Dépendance économique : 27 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-18.676

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Dépendance économique : 27 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-18.676

COMM.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mars 2019

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 251 F-D

Pourvoi n° B 17-18.676

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société K… & associés, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , venant aux droits de M. B… K…, agissant en qualité de mandataire liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Green sofa Dunkerque,

contre l’arrêt rendu le 15 février 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant :

1°/ au ministre de l’économie et des finances, domicilié […],

2°/ à la société Ikea Supply AG (ISAG), société de droit étranger, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation ;

La société Ikea Supply AG défenderesse au pourvoi a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 5 février 2019, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Orsini, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Orsini, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de Selarl K… & associés, venant aux droits de M. K…, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Green sofa Dunkerque, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat du ministre de l’économie et des finances, de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de la société Ikea Supply AG, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 février 2017), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 décembre 2014, pourvoi n° 13-21.363), que la société GSD, fabricant de sièges et canapés, entretenait des relations commerciales depuis 1993 avec la société Ikea, qui assure l’approvisionnement en meubles des magasins du groupe Ikea ; que, le 5 janvier 2009, la société Ikea a lancé un appel d’offres pour la production de ses gammes de canapés et fauteuils, auquel la société GSD a répondu ; que, dans le même temps, la société Ikea a informé la société GSD que, compte tenu de la crise et de la baisse de ses ventes, ses achats allaient diminuer du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, à la suite de quoi les parties ont conclu un protocole d’accord, le 13 juillet 2009, prévoyant le versement d’une indemnité par la société Ikea à la société GSD ; que cette dernière ayant été retenue à l’issue de l’appel d’offres, mais pour des volumes et un chiffre d’affaires prévisionnels inférieurs, la société Ikea a consenti, le 9 décembre 2009, à reporter l’application du résultat de l’appel d’offres et à poursuivre les relations aux mêmes conditions de prix et de volume jusqu’à la fin du mois d’août 2010, date à laquelle les négociations seraient reprises ; que, le 24 août 2010, les parties ont conclu un accord prévoyant la fin de leur collaboration pour le 31 décembre 2012, assorti d’un engagement d’approvisionnement en diminution progressive ; que la société GSD a assigné la société Ikea en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d’une relation commerciale établie ; que le ministre chargé de l’économie est intervenu à la procédure et a demandé la condamnation de la société Ikea au paiement d’une amende civile ; que, la société GSD ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, son liquidateur, M. K…, a repris l’instance ; que, devant la cour d’appel de renvoi, M. K…, ès qualités, a invoqué la baisse des commandes à compter du 1er janvier 2007 et l’existence d’une rupture brutale partielle de la relation commerciale à compter de cette date et pour la période antérieure à l’entrée en vigueur du protocole du 13 juillet 2009, soit jusqu’au 31 août 2009 ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. K…, ès qualités, fait grief à l’arrêt de déclarer prescrite la demande, s’agissant de la période du 1er septembre 2007 au 31 décembre 2008 alors, selon le moyen, que l’effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice s’apprécie au regard de son objet, et non des faits sur lesquels elle se fonde ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté, au début de ses motifs, que « M. K…, ès qualités, demande à la cour de constater que la baisse substantielle du niveau des commandes passées par la société Ikea auprès de la société GSD, entre le 1er septembre 2007 et le 31 août 2009, constitue une rupture partielle de la relation commerciale entre les deux sociétés, qui s’est opérée sans préavis et n’a jamais été contractualisée, la période concernée étant antérieure aux périodes visées par les accords des 13 juillet 2009 et 24 août 2010 » et que « la nouvelle demande tend aux mêmes fins que la demande initiale, à savoir obtenir sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5°, une indemnisation pour rupture brutale partielle des relations commerciales entre les deux partenaires » ; qu’il en résultait que la demande formée par M. K…, es qualités de liquidateur de la société GSD, devant la cour d’appel statuant sur renvoi après cassation, visait le même objet et le même fondement juridique que la demande en justice initiale de la société GSD, à savoir obtenir des dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales imputables à la société Ikea, et s’appuyait pour cela simplement sur des faits supplémentaires par rapport à la demande initiale ; qu’en affirmant néanmoins que « la société Ikea soulève à juste titre que l’interruption de prescription du fait de l’introduction d’une demande en justice ne peut être étendue à des prétentions issues d’un fait ou d’un acte distinct » et que la demande en justice initiale de la société GSD du 28 septembre 2011 ne visait que la période courant de janvier 2009 au 31 décembre 2012 et n’avait pas d’effet interruptif de prescription pour des faits distincts survenus du 1er septembre 2007 au 31 décembre 2008, la cour d’appel, qui a apprécié l’effet interruptif de prescription au regard des faits fondant la demande, plutôt qu’au regard de l’objet de la demande, a violé l’article 2241 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté que, dans ses conclusions d’appel des 28 avril et 15 novembre 2016, la société GSD imputait à la société Ikéa des faits nouveaux de rupture brutale partielle de leur relation commerciale, couvrant la période du 1er septembre 2007 au 31 août 2009, tandis que sa demande initiale, présentée dans ses conclusions de première instance du 28 septembre 2011, portait sur l’indemnisation de la rupture brutale de la relation commerciale notifiée le 9 janvier 2009, la cour d’appel en a exactement déduit, dès lors que les demandes avaient pour objet la réparation de préjudices distincts résultant de faits générateurs eux-mêmes distincts, que l’effet interruptif de prescription attaché à la première demande ne s’étendait pas à la nouvelle demande formée en 2016 ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, du même pourvoi :

Attendu que M. K…, ès qualités, fait grief à l’arrêt de rejeter le surplus de ses demandes au fond alors, selon le moyen :

1°/ qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie ; qu’en l’espèce, en se contentant d’affirmer que la société GSD n’établit pas en quoi les pratiques d’Ikea, durant la seule période du 1er janvier 2009 au 31 août 2009, caractériseraient une rupture brutale et partielle des relations commerciales établies entre GSD et Ikea, sans davantage motiver sa décision, et en particulier sans vérifier, comme elle y était invitée par M. K…, es qualités, si, durant la période jugée non prescrite du 1er janvier 2009 au 31 août 2009, la société GSD n’avait pas subi une chute de son chiffre d’affaires réalisé auprès de la société Ikea, qui était passé de 22,267 millions d’euros à l’issue de l’exercice 2008 à 16,704 millions d’euros à l’issue de l’exercice 2009, en raison d’actes de rupture partielle des relations commerciales par la société Ikea, et notamment du transfert d’une partie de l’activité à la société concurrente Aquinos annoncé par courriels des 25 février 2009 et 11 mai 2009, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

2°/ que toute rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie engage la responsabilité de son auteur ; qu’en affirmant que « la société GSD n’établissant pas en quoi les pratiques d’Ikea, durant la seule période du 1er janvier 2009 au 31 août 2009, caractériseraient une rupture brutale et partielle des relations commerciales établies entre GSD et Ikea, sa demande sera rejetée », tout en constatant ensuite un transfert de la charge d’activité vers la société Aquinos concurrente de la société GSD durant l’année 2009, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

3°/ qu’un producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ne peut rompre une relation commerciale établie sans préavis qu’en cas d’inexécution suffisamment grave par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que deux incidents graves de qualité sont intervenus au cours de l’année civile 2008 et que ces incidents de production s’étaient élevés à 14 405 euros puis 249 000 euros sur l’exercice 2008-2009 ; que M. K…, ès qualités, faisait valoir que le montant de ces incidents ne représentait respectivement que 0,06 % du montant des commandes pour l’exercice 2007/2008 et 1,19 % du montant des commandes pour l’exercice 2008/2009 et que la valeur de ces litiges était insignifiante par rapport à la baisse des commandes concomitante ; qu’en affirmant néanmoins que les incidents qualité survenus au cours de l’exercice 2008-2009 justifiaient la suspension temporaire par la société Ikea des commandes auprès de la société GSD, sans caractériser l’existence d’une faute suffisamment grave de la société GSD pour autoriser une suspension sans préavis par la société Ikea de ses commandes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

 


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