Dépendance économique : 7 février 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-22.373

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Dépendance économique : 7 février 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 15-22.373

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 février 2018

Rejet non spécialement motivé

M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10142 F

Pourvoi n° D 15-22.373

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. Jacques Y…, domicilié […]                      ,

contre l’arrêt rendu le 28 mai 2015 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à la société Inovan GmbH & CO, venant aux droits de la société Prym Inovan France, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […]                                            ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z…, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Dumont, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. Y…, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Inovan GmbH & CO ;

Sur le rapport de Mme Z…, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. Y…

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT PARTIELLEMENT CONFIRMATIF ATTAQUÉ D’AVOIR jugé que le licenciement de l’exposant reposait sur une cause réelle et sérieuse, que la société Prym Inovan France n’avait pas manqué à son obligation de reclassement et que l’exposant avait bénéficié d’un tropperçu de salaire et en conséquence d’avoir débouté l’exposant de l’intégralité de ses demandes et de l’avoir condamné à verser à la société Prym Inovan France une somme au titre du remboursement d’un trop-perçu sur son salaire de septembre 2012 ;

AUX MOTIFS QUE sur le licenciement, que la lettre de licenciement du 18 septembre 2012 fixant les limites du litige dont le contenu est intégralement reproduit dans les conclusions du salarié expose notamment que : le motif économique est le refus de la modification du contrat de travail (reprise du contrat par la société mère Inovan), faisant suite à la fermeture de Prym Inovan France, que le secteur de l’automobile dont dépend l’activité traverse depuis plusieurs années une crise sans précédent qui s’est accrue en 2008, ces difficultés ont conduit à adopter des mesures afin d’assurer l’avenir de la société réductions de salaires, le groupe prévoit de réduire le nombre de salariés notamment en Allemagne, la situation économique ne s’améliorant pas, il a été décidé de fermer Prym Inovan France, que compte tenu de la fermeture de la société, il ne peut être fait application d’un critère d’ordre, et d’un reclassement interne, que la société n’a reçu aucune réponse à la proposition de reclassement à l’étranger en date du 30 août 2012, l’absence de réponse vaut refus du salarié, aucun autre poste disponible n’a pu être identifié, le licenciement pour motif économique est notifié à titre conservatoire ; qu’en application des dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, que cette liste n’est pas limitative ; que la cessation d’activité totale de l’entreprise constitue un motif économique de licenciement quand elle n’est pas due à une légèreté blâmable, une faute ou une fraude de 1’employeur ; que le refus d’une modification du contrat de travail pour motif économique tenant à la cessation d’activité exercée par une filiale en cas de co-emploi ne peut constituer un motif économique réel et sérieux que si l’employeur établit que le secteur d’activités du groupe au sein duquel la filiale exploite son activité était confronté à des difficultés économiques au sens de l’article L 1233-33 du code du travail ; que l’existence éventuelle d’une situation de co-emploi conditionne l’issue du litige et n’est pas indifférente ; qu’il résulte de la jurisprudence de la cour de cassation que hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que si l’associé unique depuis l’année 2006 de la société Prym Inovan France, la société Inovan Gmbh détient la totalité du capital social, il n’est établi par aucune pièce que cette dernière s’immisçait dans la gestion de sa filiale ; que le seul fait que les clients soient communs aux deux sociétés n’est pas suffisant ; que les deux commandes de clients transmises directement à la société mère produites par le salarié, et les deux virements de fonds de celle-ci vers le compte de la filiale ne caractérisent pas une dépendance économique totale de la filiale ; qu’il ressort en revanche du bilan de la société Prym Inovan France que celle-ci connaissait une activité régulière autonome et avait un chiffre d’affaires significatif ; que la société Prym Inovan France avait engagé des salariés dont rien ne démontre qu’ils étaient subordonnés à la société mère et dépendaient de celle-ci ; qu’au vu de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas établi qu’il existait entre la société Inovan Gmbh et la société Prym Inovan France une confusion d’intérêts, d’activités et de direction caractérisant un co-emploi ; que la lettre de licenciement expose comme motif de rupture le refus de modification du contrat de travail suite à une cessation d’activité de la filiale ; que la société Prym Inovan France subissait en 2011 une perte de chiffre d’affaires de 35 % par rapport à l’exercice précédent et le résultat net de l’exercice était de – 22 362 € alors que le résultat net de l’exercice précédent était de + 98 265 € ; que ces éléments constituent des données chiffrées objectives excluant toute légèreté blâmable ou comportement frauduleux de l’employeur ; que la société Prym Inovan France a cessé toute activité à l’époque du licenciement, peu important qu’elle ait été dissoute postérieurement le 19 mars 2013 ; que la modification du contrat de travail était dès lors justifiée par un motif économique tenant à la cessation définitive de l’activité de la société Prym Inovan France ; qu’en raison du refus manifesté par M. Y… le 10 juillet 2012 de la proposition de modification du contrat de travail, le licenciement pour motif économique est réel et sérieux ; qu’en raison de la cessation d’activité, aucun reclassement sur un poste disponible dans la société Prym Inovan France ne pouvait être proposé au salarié ; que l’employeur justifie avoir recherché un poste auprès d’une filiale française qui n’était pas inclus dans le même secteur d’activités ;
que cette société a répondu qu’elle n’avait aucun poste disponible ; que l’employeur par lettre du 30 août 2012 a demandé au salarié s’il accepterait un reclassement à l’étranger dans une entreprise du groupe, qu’il est précisé qu’une absence de réponse vaut refus, que M. Y… n’a pas répondu ; que l’employeur a à juste titre considéré que l’absence de réponse équivalait à un refus de reclassement à l’étranger ; que dans ces conditions, l’employeur a exécuté loyalement son obligation de reclassement ; que le licenciement repose dès lors sur une cause économique réelle et sérieuse ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE sur le motif réel et sérieux du licenciement économique : Vu L’article 1233-3 du Code du travail, que le Conseil constate que la société assurait la commercialisation des produits de la société allemande Inovan GmbH élaborés en Allemagne ; qu’en 2011, la société Prym Inovan France a vu ses ventes s’effondrer passant de 460 000 € en 2010 à 296 300 € en 2011, soit une chute de 35.6 % du volume d’activité ; que le résultat d’exploitation est passé de 134 500 € en 2010 à – 29 000 € en 2011 ; que la masse salariale de la société est passée de 149 700 € à 157 100 € en 2011 ; que par ailleurs, l’entreprise enregistrait une perte de 75 911 € ; que le Conseil observe que l’employeur soutient que la France était le seul pays dans lequel elle commercialisait ses produits par l’intermédiaire d’une filiale, alors qu’elle avait recours à des agents commerciaux pour la commercialisation de ses produits dans les autres pays d’Europe ; que le Conseil constate que face aux difficultés rencontrées, aux baisses importantes du volume des ventes en France, aux baisses de salaire auxquelles il a été procédé en 2009, aux licenciements intervenus en Allemagne (95 postes) et aux mesures de chômage partiel envisagées dans l’accord conclu le 27 mars 2009 avec le comité d’entreprise de la société Prym Inovan Gmbh, que la décision de cessation d’activité définitive et totale de la société Prym Inovan France constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le Conseil considère que cette décision prise sur des motifs économiques avérés résulte du pouvoir de gestion de l’entreprise laquelle n’a commis aucune faute ou légèreté blâmable, d’autant que l’effectif de la société ne comptait plus qu’un seul salarié, Monsieur Jacques Y…, auquel elle a proposé d’intégrer la société mère sans changement de son contrat travail, de salaire et de conditions d’exercice de ses fonctions ; que le Conseil dit que le licenciement repose bien sur un motif économique réel et sérieux et, en conséquence, déboutera Monsieur Jacques Y… de la demande formulée à ce titre ;

ALORS D’UNE PART QUE tout jugement doit être motivé ; que l’exposant avait valoir et offert de rapporter la preuve qu’aucune décision ou délibération relative à la fermeture de la société n’était intervenue au jour de la notification de son licenciement le 18 septembre 2012, ce que confirmait un courriel du 6 septembre 2013 de son ancien collègue, Monsieur A…, ayant quitté l’entreprise, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, quelques semaines avant le licenciement de l’exposant ; qu’en affirmant péremptoirement que la société Prym Inovan France, employeur, avait cessé toute activité à l’époque du licenciement, peu important qu’elle n’ait été dissoute postérieurement que le 19 mars 2013, sans nullement préciser sur quel élément de preuve elle s’était fondée pour procéder à cette affirmation dont dépendait pourtant la réalité même du motif économique de licenciement, la Cour d’appel a violé les dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS D’AUTRE PART QUE lorsque le salarié a pour co-employeurs des entités faisant partie d’un même groupe, la cessation d’activité de l’une d’elles ne peut constituer une cause économique de licenciement qu’à la condition d’être justifiée par des difficultés économiques, par une mutation technologique ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activités du groupe dont elle relève ; que la société-mère a la qualité de co-employeur à l’égard du personnel de la société filiale lorsqu’il existe entre elles une confusion d’intérêts, d’activité et de direction, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale ; qu’au soutien de la qualification de co-emploi, l’exposant avait fait valoir et offert de rapporter la preuve que les commandes des clients de la filiale française, détenue à 100 %, étaient directement adressées à la société-mère en Allemagne, laquelle, fixait les prix et était la seule interlocutrice commerciale et financière de ces clients et que les seuls crédits dont bénéficiait la filiale française étaient les virements effectués par la société-mère en Allemagne, les clients réglant par ailleurs directement leurs commandes en Allemagne, ce qui caractérisait une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre les sociétés et l’immixtion de la société-mère dans la gestion de la filiale (conclusions d’appel, p.8) ; qu’en relevant, pour conclure qu’il n’est pas établi une situation de co-emploi, que les deux commandes de clients transmises directement à la société-mère, produites par le salarié, et les deux virements de fonds de celle-ci vers le compte de la filiale « ne caractérisaient pas une dépendance économique totale de la filiale », sans nullement rechercher ni préciser si ces éléments ne démontraient pas une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société mère allemande dans la gestion de la filiale, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L 1233-3 du Code du travail ;

ALORS ENFIN et en tout état de cause QUE la cessation d’activité est un motif économique autonome de licenciement dès lors qu’elle n’est pas due à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable ; que lorsque le licenciement est motivé par la cessation d’activité de la société employeur, filiale française à 100 % d’un groupe international, consécutive à des difficultés économiques, le juge ne peut déduire l’absence de faute de l’employeur de l’existence de telles difficultés mais doit prendre en compte la situation économique au niveau du groupe dans la limite du secteur d’activités auquel appartient l’entreprise française, pour apprécier le comportement de l’employeur et notamment si la cessation d’activité de l’entreprise n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable ; qu’après avoir écarté la notion de co-employeur, la Cour d’appel, qui en l’état de la lettre de licenciement, laquelle était motivée par « la fermeture de Prym Inovan France » consécutive à des difficultés économiques, se borne, pour conclure à l’absence de « légèreté blâmable ou comportement frauduleux de l’employeur », à retenir que « cette société subissait en 2011 une perte de chiffre d’affaires de 35% par rapport à l’exercice précédent et au résultat net de l’exercice était de -22.363 euros alors que le résultat net de l’exercice précédent état de +98.265 euros », sans nullement prendre en compte la situation économique du groupe et plus précisément l’existence de difficultés économiques au sein du secteur d’activités du groupe auquel appartenait la filiale française, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L 1233-3 du Code du travail.

 


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