Demande infructueuse de journalistes

La transparence n’est pas de droit sur les indemnités et dépenses des eurodéputés. Dans les affaires  T-639/15 à T-666/15 (décisions non publiées), le TPUE a validé le refus du Parlement européen d’accorder à des journalistes l’accès aux documents relatifs aux indemnités journalières, aux indemnités de frais de voyage et aux indemnités d’assistance parlementaire des eurodéputés (plus de quatre millions de documents pour l’ensemble des demandes).

Transparence v/ Données personnelles

Le Parlement était fondé à invoquer un refus en raison i) de données personnelles présentes dans les documents concernés, ii) de l’absence de nécessité de leur transfert. Pour rappel, en 2015, plusieurs journalistes et associations de journalisme ont demandé au Parlement européen l’accès aux documents relatifs aux indemnités journalières, aux indemnités de frais de voyage et aux indemnités d’assistance parlementaire des eurodéputés. Ces demandes ont toutes été rejetées par le Parlement, de même que les demandes confirmatives qui ont suivi. Les personnes concernées ont saisi le Tribunal de l’Union européenne pour demander l’annulation des décisions du Parlement.

Les juges européens ont considéré que les institutions de l’Union peuvent refuser l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, cette règle devant être mise en œuvre en conformité avec la législation de l’Union sur la protection des données à caractère personnel. Les données à caractère personnel s’entendent comme toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Or, l’ensemble des documents sollicités contiennent des informations concernant des personnes physiques identifiées (à savoir les eurodéputés), la qualification de ces informations de données à caractère personnel ne pouvant être exclue du simple fait qu’elles sont liées à des donnés publiques sur ces personnes.

Communication de données partiellement personnelles

Par ailleurs, l’accès aux documents contenant des données à caractère personnel peut néanmoins être accordé si le demandeur démontre la nécessité du transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée. La première de ces deux conditions cumulatives (nécessité du transfert des données sollicitées) n’était pas remplie en l’espèce. En effet, les journalistes ne sont pas parvenus à démontrer en quoi le transfert des données personnelles en cause serait nécessaire pour assurer un contrôle suffisant des dépenses engagées par les membres du Parlement pour exercer leur mandat, en particulier pour pallier les insuffisances alléguées des mécanismes de contrôle existants de ces dépenses. La volonté d’instaurer un débat public ne suffit pas à démontrer la nécessité du transfert des données personnelles, dans la mesure où un tel argument se rattache uniquement à la finalité de la demande d’accès aux documents. Enfin, les journalistes n’ont pas démontré le caractère approprié et proportionné de ce transfert au regard de l’objectif poursuivi.

Quid de l’anonymisation ?

Sur l’argument selon lequel le Parlement aurait pu occulter les données à caractère personnel dans les documents sollicités et accorder ainsi un accès partiel à ces documents, les juges ont  considéré que la divulgation d’une version des documents sollicités expurgés de toutes les données personnelles (dont le nom des eurodéputés) aurait privé l’accès à ces documents de tout effet utile, étant donné qu’un tel accès n’aurait pas permis aux demandeurs d’exercer un suivi individuel des dépenses des membres du Parlement au vu de l’impossibilité de rattacher les documents sollicités aux personnes concernées. L’occultation de toutes les données à caractère personnel dans les documents sollicités impliquait également une charge administrative excessive eu égard au volume des documents sollicités.