COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 novembre 2017
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 1351 F-D
Pourvoi n° G 16-22.289
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société La BCD du son, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 16 juin 2016 par la cour d’appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l’opposant à la société RDBP, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 19 septembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme de Cabarrus, conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme de Cabarrus, conseiller référendaire, les observations de la SCP Caston, avocat de la société La BCD du son, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société RDBP, l’avis de Mme X…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 16 juin 2016), que la société RDBP a commandé des prestations d’ingénierie du son à la société La BCD du son (la société La BCD), pour les représentations d’un spectacle, dans le cadre d’un contrat à exécution successive au cours de la période de janvier à juin 2014 ; que par courrier électronique du 11 février 2014, elle a mis fin à ce contrat avant son terme, reprochant à la société La BCD des problèmes de qualité du son fourni ainsi que des difficultés relationnelles avec son gérant ; que celle-ci a assigné la société RDBP en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement des articles 1147 et 1184 du code civil ;
Attendu que la société La BCD fait grief à l’arrêt de dire qu’elle porte la responsabilité de la rupture commerciale et que cette rupture n’est ni fautive ni abusive et en conséquence de rejeter ses demandes dirigées contre la société RDBP alors, selon le moyen :
1°/ que la résolution unilatérale et immédiate du contrat n’est justifiée qu’en cas de manquement d’un cocontractant à ses obligations contractuelles et pour autant que le manquement reproché soit suffisamment grave pour justifier une telle sanction ; qu’en considérant, pour dire que la société La BCD portait la responsabilité de la rupture commerciale et que cette rupture n’était ni fautive, ni abusive, que les reproches faits à M. Y…, gérant de la société La BCD, étaient avérés par les différents courriers électroniques et attestations versés aux débats, qu’il n’était pas établi que la société La BCD avait remédié aux problèmes de son tandis que l’affichage du courriel du 1er février 2014 n’avait fait qu’envenimer la situation et les relations entre chacun, ce qui était nécessairement préjudiciable dans le cadre d’un tel spectacle en équipe, inscrit dans la durée, et que ces problèmes relatifs au son, la réaction néfaste du gérant de la société La BCD ainsi que ses difficultés relationnelles avec certains coproducteurs et artistes du spectacle G… des bois, dans le cadre d’un contrat marqué par l’importance de l’intuitu personae, caractérisaient la gravité du comportement de la société La BCD, qui avait rendu impossible le maintien des relations contractuelles entre les parties et avait justifié la résiliation unilatérale du contrat par la société RDBP, sans rechercher, par référence aux documents contractuels ayant déterminé les engagements des parties et dont elle avait relevé qu’il s’agissait de contrats à exécution successive et à durée déterminée, en quoi ces faits contrevenaient aux obligations souscrites par la société La BCD lors de son adhésion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que la résolution unilatérale et immédiate du contrat n’est justifiée qu’en cas de manquement d’un cocontractant à ses obligations contractuelles et pour autant que le manquement reproché soit suffisamment grave pour justifier une telle sanction ; qu’en se déterminant de la sorte, sans également rechercher dans quelle mesure l’absence de reproche fait à la société La BCD par la société RDBP, qui l’avait sollicitée comme étant satisfaite par son travail d’ingénierie du son sur le spectacle G… des bois à Paris et pour sa tournée du même spectacle en province, à Rouen puis Lille, ce qui résultait encore du « show report », retour de la production sur les représentations, ne faisant état d’aucune difficulté, n’exonérait pas la société La BCD de tout manquement grave ayant rendu impossible le maintien des relations contractuelles entre les parties et justifié la rupture litigieuse et ne rendait pas cette rupture injustifiée comme brutale, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ que la résolution unilatérale et immédiate du contrat n’est justifiée qu’en cas de manquement d’un cocontractant à ses obligations contractuelles et pour autant que le manquement reproché soit suffisamment grave pour justifier une telle sanction ; qu’en ne recherchant pas plus si la société RDBP ne pouvait se prévaloir d’une quelconque faute, ni a fortiori d’une faute grave, dans la mesure où elle n’avait jamais fait précisément état de reproches formulés à l’encontre de la société La BCD, puisque le courriel du 11 février 2014 se contentait de faire référence à « un comportement inacceptable envers certains artistes et l’un de nos coproducteurs », à savoir le fait qu’à Lille, M. Y…, gérant de la société La BCD, aurait « dépassé les bornes de ce qu’on peut accepter » sans que l’auteur n’ait été témoin des faits litigieux, ceux-ci lui ayant été rapportés, outre que les reproches invoqués n’avaient même pas été adressés directement au principal cocontractant évincé, de sorte que ces circonstances caractérisaient le caractère brutal de la rupture litigieuse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
4°/ que la résolution unilatérale et immédiate du contrat n’est justifiée qu’en cas de manquement d’un cocontractant à ses obligations contractuelles et pour autant que le manquement reproché soit suffisamment grave pour justifier une telle sanction ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait sans, enfin, rechercher si la société RDBP était particulièrement consciente de sa faute puisque c’est elle qui avait provoqué un entretien avec M. Y…, gérant de la société La BCD, afin de tenter de trouver un terrain d’entente sur l’indemnisation liée à la rupture des relations contractuelles et émis une proposition d’indemnisation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu’après avoir énoncé que la rupture d’un contrat à durée déterminée est admise s’il est établi que le cocontractant a eu un comportement grave de nature à la justifier, et constaté que la société La BCD s’était engagée à fournir des prestations d’ingénierie du son, l’arrêt relève que les griefs invoqués par la société RDBP dans ses courriels des 1er et 11 février 2014, relatifs à la médiocre qualité du son et au non-respect de certaines consignes lors des représentations, sont avérés, et qu’il est également établi que le gérant de la société La BCD avait des difficultés relationnelles avec des co-producteurs du spectacle et qu’il avait adopté, à la réception du courriel du 1er février 2014, un comportement préjudiciable dans le cadre d’un contrat marqué par l’importance de l’intuitu personae et d’un tel spectacle en équipe, inscrit dans la durée ; qu’il retient encore que la gravité des manquements de la société La BCD a rendu impossible le maintien des relations contractuelles entre les parties et a justifié la résiliation unilatérale et rapide du contrat par la société RDBP ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a ainsi effectué les recherches invoquées par les première et troisième branches et qui n’avait pas à effectuer celle, inopérante, mentionnée par la deuxième branche, ni celle invoquée par la quatrième branche, qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;