Dépendance économique : 28 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/11017

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Dépendance économique : 28 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/11017

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 28 JUILLET 2023

(n° , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/11017 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CH2U3

Décision déférée à la Cour : Jugement

Jugement du 19 Juin 2023 Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2023020113

Nature de la décision : contradictoire

NOUS, Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Dorothée RABITA, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDEUR

S.A.R.L. FIGARO SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Alexandre LIMBOUR de la SELEURL SELARLU Alexandre LIMBOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : L0064

à

DEFENDEUR

S.A.R.L.U. EURO SERVICES INTERNATIONAL

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

S.A.R.L.U. LOGAN PORTAGE

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

S.A.R.L. CESAR SERVICE

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Morgan JAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

S.A.S.U. [Localité 11] EST PORTAGE

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 24 Juillet 2023 :

La SARL Figaro Services, filiale à 100 % de la société du Figaro, a assuré pendant de nombreuses années la distribution en portage de titres de presse pour le compte de nombreux éditeurs, qu’il s’agisse de publications du groupe Figaro ou d’autres.

Elle a sous-traité à différents concessionnaires cette activité.

Ainsi, la SARL Figaro Services a confié aux sociétés César services, [Localité 11] est portage, Logan portage et Euros services international la distribution en portage de titres de presse dont elle avait la charge.

Au début de l’année 2022, la SARL Figaro Services a convenu avec la société Proximy de confier à celle-ci ses activités de distribution en portage, avec reprise des salariés des sociétés concessionnaires.

Aussi, par lettre du 13 janvier 2022, la SARL Figaro Services a notifié aux quatre sociétés la fin de la relation commerciale au 24 octobre 2022 pour la société César services, au 24 octobre 2022 pour la société Logan portage, au 20 juin 2022 pour la société [Localité 11] est portage et au 20 mars 2023 pour la société Euro services international, leur donnant ainsi respectivement un préavis de 9 mois, 9 mois, 5 mois et 14 mois.

Assignée devant le tribunal de commerce de Paris le 7 mars 2022 pour la société César services et le 8 mars 2022 pour les trois autres, la SARL Figaro Services a été condamnée par jugement du 3 avril 2023 à payer les sommes suivantes :

– à la société [Localité 11] est portage la somme de 41 485 euros au titre de l’absence de paiement des repérages ;

– à la société Euros services international la somme de 60 064,50 euros au titre de l’absence de paiement des repérages ;

– à la société Logan portage la somme de 14 619,50 euros au titre de l’absence de paiement des repérages ;

– à la société [Localité 11] est portage la somme de 41 485 euros de dommages-intérêts au titre du préavis fixé par la juridiction à 9 mois outre la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– à la société Euro services international la somme de 47 800 euros de dommages-intérêts au titre de la durée du préavis fixé par la juridiction à 15 mois outre la somme de 5 000 en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– à la société Logan portage la somme de 204 400 euros de dommages-intérêts au titre de la durée du préavis fixé par la juridiction à 18 mois, outre la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– à la société César services la somme de 51 600 euros de dommages-intérêts au titre de la durée du préavis fixé par la juridiction à 12 mois.

L’exécution provisoire sans caution a été ordonnée.

Par jugement du 19 juin 2023, le tribunal a rectifié des erreurs matérielles entachant sa précédente décision, ce qui a eu pour effet de ramener les dommages-intérêts accordés à la société Euros services international à la somme de 23 900 euros et celle allouée à la société Logan portage à la somme de 131 400 euros.

Les quatre sociétés ont interjeté appel le 17 avril 2023 et la SARL Figaro Services le 27 juin 2023.

Par assignation du 3 juillet 2023, la SARL Figaro Services a attrait les quatre sociétés devant premier président de la présente cour sur le fondement des articles 521 et 523 du Code de procédure civile, aux fins de se voir autorisée à séquestrer l’intégralité de quatre condamnations prononcées à son encontre aux termes du jugement du 3 avril 2023, rectifié le 19 juin 2023, soit la somme de 408 668,52 euros, entre les mains de la Caisse des dépôts et consignation dans un délai de 30 jours à compter de la délivrance de la copie exécutoire de l’ordonnance à intervenir et de voir dire que la Caisse des dépôts et consignation ne sera déliée de sa mission que sur la volonté commune des parties exprimée par une transaction ou sur présentation de la signification de l’arrêt de la cour d’appel de Paris statuant sur les appels interjetés par les concessionnaires contre ledit jugement rendu le 3 avril 2023 rectifié. Elles font valoir qu’alors que le risque d’infirmation du jugement est très élévé, le risque de non-restitution par le créancier est avéré, dans la mesure où les concessionnaires ont motivé leur requête pour obtenir un jour fixe déposée devant le président du tribunal de commerce sur la privation de toute ressource dès la date de cessation de leur activité.

Les quatre défenderesses s’opposent à cette demande.

Les sociétés Logan portage, Euro services international et [Localité 11] est portage objectent que le tribunal s’est déjà prononcé sur l’exécution provisoire sans caution en relevant qu’aucun des moyens avancés par la SARL Figaro Services ne justifait qu’elle ne soit pas ordonnée. Elles ajoutent que les clauses d’exclusivité et de non concurrence imposées par la demanderesse jusqu’à la fin de la relation les ont rendues dépendantes du donneur d’ordre, que la décision repose sur une jurisprudence bien établie et que leur adversaire ne mentionne pas de moyens sérieux d’annulation ou de réformaton du jugement.

Soutenant que la demande est empreinte de mauvaise foi, ces trois défenderesses demandent la condamnation in solidum de la société à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts pour action abusive.

Enfin, elles sollicitent l’allocation de la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à chacune d’entre elles.

De son côté, la société César services s’oppose également à la demande adverse. Elle souligne que les prestations de repérage ne souffrent d’aucune contestation et que les dommages-intérêts ont pour objet de compenser la marge perdue du fait de la rupture brutale du marché et de permettre aux concessionnaires d’organiser leur reconversion en conséquence, que la SARL Figaro Services adopte une stratégie dilatoire, que le tribunal a déjà motivé la nécessité d’une exécution provisoire sans caution, que la demanderesse a montré sa mauvaise foi en s’engageant à exécuter la décision par courrier officiel du 6 avril 2023, avant de saisir le premier président, et qu’aucune conséquence manifestement excessive associée à l’exécution provisoire n’est démontrée.

Sur ce

Sur la demande de consignation

Aux termes de l’article 521 du Code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Le premier président est libre de subordonner l’aménagement de l’exécution provisoire à un risque pour le débiteur ou à toute autre condition qu’il juge utile, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

La SARL Figaro Services ne soulève aucune contestation de nature à laisser penser que le jugement est sérieusement susceptible d’être réformé.

Les condamnations recouvrent pour parties des services, à savoir le repérage, dont l’existence matérielle n’est pas remise en cause.

Elles recouvrent aussi l’indemnisation d’un préavis insuffisant pour permettre aux concessionnaires de se rétablir malgré leur dépendance économique à l’égard de la SARL Figaro Services du fait de clauses d’exclusivité et de non concurrence, fûssent-elles levées après la rupture.

Ces condamnations sont nécessaires à la survie de ces sociétés.

Aucune raison spécifique à la procédure en cause ne vient justifier qu’il soit fait exception au principe du plein effet de l’exécution provisoire.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de différer le bénéfice pour les défenderesses de la condamnation prononcée en sa faveur.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l’action abusive, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

En application des articles 1240 et 32-1 du code de procédure civile, l’exercice d’une action en justice ne dégénère en abus de droit que lorsqu’il procède d’une faute et notamment s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol ; l’appréciation inexacte qu’une partie se fait de ses droits n’est pas constitutive en soi d’une faute.

Il ne peut être tiré de la formule elliptique et générale adoptée par le tribunal de commerce pour justifier l’exécution provisoire sans caution, une information précise sur le bien fondé de celle-ci et par conséquent la mauvaise foi des sociétés.

Dans ces conditions la demande de dommages-intérêts pour action abusive sera rejetée.

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de condamner la demanderesse, partie succombante, à payer la somme de 1 300 euros au titre des frais irrépétibles à chaque défenderesse et à supporter la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Rejetons la demande de la société Figaro Services aux fins de consignation des sommes qu’elle a été condamnée à verser aux sociétés César services, [Localité 11] est portage, Logan portage et Euros services international par jugement du 3 avril 2023 rectifié par jugement du 19 juin 2023 ;

Rejetons les demandes des sociétés César services, [Localité 11] est portage, Logan portage et Euros services international en paiement de dommages-intérêts pour action abusive ;

Condamnons la société Figaro Services à payer à chacune des quatre sociétés dénommées César services, [Localité 11] est portage, Logan portage et Euros services international la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SARL Figaro Services aux dépens.

ORDONNANCE rendue Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président de Chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette cour, assistée de Madame Dorothée RABITA, greffière lors des débats et lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT

 


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