Dépendance économique : 5 février 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 16/00101

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Dépendance économique : 5 février 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 16/00101

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 05 FÉVRIER 2018

(n°48 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/00101

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/15079

APPELANT

Monsieur [F] [O]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1] (TUNISIE)

Représenté par Me Danièle GUEHENNEUC, avocat au barreau de PARIS, toque : B0571

Représenté par Me Maud BONDIGUEL, avocate barreau de RENNES

INTIME

MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

[Adresse 2]

ayant ses bureaux [Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Représenté par M. Olivier BIDARD, inspecteur des finances publiques en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

Madame Dominique MOUTHON-VIDILLES, Conseillère appelée d’une autre chambre afin de compléter la cour en application de l’article R.312-3 du code de l’organisation judiciaire, qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Clémentine GLEMET, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [F] [O], demeurant [Adresse 3] est redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune. Il dépose régulièrement ses déclarations.

Il a mentionné dans ses déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2005 à 2010, dans le tableau “renseignements relatif à la qualification de vos biens professionnels exonérés”, les participations suivantes :

SAS ACIM Jouanin 99 %

SAS A.E.V.A 80 %

SAS Electrowatt 70 %

SAS Ivaldi 99 %

SAS Jouanin Engineering 91 %

SAS Jeannot 91 puis 95 %

SAS Vtitelec 99,50 %

SAS Thermobaby 99 %

La brigade de fiscalité immobilière de Paris-Est, chargée du contrôle, a considéré que les actions de la société Thermobaby détenues par M. [O] ne pouvaient être retenues comme un bien professionnel, l’activité de cette société n’étant ni similaire, ni connexe et complémentaire avec les activités des autres sociétés qu’il détient et a remis en cause l’exonération des actions de la SAS Thermobaby sur la base des dispositions de l’article 885 O bis 2° 1 selon proposition de rectification lettre modèle n° 2120 du 19 octobre 2011. L’impôt supplémentaire a été confirmé par le service dans sa réponse lettre modèle 3926 du 13 juin 2012, pour un montant total de 893 623 € de droits et de 165 341 € d’intérêts de retard, se décomposant comme suit :

Année Droits dus Intérêts de retard

2005 153 815 € 49 990 €

2006 135 560 € 34 703 €

2007 141 780 € 29 490 €

2008 139 253 € 22 280 €

2009 170 666 € 19 115 €

2010 152 549 € 9 763 €

total 893 623 €165 341 €

Le rappel d’impôt a été mis à la charge du redevable selon avis de mise en recouvrement du 13 mai 2013 n° 13 04 05061.

M. [F] [O] a contesté ce rappel d’impôt par réclamation du 4 septembre 2013. Par exploit du 29 septembre 2014, M. [O] a assigné la Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir annuler l’imposition litigieuse.

Par jugement du 28 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté l’ensemble des demandes de M. [O] et confirmé la rectification fiscale intervenue.

Monsieur [F] [O] a relevé appel de ce jugement le 14 décembre 2015.

Par conclusions signifiées le 21 juillet 2017, Monsieur [F] [O] demande à la cour, au visa de l’article 885 O bis du code général des impôts, de juger que la société Thermobaby exerce des activités similaires à celles des autres sociétés détenues par Monsieur [O] et, en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris et prononcer la décharge des rappels d’ISF des années 2005 à 2010.

A titre subsidiaire, au visa de l’article 885 E du code général des impôts, il prie la cour de constater que l’assiette des rappels ne correspond pas à la valeur vénale réelle des titres de la société Thermobaby au 1er janvier de chacune des années concernées ; en conséquence, d’infirmer le jugement déféré et de prononcer la décharge des rappels d’ISF des années 2005 à 2010, à concurrence de la sur-valeur attribuée à tort aux titres.

Il sollicite la condamnation de Monsieur le responsable de la direction régionale des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris, ès qualités, à lui verser une indemnité de procédure de 5 000 euros ainsi qu’aux dépens, qui seront limités au coût de la signification des écritures d’appel et de la notification de l’arrêt à intervenir.

Par conclusions signifiées le 2 novembre 2017, Monsieur le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris demandent de juger M. [F] [O] mal fondé en son appel et de l’en débouter.

Il prie la cour de dire que les actions de la société Thermobaby détenues par M.[O] ne peuvent être considérées comme des biens professionnels au sens des dispositions de l’article 885 O bis du code général des impôts, de confirmer la valeur des titres retenue par l’administration, de confirmer la décision implicite de rejet, le bien fondé de l’imposition mise à la charge du redevable, selon avis de mise en recouvrement n° 13 04 0561 du 13 mai 2013 et le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Il prie la cour de dire que l’équité ne commande pas le paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner M. [F] [O] à payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction est intervenue par ordonnance du 2 octobre 2017.

SUR CE,

Sur la similarité des sociétés

Monsieur [O] indique qu’il se place sur le terrain de la similarité des activités développées par ses sociétés et non sur celui de la connexité et de la complémentarité des activités pour contester le principe comme le montant des rappels d’ISF dont il a fait l’objet.

Monsieur [O] expose que toutes les sociétés sont calées sur le modèle qui a fait la réussite d’Acim Jouanin puisqu’elles sont capables de produire de grandes séries de très bonne qualité avec la même structure d’organisation pour la production et la réflexion technique et présentent le même profil de personnel de production, l’ouvrier polyvalent sur la chaîne et une mise en ‘uvre du même standard de production et des machines identiques ; que la société Thermobaby élabore des produits à destination principalement du grand public, des résistances électriques qu’elle fabrique sont intégrées dans des chauffe-biberons, stérilisateurs, chauffe-plats mais également à la production d’autres industriels. Il invoque les difficultés rencontrées par la société Thermobaby, compte tenu de la concurrence des pays à bas coût de production, et la diversification de son activité en bâtissant sur son savoir-faire en matière de résistances électriques.

Il précise que l’article 885 O bis du code général des impôts n’emploie pas l’adjectif «identiques», mais celui de «similaires», pour couvrir ces activités qui sont à peu près de même nature, que le législateur n’a prévu aucun seuil à l’exigence de similarité des activités et qu’il suffit que les activités développées par les sociétés soient à peu près de même nature, qu’importe la proportion, au sein de chacune de ces sociétés, de l’une des activités par rapport aux autres ; qu’en l’espèce, l’objet premier de la SAS Thermobaby, comme des autres sociétés de Monsieur [O], est, et demeure, la fabrication et la vente de tous articles et appareils mécaniques ou électriques, c’est-à-dire une activité industrielle ; qu’au titre de la période vérifiée, la SAS Thermobaby a vendu des résistances à d’autres industriels comme l’entreprise Cofame pour l’épilacire et a fabriqué des résistances électriques qu’elle a incorporées à des chauffe-biberons et stérilisateurs (vendus ou non sous ses marques); que la société Thermobaby a des activités similaires à celles des autres sociétés qu’il détient et que cet ensemble de sociétés forme un bien professionnel unique au sens de l’article 885 O bis du code général des impôts.

L’administration fiscale soutient que, selon la doctrine administrative (BOI-PAT-ISF 30-30-40-10 § 50) la similitude s ‘apprécie en comparant la nature des activités exercées et l’objet auquel elles se rapportent ; qu’il faut également que les biens vendus soient similaires ; qu’en l’espèce, les sociétés, hors la société Thermobaby, ont un objet social identique et sont spécialisées dans la fabrication de matériels électriques, de composants, de matériels d’électrothermie, de matériels à usage électronique et mécanique alors que la l’objet social de la société Thermobaby consiste en la fabrication et la vente de tous articles ou appareils mécaniques ou électriques ; négoce de produits de puériculture et couvre un périmètre bien plus vaste que la seule fabrication et la commercialisation industrielle de produits électriques ; que les produits électriques (chauffe-biberons), selon le catalogue présenté par la société elle-même représentent 9 produits sur un total de 146 soit 6 % de l’ensemble des produits et 9,44 % du total de l’année 2004, 8,84 % de 2005 et 7,38 % de 2006 ; que la vente de résistances électriques à d’autres industriels tel que la Cofame n’est pas significative ; que la majeure partie du chiffre d’affaires de la société Thermobaby est constituée par l’achat-revente d’articles de puériculture en matière plastique alors que les autres sociétés exercent une activité de fabrication et de négoce de produits électriques sans rapport avec l’activité de la société Thermobaby ; que les produits fournis par les sous-traitants ou achetés à d’autres fournisseurs et revendus par Thermobaby, acteur majeur dans le domaine de la petite puériculture sont totalement différents de ceux proposés par les autres sociétés spécialisées dans l’électrothermie.

Elle indique que, conformément aux dispositions de l’article de 885 bis du code général des impôts, les deux conditions de connexité et de complémentarité doivent être cumulativement réunies ; que les activités sont connexes et complémentaires lorsqu’elles ont entre elles des liens étroits de dépendance et qu’elles s’inscrivent dans le prolongement l’une de l’autre ; qu’en l’espèce M. [O] ne démontre pas que les sociétés du bien professionnel unique d’une part et la société Thermobaby d’autre part entretiennent des rapports de dépendance économique étroit ; que le seul lien qui existe entre la société Thermobaby et les autres sociétés est leur actionnaire principal ; qu’elles n’ont aucun lien juridique entre elles et leurs échanges commerciaux sont quasiment inexistants ainsi qu’il a été démontré précédemment.

Ceci étant exposé, selon les dispositions de l’article 885 A du code général des impôts, les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 R ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. Aux termes de l’article 885 O bis en vigueur à la date des années d’imposition contrôlées, les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes :

1° [….]

2° [….] Les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés sont présumées constituer un seul bien professionnel lorsque, compte tenu de l’importance des droits détenus et de la nature des fonctions exercées, chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues pour avoir la qualité de biens professionnels et que les sociétés en cause ont effectivement des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires”.

Constituent une seule profession les différentes activités professionnelles exercées par une même personne dès lors qu’il existe un lien entre ces activités. Pour l’appréciation de ce lien, il convient de prendre en considération la similitude, la connexité ou la complémentarité en amont ou en aval des professions en cause.

La similitude s’apprécie en comparant la nature des activités exercées et l’objet auquel elles se rapportent. La connexité et la complémentarité vont de pair. La connexité implique des rapports de dépendance étroits qui peuvent résulter de participations entre les différentes sociétés mais aussi résulter des rapports de dépendance économique entre elles. La complémentarité s’entend de l’activité qui s’inscrit dans le prolongement de l’activité d’une autre société.

En l’espèce, les sociétés, hors la société Thermobaby, ont un objet social identique et sont spécialisées dans la fabrication de matériels électriques, de composants, de matériels d’électrothermie, de matériels à usage électronique et mécanique. Celui de la société Thermobaby consiste en la fabrication et la vente de tous articles ou appareils mécaniques ou électriques et négoce de produits de puériculture. Même si, comme le soutient l’administration fiscale l’objet social de Thermobaby couvre un périmètre plus vaste que la seule fabrication et la commercialisation industrielle de produits électriques, son objet social n’en n’est pas moins similaire à celui des autres sociétés dès lors qu’elle élabore des produits à destination principalement du grand public (des résistances électriques qu’elle fabrique et qui sont intégrées dans des chauffe-biberons, stérilisateurs, chauffe-plats) mais également à la production d’autres industriels ; que le législateur n’a prévu aucun seuil à l’exigence de similarité des activités ; que dès lors, l’ensemble des sociétés forment un bien professionnel unique au sens de l’article 885 O bis du code général des impôts.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions et la décharge des rappels d’ISF des années 2005 à 2010 sera ordonnée.

L’administration fiscale, partie perdante au sens de l’article 699 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 28 octobre 2015 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

ORDONNE la décharge des rappels d’ISF des années 2005 à 2010 ;

CONDAMNE Monsieur le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris aux dépens de première instance et d’appel ;

DEBOUTE Monsieur le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris de sa demande d’indemnité de procédure ;

CONDAMNE Monsieur le directeur régional des finances publiques d’Ile de France et du département de Paris à payer à Monsieur [F] [O] la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. GLEMET E. LOOS

 


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