Déséquilibre significatif : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/02308
Déséquilibre significatif : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/02308
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13 avril 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/02308

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 13/04/2023

****

N° de MINUTE : 23/138

N° RG 22/02308 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UIU6

Jugement (N° 21/00689) rendu le 07 Avril 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Saint Omer

APPELANTE

SA Financo agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Xavier Helain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [W] [I] épouse [G]

née le 05 Février 1947 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Guy Lenoir, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/004839 du 31/05/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)

SA Suravenir Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Elisabeth Phily, avocat au barreau de Brest, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 26 janvier 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 janvier 2023

****

Selon bon de commande en date du 3 septembre 2020, M. [U] [G] a fait l’acquisition auprès de la société Renov France d’une pompe à chaleur et d’un chauffe-eau thermodynamique pour une valeur totale de 20 000 €.

Pour financer ce matériel, M. et Mme [G] ont signé un contrat de crédit auprès de la société Financo d’un montant de 20.000 € remboursable en 180 mensualités d’un montant de 148,66 € chacune, hors assurance, après un différé d’amortissement de 6 mois, au taux effectif global de 3,90% l’an, selon offre préalable du 3 septembre 2020.

Afin de garantir le remboursement de ce prêt, M. [G] a adhéré le même jour à un contrat d’assurance de groupe décès et perte totale et irréversible d’autonomie souscrit par le prêteur auprès de la société Suravenir.

M. [G] est décédé le 23 février 2021.

Mme [G] a alors sollicité la société Financo et la société Suravenir en vue de la prise en charge des échéances du prêt au titre de l’assurance décès.

La société Suravenir a refusé sa garantie en rappelant, que conformément aux conditions de l’assurance, Monsieur [G] n’était pas couvert avant le paiement de la première prime d’assurance qui devait être prélevée le 4 avril 2021.

C’est dans ces conditions que Mme [G] a fait assigner la société Suravenir et la société Financo devant le juge du contentieux de la protection de Saint Omer afin de voir condamner, à titre principal, la société Suravenir à prendre en charge le capital restant dû et, subsidiairement, la société Financo à lui payer la somme de 15.000 € de dommages et intérêts en invoquant un manquement de celle-ci à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde.

Par jugement du 7 avril 2022, le Tribunal judiciaire de Saint-Omer a :

– rejeté toute demande de Mme [G] à l’encontre de la société Suravenir ;

– l’a condamnée à poursuivre l’exécution du contrat de prêt du 3 septembre 2020 entre les mains de la société Financo en procédant au paiement des échéances mensuelles de 111,62 euros aux dates conventionnellement convenues ;

– dit que la société Financo a manqué à son obligation d’information et de conseil

– condamné la société Financo à lui verser la somme de 14 985 euros en réparation de sa perte de chance ;

– débouté les parties de toute prétention plus ample ou contraire ;

– rejeté toute demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société Financo aux entiers dépens ;

– rappelé que la décision est assortie de l’exécution provisoire de droit.

Par déclaration du 10 mai 2022, la société Financo a relevé appel, dans des conditions de délais et de forme non contestés, de cette décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2022, la société Financo demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté toutes les demandes de Mme [G] à l’encontre de la société Suravenir ;

d’infirmer le jugement sur le prétendu manquement au devoir de mise en garde

infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à Mme [G] la somme de 14 985 euros au titre de la perte de chance ;

infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [G] à poursuivre l’exécution du contrat de prêt du 3 septembre 2020 entre ses mains en procédant au paiement des échéances mensuelles de 111,62 euros aux dates conventionnellement convenues ;

Statuant à nouveau :

débouter Mme [G] de l’intégralité de ses demandes dirigées à son encontre

la condamner à lui payer la somme de 17 524,50 euros au taux contractuel de 3,90 % l’an à compter du 26 juillet 2022 ;

subsidiairement, en cas de condamnation de la société Avenir à garantir Mme [G] du paiement du prêt, condamner la société Avenir à lui payer directement la somme de 20 000 euros au taux légal à compter du 23 février 2021, date du décès de M. [G] ;

en toute hypothèse :

condamner tout succombant à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 5 décembre 2022, Mme [W] [I] veuve [G] demande à la cour de :

A titre principal :

– infirmer le jugement du tribunal judicaire de Saint Omer du 7 avril 2022, en ce qu’il a rejeté ses demandes à l’encontre de la société Suravenir

– dire que la société Suravenir lui doit sa garantie dans le règlement du prêt n°48584891 auprès de la société Financo suite au décès de son époux

– dire qu’elle est libérée de toute dette à l’égard de la société Financo

A titre subsidiaire :

confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Saint Omer du 7 avril 2022.

En toute hypothèse :

déclarer irrecevable la demande de la société Financo tendant à sa condamnation à s’acquitter du solde du prêt

rejeter l’ensemble des demandes présentées à son encontre par les sociétés Financo et Suravenir

condamner in solidum la société Financo et la société Suravenir à lui payer la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2022, la société Suravenir demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

rejeter comme mal fondée toute demande présentée à son encontre

ajoutant au jugement : condamner la partie succombante à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 9 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la garantie de la société Suravenir

Sur la licéité de la clause 2.2.1 du contrat d’assurance

Mme [G] prétend que la clause 2.2.1 du certificat d’adhésion au contrat d’assurance est contraire aux dispositions de l’article L.211-1 du code de la consommation en ce qu’elle n’est ni claire ni compréhensible quant à la date d’effet de la garantie et, par suite, à l’article L. 212-1 du même code en ce qu’elle est abusive. Elle estime, en conséquence, qu’en application de l’article L. 211-1 du code de la consommation, cette clause doit être interprétée dans le sens le plus favorable au consommateur de sorte que la garantie doit être considérée comme étant acquise dès le 3 septembre 2020, date de la signature du bulletin d’adhésion à l’assurance, soit avant le décès de son époux.

Selon l’article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Aux termes de l’article L. 211-1 du code de la consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur.

En l’espèce, la clause litigieuse 2.2.1 intitulée « prise d’effet des garanties » de la notice d’information prévoit que « dès que l’emprunteur a rempli et signé sa demande d’adhésion et sous réserve de son acceptation par l’assureur formalisée dans un certificat d’adhésion, les garanties prennent effet à la date de signature par l’emprunteur du certificat d’adhésion. En tout état de cause, les garanties ne prennent effet qu’à compter de l’encaissement effectif par l’assureur de la première cotisation sous réserve de l’acceptation de l’offre de prêt. Toutefois, durant la période séparant la date de signature du certificat d’adhésion et la date d’encaissement effectif par l’assureur de la première cotisation, l’assuré bénéficie d’une garantie provisoire en cas de décès accidentel (l’accident étant défini au point 1.3- Exclusions).

Cette clause ne comporte aucune contradiction quant à la date de prise d’effet des garanties et est dénuée de toute ambiguïté quant à sa portée en cas de décès naturel. Elle implique que la garantie de la société Suravenir prend effet à partir du moment où l’emprunteur a adhéré au contrat d’assurance et a payé la première cotisation, le caractère cumulatif de ces deux conditions résultant du terme « en tout état de cause » introduisant la deuxième phrase de la clause.

Le paiement est donc une condition de la mise en oeuvre de la garantie et il fixe le point de départ des obligations de chacune des parties. La seule dérogation à cette règle vise l’hypothèse d’un décès accidentel pour laquelle l’assuré bénéficie d’une garantie provisoire entre la date d’adhésion et celle du paiement effectif de la première cotisation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le décès de l’assuré ayant été naturel.

Par suite et en présence d’une clause contractuelle claire et précise, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L. 211-1 du code de la consommation.

Sur la demande de garantie

Il n’est pas contesté que la société Financo a proposé à M. et Mme [G] d’adhérer au contrat d’assurance qu’elle a souscrit auprès de la société Suravenir aux fins de garantir le remboursement du prêt contracté le 3 septembre 2020 en cas de décès et de perte totale et irréversible d’autonomie et qu’à cette occasion, une demande d’adhésion et une notice d’information ont été remises aux emprunteurs.

Il est également constant que le paiement des échéances du prêt a été différé à 180 jours et il résulte du tableau d’amortissement joint à l’offre de prêt que la première échéance du prêt incluant la cotisation mensuelle d’assurance était exigible le 4 avril 2021.

Il est établi et non contesté que [U] [G] est décédé de cause naturelle le 23 février 2021.

Par courrier du 31 mars 2021, la société Suravenir a dénié sa garantie au motif que le décès de l’emprunteur ne résultait pas d’une cause accidentelle et était intervenu avant la date de paiement de la première cotisation d’assurance.

Le paiement concomitant des cotisations d’assurance et des échéances du prêt est en toute hypothèse rappelé par la clause 2.3 du contrat d’assurance, qui prévoit que pour les crédits amortissables, les primes sont perçues en même temps que les échéances de prêt, de sorte que compte tenu du différé d’amortissement, la première échéance de cotisation d’assurance était exigible le 4 avril 2021.

Par ailleurs, la clause 3 du contrat de prêt relative à l’exécution du contrat prévoit qu’en cas de remboursement anticipé partiel, le montant des échéances reste identique et la durée du contrat se trouve diminuée par rapport à la durée initialement prévue sauf accord intervenu entre le prêteur et l’emprunteur.

Il n’est pas contesté que Mme [G] a effectué un paiement de la somme de 5 200 euros par chèque adressé à la société Financo le 19 janvier 2021 à titre de remboursement anticipé partiel du prêt et que, par courrier du 28 janvier 2021, cette dernière lui a proposé soit une diminution de la durée du contrat de prêt soit une diminution du montant de l’échéance.

Toutefois, tant le paiement anticipé que la proposition de la société Financo n’affectent la date d’exigibilité de la première échéance du prêt et des cotisations d’assurance telle qu’elle résulte de l’offre de prêt prévoyant un report de la première échéance au 180ème jour, soit le 4 avril 2021.

Dès lors, Mme [G] ne peut se prévaloir d’un paiement effectif de la cotisation d’assurance à l’occasion du remboursement anticipé du prêt pour solliciter la garantie de la société Suravenir à la date du paiement étant en outre observé que ce remboursement avait vocation à s’imputer sur le seul capital emprunté.

A défaut de paiement de la première cotisation avant la survenance du décès de l’assuré survenu le 23 février 2021, la garantie de la société Suravenir ne saurait être mobilisée au profit de Mme [G].

En conséquence, celle-ci sera déboutée de sa demande de garantie formée à l’encontre de la société Suravenir.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées à l’encontre de la société Suravenir par Mme [G].

Sur la responsabilité de la société Financo

Sur la faute

Mme [G] reproche à la société Financo de ne pas l’avoir informée de l’absence de garantie pendant le différé d’amortissement fixé pour une période de 180 jours, et ce même en cas de remboursement anticipé partiel.

En sa qualité de souscripteur de l’assurance de groupe dans les conditions visées par l’article L. 312-9 du code de la consommation, le prêteur de deniers est susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de l’adhérent sur le fondement de l’article 1217 du code civil.

La banque, dispensateur de crédit, qui propose à son client auquel elle consent un prêt d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est en effet tenue d’une obligation d’information et de conseil qui va au-delà de la simple remise de la notice d’information.

Le devoir d’information de l’établissement de crédit s’impose également dans la mise en ‘uvre de la garantie souscrite par ses emprunteurs.

Il appartient à l’établissement de crédit de démontrer qu’il a satisfait aux obligations d’information, de conseil et de mise en garde qui lui incombent.

Il est constant que la société Financo a consenti aux époux [G] un prêt sur une durée de 15 ans avec un différé total d’amortissement des capitaux prêtés et des intérêts pendant 180 jours pour tenir compte de la perception à venir de la prime d’état au titre des travaux d’amélioration du logement des époux [G], le montant de cette prime (5 200 euros) ayant été reversé à la société Financo qui a encaissé le paiement le 1er février 2021.

Les fonds ont été débloqués par l’établissement de crédit le 19 octobre 2020.

Dès lors, en principe, lorsque l’emprunteur dispose des fonds et obtient un report total des mensualités, il ne paie ni capital, ni intérêts, ni frais, seule l’échéance de l’assurance reste due si l’emprunteur en a souscrit une.

Or, le tableau d’amortissement du prêt souscrit ne fait apparaitre aucun montant au titre des 5 premières échéances, en capital, intérêts mais également en primes d’assurance.

L’établissement de crédit, seul interlocuteur des emprunteurs ayant adhéré au contrat d’assurance de groupe par son intermédiaire, ne s’explique pas sur le report de l’exigibilité des cotisations d’assurance qui n’apparait nullement dans la demande d’adhésion signée par les emprunteurs et alors que le différé d’amortissement n’était applicable qu’au capital emprunté et aux intérêts ainsi que cela ressort de l’offre de crédit.

Il n’établit pas davantage qu’il a analysé la situation des emprunteurs, alors tous deux retraités, ayant sollicité un différé d’amortissement, à l’aune des conditions de la garantie accordée par le contrat d’assurance de groupe qui subordonne la mise en jeu de la garantie décès au paiement effectif de la première cotisation et qu’il a informé ces derniers sur les risques du report du paiement des échéances d’assurance au regard des conditions de mise en jeu de la garantie que l’assureur a en définitive accepté de couvrir en réponse à la demande d’adhésion.

La société Financo ne saurait pertinemment se prévaloir de la clause du contrat de prêt selon laquelle « si l’offre de contrat de crédit comporte un différé total en capital et intérêts, les intérêts courus pendant cette période sont compris dans le montant des mensualités prévues dans les caractéristiques essentielles du crédit et se remboursent en conservant la même durée et selon la périodicité indiquées dans les caractéristiques essentielles du crédit » pour en déduire que les emprunteurs avaient connaissance de l’absence de garantie avant le prélèvement de la première mensualité qui comprenait l’assurance dès lors que cette clause n’a trait qu’aux conséquences du différé d’amortissement sur le remboursement du capital et des intérêts à l’exclusion des cotisations d’assurance.

De même, la société Financo, familière de ce type d’opération et chargée de prélever les cotisations d’assurance, ne démontre pas qu’elle a apporté un éclairage individualisé aux emprunteurs, qui entendaient procéder à un remboursement partiel anticipé grâce à une prime d’Etat, en les informant de l’absence d’imputation d’un paiement partiel anticipé sur les cotisations d’assurance et, en conséquence, de l’absence d’effet d’un tel paiement sur la date de l’exigibilité de la première cotisation dont le paiement conditionnait la date d’effet de la garantie décès.

La simple remise du tableau d’amortissement et le renvoi à la notice d’information d’assurance de même que la clarté de ces documents contractuels n’est pas de nature à exonérer la société Financo de sa responsabilité puisqu’il lui est reproché une information incomplète, un défaut de conseil et de mise en garde sur les modalités de mise en ‘uvre de la garantie au regard des conditions d’exécution du prêt telles qu’elles résultent, d’une part, du différé d’amortissement accordé et, d’autre part, du remboursement anticipé partiel.

Il est constant que les époux [G] n’étaient pas couverts par la police d’assurance qu’ils avaient pourtant souscrite en garantie du remboursement du prêt contracté ce pendant une période de 180 jours.

Or, en reportant l’exigibilité des primes d’assurance, la société Financo a privé la garantie décès souscrite par les emprunteurs de tout effet pendant la période du différé d’amortissement.

Ces manquements à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde sont constitutifs d’une faute engageant la responsabilité contractuelle de la société Financo.

Sur le préjudice

Le préjudice résultant des manquements de la société Financo à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde s’analyse en une perte de chance ouvrant droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière plus adaptée une assurance garantissant le risque réalisé.

La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que sa réparation ne peut être écartée que s’il peut être tenu pour certain que la faute commise par la société Financo n’a pas eu de conséquence sur la situation de l’emprunteur.

La réparation d’une perte de chance doit enfin être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égal à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, et son indemnisation doit nécessairement correspondre à une fraction du préjudice final à partir d’un taux de probabilité de survenance du risque finalement constaté.

Contrairement aux assertions de la société Financo, le préjudice de Mme [G] n’est pas inexistant.

Ce préjudice résulte de la perte de chance d’être couvert dès sa souscription par la garantie décès et d’obtenir ainsi la prise en charge du remboursement du prêt contracté auprès de la société Financo.

Aux termes du contrat d’assurance souscrit auprès de la société Suravenir, la garantie décès est due qu’elle qu’en soit la cause, sous réserve de la clause d’exclusion prévue à l’article 1.3 qui ne s’applique pas en l’espèce s’agissant d’un décès de cause naturelle non contesté, et l’assureur prend en charge le capital restant dû à la date du décès.

Il ressort du tableau d’amortissement établi le 19 octobre 2020 que le capital restant dû au 23 février 2021, date du décès, représente la somme de 20 000 euros.

Toutefois, le paiement anticipé de la somme de 5 200 euros a été encaissé le 1er février 2021, soit avant la date du décès, et a été pris en compte à partir du 4 mai 2021 ainsi que cela ressort du tableau d’amortissement nouvellement établi le 22 avril 2021 qui fait apparaitre un capital restant dû de14 990,43 euros.

L’éventualité favorable perdue consiste donc exclusivement dans la prise en charge par l’assurance emprunteur du capital restant dû représentant la somme de 14 990,43 euros.

Le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a alloué la somme de 14 985 euros en réparation du préjudice subi par Mme [G].

Sur la demande de paiement de la société Financo

Sur la recevabilité de la demande

La société Financo sollicite le paiement de la somme de 17 524,50 euros, correspondant au solde débiteur du prêt, avec intérêts au taux contractuel de 3,90 % l’an à compter du 26 juillet 2022.

Mme [G] demande à la cour de déclarer cette demande irrecevable comme étant nouvelle en cause d’appel.

En application des dispositions des articles 564 à 566 du code de procédure civile, les demandes ne sont pas nouvelles en cause d’appel dès lors qu’elles consistent à opposer une compensation, à faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait et qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il est rappelé qu’en première instance, la société Financo avait demandé la condamnation de Mme [G] à poursuivre l’exécution du contrat de prêt entre ses mains, demande à laquelle il a été fait droit.

La demande en paiement du solde restant dû sur le prêt de la société Financo ne constitue pas une demande nouvelle en cause d’appel dès lors qu’elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge à savoir l’exécution du contrat de crédit, et qu’elle en est le complément de sorte qu’il y a lieu de la déclarer recevable.

Sur le bien-fondé de la demande

Mme [G] reconnait la créance de la société Financo à hauteur de la somme de 15 529,91 euros. Elle oppose toutefois en cause d’appel l’extinction de la créance de la société Financo par l’effet d’un paiement et la compensation des créances réciproques telles qu’elles résultent du jugement dont appel.

Il importe de déterminer le montant de la créance de la société Financo.

Le contrat de prêt comporte une clause selon laquelle, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les somme restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

Ledit contrat prévoit par ailleurs qu’en cas de défaillance, le prêteur pourra demander à l’emprunteur une indemnité égale à 8 % du capital du (‘) aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux mentionnés ci-dessus ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur. Toutefois, le prêteur pourra réclamer à l’emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement des frais taxables qui lui auront été occasionnés par cette défaillance, à l’exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement.

Par un courrier recommandé du 5 juillet 2022, réceptionné le 8 juillet 2022, la société Financo a mis en demeure Mme [G] d’avoir à payer la somme de 765,63 euros correspondant aux échéances impayées des mois d’avril à juillet inclus 2021 dans un délai de 15 jours et a indiqué qu’à défaut de règlement dans ce délai, la déchéance du terme sera prononcée et la totalité de la dette majorée des frais et des intérêts contractuellement prévus sera immédiatement exigible.

Puis, par mise en demeure du 26 juillet 2022 réceptionnée le 30 juillet 2022, la société Financo a exigé le paiement immédiat des sommes dues au titre du prêt en se prévalant de la déchéance du terme à compter du 20 octobre 2021.

Mme [G], n’ayant réglé aucune échéance au titre du prêt malgré une mise en demeure d’avoir à régulariser les échéances impayées d’avril à juillet 2021, c’est à bon droit que la société Sofinco a prononcé la déchéance du terme.

Elle ne peut, à cet égard, valablement invoquer le défaut d’exécution du jugement dont appel par la société Financo, condamnée au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros et une compensation entre cette créance et celle correspondant au solde du prêt pour considérer que la déchéance du terme n’a pu intervenir alors qu’il lui appartenait de poursuivre l’exécution du contrat de prêt qui n’avait été ni résolu ni annulé.

Il ressort du décompte du 26 juillet 2022 produit par la société Financo que la créance alléguée au titre du prêt après déchéance du terme au 19 octobre 2021 se décompose comme suit :

échéances impayées d’avril à juillet 2021 : 711,72 euros outre 7,07 euros au titre des intérêts des intérêts de retard soit 718,79 euros

capital restant dû sur mensualités à échoir : 14 811,12 euros

indemnité de résiliation de 8 % : 1 241,83 euros

intérêts contentieux arrêtés au 30 juin 2022 : 414,76 euros

frais répétibles contentieux : 238 euros

soit la somme totale de 17 424,50 euros et non 17 524,50 euros comme il est demandé.

En premier lieu, l’historique de compte fait apparaître que la société Sofinco intégre la cotisation d’assurance à hauteur de 42 euros dans le montant des deux premières échéances alors que dans un courrier du 31 mars 2021, l’assureur, la société Suravenir, a indiqué qu’elle procédait ce jour à la résiliation de l’assurance.

Dès lors, aucune cotisation d’assurance n’était exigible à compter du mois d’avril 2021 de sorte que la somme de 84 euros sera déduite du montant de la créance de la société Financo.

En deuxième lieu, la société Financo impute à Mme [G] des frais de contentieux qui ne sont pas justifiés si bien que la somme de 238 euros sera écartée.

Dès lors, la créance de la société Financo d’établit à la somme de 17 102,50 euros.

Mme [G] justifie du paiement par chèque adressé par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 août 2022 signé le 29 août 2022 par la société Financo de la somme de 544,91 euros ramenant ainsi la créance de la société Financo à la somme de 16 557,59 euros.

Mme [G] sera donc condamnée à payer cette somme à la société Financo au titre du solde du prêt avec intérêts au taux contractuel de 3,90 % l’an à compter 26 juillet 2022, date de la mise en demeure.

La décision querellée sera infirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Financo sera condamnée à payer les dépens de l’instance d’appel.

Aucune considération tirée de l’équité justifie l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel au profit de l’une ou l’autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Omer le 7 avril 2022 en ce qu’il a :

– rejeté toute demande de Mme [W] [G] à l’encontre de la société Suravenir

– dit que la société Financo a manqué à son obligation d’information et de conseil

– condamné la société Financo à payer la somme de 14 985 euros à Mme [W] [G] en réparation de sa perte de chance

– condamné la société Financo aux entiers dépens

– rejeté toute demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’infirme en ce qu’il a condamné Mme [W] [G] à poursuivre l’exécution du contrat de prêt du 3 septembre 2020 entre les mains de la société Financo en procédant au paiement des échéances mensuelles de 111,62 euros aux dates conventionnellement convenues

Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant :

Dit que la demande de paiement au titre du solde du prêt formée par la société Financo est recevable ;

Condamne Mme [W] [G] à payer à la société Financo la somme de 16 557,59 euros au titre du solde du prêt du 3 septembre 2020 avec intérêts au taux contractuel de 3,90 % l’an à compter 26 juillet 2022 ;

Condamne la société Financo aux entiers dépens de l’instance d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon

 


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