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L’article 83 de la Convention sur le Brevet européen dispose que « L’invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter » et l’article 138-1-b) commande que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d’un État contractant si tel n’est pas le cas.
L’exigence de suffisance de description, qui a pour finalité de garantir la possibilité pour l’homme du métier d’exécuter l’invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l’ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques, est satisfaite dès lors que la description indique les moyens qui donnent à l’homme du métier, doté des capacités et des connaissances que l’on est en droit d’attendre de lui, la possibilité d’exécuter ou de mettre en oeuvre l’invention par de simples mesures d’exécution, comme des essais de routine, ou moyennant un effort raisonnable de réflexion.
En ce sens, l’article 42 1e) de la CBE dispose que la description du brevet doit « indiquer en détail au moins un mode de réalisation de l’invention revendiquée, en utilisant des exemples, si cela s’avère approprié, et en se référant aux dessins, s’il y en a », et une invention sera dès lors exposée de manière suffisamment claire et complète s’il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l’homme du métier de l’exécuter.
En l’espèce, il ne peut en premier lieu être considéré que la revendication 1 du brevet litigieux ne porterait que sur un simple concept de réduction progressive de la vitesse du bras, alors même qu’il est décrit un dispositif de commande actionnant une valve hydraulique proportionnelle venant réduire le flux du fluide vers l’actionneur, ce qui constitue bien un objet technique.
Si la société MANITOU reproche ensuite au brevet litigieux l’absence d’au moins un mode de réalisation, cette absence peut néanmoins être compensée par ailleurs par les dispositions suffisamment claires et complètes du brevet, examiné de manière globale, donc à la lumière de ses revendications complétées par la description et les illustrations éventuelles.
Par ailleurs, l’article 56 de la CBE dispose qu’» une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique ».
L’appréciation du caractère inventif implique de déterminer si eu égard à l’état de la technique l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétend résoudre, serait parvenu à la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L’activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l’homme du métier, et il convient de comparer le brevet litigieux avec l’ensemble des antériorités, prises isolément ou en combinaison.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
JUGEMENT rendu le 26 février 2021
3e chambre – 3e section N° RG 17/06462 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKNF B
Assignation du : 05 mai 2017
DEMANDERESSE
Société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited Lakeside Works, Rocester, Uttoxeter STAFFORDSHIRE ST14 5JP (ROYAUME-UNI) représentée par Maître Marina COUSTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0031
DÉFENDERESSE
Société MANITOU BF […] 44150 ANCENIS représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Carine G, Vice-Président Laurence B, Vice-Président Elise MELLIER, Juge
assisté de Alice ARGENTINI, greffière, lors des débats et de Lorine M, greffière, lors du prononcé
DÉBATS A l’audience du 26 novembre 2020 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
La société de droit anglais J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited (ci- après la société « BAMFORD ») se présente comme l’un des leaders mondiaux de la conception et de la fabrication d’engins de type pelles mécaniques, tracteurs ou chargeurs compacts, utilisés pour les travaux publics ou agricoles.
Elle est notamment titulaire des deux brevets européens suivants, dont les annuités ont été régulièrement payées :
– un brevet n° 1 532 065, déposé le 2 juillet 2003, sous le n° 03763963.0, sous priorité britannique GB 0216204 du 12 juillet 2002, ayant pour objet un « système de commande pour appareil de manipulation de charge » (ci-après le brevet « EP 065 ») ; ce brevet a été maintenu sous une forme modifiée suite à décision de la chambre de recours de l’Office Européen des Brevets (OEB) du 30 mars 2017 statuant sur opposition ; la Grande Chambre de recours de l’OEB a, le 4 mars 2019, rejeté pour irrecevabilité la requête en révision dont elle a été saisie ;
– un brevet n° 2 263 965, intitulé « procédé pour la commande d’une machine de travail », déposé le 17 mai 2010, sous le n° 10162996.2, sous priorité britannique GB 0910617 du 19 juin 2009 (ci-après le brevet « EP 965 »).
Ces deux inventions sont mises en oeuvre par la société BAMFORD dans un système « Adaptive Load Control » visant à améliorer la productivité des machines tout en assurant la sécurité des opérateurs et de leur environnement, et concernent plus spécifiquement les engins delevage présentant un risque de basculement longitudinal.
La société française MANITOU BF (ci-après la société « MANITOU »), créée en 1957, exerce également une activité de conception et de fabrication de machines industrielles, de travaux publics et de levage agricoles, et expose qu’un chariot élévateur sur quatre dans le monde est aujourd’hui de marque MANITOU.
Elle est l’un des principaux concurrents de la société BAMFORD, notamment sur le marché français, où les deux sociétés se disputent la place de leader des chariots télescopiques.
Les tests qu’elle a fait réaliser les 26 et 27 avril 2017 par deux conseils en propriété industrielle sur une machine MANITOU MT 1840 ayant selon elle mis en lumière la contrefaçon de ses brevets EP 065 et EP 965, la société BAMFORD, autorisée par ordonnance présidentielle du 2 juin 2017, a fait diligenter, les 16 et 17 juin 2017, une saisie- contrefaçon dans les locaux de la société MANITOU à Ancenis, avant de la faire assigner, par acte du 5 mai 2017, devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris en contrefaçon des revendications 1 à 12 de la partie française de son brevet EP 065 et des revendications 1 à 4, 6 à 10 et 13 de la partie française de son brevet EP 965.
Par décision du 5 octobre 2017, le juge des requêtes a dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance du 2 juin 2017 ; cette décision a été infirmée en appel, par un arrêt du 27 mars 2018, cassé par la chambre commerciale de la Cour de cassation, par arrêt en date du 27 mars 2019. La cour d’appel de renvoi a, le 6 novembre 2020,
définitivement rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon, fondée sur le défaut d’impartialité des conseils en propriété industrielle ayant assisté l’huissier.
Par ailleurs, selon deux ordonnances des 5 octobre et 21 décembre 2017, le juge des référés et le juge de la mise en état ont respectivement débouté la société BAMFORD de ses demandes de communication d’informations et d’expertise.
Entre-temps et parallèlement, la société BAMFORD a fait procéder à de nouveaux tests, les 8 et 9 novembre 2017, par ses conseils en propriété industrielle, sur la machine MANITOU MLT 733-105, ainsi que les 30 mai et 4 juillet 2018, par le Laboratoire National de Métrologie et d’Essais (LNE) sur différents modèles des machines MANITOU MT 1440 et MT 1840.
Saisi d’une demande d’interdiction provisoire, le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 31 janvier 2019, dit « dépourvus de sérieux les moyens de défense aux fins de nullité manifeste de la partie française » des brevets européens EP 065 et EP 965 de la société BAMFORD, considéré que l’atteinte vraisemblable au brevet EP 065 n’était pas suffisamment démontrée mais que l’était en revanche celle au brevet EP 965 notamment dans ses revendications 1 et 13, et en conséquence ordonné à la société MANITOU de cesser immédiatement sous astreinte toute fabrication, offre en vente ou location, détention et utilisation des machines comportant le dispositif LLMC dans sa seule « Configuration 1 ». La société MANITOU a interjeté appel-nullité de cette ordonnance, appel dont elle a été déboutée par la cour d’appel de Paris le 13 décembre 2019. *** Aux termes de ses conclusions n° 3 signifiées par la voie électronique le 23 décembre 2019, la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited demande au tribunal de :
Par application des textes susvisés et en particulier des articles L. 613- 3, L. 615-1, L. 615-5-2, L. 615-7 et L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle, de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au vu des présentes conclusions et des pièces énumérées au bordereau annexé,
— DIRE la société J.C. BAMFORD Excavators Limited recevable et bien fondée en sa demande en contrefaçon ;
– CONSTATER que les engins MANITOU MLT 625 75 H, MLT 629 20”, MLT 629 20” C, MLT 629 24”, MLT 630-105, MLT 630-105 V, MLT 630-105 V CP, MLT 634 LSU, MLT 634 120 LSU, MLT 634 120 ST3B, MLT 634 120 PS ST3B, MLT 635-130 PS+, MLT 635-140 V+, MLT 731, MLT 733-105, MLT 735 100 ST3B, MLT 735 120 ST3B, MLT 735 LSU, MLT 735 120 LSU, MLT 737-130 PS+, MLT 741 100 ST3B, MLT 741 120 ST3B, MLT 741 120 PS ST3B, MLT 741 LSU, MLT 741 120 LSU, MLT 741-140 V+, MLT 840 115 PS, MLT 840-145 PS, MLT 940-
140 V+, MLT 845 100 H, MLT 845 120, MLT 960, MLT 1035 L LSUMLT 1040-145 PS, MLT 1040-145 PS L, MT 625 H, MT 625 H easy, MT 625 HA, MT 732 Easy, MT 1030 Easy, MT 835 Easy, MT 835 H, MT 932 Easy, MT 1135, MT 1135 H, MT 1135 Easy, MT 1135 HA, MT 1335, MT 1335 H, MT 1335 H Easy, MT 1335 HA Easy, MT 1335 Easy, MT 1335 HA, MT 1435 Easy, MT 1440, MT 1440 Easy, MT 1440 A, MT 1440 H, MT 1440 HA, MT 1840, MT 1840 A, MT 1840 H, MT 1840 Easy, MT 1840 HA, MT-X 1440, MT-X 1840, MHT 860, MHT 780, MHT 790, MHT-X 790, MHT 1490, MHT 10130, MHT 10230 contrefont l’ensemble des revendications de la partie française du brevet européen n° 1 532 065 ;
– CONSTATER que les engins MANITOU MLT 625 75 H, MLT 629 20”, MLT 629 20” C, MLT 629 24”, MLT 630-105, MLT 630-105 V, MLT 630-105 V CP, MLT 635-130, MLT 635-140, MLT 635-140 V+, MLT 733-105, MLT 737-130, MLT 737-130 PS+, MLT 741-140, MLT 741- 140 V+, MLT 840 115 PS, MLT 840-145 PS, MLT 940-140, MLT 940- 140 V+, MLT 635-130 PS+, MLT 845 100 H, MLT 845 120, MLT 960, MLT 1040-145 PS, MLT 1040-145 PS L, MT 625 H, MT 625 H easy, MT 625 HA, MT 732 Easy, MT 1030 Easy, MT 835 Easy, MT 835 H, MT 932 Easy, MT 1135, MT 1135 H, MT 1135 Easy, MT 1135 HA, MT 1335, MT 1335 H, MT 1335 H Easy, MT 1335 HA Easy, MT 1335 Easy, MT 1335 HA, MT 1435 Easy, MT 1440, MT 1440 Easy, MT 1440 A, MT 1440 H, MT 1440 HA, MT 1840, MT 1840 A, MT 1840 H, MT 1840 Easy, MT 1840 HA, MHT 860, MHT 780, MHT 790, MHT-X 790, MHT 1490, MHT 10130, MHT 10230 contrefont les revendications 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10 et 13 de la partie française du brevet européen n° 2 263 965 ;
En conséquence,
– REJETER toutes les demandes, fins et conclusions de la société MANITOU BF ;
– RECEVOIR la société J.C. BAMFORD Excavators Limited en l’ensemble de ses demandes en contrefaçon et l’en déclarer fondée ;
– DIRE ET JUGER que la société MANITOU BF S.A., en fabriquant, offrant, mettant dans le commerce et vendant, utilisant, important, exportant ou détenant aux fins précipitées commet des actes de contrefaçon de l’ensemble des revendications de la partie française du brevet européen n° 1 532 065, au sens de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle ;
— DIRE ET JUGER que la société MANITOU BF S.A., en fabriquant, offrant, mettant dans le commerce et vendant, utilisant, important, exportant ou détenant aux fins précipitées commet des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10 et 13 de la partie française du brevet européen n° 2 263 965, au sens de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle ;
– FAIRE INTERDICTION à la société MANITOU BF S.A. directement ou indirectement par toute personne physique ou morale, de fabriquer, d’offrir, mettre sur le commerce ou vendre, d’utiliser, d’importer, d’exporter ou détenir aux fins précipitées, sur le territoire français, des
engins reproduisant les caractéristiques décrites par les revendications du brevet européen n° 1 532 065 et ce sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– FAIRE INTERDICTION à la société MANITOU BF S.A. directement ou indirectement par toute personne physique ou morale, de fabriquer, d’offrir, mettre sur le commerce ou vendre, d’utiliser, d’importer, d’exporter ou détenir aux fins précipitées, sur le territoire français, des engins reproduisant les caractéristiques décrites par les revendications 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10 et 13 du brevet européen n° 2 263 965 et ce sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– ORDONNER à la société MANITOU BF S.A. de produire sans délai tous les documents établissant les quantités de produits contrefaisants commandés et/ou livrés en France avec leur prix d’achat et leurs marges, et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– ORDONNER à la société MANITOU BF S.A. le rappel sans délai des circuits de distribution de l’ensemble des produits contrefaisants livrés ou encore en circulation ainsi que de tous les manuels, passé le délai de 8 jours à compter de la date de signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, pour les placer sous séquestre aux fins de confiscation, et, pour ce qui concerne les manuels, aux fins de destruction ;
– DIRE que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées par application de l’article L. 131.3 du code des procédures civiles d’exécution ;
– CONDAMNER la société MANITOU BF S.A. à payer à la société JC BAMFORD Excavators Limited, en réparation du préjudice moral et du préjudice commercial causés par la contrefaçon, une provision de 190 000 000 euros (cent quatre-vingt-dix millions), à valoir en attente de l’expertise judiciaire ;
– DÉSIGNER tel expert qu’il plaira au Tribunal de désigner, lequel expert recevra copie de l’intégralité des informations et documents utiles et nécessaires dans les 8 jours de sa désignation, avec mission de :
– déterminer le nombre d’engins fabriqués en France, importés et/ou exportés par la société MANITOU BF ou l’une de ses filiales ou l’un de ses concessionnaires attitrés, à compter du premier jour de la contrefaçon,
– évaluer l’intégralité des préjudices subis par la société J.C.BAMFORD Excavators Limited, du fait des actes multiples et réitérés de contrefaçon, en ce compris l’atteinte à son image de marque,
– convoquer les conseils de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited et de la société MANITOU BF, et examiner contradictoirement en leur présence lesdits documents,
— remettre, dans un délai de trois mois suivant sa désignation, son rapport d’expertise;
– CONDAMNER la société MANITOU BF S.A. France à faire l’avance de toute provision utile à la réalisation de la mission d’expertise ;
— ORDONNER la publication du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet de la société MANITOU BF S.A. accessible et ce dans une police de caractères lisibles et en caractères gras, en ces termes : « la société MANITOU BF S.A. a été condamnée pour contrefaçon des brevets européens n° 1 532 065 et 2 263 965 dont la société J.C. BAMFORD Excavators Limited est la titulaire », et ce pendant une durée de 6 mois aux seuls frais de la société MANITOU BF S.A, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– CONDAMNER la société MANITOU BF S.A., à prendre en charge les coûts de publication du jugement à intervenir dans 3 journaux ou revues professionnel(le)s au choix de la société J.C. BAMFORD Excavators Limited, le coût de chaque publication ne pouvant excéder la somme de 10 000 euros hors taxes ;
– CONDAMNER la société MANITOU BF S.A. à verser à la société J.C. BAMFORD Excavators Limited, la somme de 400 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire sur la base de justificatifs ;
– CONDAMNER la société MANITOU BF S.A. à rembourser à la société J.C. BAMFORD Excavators Limited l’intégralité des frais engagés pour les opérations de saisie-contrefaçon ainsi que pour les tests effectués par les conseils en propriété industrielle et le LNE, sur présentation des justificatifs correspondants ;
– ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
– CONDAMNER la société MANITOU BF S.A. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Marina C, par application de l’article 699 du code de procédure civile.
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Dans ses conclusions n° 3 signifiées par la voie électronique le 28 février 2020, la société MANITOU BF demande au tribunal de :
SUR LA SAISIE-CONTREFAÇON
— Dire et juger que la saisie-contrefaçon réalisée les 16 et 17 juin 2017 dans les locaux de la société MANITOU BF est nulle, y compris le procès-verbal de saisie et toutes ses annexes ;
– Prononcer en conséquence de l’annulation de la saisie-contrefaçon : • la restitution des éléments saisis en son exécution, qu’ils soient en possession de l’huissier instrumentaire, de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, sous astreinte de 50 euros
par document non restitué et par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification du présent jugement, • la destruction par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017 et de l’ensemble des copies des éléments saisis, à ses frais, qui devra en justifier sans délai à la société MANITOU BF par constat d’huissier, sous astreinte de 50 euros par document non détruit et par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification du présent jugement, • l’interdiction faite à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED d’utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l’étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16-17 juin 2017, ainsi que l’ensemble des éléments saisis, sous astreinte de 50 euros par document utilisé ou communiqué et par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification du présent jugement ;
SUR LA NULLITÉ DES BREVETS
— Dire et juger que les revendications 1 à 12 de la partie française du brevet EP 1 532 065 sont nulles pour insuffisance de description et/ou défaut d’activité inventive ;
– Dire et juger que les revendications 1 à 4, 6 à 10 et 13 de la partie française du brevet EP 2 263 965 sont nulles pour défaut de nouveauté et/ou défaut d’activité inventive ;
– Ordonner l’inscription de la décision à intervenir sur le Registre National des Brevets dès qu’elle sera devenue définitive, sur réquisition du Greffe ou à la requête de la partie la plus diligente et aux frais de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED ;
SUBSIDIAIREMENT, SUR L’ABSENCE DE CONTREFAÇON
— Dire et juger que les rapports de tests réalisés les 26 et 27 avril 2017 sur la machine MT 1840 et les 8 et 9 novembre 2017 sur la machine MLT 733-105, ainsi que les rapports réalisés par le LNE (Pièces JCB 3.19 et 5.16) sont dépourvus de force probante ;
– Dire et juger que les machines de la société MANITOU BF visées par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED et identifiées sous les références MLT 625 75 H, MLT 629 20”, MLT 629 135 20” C, MLT 629 24”, MLT 630-105, MLT 630-105 V, MLT 630-105 V CP, MLT 634 LSU, MLT 634 120 LSU, MLT 634 120 ST3B, MLT 634 120 PS ST3B, MLT 635-130, MLT 635-130 PS+, MLT 635-140, MLT 635-140 V+, MLT 731, MLT 733-105, MLT 735 100 ST3B, MLT 735 120 ST3B, MLT 735 LSU, MLT 735 120 LSU, MLT 737-130, MLT 737-130 PS+, MLT 741 100 ST3B, MLT 741 120 ST3B, MLT 741 120 PS ST3B, MLT 741 LSU, MLT 741 120 LSU, MLT 741-140, MLT 741-140 V+, MLT 840 115 PS, MLT 840-145 PS, MLT 940-140, MLT 940-140 V+, MLT 845 100 H, MLT 845 120, MLT 960, MLT 1035 L LSU, MLT 1040-145 PS, MLT 1040-145 PS L, MT 625 H, MT 625 H easy, MT 625 HA, MT 732 Easy, MT 1030 Easy, MT 835 Easy, MT 835 H, MT 932 Easy, MT
1135, MT 1135 H, MT 1135 Easy, MT 1135 HA, MT 1335, MT 1335 H, MT 1335 H Easy, MT 1335 HA Easy, MT 1335 Easy, MT 1335 HA, MT 1435 Easy, MT 1440, MT 1440 Easy, MT 1440 A, MT 1440 H, MT 1440 HA, MT 1840, MT 1840 A, MT 1840 H, MT 1840 Easy, MT 1840 HA, MT-X 1440, MT-X 1840, MHT 860, MHT 780, MHT 790, MHT-X 790, MHT 1490, MHT 10130, MHT 10230 ne reproduisent ni les revendications 1 à 12 de la partie française du brevet européen EP 1 532 065, ni les revendications 1 à 4, 6 à 10 et 13 de la partie française du brevet EP 2 263 965 ;
EN CONSÉQUENCE,
— Débouter la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED de ses entières demandes, fins et conclusions ;
– Dire et juger, par voie de conséquence de la nullité et/ou de l’absence de contrefaçon du EP 2 263 965, que l’ordonnance du 31 janvier 2019 cessera de produire effet et que la somme de 25 000 euros payée par la société MANITOU BF au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sera remboursée par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED ;
A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE, en cas de jugement de condamnation,
— Débouter la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED de ses demandes d’interdiction à l’égard des références de machines visées dont le dispositif LLMC est dans une Configuration autre que sa « Configuration 1 », telle que définie dans les pièces 6.20, 620.1 et 6.20.3 en défense;
– Limiter l’interdiction aux seules machines MT 1440, MT 1840 et MLT 733-105 comportant le dispositif LLMC dans sa « Configuration 1 », en cas de contrefaçon du brevet européen EP 1 532 065 ;
– Limiter l’interdiction aux seules machines MT 1840 et MLT 733-105 comportant le dispositif LLMC dans sa « Configuration 1 », en cas de contrefaçon du brevet européen EP 2 263 965 ;
– En tant que de besoin, en alternative à une mesure de rappel des circuits commerciaux, ordonner à la société MANITOU BF de procéder à une campagne de mise à jour de la Configuration du LLMC afin de la remplacer par une Configuration non-contrefaisante ;
– Débouter la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED de sa demande de production forcée de documents et d’expertise ;
– Fixer la fin de période contrefaisante à mai 2017 comme précédemment jugé entre les parties par le Juge de la Mise en Etat dans son ordonnance du 31 janvier 2019 ;
– Fixer le préjudice subi par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à plus juste proportion, au vu rapport de l’expert G du 15 avril 2019 (Pièce 6.31 en défense), à savoir une somme maximale de : • 390 000 euros pour la contrefaçon du seul brevet EP 2 263 965, • 1 867 125 euros pour la contrefaçon du seul brevet EP 1 532 065,
• 1 905 625 euros en cas de contrefaçon des deux brevets EP 1 532 065 et EP 2 263 965 ;
Sur l’expertise relative au préjudice subi, si elle devait être ordonnée :
— Dire et juger que la production de tout document complémentaire se fera sous la forme d’une mise sous séquestre entre les mains de MANITOU BF et en présence de l’expert qui les paraphera « ne varietur » ;
– Désigner un expert avec pour mission de : • convoquer les avocats des Parties sur le lieu de l’expertise, qui sera fixé au siège de MANITOU, à l’exclusion des préposés de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED, • parapher « ne varietur » tous les documents produits par MANITOU BF, que l’expert jugera utiles et nécessaires à l’expertise et les laisser en séquestre chez MANITOU BF, qui en sera constitué gardien, • examiner et faire le tri sur le lieu de l’expertise, parmi les documents faisant objet de l’expertise, et en faire des copies pour les annexer à son rapport qu’après les avoir caviardés des secrets d’affaires de MANITOU BF ;
– Dire et juger que seul le rapport de l’expert pourra être communiqué à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED, expurgé de tout secret d’affaires ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
— Interdire à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED de communiquer sur Internet ou sur tout support de communication sur le jugement à venir autrement qu’en publiant le dispositif entier dudit jugement, avec la mention des voies de recours ;
— Condamner la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS LIMITED à verser à la société MANITOU BF la somme de 400 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, quitte à parfaire, et à tous les dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
***
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2020 et l’affaire, initialement fixée pour plaidoiries au 2 juillet 2020, a été renvoyée, notamment du fait de la situation sanitaire en France, à l’audience du 26 novembre 2020.
Pour un exposé complet de l’argumentation des parties, il est, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, sur l’homme du métier et les appareils de levage de charge
Il est préalablement rappelé que l’homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause, capable à l’aide de ses seules connaissances professionnelles de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l’invention, et que son niveau de connaissances sera défini de manière identique pour apprécier tant la nouveauté et l’activité inventive que la suffisance de la description.
En l’espèce, la société MANITOU définit l’homme du métier comme un ingénieur ayant des connaissances générales en matière d’appareils de levage de charge, à savoir dans les domaines de la mécanique, de l’hydraulique et du contrôle électronique de commande, ce que ne conteste pas la société BAMFORD.
Seront ainsi considérés comme faisant partie de ses connaissances générales théoriques et pratiques les normes en particulier de sécurité applicables, à l’exclusion pour le brevet EP 065 de la norme postérieure EN 15000 de décembre 2008, les manuels de référence et de manière globale la littérature technique générale ayant trait aux appareils de levage de charge avec bras.
Il est également acquis par les deux parties que cet homme du métier dispose de connaissances relatives aux différents capteurs du moment de basculement utilisables, ainsi qu’aux valves hydrauliques proportionnelles.
Les parties s’opposent en revanche sur la catégorie des appareils de levage de charge avec bras, la société BAMFORD entendant circonscrire le domaine technique de l’invention aux chariots de levage non rotatifs, ce que ne sont pas des grues et autres machines à tourelle rotative ou uniquement fixes, au motif que ces véhicules présenteraient des problématiques de basculement complètement différentes et ne seraient pas concernés en pratique par le risque de basculement longitudinal, leur instabilité étant essentiellement latérale. Toutefois, les camions-grues ou encore les plateformes de levage de personnes correspondent à la définition des appareils de levage roulants et comportant un bras articulé présentant un risque de bascule longitudinale au même titre que les chariots élévateurs dès lors que le bras est aligné dans l’axe longitudinal, et l’existence de risques additionnels de bascule, en particulier latérale, en présence d’une tourelle rotative n’est pas de nature à justifier de les exclure de la catégorie des « appareils de levage », dans laquelle tous ces engins sont du reste classifiés par le Fascicule des Techniques de l’Ingénieur, comme le souligne pertinemment la société MANITOU (pièce n° 3.17 MANITOU). Au surplus, comme il sera vu infra, la société BAMFORD incluait elle-même dans l’art antérieur pertinent rappelé dans la
description de son brevet EP 065 un camion de pompier équipé d’une tourelle rotative.
Sur le brevet EP 065
Portée du brevet EP 065
Ce brevet, intitulé « système de commande pour appareil de manipulation de charge », a été déposé le 2 juillet 2003, sous le n° 03763963.0, sous priorité britannique GB 0216204 du 12 juillet 2002.
L’invention porte sur un système de commande pour un appareil de manipulation de charge monté sur roues, la charge pouvant être déplacée par rapport à un corps de la machine par l’appareil de manipulation de charge, lequel comporte un bras de levage articulé et dont les mouvements sont commandés par un actionneur hydraulique tel qu’un vérin. Si la société BAMFORD soutient que ces machines s’entendent comme étant capables, grâce à leurs roues, de se déplacer tout en portant une charge, il doit néanmoins être d’ores et déjà souligné que la description du brevet litigieux mentionne que le moment de basculement peut se produire « soit autour d’un axe de rotation d’une des paires de roues », soit « autour d’un autre pivot dans le cas où par exemple, des stabilisateurs sont utilisés pour stabiliser le corps par rapport au sol au cours des opérations de manipulation de charge », de sorte qu’il est envisagé une manipulation de charge aussi bien lorsque l’appareil de levage roule que lorsqu’il se trouve à l’arrêt (« La machine peut comprendre une structure d’engagement au sol par laquelle la machine est supportée sur le sol. La structure peut comprendre une paire de supports, le moment de basculement se produisant autour d’un axe de pivot établi par l’un des supports »). Et il n’est à aucun moment mentionné dans la description que le bras de levage articulé ne pourrait pas être également orientable, s’il est fixé sur une tourelle rotative par exemple, alors que la demanderesse souligne elle-même que le bras de levage mobile est orienté autour d’un axe « généralement » horizontal, ce qui tend à envisager d’autres axes, et alors qu’est cité à titre d’antériorité le brevet GB-A-1 361 832 concernant un camion à échelle pivotante supportant une nacelle (« Apparatus for controlling the velocity of motion of a supporting beam, such as the ladder nest of an extensible turntable ladder, the extensible mast of a telesoter or of longitudinally adjustable crane arm, the length and position of which are variable in space (…) » – pièce 3.4 MANITOU). La société BAMFORD ne peut dès lors considérer aujourd’hui de manière réductrice que les appareils de manipulation de charge couverts sont exclusivement des « machines à bras de levage articulé non orientable, capables, grâce à leurs roues, de se déplacer tout en portant une charge, ce qui les différencie, notamment pour l’Homme du métier, des grues et autres machines rotatives ou uniquement fixes ».
Du reste, la Chambre de recours de l’OEB a pareillement considéré que l’objet de la revendication 1 tel qu’initialement formulé est beaucoup plus général et plus large, englobant clairement le type de machine décrite dans D1 (WEIMER) et D5 (METZ).
Il est par ailleurs rappelé dans la partie descriptive du brevet qu’il est connu, d’une part que le déplacement de la charge par le bras de levage peut induire, lorsqu’un seuil est atteint, un risque de basculement de la machine, d’autre part qu’un arrêt brutal du mouvement peut produire de la même manière une instabilité de la machine du fait de l’inertie de la charge. Il est ainsi connu de détecter le moment de basculement, mais également de « faire fonctionner un dispositif de sécurité qui arrête le fonctionnement de l’actionneur ou des actionneurs » à l’approche d’un tel moment de risque, et une norme ultérieure EN 15000 a d’ailleurs, postérieurement à l’invention proposée par le brevet, imposé, à tout le moins pour les appareils de levage de charges inanimées, la mise en place d’un dispositif empêchant les mouvements du bras de levage risquant d’aggraver le risque de basculement. Selon le brevet, cette mesure peut néanmoins apparaître insuffisante, notamment lorsque la machine n’a pas d’opérateur ou en cas de manque de vigilance de celui-ci.
L’invention objet du brevet EP 065 a ainsi pour objectif de permettre le maintien automatique, même hors intervention de l’opérateur, de la stabilité de la machine au cours des mouvements de charge qui risqueraient autrement de causer de l’instabilité, ce maintien de la stabilité étant obtenu par une réduction progressive de la vitesse du mouvement de la charge et de préférence un stoppage total de celle- ci lorsque le moment de basculement est à la valeur seuil, valeur qui est de préférence fixée de façon à éviter l’instabilité de la machine, et le capteur de charge étant positionné sur l’essieu des roues.
Ce brevet a fait l’objet de deux limitations, suite à une procédure d’opposition initiée par la société MANITOU, avant d’être publié le 7 novembre 2007.
Il se compose, tel qu’amendé suite à la décision de la chambre de recours de l’OEB du 30 mars 2017, de 12 revendications, qui sont toutes invoquées, les revendications 2 à 12 étant dépendantes de la revendication 1.
Revendication 1 (a) Système de commande (40) pour une machine (10) qui comprend un appareil de manipulation de charge (14), la charge (L) pouvant être déplacée par rapport à un corps (12) de la machine (10) par l’appareil de manipulation de charge (14),
(b) l’appareil de manipulation de charge (L) étant un bras de levage pouvant se déplacer autour d’un axe généralement horizontal (B) par rapport au corps (12) de la machine (10), le bras (14) étant ainsi
capable de lever et d’abaisser la charge (L) lors du fonctionnement d’un actionneur hydraulique (24),
(c) la machine (10) comprenant un pivot (C), autour duquel un moment de basculement est produit par la charge (L), l’appareil de manipulation de charge (14) étant capable d’abaisser la charge (L) dans une position dans laquelle le moment de basculement atteint une valeur seuil prédéterminée,
(d) le système de commande (40) comprenant un détecteur (30) pour détecter le moment de basculement et pour détecter le moment où la valeur du moment de basculement s’approche de la valeur seuil et pour fournir une entrée à un dispositif de commande (32) en réponse,
(e) caractérisé en ce que le dispositif de commande (32) est influencé par l’entrée afin d’actionner une valve hydraulique proportionnelle (42) pour réduire le flux du fluide vers l’actionneur (24) de sorte que la vitesse de mouvement de la charge (L) est progressivement réduite lors de l’abaissement du bras de levage (14),
(f) dans lequel la machine (10) comprend une structure d’engagement au sol par laquelle la machine est supportée sur le sol, la structure d’engagement au sol comprenant une paire de supports (19), le moment de basculement se produisant autour d’un axe de pivot (C) établi par l’un des supports,
(g) et le moment de basculement étant détecté par le détecteur (30) détectant la charge de l’autre (19) des supports,
(h) et la machine (10) est une machine de manipulation de charge montée sur roues (10) ayant une structure d’engagement au sol comprenant une paire de supports (19) fournis par des essieux qui portent chacun des roues (16, 17) et le moment de basculement se produit autour d’un axe de rotation (C) d’une des paires de roues (16)
(i) et le détecteur (30) détecte la charge sur l’autre paire des roues (17).
Revendication 2 Système (40) selon la revendication 1, dans lequel le bras de levage (14) de la machine (10) comprend une pluralité de sections relativement mobiles (22, 23), et l’invention est caractérisée en ce que le dispositif de commande (32) influence le fonctionnement d’un deuxième actionneur (25) qui déplace relativement les sections de bras (22, 23) lorsque le moment de basculement est proche de la valeur seuil.
Revendication 3 Système selon la revendication 2, dans lequel les sections relativement mobiles (22, 23) du bras (14) de la machine (10) sont
télescopiques, et l’invention est caractérisée en ce que le dispositif de commande (32) influence le fonctionnement du deuxième actionneur (25) lorsque le moment de basculement est proche de la valeur seuil.
Revendication 4 Système selon la revendication 1, caractérisé en ce que le bras (14) porte un mécanisme de manipulation de charge (26) pouvant se déplacer sur le bras (14) par le fonctionnement d’un troisième actionneur (27) et le dispositif de commande (32) influence le fonctionnement du troisième actionneur (27) lorsque le moment de basculement est proche de la valeur seuil.
Revendication 5 Système selon la revendication 4, caractérisé en ce que le mécanisme de manipulation de charge (26) est une fourche de chargement.
Revendication 6 Système selon l’une quelconque des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que la vitesse de mouvement de la charge est progressivement réduite et est tout à fait stoppée lorsque le moment de basculement est à la valeur seuil.
Revendication 7 Système selon la revendication 6, caractérisé en ce que l’appareil de manipulation de charge (14) comprend une pluralité d’actionneurs (24, 25, 27) et dans le cas où le dispositif de commande (32) empêche le flux du fluide vers ou à partir de l’actionneur de levage et d’abaissement (24) si la valeur de moment de basculement atteint la valeur seuil, le dispositif de commande (30) permet à un ou plusieurs des autres actionneurs (25, 27) d’être actionné(s) pour réaliser une opération de correction qui résultera en une réduction du moment de basculement.
Revendication 8 Système selon la revendication 7, caractérisé en ce que lorsque le mécanisme de manipulation de charge est une fourche de levage (26), et au cours de toute opération de correction de l’actionneur permise, l’attitude de la fourche de levage (26) par rapport au sol est automatiquement maintenue.
Revendication 9 Système selon la revendication 8, caractérisé en ce que la machine (10) comprend un actionneur de déplacement (64) qui est actionné lorsque le bras de levage (14) est levé et abaissé pour échanger du fluide avec un actionneur (27) qui commande l’attitude du mécanisme de manipulation de charge (26) par rapport au sol, et au cours de l’opération de correction de l’actionneur, lorsque l’actionneur de levage et d’abaissement (24) est isolé, la pression hydraulique dans un circuit contenant les actionneurs de déplacement et de commande d’attitude (27, 64) est maintenue.
Revendication 10 Système selon l’une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que le dispositif de commande (32) fonctionne selon un algorithme qui permet au dispositif de commande (32) d’ignorer les changements transitoires de la charge détectée par le détecteur (30) résultant du changement de la dynamique de la machine ou de la réaction des mouvements du bras de levage initiaux (14).
Revendication 11 Machine ayant un système de commande selon l’une quelconque des revendications précédentes.
Revendication 12 Appareil de manipulation de charge commandé par un système de commande selon l’une quelconque des revendications 1 à 10.
Validité du brevet EP 065
Sur la suffisance de description
La société MANITOU conclut à la nullité du brevet EP 065 pour insuffisance de description, dans la mesure où la revendication 1, dans sa caractéristique e), ne revendiquerait qu’un résultat ou un concept et que la description n’exposerait pas de façon suffisamment claire l’invention pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter, ce dernier n’étant pas en mesure de déterminer la forme du signal de commande de la valve proportionnelle et donc de mettre en oeuvre la réduction progressive de vitesse, du fait de l’absence, dans le brevet, d’un mode de réalisation du signal, la notion essentielle de réduction progressive de vitesse n’étant définie par aucun exemple dans la description.
La société BAMFORD soutient au contraire que son brevet est suffisamment décrit, la revendication 1 ne revendiquant nullement un résultat ou un concept, mais un objet technique précis, réalisé grâce à une valve hydraulique proportionnelle, connue de l’homme du métier et communément utilisée dans le domaine technique de l’hydraulique depuis des décennies, et dont il n’est nullement requis pour la mise en oeuvre du brevet EP 065 de divulguer les moindres détails spécifiques concernant la génération et la forme du signal électrique commandant ladite valve, dès lors que sont précisément détaillées les interactions entre la valve hydraulique proportionnelle, le dispositif de commande et l’actionneur.
Sur ce,
L’article 83 de la CBE dispose que « L’invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter » et l’article 138-1-b) commande que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d’un État contractant si tel n’est pas le cas.
L’exigence de suffisance de description, qui a pour finalité de garantir la possibilité pour l’homme du métier d’exécuter l’invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l’ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques, est satisfaite dès lors que la description indique les moyens qui donnent à l’homme du métier, doté des capacités et des connaissances que l’on est en droit d’attendre de lui, la possibilité d’exécuter ou de mettre en oeuvre l’invention par de simples mesures d’exécution, comme des essais de routine, ou moyennant un effort raisonnable de réflexion.
En ce sens, l’article 42 1e) de la CBE dispose que la description du brevet doit « indiquer en détail au moins un mode de réalisation de l’invention revendiquée, en utilisant des exemples, si cela s’avère approprié, et en se référant aux dessins, s’il y en a », et une invention sera dès lors exposée de manière suffisamment claire et complète s’il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l’homme du métier de l’exécuter.
En l’espèce, il ne peut en premier lieu être considéré que la revendication 1 du brevet litigieux ne porterait que sur un simple concept de réduction progressive de la vitesse du bras, alors même qu’il est décrit un dispositif de commande actionnant une valve hydraulique proportionnelle venant réduire le flux du fluide vers l’actionneur, ce qui constitue bien un objet technique.
Si la société MANITOU reproche ensuite au brevet litigieux l’absence d’au moins un mode de réalisation, cette absence peut néanmoins être compensée par ailleurs par les dispositions suffisamment claires et complètes du brevet, examiné de manière globale, donc à la lumière de ses revendications complétées par la description et les illustrations éventuelles. Il convient en conséquence de procéder à un examen in concreto de la revendication litigieuse.
Selon la société BAMFORD, le fait de commander une valve proportionnelle pour offrir un degré d’ouverture intermédiaire est nécessairement connu de l’homme du métier, sans quoi une telle valve ne présenterait aucun intérêt par rapport à une valve tout-ou- rien qui peut être soit complètement ouverte, soit complètement fermée.
S’il est exact qu’aucune indication n’est donnée quant à la forme du signal de commande de la valve, pas plus d’ailleurs quant à la réduction attendue du flux d’huile dans les vérins entraînant le ralentissement souhaité, dès lors que la vitesse d’abaissement du bras est corrélative au débit de fluide vers l’actionneur du bras, l’homme du métier sera en mesure, à l’aide de ses connaissances professionnelles et sans effort excessif quand bien même il devrait
procéder à quelques essais afin d’obtenir un réglage optimal, de déterminer la forme du signal de commande de la valve proportionnelle pour obtenir une réduction progressive du débit vers l’actionneur et, par suite, une réduction progressive de la vitesse de mouvement de la charge lors de l’abaissement du bras de levage.
Le grief d’insuffisance de description sera donc rejeté.
Sur l’activité inventive
La société MANITOU conclut au défaut d’activité inventive de la revendication 1 et des revendications dépendantes 2 à 12. Selon elle, la solution au problème d’un ralentissement progressif par opposition à un ralentissement brusque que visait le brevet dans sa rédaction initiale a été considérée comme dépourvue de nouveauté par l’OEB, et le problème technique que résout la revendication limitée est dès lors de rechercher une autre manière de détecter le moment de basculement (i.e. autre que sur un vérin de levage) pour un appareil de levage de charge monté sur une machine roulante. Or l’OEB n’a pas pris en compte, selon la défenderesse, l’antériorité TADANO nouvellement invoquée, qui a conduit au rejet intégral du brevet parallèle au Japon, ni l’antériorité KRUGER qui avait été invoquée trop tardivement en recours devant l’OEB. L’antériorité EVANS 2 et sa combinaison avec KRUGER sont opposées pour la première fois. La société BAMFORD répond pour l’essentiel que la plupart des documents de l’art antérieur visé ici par MANITOU (WEIMER, KRUGER, LINER 1) ont été écartés successivement par la Division d’opposition de l’OEB puis par la Chambre de recours, instances indépendantes l’une de l’autre. Elle ajoute que si les valves proportionnelles étaient connues de certains documents cités par la défenderesse, aucun document de l’état de la technique, en revanche, ne divulguait l’utilisation d’une valve proportionnelle dans un système de sécurité pour machine de manipulation de charge, a fortiori pour contrôler le ralentissement du bras de levage. Or, le fait qu’une valve proportionnelle soit bien connue implique nécessairement que l’homme du métier en maîtrise le fonctionnement, ce qui n’est aucunement contradictoire avec le fait que sa mise en oeuvre dans le cadre d’une combinaison de moyens spécifique puisse être nouvelle et inventive. Les revendications 2 à 12 sont suffisamment décrites, nouvelles et impliquent une activité inventive, au moins en tant que revendications dépendantes de la revendication 1 qui est elle-même nouvelle et inventive.
Sur ce,
L’article 56 de la CBE dispose qu’» une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique ».
L’appréciation du caractère inventif implique de déterminer si eu égard à l’état de la technique l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétend résoudre, serait parvenu à la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L’activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l’homme du métier, et il convient de comparer le brevet litigieux avec l’ensemble des antériorités, prises isolément ou en combinaison.
•A titre liminaire, sur le problème technique objectif à résoudre
La Chambre de recours de l’OEB a considéré que l’antériorité WEIMER divulguait les caractéristiques a) à e) de la revendication 1 telle qu’initialement formulée (pièce n° 3.1 MANITOU), ce qui a eu pour conséquence la limitation du brevet EP 065 par la société BAMFORD, qui y a ajouté les caractéristiques f) à i) relatives à la structure du véhicule et à l’emplacement du détecteur de moment de basculement.
Il apparaît ainsi que le problème technique objectif que vise à résoudre le brevet EP 065 est de proposer un nouvel emplacement du capteur de moment de charge par rapport à ceux déjà connus pour prévenir le basculement longitudinal du véhicule de travail, qu’il soit à l’arrêt ou roulant.
• Brevet KRUGER combiné aux connaissances générales de l’homme du métier sur le capteur de charge
Ce brevet US 4006347 du 1er février 1977 (pièce n° 3-22 MANITOU) concerne une grue de parc comportant un châssis monté sur roues et un bras monté sur un support fixe autour d’un axe horizontal (A) pour déplacer une charge (L) à l’aide d’un vérin hydraulique. Il est exposé qu’il n’est pas rare de prévoir dans le système de commande de la grue un moyen pour surveiller le moment de charge appliqué à un bras de grue, de façon à ne pas atteindre le moment de charge maximal à ne pas dépasser pour éviter tout danger de rupture ou de basculement, mais que, pour que le dispositif fonctionne correctement, il ne faut pas que l’opérateur déplace rapidement le bras quand l’unité de surveillance indique que le moment de charge instantané est proche du moment de charge maximum admissible. Un des buts de l’invention est ainsi de proposer un appareil de commande du déplacement d’une grue dans lequel le fonctionnement du bras à vitesse élevée est exclu lorsque le moment de charge instantané approche le moment de charge permis maximal, évitant ainsi le risque de surcharge, donc de rupture ou de basculement, et le système proposé permet de réduire automatiquement la vitesse de fonctionnement du bras de grue lorsque le moment de charge augmente et d’augmenter la vitesse du bras de grue lorsque le moment de charge diminue, pour des déplacements donnés du levier
d’actionnement; à l’approche du moment de charge maximum, la réponse atteint progressivement zéro, empêchant ainsi la surcharge même avec un déplacement brusque du levier d’actionnement quand la grue est proche du moment de charge maximum. Il permet ainsi à l’opérateur de travailler jusqu’au moment de charge maximum admissible (charge maximale) sans avoir à prévoir une marge d’erreur et à éviter les charges élevées à cause du risque qu’un déplacement rapide du levier de commande puisse provoquer le dépassement du moment de charge maximum et le basculement de la grue, tout en évitant les arrêts brusques ou analogues. A cet effet, le brevet KRUGER utilise une valve proportionnelle reliée à un capteur de pression monté sur le vérin hydraulique guidant le levage du bras.
Ce système de commande s’apparente ainsi à celui du brevet EP 065, qui est pour mémoire d’actionner automatiquement une valve hydraulique proportionnelle de manière à réduire le flux de fluide vers l’actionneur hydraulique du bras, réduisant ainsi progressivement la vitesse de mouvement de la charge portée par le bras de levage. Toutefois, le positionnement du capteur de charge est différent, au niveau de l’actionneur hydraulique (vérin) dans le brevet KRUGER, sur l’essieu des roues arrière dans le brevet litigieux.
La société BAMFORD soutient que l’homme du métier aurait été dissuadé par l’état de la technique de retenir comme solution un détecteur de charge sur l’essieu arrière, en particulier par l’antériorité WEIMER, car un détecteur placé sur l’essieu arrière est sensible aux oscillations de la machine et que WEIMER indique spécifiquement que, dans le cas d’un niveau également soumis aux oscillations de la machine, « par le mouvement de la machine, il se produit dans ce cas par suite des forces dynamiques, des possibilités d’erreur considérables ».
La société MANITOU considère au contraire que, les grues de parc étant assimilées aux chariots élévateurs, pour lesquels l’emploi d’un capteur de charge sur l’essieu arrière est une pratique courante, l’homme du métier, dont il est rappelé que les connaissances générales portent sur l’ensemble des appareils de levage de charge, serait naturellement amené, en guise de positionnement alternatif du capteur de charge, à retenir l’essieu de roues arrière, et que le fait de remplacer le capteur de pression sur le vérin de KRUGER par un détecteur de charge placé de manière ordinaire sur l’essieu arrière, est un cas typique d’association de moyens connus qui constitue une simple juxtaposition non inventive. Elle ajoute que l’argument de la demanderesse relatif à WEIMER doit être écarté dès lors que la défenderesse n’oppose pas la combinaison de KRUGER avec WEIMER, mais la combinaison de KRUGER avec les connaissances générales de l’homme du métier, et que, WEIMER étant un brevet, il ne fait pas partie de ces connaissances générales de base, lesquelles n’englobent pas, normalement, la littérature relative aux brevets ni les articles scientifiques.
La Chambre de recours de l’OEB, si elle n’a pas spécifiquement examiné l’activité inventive au regard de KRUGER, a néanmoins considéré que la revendication 1, après limitation, présentait une activité inventive par rapport aux antériorités WEIMER et METZ, dans la mesure où l’homme du métier n’aurait été aucunement incité ou motivé par ces antériorités à introduire un capteur détectant la charge sur une paire de roues distancées de l’essieu portant l’autre paire de roues et représentant l’axe de pivotement, dans la mesure où ces machines présentant une « pluralité de modes de fonctionnement, y compris, par exemple, la rotation autour d’un axe vertical, il ne serait pas approprié ou pratique de placer un capteur de détection de charge sur l’essieu de la roue arrière de la machine, car la charge mesurée serait simplement indicative de l’instant de basculement autour de l’essieu avant, représentant essentiellement un seul mode de fonctionnement » ; la société MANITOU considère que l’activité inventive n’a donc été retenue qu’au motif que l’homme du métier aurait été dissuadé d’utiliser un capteur qui ne mesure que le basculement longitudinal, sur une machine rotative qui peut basculer à la fois latéralement et longitudinalement, ce qui n’est pas le cas de KRUGER, pour lequel seul existe un risque de basculement longitudinal.
Pour autant, le tribunal retient pour sa part qu’il ne serait pas apparu évident à l’homme du métier, quand bien même le positionnement du capteur de charge sur l’essieu arrière pour prévenir un basculement longitudinal était courant pour les appareils de levage présentant ce type de risque, de déplacer ainsi le capteur prévu dans KRUGER du vérin du bras de levage à l’essieu arrière, alors même que le capteur de charge de l’antériorité KRUGER n’avait pas seulement pour objectif d’éviter un basculement longitudinal, mais également une rupture du bras de levage en raison d’une charge trop élevée et que le positionnement du capteur de mouvement de charge sur l’essieu des roues arrière, dès lors qu’il mesure seulement un risque de basculement est incapable de répondre à ce deuxième objectif. Dès lors, de la même manière que WEIMER, non invoqué ici par la défenderesse, aurait dissuadé l’homme du métier de déplacer le capteur au risque de perdre la détection d’un risque de bascule, l’homme du métier n’aurait pas été incité, au vu de l’antériorité KRUGER, à déplacer ce même capteur puisqu’il aurait de la sorte perdu l’une des informations utilement apportées par la mise en oeuvre de KRUGER.
• Brevet TADANO combiné aux connaissances générales de l’homme du métier sur les machines de levage
Le brevet japonais TADANO publié en 1994 concerne un contrôleur pour un véhicule de travail équipé d’un bras, et notamment un camion- grue comportant des roues, un bras télescopique monté sur une tourelle rotative et des stabilisateurs rétractables ; la vitesse de levage du bras via un vérin hydraulique est là encore contrôlée par une valve proportionnelle.
Ce brevet rappelle au titre de l’art antérieur ([0002]) que « Durant une opération d’abaissement du bras de levage, par exemple, sur un véhicule de travail conventionnel équipé d’un bras de levage, tel qu’une grue équipée d’un bras de levage, le rapport d’une performance limite prédéterminée (i.e. valeur de moment permise) de la grue et de l’état de charge actuel (valeur de moment actuelle) est continuellement surveillé, et quand un taux d’approche de la valeur de moment actuelle sur la valeur de moment permise atteint ou dépasse 100 %, un signal de coupure prédéterminé est émis et l’opération d’abaissement de la grue est immédiatement stoppée, dans le but d’empêcher le basculement de la grue causée par une surcharge » ; ce qui correspond notamment aux préconisations de la norme ultérieurement adoptée EN 15000. Il est ajouté au [0003] qu’» il est aussi connu qu’une force d’inertie d’abaissement produira une situation dangereuse si le bras de levage s’arrête brutalement pendant une coupure due à une surcharge, et il est aussi connu que si un choc d’arrêt important se produit, cela génère un effet psychologique considérable sur le conducteur, de ce fait la vitesse de fonctionnement durant l’abaissement du bras de levage est graduellement réduite avant que le taux d’approche n’atteigne 100 % i.e. à partir d’un taux d’approche de 90 %, et une commande est activée pour stopper délicatement l’opération au moment où le taux d’approche atteint 100 %, et une commande de réduction de vitesse maximale connue en soi est mise en oeuvre ». Le but de l’invention est de proposer un contrôleur pour un véhicule de travail équipé d’un bras dans lequel le contrôle de décélération pendant une opération d’abaissement du bras se fait en association avec l’angle d’élévation du bras, ce qui permet d’obtenir un équilibre entre la réduction du choc d’arrêt lors du contrôle de décélération avec un angle d’élévation important et la vitesse de fonctionnement lors du contrôle de décélération avec un faible angle d’élévation.
La société BAMFORD ne conteste pas que ce brevet divulgue les caractéristiques a) à f) de son propre brevet EP 065, mais oppose notamment que, si les stabilisateurs peuvent être rétractés pour déplacer la grue d’un point à un autre, les opérations de levage se font néanmoins uniquement lorsque la grue est fixe et les stabilisateurs déployés, à l’inverse de l’appareil de levage monté sur roues objet du brevet EP 065 (caractéristique h). Il a cependant été vu supra que le capteur du moment de charge du brevet EP 065 n’est pas limité au seul portage de charge par véhicule roulant mais fonctionne également lorsque le véhicule est fixe, monté sur stabilisateurs, comme du reste illustré par la figure 1 du brevet, et, à l’inverse, rien ne démontre qu’un camion-grue tel que TADANO ne pourrait être utilisé qu’avec ses stabilisateurs déployés. Ce, d’autant que le brevet TADANO inclut lui-même l’application de son enseignement à des grues non rotatives :
« [0031] En outre, l’exemple décrit ci-dessus est relatif à une grue équipée d’un bras de levage extensible et rotatif, mais la présente invention n’est pas limitée à ce cas de figure et peut évidemment être mise en oeuvre dans une large gamme d’autres véhicules de travail équipés d’un bras de levage, tels que des véhicules de travail en hauteur, elle peut également être mise en oeuvre sur des véhicules de travail équipés d’un bras de levage qui ne comportent pas de tourelle rotative ».
En revanche, il est exact que le capteur de moment de charge de TADANO mesure la largeur d’extension des stabilisateurs, ce dont la société BAMFORD déduit que « dans TADANO, le risque de basculement est un risque de basculement latéral et non longitudinal ». Pour les raisons déjà évoquées, l’existence d’un risque de basculement latéral n’est pas en soi exclusif de tout risque de basculement longitudinal. Et comme le note la société MANITOU, lorsque les stabilisateurs sont relevés, le système de commande reçoit alors comme information une valeur nulle pour le paramètre de largeur d’extension des stabilisateurs, et le moment de basculement est calculé en conséquence.
Toutefois, il n’apparaît pas, là non plus, que l’homme du métier, recherchant une autre manière de détecter le moment de basculement (que sur un vérin de levage) pour un appareil de levage de charge, aurait été incité par les enseignements de TADANO, qui combine la mesure de plusieurs valeurs (angle d’élévation de la flèche, longueur de flèche, angle de pivotement de la tourelle et largeur d’extension des stabilisateurs), à positionner un capteur de charge sur l’essieu de roues arrière du véhicule de travail.
• B EVANS 2 combiné à KRUGER
Le brevet EVANS 2 est un brevet GB 930904 publié en 1963, décrivant plus particulièrement une grue mobile (montée sur roues) présentant une flèche extensible, ayant un capteur de moment de basculement détectant la déformation de l’essieu arrière pour indiquer ou contrôler le moment de renversement ou l’état de stabilité de la grue autour d’une paire de ses roues.
Selon la société MANITOU, le brevet EVANS 2 divulgue les caractéristiques a), c) à f) et h) de la revendication 1 du brevet EP 065, en ce qu’il enseigne un système de sécurité pour une grue de parc, qui détecte le moment de basculement à tout instant en mesurant la charge exercée sur les roues arrière et permet d’actionner un mécanisme de coupure des mouvements en cas de charge excessive grâce à « des moyens (cellule de pression 128, manomètre 130) sensibles à la force entre l’élément de palier (élément transversal 124) et l’essieu (ensemble intégral 122) ». La seule caractéristique manquante est la e) relative à la réduction progressive de vitesse.
Pour la société BAMFORD, ce brevet n’est pas pertinent, dans la mesure où la grue comprend deux vérins permettant au bras télescopique de tourner latéralement, de sorte que la cellule et l’indicateur mentionnés visent à donner une indication de la stabilité latérale et non longitudinale, dès lors que l’effort que mesure la cellule de pression tient compte du pivotement latéral de la flèche.
En l’espèce, il est exact que les vérins situés de part et d’autre du bras de la grue peuvent, s’ils ne sont pas actionnés de la même manière simultanément, entraîner un basculement latéral de la flèche comme l’expliquent très bien les illustrations du brevet. Cela ne modifie cependant pas l’objectif du brevet EVANS 2 qui est de prévenir une bascule longitudinale par rotation autour des roues avant, comme cela est clairement explicité : « Si la charge 114 est excessive, le moment de rotation autour des roues avant fera basculer la grue autour des roues avant », moment de charge longitudinal qu’un détecteur placé sur l’essieu des roues arrière a précisément pour objectif de prévenir : « Avec le type de grue décrit, la charge sur l’essieu arrière indique à quel instant la grue atteint la charge maximale de sécurité juste avant le point de basculement » et « A mesure que la charge augmente vers le maximum, la force entre les roues arrière diminue ». De sorte qu’il est bien retrouvé ici l’objectif du brevet de la demanderesse qui est de prévenir le basculement de type longitudinal via un système de commande comprenant un détecteur pour détecter le moment de basculement se produisant autour d’un axe de rotation d’une des paires de roues, le détecteur évaluant la charge sur l’autre paire des roues.
Certes, le brevet EVANS 2 relève également que « Le problème consistant à obtenir une indication fiable du facteur de sécurité de la grue en fonctionnement est toutefois compliqué par le fait que la grue a un bras orientable et que, pour d’autres raisons, des conditions dans lesquelles les forces de contact entre les deux roues arrière et le sol sont inégales peuvent se présenter ». Mais cette difficulté est justement réglée par le couple cellule de pression / manomètre habilement positionnés, et cette situation ne vient une fois encore pas modifier l’objectif de prévention du risque de basculement longitudinal autour des roues avants assigné à l’invention.
Le tribunal en tire comme conséquence que le positionnement d’un capteur de charge sur l’essieu des roues arrière pour prévenir un moment de charge longitudinal était divulgué par le brevet EVANS 2.
La société BAMFORD oppose que, à supposer que l’homme du métier soit parti d’EVANS 2, il aurait d’abord dû transformer la flèche horizontale en un bras pouvant être levé et abaissé par rotation autour d’un axe horizontal. À supposer qu’il ait effectué ce remplacement, ce qui est peu probable, il n’aurait pas conservé le capteur sophistiqué qui y est divulgué, qui aurait été rendu inutile. Mais d’une part le bras de grue présenté dans EVANS 2 pouvait déjà être levé ou abaissé par mouvement simultané des deux bras télescopiques latéraux, d’autre part, il a déjà été statué que l’existence de risques de basculement latéraux n’est pas exclu du brevet EP 065, quand bien même celui-ci ne tend à prévenir qu’un basculement longitudinal, et il ne peut donc être considéré qu’en cas d’appareil de levage ne présentant aucun risque de bascule latérale (par absence de caractère rotatif du bras de levage par exemple), l’homme du métier n’aurait pas été incité à positionner, comme le faisait déjà EVANS 2, le capteur de charge censé prévenir la bascule longitudinale autour des roues avant sur l’essieu des roues arrières.
EVANS 2 n’enseigne pas de réduction progressive de la vitesse de relèvement et abaissement du bras. Mais il a été vu supra que KRUGER notamment enseignait cette diminution progressive afin d’éviter tout risque accru de bascule, de sorte que l’homme du métier aurait pu, sans effort inventif particulier, transposer à EVANS 2 l’usage d’une valve proportionnelle contrôlée par un système de commande tel qu’enseigné dans KRUGER.
La société BAMFORD soutient qu’au regard de la marge de sécurité très élevée de 50% par rapport à la valeur limite du moment de basculement préconisée par EVANS 2, laquelle laisse à l’opérateur une plage de travail très limitée, il apparaît que le capteur de charge EVANS 2 est peu précis et irait à l’encontre du but recherché de productivité accrue. Elle en déduit que l’homme du métier aurait nécessairement éliminé ce capteur et choisi celui positionné dans le vérin de KRUGER. Mais outre que l’augmentation de la productivité ne correspond pas l’objectif de meilleure fiabilité et sécurité revendiqué par le brevet EP 065 mais apparaît comme une conséquence générale et secondaire de cet objectif de sécurité accrue, rien ne vient étayer la thèse selon laquelle l’homme du métier aurait été incité à conserver la configuration enseignée par KRUGER et non, au contraire, à déplacer le capteur de charge de KRUGER (positionné dans le vérin hydraulique) sur l’essieu arrière comme l’enseigne EVANS 2 afin de prévenir un risque de basculement autour de l’axe des roues avant.
Par suite, la revendication 1 du brevet EP 065 sera annulée pour défaut d’activité inventive par rapport aux enseignements tirés de la combinaison des brevets EVANS 2 et KRUGER, sans qu’il y ait lieu de considérer la dernière combinaison opposée par la société MANITOU (enseignements tirés de LINDE combinés aux connaissances générales de l’homme du métier).
Les revendications 11 et 12 ne contenant aucune caractéristique supplémentaire par rapport à la revendication 1, elles seront en conséquence pareillement annulées pour défaut d’activité inventive.
Les revendications dépendantes 2 et 3, qui portent sur le fait que le dispositif de commande influence le fonctionnement d’un deuxième
actionneur qui déplace relativement les sections mobiles du bras de levage lorsque le moment de basculement est proche de la valeur seuil, ne démontrent par ailleurs aucune activité inventive notamment au regard de LINER 1, dans lequel les électrovannes alimentant les vérins d’abaissement et d’extension de flèche sont soumises au dispositif de commande (pièce n° 3.23 MANITOU).
La revendication 4, relative à un troisième actionneur dont le fonctionnement est influencé lorsque le moment de basculement s’approche de la valeur seuil, est cependant enseignée par WEIMER (pièce n° 3.24 MANITOU) dont, comme le souligne la société MANITOU, le vérin 18 de la figure 2A est un troisième actionneur qui est influencé de la même manière que le vérin de levage 4 de la figure 2A lorsque le niveau de charge anticipatoire est atteint. Par suite, la revendication 5, dépendante de la 4 et ne faisant que préciser que le mécanisme de manipulation de charge est une fourche de chargement, accessoire classique des engins de levage, ne présente pas non plus d’activité inventive.
Les caractéristiques additionnelles des revendications 6 et 7 (réduction progressive du mouvement de la charge jusqu’à son arrêt complet lorsque le moment de basculement atteint la valeur seuil) apparaissent elles aussi dépourvues d’activité inventive au regard de la combinaison précitée des brevets EVANS 2 et KRUGER, dans la mesure où ce dernier enseignait, outre une réduction progressive de la vitesse du bras de levage, le fait que, « à l’approche du moment de charge maximum, la réponse atteint progressivement zéro », ce qui correspond à un arrêt complet lorsque le moment de basculement atteint la valeur seuil.
En revanche, aucun des documents opposés (LINER 1, LINDE, MEYER) par la société MANITOU n’enseigne de manière certaine les caractéristiques additionnelles des revendications 8 et 9 (maintien automatique de la fourche de levage au cours de toute opération de correction de l’actionneur permise) et 10 (algorithme permettant au dispositif de commande d’ignorer les changements transitoires de la charge détectée par le détecteur résultant du changement de la dynamique de la machine ou de la réaction des mouvements du bras de levage initiaux) du brevet EP 065. Ces documents n’auraient pas permis à l’homme du métier de parvenir avec évidence, avec ses connaissances générales et en effectuant de simples opérations, aux caractéristiques divulguées dans ces revendications.
Les revendications 8 à 10 présentent donc une activité inventive.
Sur le brevet EP 965
Portée du brevet EP 965
Ce brevet, intitulé « procédé pour la commande d’une machine de travail », a été déposé le 17 mai 2010, sous le numéro 10162996.2, sous priorité britannique GB 0910617 du 19 juin 2009.
L’invention couvre un procédé de conduite d’une machine de travail possédant un bras de travail pivotable, extensible et inclinable au moyen d’actionneurs tels des vérins hydrauliques, chargé du levage d’une charge, ce qui engendre une instabilité longitudinale lorsque la charge est maintenue en hauteur et/ou éloignée de la structure principale de la machine. Tous types de machines de travail roulantes sont visés, présentant ou non des stabilisateurs, dès lors qu’elles peuvent être entraînées sur le sol et qu’elles ont un bras de travail portant, à une extrémité extérieure, un outil de travail, ce qui inclut a priori tous les appareils de levage, jusqu’aux engins à pelle d’excavation selon le brevet. La société BAMFORD considère que l’homme du métier comprend que ce brevet exclut de fait les grues et machines rotatives à bras orientable, qui fonctionnent quasi- exclusivement sur stabilisateurs. Pourtant, rien dans le brevet ne permet de déduire que le procédé décrit ne pourrait s’appliquer à une machine rotative qui, comme il a déjà été vu liminairement, est soumise comme les autres à un risque de basculement longitudinal et dont il n’est pas démontré qu’elle ne serait utilisée que sur stabilisateurs, étant de surcroît observé (i) que le brevet mentionne en son paragraphe [0006] le brevet GB2390595, priorité du brevet EP 065 qui faisait lui-même référence à un camion avec échelle rotative à nacelle (METZ), et (ii) que l’unique illustration figurant au brevet présente justement une machine sur stabilisateurs. Sur ce point, le tribunal considère, contrairement à l’expert désigné par le juge des référés italien (pièce n° 4.19 MANITOU), que les revendications doivent certes s’interpréter à la lumière des illustrations, mais que celles-ci, présentées comme de simples exemples de mises en oeuvre, ne viennent pas limiter le domaine technique des engins de levage par ailleurs non limité littéralement par le brevet, de sorte que doivent être prises en compte les machines permettant le levage de personnes aussi bien que de charges inanimées.
Il est indiqué que si toutes les machines sont équipées de systèmes de contrôle du moment de charge longitudinal, de fausses indications d’instabilité longitudinale peuvent cependant se produire lorsque la machine subit des forces dynamiques, notamment lors d’une opération de chargement, lors d’une utilisation sur un sol inégal ou lorsque l’appareil de travail heurte le sol, ce qui déclenche de manière brusque les systèmes de contrôle susvisés, avec comme conséquence l’instabilité accrue de la machine en raison de la force d’inertie des composants concernés.
L’invention objet du brevet EP 965 a pour objectif de résoudre ces problèmes de fiabilité et de sécurité, en particulier sur terrain accidenté, en proposant une machine de travail dans laquelle le système de contrôle du moment de charge longitudinal est activé
lorsque la machine est à l’arrêt ou en mouvement mais en-dessous d’une vitesse seuil, tandis que lorsque la machine est en mouvement à une vitesse supérieure à cette vitesse seuil, ce qui est détecté par un capteur de relevé de la vitesse, le système de contrôle du moment de charge longitudinal est désactivé, ce qui évite les fausses indications d’instabilité, sans que cela ne gêne toutefois l’opérateur qui conserve ainsi le contrôle manuel des actionneurs (vérins commandant l’extension et l’inclinaison du bras).
Ce brevet, tel qu’amendé suite à requête en correction accordée le 26 mai 2017, se compose de 13 revendications, dont seules les revendications 1 à 4, 6 à 10 et 13 sont invoquées. Les revendications 2 à 12 sont dépendantes de la revendication 1, qui porte sur un procédé ; la revendication 13, portant sur la machine elle-même, est indépendante.
Revendication 1 (a) un « procédé de conduite d’une machine de travail (10) qui comprend une structure principale (11)
(b) et un bras de travail (14), le bras de travail (14) étant monté pivotable sur la structure principale (11), a une extrémité (13) du bras (14),
(c) le bras de travail (14) étant relevable et abaissable par rapport à la structure principale (11) par un premier dispositif actionneur (12),
(d) et étant extensible par rapport à la structure principale (11) par un second dispositif actionneur (15),
(e) et le bras (14) portant, en service, à son autre extrémité, un outil de travail (16) qui, en service, porte une charge (L),
(f) la machine (10) comprenant, en outre, une structure motrice en engagement avec le sol (21, 22), au moyen de laquelle elle peut être conduite sur le sol,
(g) et la machine ayant un système de commande du moment de charge longitudinal (30, 32, 35, 40) qui est opérationnel automatiquement pour mettre hors service le premier et/ou second dispositif actionneur (12, 15) qui augmenterait l’instabilité longitudinale dans le cas où une instabilité longitudinale prédéterminée de la machine (10) est détectée,
(h) caractérisé en ce que le procédé comprend la détection d’un paramètre en rapport avec la vitesse de déplacement de la machine (10) sur le sol,
(i) et la mise hors service du système de commande du moment de charge longitudinal (30, 32, 35, 40) quand il est déterminé que la machine (10) se déplace à une vitesse supérieure à la vitesse seuil.
Revendication 2 Procédé caractérisé en ce que le bras de travail (14) est un bras de chargement qui est pivoté par rapport à la structure principale pour effectuer un mouvement vers le haut et vers le bas autour d’un axe généralement horizontal (B), à une des extrémités (13) du bras de travail (14) et dans une position arrière sur la structure principale (11), le bras de travail (14) s’étendant vers l’avant au-delà de la structure principale (11) à l’autre extrémité, à laquelle l’outil de travail (16) est prévu, le premier dispositif actionneur (12) s’étendant entre la structure principale (11) et le bras de chargement (14), le premier dispositif actionneur (12) étant extensible pour relever le bras (14) et rétractable pour abaisser le bras (14), le procédé comprenant l’extension ou la rétraction du premier dispositif actionneur (12) et la détection du moment de charge longitudinal.
Revendication 3 Procédé caractérisé en ce que le bras de chargement (14) est télescopique et présente une pluralité de sections de bras (14a, 14b), le second dispositif actionneur (15) s’étendant entre des sections adjacentes (14a, 14b) du bras (14) et ce second dispositif actionneur (15) étant extensible ou rétractable pour étendre ou rétracter le bras de chargement (14), le procédé comprenant l’extension ou la rétraction du second dispositif actionneur (15) et la détection du moment de charge longitudinal.
Revendication 4 Procédé caractérisé en ce que les premier et second dispositifs actionneurs (12, 15) sont prévus dans un circuit hydraulique qui comprend un dispositif à système de commande du moment de charge longitudinal (35), procédé comprenant la conduite du dispositif à système de commande du moment de la charge par rapport à l’axe d’orientation longitudinal (35) sous la commande d’un dispositif de commande (32), afin d’empêcher le flux de fluide hydraulique vers ou depuis l’un ou chacun des dispositifs actionneurs (12, 15), lorsque le système de commande du moment de charge longitudinal (30, 32, 35, 40) est en service et qu’une instabilité longitudinale est détectée, qui est supérieure à l’instabilité longitudinale prédéterminée de la machine.
Revendication 6 Procédé caractérisé en ce que le procédé comprend la détection de la vitesse de la machine sur le sol en détectant le mouvement d’une pièce rotative de la structure motrice en engagement avec le sol (21, 22), pièce qui est en mouvement quand la machine (10) se déplace sur le sol.
Revendication 7 Procédé caractérisé en ce que le procédé comprend la détection du mouvement d’un organe de transmission, afin de déterminer la vitesse de déplacement de la machine (10) sur le sol.
Revendication 8 Procédé caractérisé en ce que le procédé comprend la détection du mouvement d’un parmi un élément d’embrayage, un mécanisme de transmission ou un arbre, afin de déterminer la vitesse de déplacement de la machine (10) sur le sol.
Revendication 9 Procédé caractérisé en ce que le procédé comprend l’envoi d’un signal indicatif de la vitesse de déplacement de la machine (10) à un dispositif de commande (32), le dispositif de commande mettant hors service le système de commande du moment de charge longitudinal (30, 32, 35, 40) lorsque la vitesse de déplacement est constatée être supérieure à la vitesse de seuil.
Revendication 10 Procédé caractérisé en ce que la vitesse de seuil est inférieure à 5 km/h.
Revendication 13 (a) une machine de travail (10) qui comprend une structure principale (11)
(b) et un bras de travail (14), le bras de travail (14) étant monté pivotable sur la structure principale (11), à une extrémité (13) du bras (14),
(c) le bras de travail (14) étant relevable et abaissable par rapport à la structure principale (11) par un premier dispositif actionneur (12)
(d) et étant extensible par rapport à la structure principale (11) par un second dispositif actionneur (15),
(e) le bras (14) portant, en service, à son autre extrémité, un outil de travail (16), qui, en service, porte une charge (L),
(f) la machine (10) comprenant, en outre, une structure motrice en engagement avec le sol (21, 22), au moyen de laquelle elle peut être conduite sur le sol,
(g) et la machine (10) présentant un système de commande du moment de charge longitudinal (30, 32, 35, 40) qui est opérationnel automatiquement pour mettre hors service le premier et/ou le second dispositif actionneur (12, 15) qui augmenterait l’instabilité longitudinale dans le cas où une instabilité longitudinale prédéterminée de la machine (10) est détectée,
(h) caractérisée en ce que la machine (10) comprend, en plus, un détecteur (40) pour détecter un paramètre en rapport avec la vitesse de déplacement de la machine (10) sur le sol et pour fournir à un dispositif de commande un signal indicatif de ce que la vitesse de déplacement de la machine (10) est supérieure ou inférieure à une vitesse de seuil,
(i) et le dispositif de commande (32) mettant hors service le système de commande du moment de charge longitudinal (30, 32, 35, 40) quand il est déterminé que la machine se déplace à une vitesse supérieure à la vitesse de seuil.
Validité du brevet EP 965
La société MANITOU conclut à la nullité du brevet EP 065 pour : (i) défaut de nouveauté au regard de AICHI, qui divulgue l’intégralité des caractéristiques a) à i) de la revendication 1 du brevet litigieux ;
(ii) subsidiairement, défaut d’activité inventive au regard des enseignements du brevet antérieur EP 065, lequel divulgue les caractéristiques a) à g) du brevet litigieux et, combiné avec l’antériorité AICHI résout le problème technique objectif par rapport aux caractéristiques manquantes h) et i) ; (iii) défaut d’activité inventive au regard de MT1740 combinée à la norme EN 15000.
La société BAMFORD remarque d’abord que la délivrance de son brevet a été très rapide, notamment en raison de l’absence d’opposition, ce qui atteste selon elle de sa robustesse. Selon elle, l’antériorité AICHI ne vient aucunement détruire la nouveauté de son brevet, ni ne démontre, même combinée avec son brevet EP 065, l’absence d’activité inventive, pas plus que ne le font d’autres combinaisons d’antériorités. Sur la revendication 1
Selon l’article 54 de la CBE, « Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique ».
Pour être comprise dans l’état de la technique et privée de nouveauté, l’invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
En l’espèce, le brevet japonais AICHI publié le 9 mai 2002 (pièce n° 4.4 MANITOU) décrit une plateforme de travail élévatrice avec bras télescopique équipé d’une nacelle et munie d’un appareil de limitation du moment de charge longitudinal prévu pour prévenir le risque de basculement lorsque le véhicule est à l’arrêt, le brevet précisant cependant que lorsque la machine est en roulage, les vibrations
induites rendent incertaine une détermination correcte du moment de basculement. Pour résoudre cette difficulté, l’invention propose, lorsqu’est détecté un déplacement du véhicule, une désactivation automatique de l’appareil de limitation du moment de charge auquel se substitue, par commutation d’un interrupteur à deux positions, un « appareil de limitation de la plage de travail » qui ne détecte pas le moment de charge longitudinal mais autorise le déplacement du bras selon un rayon d’action possible maximal paramétré à l’avance sur la base de valeurs prédéterminées, fonction de la charge nominale notamment, afin de maintenir une certaine sécurité alors même que la détection du risque de basculement longitudinal est désactivée : « dans le contrôleur 20, un appareil de limitation de moment 20a est prévu en tant qu’appareil de sécurité contre le basculement utilisé lorsque le véhicule est à l’arrêt et d’un dispositif de limitation de plage de travail 20b faisant office de dispositif de prévention de basculement à utiliser quand le véhicule est en mouvement (…) ; le contrôleur 20 détermine si le véhicule à plateforme de travail élévatrice est en mouvement ou à l’arrêt sur la base d’un signal de déplacement ou similaire émis par l’appareil de déplacement 28 et réalise la limitation de fonctionnement du bras 4 par l’appareil de limitation du moment 20b lorsque le véhicule est à l’arrêt et réalise la limitation de fonctionnement du bras par l’appareil de limitation de plage de travail lorsque le véhicule est en mouvement ».
Le problème technique que le brevet AICHI se propose de résoudre, à savoir le « contrôle du fonctionnement du bras ou autre dispositif similaire d’un véhicule automoteur à plateforme de travail en hauteur avec une relativement grande précision et une bonne stabilité (pour éviter le basculement), aussi bien quand le véhicule est stationnaire que quand il est en mouvement » est donc identique à celui rencontré par la société BAMFORD ayant conduit à son brevet EP 965.
Selon la société MANITOU, le brevet AICHI est donc destructeur de nouveauté du brevet EP 965 qu’il vient même perfectionner en conservant un minimum de sécurité là où le brevet de la demanderesse n’offre aucune alternative lorsque le véhicule est en roulage, puisque le moyen de limitation du moment de charge est désactivé et que plus rien ne vient prévenir le risque de basculement.
La revendication 1 précise ainsi la solution offerte : « Dispositif de contrôle de fonctionnement pour un véhicule à plateforme de travail en hauteur comprenant un véhicule capable d’autopropulsion, un bras monté sur ce véhicule qui peut être élevé/abaissé et étendu/rétracté et une plateforme de travail fixée au sommet du bras qui se meut avec l’élévation/abaissement et l’extension/la rétraction du bras, muni d’un moyen de limitation de moment qui détecte le moment de basculement agissant sur le véhicule à partir du bras et de la plateforme de travail, limitant tout fonctionnement du bras qui ferait que ce moment de basculement excéderait un moment admissible,
d’un moyen de contrôle de plage de travail qui détecte la position de la plateforme de travail ou du sommet du bras en fonction du fonctionnement du bras, limitant tout fonctionnement du bras qui ferait que cette position excéderait une plage de travail admissible prédéterminée, d’un moyen de détection de mouvement qui détecte si le véhicule est en mouvement ou non et d’un moyen de commutation qui gère la commutation entre une limitation par le moyen de limitation de moment et une limitation par le moyen de contrôle de plage de travail»
Elle divulgue ainsi a minima les caractéristiques b) à h) de la revendication 1 du brevet EP 965, ce qui n’est du reste pas contesté par la société BAMFORD, celle-ci opposant seulement la non- divulgation des caractéristiques a) et i), notamment en ce que le dispositif de régulation de plage de travail fait selon elle partie intégrante du système de commande du moment de charge longitudinal, ce qui a pour conséquence que lorsqu’il y a commutation, le dispositif de commande, qui empêche le basculement, est, lui, toujours actif ; par suite, AICHI n’enseigne nullement que l’on puisse faire, lorsque la machine roule, a fortiori à une vitesse supérieure à un certain seuil, des mouvements qui ne sont pas autorisés lorsque la machine est à l’arrêt ou roule à une vitesse inférieure à ce seuil.
Il a toutefois été retenu à titre liminaire que les plateformes de levage de personnes, du type de AICHI, ne peuvent être littéralement exclues du domaine technique du brevet EP 965, de sorte que la caractéristique a) se rapportant à une « machine de travail » sera considérée comme divulguée.
En ce qui concerne la caractéristique i), s’il ne peut être contesté que la commutation d’un système anti-basculement (reposant sur la détection du moment de charge longitudinal) à un autre système anti- basculement (reposant sur des mesures géométriques de la position de charge) ne constitue pas une désactivation complète du système général de commande anti-basculement, le tribunal considère cependant que tel n’est pas l’objet de la caractéristique i), qui n’enseigne que « la mise hors service du système de commande du moment de charge longitudinal 30, 32, 35, 40) quand il est déterminé que la machine (10) se déplace à une vitesse supérieure à la vitesse seuil ». Or, si selon l’expert sollicité par le juge des référés italien (pièce n° 4.19 MANITOU), le brevet EP 965 satisferait à la condition de nouveauté par rapport à AICHI en l’absence, dans ce dernier, de désactivation complète du système anti-basculement, le tribunal retient au contraire, à l’instar de ce même expert, que le brevet EP 965 n’enseigne pas que, durant le mouvement de la machine de levage sur le sol, tout système de contrôle visant à empêcher le basculement de la machine de levage soit exclu, mais prévoit uniquement que seul le système de contrôle anti-basculement fonctionnant sur la base des mesures d’un capteur de charge soit exclu, étant donné que seul ce système pourrait induire des mesures fausses ou imprécises du
moment de charge longitudinal instantané de la machine pendant le mouvement de cette dernière sur le sol.
Dès lors, le tribunal considère que l’intégralité des caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 965 sont divulguées par le brevet AICHI et, la revendication indépendante 13 du brevet litigieux ne consistant qu’en la machine mettant en oeuvre le procédé antériorisé, les deux revendications indépendantes du brevet EP 965 seront annulées pour défaut de nouveauté, sans qu’il y ait lieu d’examiner les moyens de la société MANITOU portant sur l’absence d’activité inventive de ces deux revendications.
Sur les revendications dépendantes
En ce qui concerne la revendication dépendante 2 et contrairement à ce que soutient la société MANITOU, AICHI ne la divulgue pas, dans la mesure où il ne mentionne ni avant ni arrière sur le châssis (« véhicule body ») ; il ne ressort toutefois des caractéristiques revendiquées ici aucune activité inventive, le fait que le mouvement de levage et d’abaissement du bras de travail s’effectue « autour d’un axe généralement horizontal, à une des extrémités du bras de travail et dans une position arrière sur la structure principale, le bras de travail s’étendant vers l’avant au-delà de la structure principale à l’autre extrémité, à laquelle l’outil de travail est prévu » ne constituant qu’une mise en oeuvre classique sur une machine de travail, sans plus-value apparente.
La même analyse peut être faite au sujet des revendications 3 (bras télescopique présentant une pluralité de sections de bras permettant de l’étendre ou le rétracter grâce à un second dispositif actionneur, lequel permet également la détection du moment de charge), 4 (contrôle du flux de fluide hydraulique vers ou depuis l’un ou chacun des dispositifs actionneurs, lorsque le système de commande du moment de charge longitudinal est en service et qu’une instabilité longitudinale est détectée) et 9 (envoi au dispositif de commande d’un signal indiquant la vitesse de mouvement supérieure à un certain seuil entraînant la désactivation du système de commande du moment de charge longitudinal), qui sont toutes des caractéristiques d’usage commun et dont la présence apparaît au demeurant nécessaire pour mettre en œuvre la revendication indépendante 1.
Quant aux revendications dépendantes 6, 7, 8 et 10 toutes relatives au calcul de la vitesse de la machine automotrice de levage ainsi qu’aux seuils au-delà desquels le système de commande du moment de charge longitudinal anti-basculement est mis hors service, elles ne démontrent là encore aucune inventivité particulière, mais apparaissent au contraire avoir pu être mises en oeuvre par l’homme du métier, au regard de ses connaissances générales et après quelques essais de routine.
*
Il résulte de ce qui précède que l’intégralité des revendications invoquées par la société BAMFORD de la partie française de son brevet EP 965 doit être annulé pour défaut de nouveauté et d’activité inventive.
Sur la contrefaçon
La société BAMFORD soutient qu’un certain nombre de machines commercialisées par la société MANITOU mettent en oeuvre ses brevets EP 065 et EP 965.
Pour établir la matérialité de cette contrefaçon, la demanderesse s’appuie notamment sur le procès-verbal établi lors des opérations de saisie-contrefaçon diligentées au siège de la société MANITOU du 16 au 17 juin 2017, procès-verbal dont cette dernière soulève la nullité et dont il convient donc d’examiner en premier lieu la validité.
Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon
La société MANITOU sollicite l’annulation des opérations de saisie- contrefaçon diligentées à son siège du 16 au 17 juin 2017, aux motifs que (i) l’huissier a poursuivi les opérations de saisie sans les suspendre après 21 heures et jusqu’à 2H15 le 17 juin 2017, sans autorisation judiciaire et en contravention de l’article 508 du code de procédure civile ; (ii) il a apporté sur le lieu de la saisie un document pré-constitué non autorisé par l’ordonnance ayant autorisé la saisie (liste pré-établie des documents dont la communication était sollicitée par l’huissier, dont certains ne sont pas expressément cités par l’ordonnance) ; (iii) les conseils en propriété industrielle qui l’ont assisté n’étaient pas impartiaux et il a été recouru à un stratagème déloyal (rapport d’expert facialement neutre, mais en réalité rédigé à charge) pour obtenir l’autorisation de saisie-contrefaçon, portant atteinte au droit à un procès équitable ; et (iv) l’intégrité du matériel utilisé pour réaliser les tests et recueillir les preuves de la contrefaçon alléguée n’a pas été assurée, s’agissant notamment d’un multimètre propriété de la requérante et d’un caméscope, un appareil photo et un téléphone portable dont il n’a pas été vérifié qu’ils étaient vides de toute autre prise de vue avant utilisation. Elle considère que ces irrégularités lui ont d’autant plus fait grief qu’elles traduisent une tentative de sa concurrente d’accéder à des informations techniques, financières et commerciales relevant du secret des affaires.
La société BAMFORD répond pour l’essentiel que (i) l’ordonnance présidentielle l’autorisait à procéder aux opérations de saisie- contrefaçon pendant les heures d’ouverture des locaux, et « même après, si besoin est », et que la prolongation des opérations de saisie après 21 heures ne constitue pas une violation des règles de procédure civile ; (ii) le document pré-établi litigieux était un simple aide-mémoire que l’huissier avait préparé pour ne rien oublier lors des opérations de saisie et résumant de manière simple et lisible les informations qu’il était habilité à recueillir en vertu de l’ordonnance présidentielle ; (iii) les conseils en propriété industrielle assistant l’huissier au cours des opérations de saisie-contrefaçon, s’ils doivent être indépendants, n’ont pas à voir leur impartialité contrôlée dans ce cadre, et en tout état de cause, le fait que les conseils querellés ont établi un rapport d’analyse sur les caractéristiques du produit incriminé, en amont de leur participation à la saisie, ne les rend pas impartiaux ; et (iv) l’ordonnance du 2 juin 2017 autorisait expressément la venue de l’huissier avec du matériel de mesure externe au saisi et en l’absence d’inscription de faux, les constatations du procès-verbal ne peuvent être remises en cause.
Sur ce,
La saisie-contrefaçon, mesure dérogatoire au droit commun, suppose pour être régulière qu’elle soit exécutée dans le strict respect des termes de l’ordonnance et de la loi. A défaut, elle est susceptible d’être affectée d’une nullité pour vice de fond, régie par les dispositions de l’article 117 du code de procédure civile, qui ne nécessite pas pour être admise que soit rapportée la preuve d’un grief. L’huissier est par ailleurs tenu de respecter les obligations qui sont les siennes issues de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 fixant le statut des huissiers et de veiller au respect du principe du droit au procès équitable, consacré par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui s’étend aux conditions dans lesquelles les moyens de preuve sont collectés.
En l’espèce, l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, délivrée sur requête le 2 juin 2017, a été signifiée le 16 juin 2017 à 9H10, donc dans les horaires légaux de signification des actes prévus à l’article 644 du code de procédure civile (soit entre 6H et 21H). Cette ordonnance disposait par ailleurs qu’il serait procédé aux opérations de saisie-contrefaçon « pendant les heures d’ouverture des locaux, et même après, si besoin est », de sorte que le fait que les opérations débutées le 16 juin 2017 au matin pouvaient se prolonger régulièrement après 18H, heure de fermeture affichée, d’autant plus qu’il est établi que la société MANITOU n’a mis à disposition de l’huissier un opérateur à même de manipuler les machines présentes sur place qu’à compter de 16H54. Les dispositions de l’article 508 du code de procédure civile auxquelles fait référence la défenderesse ne s’appliquent qu’à l’exécution des jugements, tandis que l’article L. 141- 1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit expressément que seul le commencement d’une mesure d’exécution doit avoir lieu avant 21H, la poursuite des opérations entamées dans les horaires légaux pouvant se poursuivre au-delà.
Pour autant, en ce qu’elle est une mesure extrêmement contraignante s’apparentant à une mesure de perquisition civile, une saisie-
contrefaçon doit obéir à certaines précautions et notamment garantir au saisi le respect des droits de la défense. Dès lors qu’il était possible à l’huissier, au vu de la durée de la saisie et de l’heure tardive, de suspendre les opérations pour les reprendre le lendemain matin, sans qu’un risque de dépérissement des preuves éventuelles ne soit raisonnablement encouru, s’agissant de constats à effectuer quant à la manipulation d’engins de chantier de plusieurs tonnes dont il avait constaté la présence et sur lesquels il avait au demeurant la possibilité de placer des scellés, et alors même que l’officier ministériel constatait lui-même que son interlocutrice n’était plus en mesure de fournir les informations sollicitées compte tenu de l’heure tardive et du départ de ses collaborateurs, rien ne justifie que les opérations entamées le 16 juin 2017 au matin se soient poursuivies jusqu’à 2H15 dans la nuit du 17 juin 2017, et en particulier que le procès-verbal de constat ait été rédigé et soumis à relecture du saisi à 22H20, après plus de 14 heures d’opérations ininterrompues, les représentants de la société MANITOU étant en conséquence retenus sur place bien au-delà de la durée légale du travail et la contrainte exercée sur leur personne étant de nature à entraver les droits de la défense. Ce d’autant plus que, comme le relève la société BAMFORD elle-même, aucune disposition légale n’impose à l’huissier de remettre au saisi, à peine de nullité, une copie du procès-verbal immédiatement, à l’issue des opérations.
Il s’ensuit la nullité du procès-verbal de contrefaçon du 17 juin 2017, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soutenus par la société MANITOU au soutien de sa demande en annulation.
Il sera en conséquence ordonné, selon dispositions détaillées au dispositif, la destruction dudit procès-verbal ainsi que la restitution des éléments saisis, et il sera fait interdiction à la société BAMFORD d’utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l’étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16- 17 juin 2017, ainsi que l’ensemble des éléments saisis.
Sur la matérialité de la contrefaçon
La société BAMFORD soutient que les machines querellées, plus particulièrement les engins MT 1440, MT 1840, MLT 733-105, MLT 634, MLT 731, MLT 735, MLT 741 et MLT 1035, contrefont l’ensemble des revendications de la partie française de son brevet EP 065 ainsi que les revendications 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10 et 13 de la partie française de son brevet EP 965, comme en attestent selon elle les déclarations de la société MANITOU elle-même dans des articles de presse et les manuels d’utilisation de ses machines, mais également, au-delà de la saisie-contrefaçon, les différentes expertises privées qu’elle a fait réaliser.
Rappelant que la contrefaçon ne peut être établie par de simples raisonnements spéculatifs mais doit être démontrée par des mesures précises, la société MANITOU considère que ne sont pas probants les rapports d’expertises privées diligentées par la demanderesse et conteste toute reproduction des caractéristiques essentielles des brevets litigieux (i) en l’absence de réduction progressive de vitesse, (ii) en l’absence de preuve de la régulation de la valve proportionnelle par l’extensomètre, et (iii) du fait qu’un extensomètre ne reproduit ni littéralement ni par équivalence un détecteur de charge sur l’essieu arrière. Il suffit que l’une des caractéristiques essentielles soit absente pour écarter la contrefaçon. Elle soutient en tout état de cause avoir modifié la configuration du dispositif de LLMC utilisé par ses machines en juillet-août 2017, et que celle nouvelle configuration n’est pas contrefaisante, comme le confirment les tests réalisés par le LNE et le CETIM en 2018, ainsi que ceux diligentés par la société BAMFORD en 2019.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, « Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : a) La fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ; b) L’utilisation d’un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l’utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l’offre de son utilisation sur le territoire français; c) L’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet ».
Et l’article L. 615-1 alinéas 1 et 2 du même code dispose que « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu’ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon. La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur ».
L’intégralité des revendications arguées contrefaites de la partie française du brevet EP 965 ayant été invalidées, de même que les revendications 1 à 7 et 10 à 13 de la partie française du brevet EP 065, seule une éventuelle contrefaçon des revendications 8 à 10 dépendantes devenues indépendantes, suite à invalidation de la revendication 1, dudit brevet sera examinée.
En l’espèce, les éléments provenant des opérations de saisie- contrefaçon ne peuvent être opposés, le procès-verbal du 17 juin 2017 ayant été annulé. La société BAMFORD fait néanmoins valoir des articles de presse, les manuels d’utilisation des machines alléguées contrefaisantes, ainsi que les différents tests poursuivis en avril et novembre 2017 en présence de ses propres conseils en propriété industrielle et les 30 mai et 4 juillet 2018 par le LNE.
Toutefois, les articles de presse versés aux débats (pièces n° 3.16 BAMFORD) font état pour l’un de la mise en oeuvre sur les machines MANITOU d’un « système de ralentissement progressif et régulé du bras, dont la vitesse est adaptée en fonction de la charge qui est manipulée », pour l’autre : « Avant que la flèche arrive en limite de charge, les mouvements deviennent progressifs. Une fois la limite atteinte, seule la rentrée et le levage de la flèche pour reporter du poids sur le télescopique sont alors possibles. Cette limite de charge est définie par un capteur de type jauge de contrainte placé sur l’essieu arrière de l’engin. Il est possible de passer outre la sécurité et aller au- delà ». Ils ne renseignent donc ni sur un éventuel maintien automatique de la fourche de levage (revendications 8 et 9), ni sur la présence d’un algorithme tel qu’enseigné par la revendication 10 du brevet EP 065.
La même conclusion peut être tirée des extraits des manuels d’utilisation produits, régulièrement achetés par la demanderesse (pièces n° 3.17.1 à 3.17.7 BAMFORD), qui font seulement état d’un ralentissement progressif du bras de levage et d’une déconnexion de la fonction coupure des mouvements « aggravants » en cas de « vitesse lente, entre 1 à 5 km », ou des manuels d’atelier et catalogues de pièces versés par la demanderesse (pièces n° 3.17.5 à 3.17.7) ou encore du manuel d’atelier analysé dans son rapport par le LNE (pièce n° 3.19.5 BAMFORD), qui confirment certes la présence d’une valve proportionnelle de réduction de débit, mais ne disent rien des trois revendications litigieuses.
En revanche, les rapports d’expertise privée des 26 et 27 avril 2017 (pièce n° 3.2 BAMFORD) et des 8 et 9 novembre 2017 (pièce n° 3.15 BAMFORD), en ce compris les vidéos annexées, établissent pour leur part la présence sur les machines testées d’un troisième vérin hydraulique, ou troisième actionneur, servant à maintenir l’attitude de la charge par rapport au sol lors des actions correctrices, de même que les rapports des tests réalisés par le LNE les 30 mai et 4 juillet 2018 (pièces n° 3.19.2 à 3.19.4 BAMFORD), en ce compris les vidéos jointes, démontrent suffisamment que l’inclinaison de l’outil de travail, à savoir une fourche de chargement (mode opératoire – pièce n° 3.19.1 BAMFORD), est commandé par un troisième actionneur et que l’assiette de la charge est maintenue au cours des actions correctrices (levée du bras ou réduction de l’allongement du bras), de sorte que la contrefaçon des revendications anciennement dépendantes 8 et 9 du brevet EP 065 est établie pour les machines testées.
En ce qui concerne la revendication anciennement dépendante 10, les rapports de tests réalisés par le LNE ne permettent pas d’en établir la reproduction, ces tests n’ayant porté que sur la mise en évidence des deux uniques caractéristiques suivantes: Caractéristiques n°1 : avant d’être interrompue par le système de coupure, la descente du bras est contrôlée pour être ralentie
progressivement grâce à l’action d’un dispositif de commande sur une valve proportionnelle qui alimente le vérin de levage du bras. Des actions correctrices (telles qu’élever ou rétracter le bras) sont autorisées ; l’assiette de la charge est maintenue au cours de telles actions correctrices.
Caractéristiques n°2 : le système de coupure fonctionne lorsque le véhicule est à l’arrêt, mais lorsque le véhicule dépasse une vitesse seuil (potentiellement 0 km/h), les mouvements de descente ou d’extension du bras sont à nouveau autorisés.
Et les rapports d’expertise privée précités, contrairement aux conclusions que leurs auteurs en tirent (pages 22 et 26 respectivement), n’établissent pas plus avec une certitude suffisante que le dispositif de commande fonctionnerait selon un algorithme qui permet au dispositif de commande d’ignorer les changements transitoires de la charge détectée par le détecteur résultant du changement de la dynamique de la machine ou de la réaction des mouvements du bras de levage initiaux : si le graphique représenté en annexe 11.D de chacun des deux rapports fait état d’oscillations importantes de la masse calculée par le détecteur de moment de charge, que la société BAMFORD interprète comme caractéristiques d’un régime transitoire, il ne peut pour autant être déduit que l’absence de coupure du mouvement du bras de levage qu’aurait dû induire le passage temporaire de la masse calculée en-dessous de la valeur seuil (masse limite) révélerait de manière évidente la présence d’un algorithme programmé pour ignorer de tels changements transitoires, notamment en l’absence des conditions de calcul de la masse présentée comme limite et de celles de la masse recalculée.
En définitive, seule sera donc retenue comme suffisamment établie la contrefaçon des revendications 8 et 9 du brevet EP 065 pour les seules machines testées, à savoir des machines MT1440, MT1840 et MLT 733-105, à tout le moins dans la Configuration 1, étant observé que même si certaines machines ont été fabriquées en 2011, à une date pour lesquelles les demandes en contrefaçon seraient prescrites, ces machines étaient manifestement toujours disponibles à la location en 2017.
Il ne peut en revanche être tiré aucune conclusion concernant les autres modèles de chariots téléscopiques commercialisés par la société MANITOU, étant au demeurant observé d’une part que seules les machines offrant la possibilité d’utiliser une fourche en guise d’outil de travail sont en tout état de cause susceptibles de contrefaire les revendications 8 et 9 précitées, d’autre part que la société BAMFORD ne soutient pas explicitement que la nouvelle configuration adoptée par la société MANITOU en remplacement de la Configuration 1 présente sur les machines testées serait contrefaisante.
Sur les mesures réparatrices indemnitaires sollicitées
La société BAMFORD considère avoir souffert d’un préjudice considérable du fait des actes de contrefaçon, qui l’ont empêché de profiter durant des années de l’avantage concurrentiel qu’elle était en droit d’attendre de ses brevets. Elle sollicite en conséquence, outre des mesures d’interdiction sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard, de rappel et placement sous séquestre en vue de leur confiscation de l’ensemble des engins livrés et encore en circulation et de publication judiciaire, un droit d’information et la mise en place d’une mesure d’expertise assortie du versement d’une provision d’un montant de 190 000 000 euros, correspondant à l’évaluation faite par la société SORGEM EVALUATION pour la période courant de mai 2012 (soit cinq ans avant l’assignation) jusqu’à mars 2019 (date à laquelle la société MANITOU prétend avoir cessé la commercialisation des machines équipées du système LLMC litigieux). Elle demande par ailleurs la somme de 400 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Selon la société MANITOU, la méthode d’évaluation de son préjudice retenue par la demanderesse est totalement contestable et disproportionnée, le principe de la « Smallest Salable Patent Practicing Unit » devant s’appliquer en l’espèce. Elle en conclut à un montant moyen d’indemnisation de 1 905 625 euros pour les deux brevets, sur la période allant du 5 mai 2012 au 23 août 2017 au plus tard (date de l’adoption de la nouvelle configuration non contrefaisante). Elle considère par ailleurs non pertinentes les mesures de publication comme d’interdiction, dans la mesure où elle a déjà adopté une configuration de son dispositif LLMC non contrefaisante, et disproportionné un éventuel rappel des machines déjà en circulation, une campagne de mise à jour de la configuration du LLMC étant une mesure alternative suffisante le cas échéant. La société MANITOU demande reconventionnellement au tribunal qu’il soit fait interdiction à la société BAMFORD de communiquer sur internet ou sur tout support de communication sur le jugement à venir autrement qu’en publiant le dispositif entier dudit jugement et en mentionnant les voies de recours. Elle sollicite en outre la somme de 400 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».
En outre, l’article L. 615-7-1 du même code dispose : « En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur ».
En l’espèce, le brevet EP 965 ayant été invalidé dans son intégralité, tout comme la majeure partie du brevet EP 065, notamment sa revendication principale 1, les prétentions indemnitaires de la société BAMFORD devront être ramenées à des montants sans commune mesure avec les sommes initialement demandées au titre de la contrefaçon intégrale des deux brevets invoqués. En particulier, l’assiette de réparation au titre du gain manqué comme des bénéfices indus ne saurait être constituée de l’intégralité du chiffre d’affaires dégagé par la société MANITOU sur la période litigieuse, les revendications contrefaites ne pouvant à l’évidence être considérées comme participant pour une part déterminante du prix des machines comme du choix de leur acheteur.
L’expert sollicité par la société MANITOU (pièce n° MANITOU) a lui- même, en se fondant sur la méthode de la part contributive, évalué le préjudice actualisé de la demanderesse à un maximum de 2 405 625 euros si l’intégralité des revendications principales et dépendantes du brevet EP 065 avaient été déclarées contrefaites par l’ensemble des machines commercialisées par la défenderesse.
Compte tenu du caractère très résiduel des caractéristiques reconnues contrefaites par trois modèles de machines de la société MANITOU, donc de leur part contributive, sur une période courant de mai 2012 (soit cinq ans avant la date de l’assignation) au 23 août 2017 (date la plus récente à laquelle l’ancienne Configuration reconnue partiellement contrefaisante a été remplacée sur toutes les machines MANITOU par une nouvelle configuration, laquelle n’est pas soutenue comme étant contrefaisante par la demanderesse), le tribunal estime être en mesure, sans qu’il apparaisse nécessaire de recourir à une expertise ni de solliciter la communication d’informations supplémentaires, de fixer le préjudice commercial et moral subi par la société BAMFORD à la somme de 150 000 euros.
Par ailleurs, aucune mesure d’interdiction de commercialisation ni de rappel des engins litigieux n’apparaît nécessaire ni proportionnée au regard là encore du caractère résiduel de l’effet technique produit par les revendications contrefaites, ce d’autant plus que rien n’établit qu’une modification de la configuration dans laquelle se trouvent paramétrées les machines MANITOU depuis août 2017 serait possible sans retour chez le constructeur. Il sera en revanche fait interdiction à la société MANITOU de commercialiser toute machine équipée d’un dispositif contrefaisant lesdites revendications, dans le cadre de l’ancienne Configuration 1 ou dans toute autre configuration.
La contrefaçon n’étant pas explicitement soutenue selon la nouvelle configuration des machines adoptée depuis août 2017 par la société MANITOU, la mesure de publication judiciaire sollicitée n’apparaît pas opportune ni justifiée et ne sera pas prononcée. *
La défenderesse, qui succombe pour partie, supportera la charge des dépens et ses propres frais.
La demanderesse conservera en revanche à sa charge les frais de saisie-contrefaçon annulée, ainsi que les frais engagés pour la réalisation des rapports d’expertise privée et tests LNE, non autorisés judiciairement.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. La demanderesse ayant vu la grande majorité de ses prétentions rejetées et ses deux brevets partiellement annulés, la société MANITOU ne sera condamnée, en équité, à prendre en charge les frais irrépétibles supportés par la société BAMFORD qu’à hauteur de 50 000 euros.
L’exécution provisoire étant justifiée au cas d’espèce et compatible avec la nature du litige, elle sera ordonnée, à l’exclusion de la destruction du procès-verbal de saisie annulé.
***
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
— DIT nulles pour défaut d’activité inventive les revendications 1 à 7, 11 et 12 de la partie française du brevet EP 1 532 065 dont est titulaire la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited ;
— DIT nulles pour défaut de nouveauté les revendications 1 et 13 et pour défaut d’activité inventive les revendications 2 à 4 et 6 à 10 de la partie française du brevet EP 2 263 965 dont est titulaire la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited ;
— DIT que la présente décision, une fois définitive, sera transmise à l’INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l’initiative de la partie la plus diligente, et aux frais de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited ;
— DIT nulle la saisie-contrefaçon réalisée les 16 et 17 juin 2017 dans les locaux de la société MANITOU BF, y compris le procès-verbal de saisie et toutes ses annexes ;
— ORDONNE en conséquence : •la restitution des éléments saisis, qu’ils soient en possession de l’huissier instrumentaire, de la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, •la destruction par la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16 et 17juin 2017 et de l’ensemble des copies des éléments saisis, à ses frais, •l’interdiction à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited d’utiliser ou de communiquer, quelle que soit la procédure en France ou à l’étranger, le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16- 17 juin 2017, ainsi que l’ensemble des éléments saisis ;
— DIT que la société MANITOU BF S.A., en fabriquant, offrant, mettant dans le commerce, vendant, utilisant, important, exportant ou détenant aux fins précipitées les machines référencées MT1440, MT1840 et MLT 733-105 dans la Configuration 1 a commis des actes de contrefaçon des revendications 8 et 9 de la partie française du brevet EP 1 532 065 dont est titulaire la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited ;
en conséquence,
– FAIT INTERDICTION à la société MANITOU BF S.A. directement ou indirectement par toute personne physique ou morale, de fabriquer, d’offrir, mettre sur le commerce ou vendre, d’utiliser, d’importer, d’exporter ou détenir aux fins précipitées, sur le territoire français, des engins reproduisant les caractéristiques des revendications 8 et 9 de
la partie française du brevet EP 1 532 065, et ce sous astreinte de 1 000 (mille) euros par jour de retard, passé le délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, l’astreinte courant sur six mois ;
— SE RÉSERVE la liquidation de l’astreinte précitée ;
— CONDAMNE la société MANITOU BF S.A. à payer à la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited la somme de 150 000 (cent cinquante mille) euros en réparation de son préjudice moral et commercial ;
— DÉBOUTE la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited de ses demandes de publication judiciaire, rappel et destruction, production forcée de documents et expertise judiciaire ;
— CONDAMNE la société MANITOU BF S.A. à verser à la société la société J.C. BAMFORD EXCAVATORS Limited la somme de 50 000 (cinquante mille) euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— CONDAMNE la société MANITOU BF S.A. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Marina C, par application de l’article 699 du code de procédure civile ;
— ORDONNE l’exécution provisoire, sauf en ce qui concerne la destruction du procès-verbal de saisie-contrefaçon des 16 et 17 mars 2017.
Le Greffier, Le Président