en prétendant que son contrat était limpide ; que cependant, dès l’automne 2020, elle a proposé un avenant à l’ensemble de ses assurés pour supprimer la garantie litigieuse ; qu’elle a contraint ses assurés à mener une éprouvante guérilla judiciaire, en pleine crise sanitaire ; que le 11 juin 2021, face à l’évidence que constituait sa prochaine défaite, elle a fini par faire volte-face en proposant des transactions à ses assurés. Il sollicite le versement de dommages-intérêts à hauteur de 20.000 €.

La société Axa s’oppose à cette demande en indiquant qu’elle n’a pas abusé de son droit de se défendre en justice.

*****

Au regard de la solution du litige, la demande de dommages et intérêts formulée par M. [C] au titre de la procédure abusive ne peut prospérer.

Par ailleurs, l’exercice d’un droit ne dégénère en abus qu’en cas de faute équipollente au dol, qui n’est pas démontrée en l’espèce à l’encontre de la société Axa.

L’intimé doit en conséquence être déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [C] supportera les entiers dépens de première instance et d’appel.

Il ne parait pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 avril 2021 par le tribunal de commerce de Versailles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la société Axa France Iard est fondée à opposer à M. [F] [C] la clause d’exclusion dont est assortie l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie ;

DÉBOUTE M. [F] [C] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE M. [F] [C] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

DÉBOUTE la société Axa France Iard de sa demande au titre de l’article 700 du code procédure civile.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Mme Patricia GERARD, Faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le faisant fonction de greffier, Le président,

 


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