Dépendance économique : 30 mai 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 17-14.303

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Dépendance économique : 30 mai 2018 Cour de cassation Pourvoi n° 17-14.303

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 mai 2018

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 491 F-D

Pourvoi n° Y 17-14.303

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société X… Distribution , dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 14 décembre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société Distribution Casino France, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 4 avril 2018, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Z…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z…, conseiller, les observations de la SCP Odent et Poulet, avocat de la société X… Distribution , de la SCP Richard, avocat de la société Distribution Casino France, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2016), que la société X… Distribution (la société X…) qui exploite un magasin d’alimentation […] , a conclu en 1966 un contrat de franchise, sous l’enseigne Spar, avec la société Distribution Casino France (la société Casino) ; qu’en avril 2010, la société Casino a proposé à la société X… un nouveau logiciel pour le passage des commandes ; que cette dernière, lui reprochant l’installation d’enseignes dans sa zone de chalandise et des dysfonctionnements récurrents du logiciel a, par lettre du 27 décembre 2013, résilié le contrat ; que contestant cette résiliation, la société Casino l’a assignée en reprise ou maintien des relations contractuelles, demandant à défaut le respect d’un préavis suffisant ; que la société X… lui a opposé la nullité et la résiliation du contrat ; qu’en cause d’appel, elle a demandé l’annulation du contrat à raison de l’abus de dépendance économique constaté par le tribunal de commerce de Marseille le 3 mars 2016 et, à tout le moins, sa caducité ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société X… fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa demande en nullité du contrat fondée sur l’abus de dépendance économique alors, selon le moyen :

1°/ que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, et qui est ainsi un jugement « définitif », a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche, qu’il soit ou non l’objet d’un recours ; qu’en l’espèce, la société X… Distribution avait demandé à la cour de Paris de tirer à l’égard de la validité du contrat de franchise les conséquences du jugement rendu le 3 mars 2016 par le tribunal de commerce de Marseille, en ce qu’il a jugé que la société Distribution Casino France avait commis à son égard un abus de dépendance économique et l’avait sanctionnée de ce chef ; que, pour déclarer cette demande irrecevable, la cour a jugé que si le tribunal de commerce de Marseille avait « estimé » que la société Distribution Casino France avait commis un « prétendu abus de dépendance économique », cette décision n’était pas définitive parce qu’elle avait fait l’objet d’un appel ; qu’en se déterminant ainsi quand ledit jugement, d’une part était bien définitif, peu important qu’il ait été ou non l’objet d’un appel, et que, d’autre part, il avait autorité de la chose jugée, nonobstant l’appel intervenu, sur l’abus de dépense économique commis au détriment de la société X… Distribution, la cour d’appel, qui s’est soustraite à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement définitif du 3 mars 2016, a violé l’article 480 du code de procédure civile ;

2°/ que la décision de jonction ou de disjonction d’instance est une mesure d’administration judiciaire qui n’a aucune valeur juridictionnelle ; qu’une décision de jonction, d’ailleurs, ne crée pas une instance unique et n’est pas susceptible, en toute hypothèse, de faire obstacle à un jugement définitif ayant autorité de la chose jugée ; que la décision d’une partie de s’opposer ou non à une telle jonction n’a dès lors elle-même aucune portée juridique et n’est pas de nature à faire davantage obstacle à l’autorité de chose jugée attachée à un jugement définitif ; qu’en jugeant dès lors que le refus de la société X… Distribution d’accepter la jonction de deux procédures, celle de l’appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 24 juin 2014, et celle de l’appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 3 mars 2016, rendait irrecevable sa demande tendant à voir tirer les conséquences de ce dernier jugement, lequel a autorité de la chose jugée, sur le sort du contrat de franchise, la cour d’appel a violé l’article 368 du code de procédure civile, ensemble l’article 480 du même code ;

3°/ que la cour d’appel, pour justifier l’irrecevabilité prononcée, a retenu que la société X… Distribution s’était opposée à la jonction des deux procédures, lesquelles pouvaient être traitées séparément, l’une examinée dans le présent arrêt, relative à la régularité de la mise en oeuvre de la clause résolutoire du contrat, et l’autre relative au « prétendu abus de dépendance économique » de société Distribution Casino France ; qu’en suggérant ainsi que la société X… Distribution , par son opposition, aurait renoncé à invoquer devant elle l’incidence du jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille sur le contrat de franchise et qu’il était dès lors contradictoire de sa part de lui demander d’en juger, quand l’existence de deux procédures distinctes [qu’une jonction n’aurait pas permis de confondre] ne peut signifier aucune renonciation à se prévaloir, dans la seconde, de l’autorité de la chose jugée attachée à un jugement prononcé dans la première, la cour d’appel a violé l’article 480 du code de procédure civile, ensemble l’article 125 du même code ;

4°/ qu’en rejetant la demande de la société X… Distribution tendant à voir juger l’incidence sur le sort du contrat de franchise du jugement du 3 mars 2016 du tribunal de commerce de Marseille ayant autorité de la chose jugée, qui a constaté l’abus de dépendance économique commis par la société Distribution Casino France à son égard, au motif erroné que son opposition à une jonction de procédure rendait cette demande irrecevable, la cour d’appel, qui a ainsi privé la société X… Distribution du droit de se prévaloir de cette autorité de la chose jugée et de voir juger l’incidence qu’elle invoquait sur la validité dudit contrat, a violé l’article 480 du code de procédure civile, ensemble l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu’après avoir relevé que la société X… s’était expressément opposée à la jonction de la présente instance avec celle, également pendante devant elle, relative à l’appel du jugement rendu le 3 mars 2016 par le tribunal de commerce de Marseille, lequel avait constaté une situation de dépendance économique de la société X… à l’égard de la société Casino, en faisant valoir que « les demandes de part et d’autre sont différentes ainsi que les moyens exposés », l’arrêt en déduit que la société X… est irrecevable à demander à la cour d’appel de tirer toutes les conséquences de ce jugement ; que par ce seul motif, faisant ressortir que la société X… avait adopté un comportement contradictoire au détriment de la société Casino, qui la privait de la possibilité de se prévaloir des dispositions du jugement précité, la cour d’appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat alors, selon le moyen :

1°/ que même en présence d’une clause de résiliation de plein droit, et peu important les conditions de sa mise en oeuvre, le juge a la faculté d’apprécier la réalité et la gravité des fautes invoquées à l’appui d’une demande de résiliation judiciaire ; que, pour justifier sa demande de résiliation judiciaire du contrat de franchise, la société X… Distribution avait notamment invoqué le fait qu’il était établi, par le jugement définitif rendu le 3 mars 2016 par le tribunal de commerce de Marseille, que la société Distribution Casino France s’était rendue coupable à son égard d’un abus de dépendance économique, que ledit jugement avait sanctionné ; que, pour écarter la demande ainsi fondée, la cour d’appel a retenu qu’elle en était saisie dans le cadre d’une autre instance ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de cette motivation, par application de l’article 625 du code de procédure civile ;

2°/ que pour écarter la demande présentée par la société X… Distribution , fondée sur l’abus de dépendance économique commis à ses dépens par la société Distribution Casino France, la cour d’appel a retenu qu’il devait en être jugé dans le cadre d’une autre instance ; qu’en se déterminant ainsi, quand la réalité de cette pratique anticoncunentielle prohibée, par la société Distribution Casino France, avait été établie par le jugement définitif rendu le 3 mars 2016 par le tribunal de commerce de Marseille, décision ayant autorité de la chose jugée, la cour d’appel a violé l’article 1184 ancien du code civil, par refus d’application, ensemble l’article 480 du code de procédure civile ;

3°/ que pour justifier sa demande de résiliation judiciaire du contrat de franchise, la société X… Distribution avait soutenu que la société Casino Distribution France avait manqué à son égard de loyauté dès lors qu’elle avait établi, sans aucunement l’en informer, trois enseignes dans sa zone de chalandise ; que pour rejeter cette demande, la cour d’appel a retenu que le franchiseur n’avait pas à informer le franchisé, en l’absence de clause d’exclusivité, que M. X… avait été informé d’une implantation à Peyrac Minervois, qu’il avait refusée, et qu’il connaissait les nouvelles implantations pour les avoir fait constater par huissier ; qu’en se déterminant ainsi, par de tels motifs, impropres à justifier le respect par la société Casino Distribution France de son obligation de loyauté contractuelle, qu’une absence de clause d’exclusivité ne suffisait pas à écarter, que la zone de chalandise avait été contractuellement définie et que les constats d’huissier n’avaient eu pour objet que d’établir la réalité des manquements préjudiciables de ladite société, qui affectaient cette zone, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 ancien du code civil ;

 


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