Déséquilibre significatif : 13 avril 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02915
Déséquilibre significatif : 13 avril 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/02915
Ce point juridique est utile ?

13 avril 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/02915

N° RG 22/02915 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JFJH

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 13 AVRIL 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-21-0007

Jugement du Juge des Contentieux de la Protection de ROUEN du 24 Juin 2022

APPELANTE :

Madame [J] [K] veuve [F]

née le [Date naissance 1] 1923 à [Localité 12]

[Adresse 8]

[Localité 10]

représentée et assistée par Me Maxime DEBLIQUIS, avocat au barreau de ROUEN postulant de Me Jean-Marie POUILHE, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008628 du 20/02/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMES :

Madame [G] [R]

née le [Date naissance 6] 1984 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par Me Béatrice MABIRE MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Angélique THILLARD, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur [B] [D]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 9]

[Adresse 7]

[Localité 5]

représenté par Me Béatrice MABIRE MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Angélique THILLARD, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 16 Mars 2023 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère

DEBATS :

Madame DUPONT greffière

A l’audience publique du 16 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 13 Avril 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Suivant acte sous seing privé du 8 décembre 2011, Mme [J] [K] veuve [F] (Mme [F]) a consenti à Mme [G] [R] un bail portant sur un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 4] moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 578 euros outre une provision sur charges de 120 euros par mois.

Par acte séparé, Mme [B] [D] s’est portée caution solidaire des engagements de la locataire.

Par lettre recommandée distribuée le 31 octobre 2012, Mme [R] a donné congé du logement loué.

Par acte d’huissier du 13 mars 2013, Mme [F] a fait délivrer à Mme [R] une sommation d’assister à l’état des lieux le 21 mars 2013.

Le 21 mars 2013 un procès-verbal de constat d’état des lieux de sortie a été établi par Me [S], huissier de justice.

Par déclaration au greffe reçue le 12 mai 2013, Mme [F] a saisi le tribunal d’instance d’une demande de condamnation de Mme [R] et de Mme [D] au paiement d’un arriéré locatif.

En l’absence de comparution de Mme [F], une décision de caducité a été rendue le 16 septembre 2013.

Par acte du 16 septembre 2013, Mme [F] a saisi à nouveau le tribunal d’instance d’une demande de condamnation de Mme [R] et de Mme [D].

Par jugement du 21 janvier 2015 rendu après plusieurs renvois successifs, le tribunal d’instance de Rouen a prononcé la radiation de l’affaire motif pris du défaut de diligence de Mme [F].

Par acte d’huissier du 19 mars 2017, Mme [F] a fait assigner Mme [R] et Mme [D] en paiement des sommes dues.

Par jugement du 17 avril 2018, le tribunal a prononcé la radiation de l’affaire au motif que la demanderesse n’était ni présente ni représentée.

Par acte d’huissier du 12 août 2020, Mme [F] a saisi à nouveau le juge des contentieux de la protection.

Par jugement du 8 février 2021, l’affaire a fait l’objet d’une radiation d’office en l’absence de comparution de la demanderesse ni de son représentant.

L’affaire a été réinscrite à la demande de Mme [F].

Par jugement contradictoire du 24 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rouen a :

– débouté Mme [F] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné Mme [F] à verser à Mme [R] la somme de 407,58 euros au titre du solde du dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2013 ;

– condamné Mme [F] à verser à Mme [R] et à Mme [D] la somme de 2 000 euros pour procédure abusive ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– condamné Mme [F] aux dépens ;

– condamné Mme [F] à verser à Mme [R] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 2 septembre 2022, Mme [F] a relevé appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.

Exposé des prétentions des parties

Par dernières conclusions reçues le 9 mars 2023, Mme [F] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

– condamner solidairement Mme [R] et Mme [D] à lui verser la somme de 626,31 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés au 21 mars 2013 après déduction du dépôt de garantie ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 63,80 euros au titre de la majoration de plein droit prévue par le bail ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 165,53 euros au titre de la régularisation des charges locatives pour la période du 11 décembre 2011 au 30 juin 2012 ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 76 152,43 euros au titre des indemnités d’occupation dues entre le 22 mars 2013 et la fin du mois de novembre 2022 ;

– les condamner solidairement au paiement de la régularisation des charges locatives jusqu’au jour où l’état des lieux de sortie sera réalisé contradictoirement ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 7 099,21 euros au titre des réparations locatives de remplacement de la serrure de la porte de l’appartement et de la réfection des peintures ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 2 500 euros à titre provisionnel au titre du solde des réparations locatives ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 292,92 euros au titre des frais du constat d’huissier du 28 mars 2013 ;

– ordonner qu’un état des lieux de sortie de l’appartement soit établi par huissier de justice contradictoirement à frais partagés par moitié entre les parties ;

– ordonner la compensation des éventuelles créances entre les parties ;

– débouter Mme [R] et Mme [D] de leurs demandes ;

– les condamner solidairement au paiement de la somme de 763,27 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– les condamner solidairement aux dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions reçues le 6 mars 2023, Mme [R] et Mme [D] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement rendu ;

Y ajoutant,

– débouter Mme [F] de ses demandes ;

– condamner Mme [F] à leur verser la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en appel ;

– la condamner au paiement de la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

– la condamner aux dépens d’appel.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l’exposé des moyens développés par celles-ci.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement des loyers

Estimant que le retard dans l’établissement de l’état des lieux de sortie prévu le 2 mars 2013 et partant, dans la restitution des clés, était exclusivement imputable à la bailleresse, le premier juge a estimé que Mme [R] n’était redevable du paiement des loyers et charges impayés qu’entre le 5 janvier 2012 et le 2 mars 2013, soit à hauteur de la somme de 170,61 euros.

L’appelante soutient que la locataire est tenue au paiement des loyers jusqu’au 21 mars 2013, soit de la somme de 626,31 euros. Elle estime qu’en l’absence d’état des lieux de sortie amiable, il appartenait à la locataire de saisir un huissier afin qu’il soit procédé à l’état des lieux de sortie.

En réplique, les intimés font valoir que l’état des lieux de sortie n’a pu être réalisé le 2 mars 2013, date à laquelle l’état des lieux devait être établi amiablement, en raison de la défaillance de Mme [F], que les clés ont été remises au bailleur le 21 mars 2013 et que la locataire ne peut être tenue des loyers postérieurement à la date prévue d’établissement de l’état des lieux amiable.

Aux termes de l’article 7-a de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

Le locataire qui a donné congé est tenu au paiement du loyer et des charges jusqu’à la date de restitution effective des lieux caractérisée par la remise des clés.

En l’espèce, il résulte des mentions du procès-verbal de constat de Me [S], huissier de justice, que Mme [R] a restitué les clés le 21 mars 2013, conservant jusqu’à cette date la jouissance de l’appartement, de sorte qu’elle est tenue au paiement des loyers et des charges jusqu’à la libération effective des lieux intervenue à cette date.

C’est en conséquence à tort que le premier juge a estimé que la locataire était libérée de son obligation au paiement du loyer et des charges à compter du 2 mars 2013 date prévue de l’état des lieux de sortie amiable alors que le logement n’avait pas été restitué à cette date.

Les parties sont en désaccord sur la date d’entrée dans les lieux, qui constitue le point de départ de l’obligation au paiement des loyers.

Il résulte des dispositions du contrat signé entre les parties le 8 décembre 2011 que la date de prise d’effet du bail a été fixée au 5 janvier 2012.

Les pièces versées aux débats par Mme [F] ne sont pas de nature à établir la preuve que la prise d’effet du bail est antérieure à la date contractuellement convenue. En effet, la production d’une quittance établie unilatéralement par la bailleresse pour la période du 11 décembre 2011 au 4 janvier 2012 est dépourvue de toute valeur probante à cet égard. La circonstance que l’état des lieux d’entrée est daté du 10 décembre 2011 n’est pas davantage de nature à établir que la prise d’effet du bail est différente de celle mentionnée dans le contrat.

En outre, cette allégation est démentie par le courrier de Mme [F] adressé à Mme [R] le 11 décembre 2012 relatif à la révision du loyer aux termes duquel la bailleresse écrit notamment : ‘le 5 janvier marquera l’anniversaire de votre entrée dans l’appartement’.

Il s’ensuit que Mme [R] est redevable du paiement du loyer entre le 5 janvier 2012 et le 21 mars 2013, soit à hauteur de la somme totale de

10 187,99 euros.

Le jugement doit en conséquence être réformé sur ce point et le montant des loyers dus à la date de restitution des lieux fixé à la somme de 605,99 euros après déduction des paiements effectués à hauteur de la somme de 9 582 euros.

Sur la demande en paiement de la majoration de retard

L’appelante sollicite le paiement de 63,80 euros au titre de la majoration de retard prévue par le contrat de location et soutient que cette somme est due en raison du retard de paiement des loyers, de l’ancienneté de la dette et des allégations mensongères des intimées.

Les intimés font valoir qu’aucune indemnité ne peut être réclamée aux motifs que les clauses pénales contenues dans les baux d’habitation sont prohibées par l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 et qu’il n’existe aucun impayé.

Dès lors que le bail litigieux a été conclu le 8 décembre 2011, les dispositions de l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 sont applicables dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 mars 2014, laquelle n’est pas applicable en l’espèce dès lors que le bail objet du litige n’était plus en cours à la date de son entrée en vigueur.

Selon ces dispositions, est réputée non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes en cas d’infraction aux clauses d’un contrat de location.

L’article X du contrat de bail comporte une clause ainsi rédigée :

‘ Tout retard dans le paiement du loyer ou de ses accessoires entraînera une majoration de plein droit de 10% sur le montant des sommes dues, en dédommagement du préjudice subi par le bailleur, et ce sans qu’une mise en demeure soit nécessaire, en dérogation à l’article 1230 du code civil’.

Cette clause prévoyant une majoration exprimée en pourcentage en cas de non-paiement du loyer et des charges à leur échéance s’analyse en une clause pénale et non en une amende au sens de l’article 4 dans sa version antérieure à la loi du 24 mars 2014 de sorte qu’elle ne peut être déclarée non écrite en application de ces dispositions.

Les intimées sont cependant fondées à la voir déclarer non écrite comme étant abusive dès lors que cette clause, déterminée à l’avance par le bailleur dans le cadre du contrat d’adhésion soumis au preneur, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat en ce qu’elle sanctionne automatiquement tout retard de paiement du preneur sans le mettre en mesure de régulariser l’impayé par une mise en demeure lui impartissant un délai pour ce faire.

Il convient en conséquence d’écarter l’application de la clause de majoration de plein droit et de confirmer le jugement déféré dans ses dispositions ayant débouté Mme [F] de sa demande formée à ce titre.

Sur la demande de régularisation des charges locatives

Le premier juge a débouté le bailleur de sa demande formée à ce titre au motif que la bailleresse ne produisait aucune pièce justificative à l’appui de sa demande.

L’appelante sollicite le paiement de la somme de 165,53 euros au titre de la régularisation des charges entre le 11 décembre 2011 et le 30 juin 2012 et produit notamment à l’appui de sa demande le procès-verbal d’assemblée générale du 14 décembre 2013 portant approbation des comptes de l’exercice 2011/2012. Elle sollicite également la condamnation de Mme [R] et de Mme [D] au règlement de la régularisation des charges locatives jusqu’au jour de l’établissement de l’état des lieux de sortie.

Les intimées concluent à la confirmation du jugement déféré sur ce point en faisant valoir que la locataire ne peut être tenue au paiement des charges exposées avant son entrée dans les lieux, que les comptes ont été validés par le syndic bénévole de la copropriété, qui n’est autre que le fils de la bailleresse, et que les factures des dépenses listées ne sont pas versées aux débats.

Selon l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges récupérables sont exigibles sur justification en contrepartie des services rendus liés à l’usage des différents éléments de la chose louée et des dépenses d’entretien courant et de menues réparations sur les éléments d’usage commun de la chose louée.

En l’espèce, Mme [F] n’est pas fondée à solliciter le paiement des charges pour la période comprise entre le 11 décembre 2011 et le 31 décembre 2011 alors qu’il a été démontré que le bail avait pris effet le 5 janvier 2012.

Le jugement dont appel doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant rejeté la demande formée à ce titre à hauteur de la somme de 19,75 euros.

Mme [F] sollicite la régularisation des charges pour la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2012 à hauteur de la somme de 145,78 euros.

Si la bailleresse est fondée à solliciter la régularisation des charges pour la période comprise entre le 5 janvier 2012 et le 30 juin 2012, il lui appartient de produire l’ensemble des pièces justificatives des charges récupérables.

Or, la seule production du procès-verbal d’assemblée générale du 14 décembre 2013 portant approbation des charges, du décompte de charges de copropriété et des justificatifs de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour l’année 2012 et des frais de chauffage pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 est insuffisante à établir la réalité des charges réclamées en l’absence de production de l’intégralité des factures correspondantes pour la période considérée, l’ensemble des factures produites concernant les charges postérieures au 1er juillet 2012.

Il n’est ainsi pas établi que les provisions sur charges versées à hauteur de la somme de 120 euros par mois sont insuffisantes pour couvrir les charges récupérables.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant débouté Mme [F] de sa demande de régularisation des charges au 30 juin 2012 ainsi que dans ses dispositions l’ayant déboutée de sa demande de condamnation au paiement des charges locatives postérieures à la restitution des lieux.

Sur la demande d’établissement d’un nouvel état des lieux de sortie

L’appelante sollicite l’établissement d’un nouvel état des lieux par huissier aux motifs que l’état des lieux établi le 21 mars 2013 ne lui est pas opposable en ce qu’elle n’y a pas été convoquée régulièrement, que l’huissier a refusé de consigner les dégradations constatées par son fils et que l’appartement est toujours vacant et dans un état identique à celui dans lequel il se trouvait le 21 mars 2013.

Les intimées s’opposent à cette demande au motif que les clés du logement ont été restituées le 21 mars 2013, date à laquelle l’état des lieux de sortie a été valablement établi par un huissier de justice.

Selon l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction applicable en l’espèce, un état des lieux est établi contradictoirement par les parties lors de la remise ou de la restitution des clés ou, à défaut, par huissier de justice, à l’initiative de la partie la plus diligente et à frais partagés par moitié.

En l’espèce, l’état des lieux de sortie a été réalisé le 21 mars 2013 par Me [S], huissier de justice mandaté à cet effet par la bailleresse, étant relevé à cet égard qu’il n’existait aucune impossibilité de recourir à un état des lieux amiable et contradictoire.

C’est en vain que Mme [F] soutient que le procès-verbal de constat du 21 mars 2013 lui est inopposable alors qu’il a été établi à sa demande et qu’elle était parfaitement informée de sa date puisque son fils s’est déplacé et qu’il n’a pu assister aux opérations du seul fait de son retard, constaté par l’huissier et reconnu par l’intéressé.

Il s’ensuit que le constat a été valablement établi par le mandataire de la bailleresse en présence de la locataire à laquelle avait été délivrée une sommation d’avoir à y assister.

En tout état de cause, la force probante du constat d’huissier résulte uniquement des constatations unilatérales de l’officier ministériel et n’est nullement subordonnée au caractère contradictoire desdites constatations.

C’est en conséquence par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a débouté Mme [F] de sa demande d’établissement d’un nouvel état des lieux de sortie dès lors que le constat d’huissier n’est affecté d’aucune irrégularité et que dix années se sont écoulées depuis la restitution des lieux.

Le jugement déféré en conséquence doit recevoir confirmation sur ce point.

Sur la demande en paiement des indemnités d’occupation

L’appelante fait grief au premier juge de l’avoir déboutée de sa demande en paiement des indemnités d’occupation postérieures au 21 mars 2013 au motif que les clés du logement avaient été restituées à cette date alors que les intimées sont redevables des indemnités d’occupation et des charges jusqu’à la date de réalisation d’un nouvel état des lieux de sortie, soit pour un montant de 76 152,42 euros arrêté au 30 novembre 2022.

Les intimées s’opposent à cette demande en faisant valoir que les lieux loués ont été restitués, que la demande formée au titre des réparations locatives ne saurait justifier la condamnation de la locataire au paiement d’une indemnité d’occupation, qu’aucune réparation locative n’est due et qu’en tout état de cause, les éventuels travaux nécessaires ne pouvaient durer dix ans.

En cause d’appel, Mme [F] ne soutient plus que les clés du logement ne lui ont pas été restituées le 21 mars 2013. Elle n’est en conséquence pas fondée à solliciter le paiement d’une indemnité d’occupation postérieurement à cette date dès lors que cette indemnité, de nature compensatoire et indemnitaire, a pour objet de réparer le préjudice subi par le bailleur du fait de la privation de son bien et qu’il est établi en l’espèce que Mme [R] n’a pas conservé la jouissance du bien au-delà du 21 mars 2013. En outre, Mme [F] ne démontre nullement que les réparations dont elle fait état ont eu pour effet de la priver de la jouissance de son bien depuis dix ans, pas plus qu’elle n’établit la nécessité de conserver les lieux en l’état afin qu’il soit procédé au constat des dégradations qu’elle invoque.

Le jugement frappé d’appel sera en conséquence confirmé dans ses dispositions ayant débouté Mme [F] de sa demande en paiement des indemnités d’occupation postérieures à la libération des lieux.

Sur la demande formée au titre des réparations locatives

Le premier juge a rejeté la demande formée à ce titre au motif que l’état des lieux de sortie n’avait mis en évidence aucune dégradation imputable à la locataire.

Mme [F] sollicite le paiement de la somme de 7 099,21 euros au titre des réparations locatives et de la somme de 2 500 euros à titre provisionnel au titre du solde des réparations.

Les intimées s’opposent à cette demande aux motifs que l’état des lieux d’entrée versé aux débats pour la première fois en appel est illisible, que seul le procès-verbal de constat de Me [S] du 21 mars 2013 peut servir de base à une demande au titre des réparations locatives, à l’exclusion du constat réalisé le 28 mars 2013, et que les constatations de l’huissier ne démontrent aucune dégradation imputable à la locataire.

L’appelante fait valoir qu’elle n’a pas été régulièrement convoquée par l’huissier à l’état des lieux de sortie prévu le 21 mars 2013, que cet état des lieux n’a pas été établi contradictoirement en l’absence de son représentant et que l’acte ne lui a pas été remis.

Cette argumentation ne saurait être suivie dès lors qu’il est établi que l’huissier a été mandaté pour procéder à l’état des lieux de sortie par la bailleresse dont il assurait, en sa qualité de mandataire, la représentation et qu’il n’était en conséquence nullement tenu de lui adresser une convocation par lettre recommandée ni d’effectuer les constatations en présence du fils de Mme [F].

Ni les photographies prises par le fils de la bailleresse ni le procès-verbal de constat établi le 28 mars 2013 par Me [P], huissier de justice, ne sont de nature à établir la preuve de dégradations qui n’ont pas été relevées par l’huissier dans le procès-verbal de constat du 21 mars 2013 effectué en présence de la locataire.

Il en résulte que seul le constat établi par Me [S] le 21 mars 2013 est opposable au preneur.

Aux termes de l’article 7-c de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement.

Mme [F] sollicite le paiement de la somme de 683,35 euros au titre du coût du remplacement de la serrure de la porte d’entrée et verse aux débats le devis de la société Thoumyre établi le 13 juin 2014.

Il résulte cependant des mentions du procès-verbal de constat d’huissier du 21 mars 2013 que la locataire a restitué deux passes électroniques de la porte de l’immeuble, deux clés de la boîte aux lettres, une clé de la porte de la cave, une clé de l’ascenseur, deux clés de la porte palière de l’appartement et une clé de la porte d’accès aux caves.

S’agissant de la porte d’entrée de l’appartement, l’état des lieux d’entrée versé aux débats mentionne la remise de deux clés.

Par un courrier adressé le 4 février 2021 au conseil des intimées, l’huissier confirme que Mme [R] a restitué les clés du logement le jour de l’état des lieux et précise que les clés ont été remises à M. [F], le fils de la bailleresse, le jour même, en sa présence.

Il n’est ainsi ni établi ni même prétendu que la locataire n’aurait pas restitué l’intégralité des clés qui lui ont été remises lors de son entrée dans les lieux ni que la serrure de la porte d’entrée a été restituée dégradée.

Il en résulte qu’aucune somme ne peut être mise à la charge de Mme [R] au titre du coût du remplacement de la serrure de la porte d’entrée.

Mme [F] sollicite également le paiement de la somme de 6 415,86 euros au titre de la réfection des peintures de l’ensemble du logement et verse aux débats le devis établi le 10 avril 2018 par la SARL Hardy.

L’état des lieux d’entrée produit, au demeurant peu exploitable en raison de multiples ratures et ajouts, fait état de peintures globalement en bon état lors de la prise de possession des lieux par Mme [R].

Il résulte des mentions du procès-verbal de constat établi le 21 mars 2013 que la peinture des murs et plafond de l’entrée, du couloir et de la cuisine est en état d’usage, que la peinture des murs du séjour est en état d’usage avec quelques traces au bout du mur Nord, que la peinture du plafond du séjour est en bon état avec quelques traces autour du point lumineux, que la peinture des murs et du plafond de la salle de bains et des wc est en état d’usage, que la peinture des murs et du plafond de la chambre sur cour est en bon état et que la peinture des murs et du plafond de la chambre sur rue est en état d’usage avec quelques traces essentiellement en partie basse des murs.

Ces constatations ne mentionnent aucune dégradation de nature à engager la responsabilité de la locataire, la présence de quelques traces dans certaines pièces ne justifiant pas de mettre à sa charge le coût de la réfection intégrale des revêtements du logement loué.

Dès lors, en l’absence de mention dans le constat du 21 mars 2013 de dégradations affectant la serrure de la porte d’entrée ni les peintures du logement, le jugement déféré sera confirmé dans ses dispositions ayant débouté Mme [F] de sa demande formée au titre des réparations locatives.

Mme [F] sollicite également le paiement de la somme de 2 500 euros à titre provisionnel au titre du solde des réparations locatives sans produire la moindre pièce justificative à l’appui de sa demande.

Faute de justifier de l’existence de dégradations imputables à la locataire, l’appelante sera déboutée de sa demande formée à ce titre.

Sur la restitution du dépôt de garantie

Aux termes de l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989, le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clés par le locataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées.

En l’espèce, il résulte des développements qui précèdent que la locataire reste redevable d’un arriéré de loyers d’un montant de 605,99 euros dont il convient de déduire le montant du dépôt de garantie à hauteur de la somme de 578 euros, soit un solde de 27,99 euros au paiement duquel il convient de condamner solidairement Mme [R] et Mme [D], le jugement déféré étant infirmé dans ses dispositions ayant condamné Mme [F] à restituer à Mme [R] la somme de 407,58 euros au titre du solde du dépôt de garantie.

Sur la demande de paiement du coût du procès-verbal de constat du 28 mars 2013

L’appelante sollicite la condamnation des intimées à lui verser la somme de 292,92 euros en remboursement du coût du procès-verbal de constat établi le 28 mars 2013 à la suite du refus de l’huissier précédemment mandaté de communiquer le procès-verbal de constat.

Une telle demande ne saurait être accueillie dès lors que l’établissement de ce procès-verbal de constat procède uniquement du conflit opposant Mme [F] à l’huissier qu’elle a mandaté et ne présente aucun intérêt pour la solution du litige.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé dans ses dispositions ayant débouté Mme [F] de sa demande formée à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de première instance

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a condamné la bailleresse au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au regard notamment de la durée excessive des procédures initiées en première instance liée exclusivement à la carence de Mme [F] ou de son fils la représentant qui a conduit le tribunal à prononcer la caducité ou la radiation de l’affaire à plusieurs reprises entre 2013 et 2021, des demandes dont le caractère infondé a été établi et du préjudice qui en est résulté pour Mme [R] et Mme [D], confrontées à des demandes financières sans commune mesure avec le litige et à des radiations et réinscriptions successives qui ont généré de multiples déplacements inutiles ainsi qu’un inévitable préjudice d’anxiété.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive d’appel

Le droit d’exercer une voie de recours ne dégénère en abus que s’il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l’appréciation de ses droits.

Tel n’apparaît pas le cas en l’espèce, un abus du droit d’exercer une voie de recours de Mme [F] ne pouvant se déduire du seul rejet de l’essentiel de ses prétentions.

En outre, les intimées ne rapportent pas la preuve d’un préjudice distinct de celui résultant de l’obligation de défendre à la procédure.

Il convient en conséquence de les débouter de leur demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

Sur la compensation

Il sera fait droit à la demande de Mme [F] tendant à la compensation des créances respectives des parties ce, conformément aux dispositions de l’article 1347 du code civil.

Sur les frais et dépens

Les dispositions du jugement déféré à ce titre seront confirmées.

Mme [F] devra supporter la charge des dépens d’appel et sera condamnée à verser à Mme [R] et Mme [D] unies d’intérêt, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour à l’exception de celles ayant condamné Mme [J] [K] veuve [F] à restituer à Mme [G] [R] la somme de 407,58 euros au titre du solde du dépôt de garantie avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2013 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute Mme [R] de sa demande de restitution du solde du dépôt de garantie ;

Condamne solidairement Mme [G] [R] et Mme [B] [D] à verser à Mme [J] [K] veuve [F] la somme de 27,99 euros au titre de l’arriéré locatif ;

Y ajoutant,

Ordonne la compensation des créances respectives des parties ;

Déboute Mme [R] et Mme [D] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure d’appel abusive ;

Condamne Mme [J] [K] veuve [F] aux dépens d’appel ;

Condamne Mme [J] [K] veuve [F] à verser à Mme [G] [R] et à Mme [B] [D] unies d’intérêt, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [J] [K] veuve [F] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x