Dépendance économique : 27 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-16.823

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Dépendance économique : 27 mars 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-16.823

COMM.

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 27 mars 2019

Rejet non spécialement motivé

Mme MOUILLARD, président

Décision n° 10128 F

Pourvoi n° N 17-16.823

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Halles Mandar, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 15 février 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l’opposant à la société Aprest, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 5 février 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Orsini, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Debacq, avocat général, Mme Labat, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Halles Mandar, de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la société Aprest ;

Sur le rapport de Mme Orsini, conseiller, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Halles Mandar aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Aprest la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Halles Mandar

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Halles Mandar de ses demandes tendant à voir juger que les commissions versées par elle à la société Aprest en exécution des contrats de référencement successifs ne correspondaient à aucun service effectivement rendu, à voir juger nulles les stipulations des contrats annuels de référencement et de leurs annexes relatives aux services et prestations qui devaient être fournies par la société Aprest et de voir condamner, en conséquence, la société Aprest à rembourser à la société Halles Mandar les sommes de 1.375.234,60 € et 585.000 €, outre les intérêts légaux à compter de l’assignation du 5 avril 2011 ;

AUX MOTIFS QUE, sur l’absence de contrepartie aux commissions versées par la société Halles Mandar à la société Aprest en exécution du contrat de référencement : la société Halles Mandar soutient que la facturation, par la société Aprest, de la commission de référencement à hauteur de 7 % des ventes réalisées serait dépourvue de cause en l’absence de toute contrepartie. La commission versée à la société Aprest serait en réalité, selon l’appelante, la rémunération d’une fausse coopération commerciale imposée a posteriori dans le but de reprendre illégitimement de la marge au fournisseur. La société Halles Mandar demande en conséquence que lui soit remboursée la totalité des commissions de référencement, soit la somme de 1.960.234,61 euros. La société Aprest soutient que la commission de référencement est parfaitement légitime et proportionnée en ce sens qu’étant une centrale de référencement et non une centrale d’achat, elle n’est pas susceptible d’être rémunérée par le biais d’une remise sur le prix d’achat des produits. Sa rémunération ne peut donc intervenir que par le biais d’une commission qui est contractualisée en début d’année. Ainsi, la société Aprest estime être en droit de réclamer cette commission au fournisseur qui sera de toute façon supportée in fine par les affiliés, dès lors que le fournisseur prendra en compte cette commission de référencement de 7 % dans son prix de vente. Par ailleurs, la société Aprest expose que les contreparties de la commission de référencement sont réelles dès lors que la société Halles Mandar a bénéficié du référencement en lui-même, du paiement centralisé, par la société Aprest, de 30.000 factures annuelles des établissements des affiliés, de la négociation centralisée des prix, de la diffusion bihebdomadaire des mercuriales par la société Aprest à l’ensemble des affiliés, de toutes les procédures de sécurité mises en place par la société Aprest, du formatage des processus des commandes, des remontées d’information et de toute l’animation commerciale assurée par la société Aprest. A titre subsidiaire, la société Aprest estime que le remboursement intégral des commissions de référencement reviendrait à un enrichissement sans cause de la société Halles Mandar. En vertu de l’article L. 442-6, I, 2 du code de commerce en vigueur avant le 6 août 2008, devenu le L. 442-6, I, 1 le 6 août 2008 « – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d’affaires ou en une demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ». Cet article prohibe en premier lieu les services indûment facturés de façon distincte comme services de coopération commerciale, alors qu’ils ne constituent pas des services de coopération commerciale et auraient dû être facturés, sous forme de remises ou ristournes, sur les prix des biens échangés. II interdit également les services de coopération commerciale ne correspondant à aucun service rendu, ou dont la rémunération est manifestement disproportionnée par rapport au service effectivement délivré. La société Halles Mandar se fonde sur cet article et sur la jurisprudence relative à la coopération commerciale, pour affirmer que les différentes prestations assurées en vertu du contrat de référencement par la société Aprest, auraient dû faire l’objet de conventions spécifiques, ce qui aurait permis de vérifier une éventuelle absence de toute contrepartie ou de proportionnalité du taux de commission aux services effectivement rendus. Mais il y a lieu de souligner que la société Aprest n’est qu’une centrale de référencement et non une centrale d’achat. Elle n’achète pas les fruits et légumes à la société Halles Mandar, mais se contente de négocier les tarifs pour ses affiliés qui, eux- mêmes, achètent directement auprès de la société Halles Mandar. Elle n’est donc ni acheteur ni distributeur de produits Elle est dès lors rémunérée par la société Halles Mandar comme centrale de référencement, par un taux de commission proportionnel aux ventes réalisées par la société Halles Mandar avec les affiliés. N’étant pas acheteur de produits, elle n’est pas susceptible d’être rémunérée par le biais d’une remise sur le prix d’achat des produits. Il ne peut dès lors y avoir de débats sur la nécessité ou pas de réintégrer, sous forme de remises ou ristournes dans le prix des fruits et légumes vendus par la société Halles Mandar aux affiliés, telle ou telle prestation qui serait faussement qualifiée de prestation commerciale. La jurisprudence citée par la société Aprest sur la coopération commerciale n’est donc pas pertinente en l’espèce. Il incombe cependant à la cour de vérifier, ainsi que l’y invite la société Halles Mandar qui demande le remboursement de l’intégralité des commissions versées, si celles-ci, prévues au contrat de référencement en contrepartie de services, correspondaient effectivement à des services, faute de quoi il serait dépourvu de cause. Le jugement entrepris a justement relevé que « la société Aprest justifie d’un certain nombre de prestations, qui ne sauraient être rendues par chacun des affiliés ou restaurants séparément, ou au prix d’une organisation beaucoup [plus] lourde pour le fournisseur ». Ces prestations consistent, d’une part, dans le référencement proprement dit qui, en soi, peut être rémunéré, puisqu’il implique de la part de la centrale de référencement une activité de prospection et de choix, appuyé sur des tests, et profite au fournisseur qui bénéficie d’un élargissement de sa clientèle. Le référencement constitue, ainsi que le souligne Aprest « un service en lui-même, en ce qu’il donne au fournisseur accès à un marché d’envergure, et est gage de stabilité pour écouler ses produits durant la période de référencement, et ce d’autant plus que « les Affiliés s ‘engagent à ne pas s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs que ceux référencés pour chaque famille de produits » ». Une étude, réalisée par Eurostaf, versée aux débats par la société Aprest, souligne le rôle structurant du référencement en matière de fruits et légumes, puisqu’il permet aux fournisseurs de fruits et légumes d’avoir accès au marché de la restauration collective, à laquelle les producteurs et grossistes ont beaucoup de mal à accéder à titre individuel, compte tenu notamment de la variété et de la complexité des circuits de distribution de la restauration collective et de la multiplication des points de livraison. Ces prestations consistent aussi dans la centralisation de la passation des commandes et de la facturation, le paiement centralisé au fournisseur des factures décadaires établies au nom de chaque affilié et, enfin, dans un outil centralisé de gestion des alertes alimentaires. La société Aprest démontre, sans être sérieusement contestée par la société Halles Mandar, qu’un outil informatisé de passation de commandes (PCI), complété d’un système EDI (Echange de données informatisées), permet de dématérialiser l’ensemble des éléments résultant de la relation d’achat — vente (commandes — factures — réclamation et établissement d’avoirs — relevés récapitulatifs). Avec le référencement, la société Aprest fait bénéficier le fournisseur de ce système de commande spécifique, qui lui permet d’accélérer le processus de prise de commandes la facture émise par le fournisseur est directement transmise et réglée au nom et pour le compte des affiliés par le Bureau des Achats tenu par Aprest. La société Halles Mandat a ainsi l’assurance d’être payée de ses factures au plus vite, les factures présentées par elle étant immédiatement réglées par la société Aprest. La société Aprest prétend, là encore sans être sérieusement contestée, avoir traité plus de 30.000 factures de vente par an, émises par la société Halles Mandar en 2008 et 2009. Les allégations de la société Halles Mandat, selon lesquelles l’opératrice de saisie de Halles Mandat devait elle-même saisir les informations relatives aux commandes passées par fax par les affiliés, qui la conduisent à conclure à l’absence de système unifié effectif de commandes, ne sont justifiées par aucune pièce du dossier. De même, les services de contrôle qualité sont effectifs (auto-contrôles relatifs à la qualité et la sécurité alimentaires, et gestion des alertes alimentaires), car attestés par des rapports d’audit versés aux débats par la société Aprest. Si la société appelante se prévaut de ses propres certifications en matière de sécurité alimentaire, l’existence d’une obligation de vérification, pour un fournisseur de fruits et légumes, du niveau de qualité de ses produits, ne rend pas pour autant injustifiée une démarche qualité supplémentaire mise en place par la centrale de référencement. Si la société Halles Mandar reproche au jugement entrepris d’avoir procédé à une analyse abstraite des prestations de la centrale de référencement, ses griefs, tout aussi abstraits, ne pouvaient en l’espèce donner lieu à une analyse plus concrète. Le jugement entrepris souligne, à juste titre, que « en dehors du contrôle des livraisons par rapport à la commande et du respect des prix convenus, qui incombe nécessairement à l’acheteur, et du contrôle qualité qui, par nature est une responsabilité partagée, il apparaît que les services rendus par Aprest aux Halles Mandar sont soit propres à son caractère de centrale (de référencement) soit, s’ils pourraient théoriquement être gérés en liaison avec chacun des 256 restaurants) le sont de manière plus efficace, et beaucoup plus simple (..), dès lors que la gestion est centralisée ». Il en résulte que les prestations facturées comme commissions de référencement par la société Aprest rendaient bien des services effectifs au fournisseur. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Halles Mandar de sa demande de remboursement des commissions de référencement facturées de 2003 à 2008. S’agissant des commissions facturées en 2009 et 2010, les parties n’ont conclu que sur leur caractère fondé ou non, et n’ont pas contesté la décision du tribunal, ayant consisté à condamner la société Aprest à rembourser à la société Halles Mandar la somme de 39.000 euros au titre des commissions de référencement trop-perçues pendant cette période et résultant de la facturation indue des commissions à 8 % au lieu des 7 % négociés. Il y a donc lieu également de confirmer cette condamnation ;

1) ALORS, D’UNE PART, QU’une centrale de référencement peut être sanctionnée sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce, pour avoir conclu avec son fournisseur, parallèlement à la prestation de référencement proprement dite, des contrats de coopération commerciale ou de services distincts insuffisamment précis sur le contenu des services effectivement rendus ; qu’en l’espèce, la société Halles Mandar soutenait dans ses conclusions d’appel, que les services, autres que le référencement, visés dans le contrat de référencement et facturés par la commission de 7 %, portée unilatéralement à 8 % par la société Aprest à partir de juillet 2009, étaient insuffisamment définis et identifiés et n’avaient fait l’objet ni de conventions spécifiques ni de factures spécifiques justifiant de la valeur des services distincts qui auraient été effectivement rendus, année par année, tout au long de leurs relations commerciales ; que dès lors, en retenant, pour écarter ce moyen, que la société Halles Mandar n’est qu’une centrale de référencement et non une centrale d’achat, de sorte que la jurisprudence sur la coopération commerciale invoquée n’est pas pertinent en l’espèce, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce ;

2) ALORS, D’AUTRE PART, QU’il appartient au référenceur de rapporter la preuve du caractère réel des prestations et services facturés et de l’absence de disproportion des commissions perçues par rapport au service effectivement délivré ; qu’en l’espèce, la société Halles Mandar soutenait que la société Aprest ne rapportait la preuve ni de la réalité, ni de la valeur des services rendus et qu’elle n’établissait pas que la rémunération facturée en contrepartie, chaque année, avait été proportionnée ; que dès lors, en se bornant à affirmer que « les prestations facturées comme commissions de référencement par la société Aprest rendaient bien des services effectifs au fournisseur », sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il n’existait pas de disproportion entre la valeur des services rendus à la société Halles Mandar et la rémunération perçue par la société Aprest chaque année au moyen des commissions de référencement de 7 %, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 442-6, I, 1° et 2° et L. 442-6, III du code de commerce ;

3) ALORS EN OUTRE QUE dans ses conclusions d’appel, la société Halles Mandar soutenait que les services facturés au titre de l’organisation des approvisionnements n’étaient pas justifiés dans la mesure où il s’agissait d’une prestation relevant des fonctions de distributeur, ce que n’est pas la société Aprest qui est une centrale de référencement, et qu’ils étaient déjà rémunérés par le biais des remises consenties aux affiliés au titre de ces mêmes services, à hauteur de 22,5% sur les prix des produits, prévues par l’article 15 des contrats de référencement ; qu’en omettant de répondre à ce moyen, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS ENFIN QUE l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce prohibe le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu’en l’espèce, la société Halles Mandar soutenait qu’en conséquence des contrats de référencement annuels et des accords de relatifs à l’octroi de ristournes, elle était tenue de verser à la société Aprest une commission de 7 % sur le montant des ventes hors taxes réalisées auprès des affiliés, une remise de 22,5% sur les factures émises par la société Halles Mandar sur les affiliés de la société Aprest et une ristourne conditionnelle sur les ventes réalisées sur les produits prestés ; qu’à cet égard, l’exposante invoquait notamment la jurisprudence sanctionnant les accords commerciaux créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que dès lors, en ne procédant pas à l’appréciation globale et concrète des contrats de référencement annuels et des accords de ristournes liant la société Halles Mandar à la société Aprest, pourtant propre à démontrer l’existence d’un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations, au préjudice de la société Halles Mandar, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Halles Mandar de ses demandes tendant à voir juger que la société Aprest a commis des abus caractérisant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations entre les parties, au détriment de la société Halles Mandar, en imposant ou en tentant d’imposer des ristournes rétroactives de 2% sur l’année 2008, et à la voir condamner à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, sur l’abus caractérisé par les ristournes rétroactives de 2 % sur l’année 2008 : si la société Halles Mandar soutient que la société Aprest aurait conditionné la signature de la convention de référencement 2009 à l’octroi d’une ristourne rétroactive supplémentaire de 2 % sur le chiffre d’affaires réalisé en 2008, pratique sanctionnée par l’article L. 442-6, I, 4° du code de commerce, selon lequel engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement… », elle qualifie, dans le corps de ses écritures devant la cour cette pratique sur le fondement du II, a) du même article, qui dispose «II. – Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité : a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d’accords de coopération commerciale » et demande, dans le dispositif de ses conclusions, que soit retenu le délit civil de déséquilibre significatif prévu au I, 2° du même article. Mais quelle que soit la qualification retenue, aucune ne saurait prospérer, en l’absence de démonstration de la matérialité de la pratique incriminée. En effet, le seul élément versé aux débats pour établir cette demande de ristourne rétroactive consiste dans une attestation établie par M. V…, qui était le signataire des accords pour la société Halles Mandar et l’interlocuteur principal de la société Aprest, mais aussi salarié de la société Halles Mandar. Ses déclarations ne sauraient donc, à elles seules, en l’absence d’autres indices concordants, établir la preuve matérielle de la pratique incriminée. Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande ;

1) ALORS, D’UNE PART, QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à lui-même n’est pas applicable à la preuve de faits juridiques, qui peut être rapportée par tous moyens ; qu’en l’espèce, il résulte des propres constatations de l’arrêt que pour établir que la société Aprest avait conditionné la signature de la convention de référencement 2009 à l’octroi d’une ristourne supplémentaire de 2% sur le chiffre d’affaires réalisé par la société Halles Mandar en 2008, cette dernière produisait aux débats une attestation de M. V…, signataire des accords litigieux pour la société Halles Mandar et interlocuteur principal de la société Aprest ; qu’en retenant dès lors, sans examiner le contenu de l’attestation produite, que les déclarations de M. V… ne pouvaient à elles seules établir la preuve matérielle de la pratique incriminée parce que celui-ci était aussi le salarié de la société Halles Mandar, la cour d’appel a violé l’ancien article 1315 du code civil, applicable en l’espèce ;

2) ALORS, D’AUTRE PART, QU’en matière commerciale, la preuve est libre ; qu’en l’espèce, en refusant d’apprécier la teneur de l’attestation de M. V…, signataire des accords litigieux entre la société Halles Mandar et la société Aprest et interlocuteur principal de la société Aprest, au motif inopérant que celui-ci était le salarié de la société Halles Mandar, la cour d’appel a violé l’article L. 110-3 du code de commerce ;

3) ALORS, EN OUTRE, QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions d’appel, l’exposante invoquait explicitement l’attestation établie par M. I… V…, salarié de la société Halles Mandar ayant signé les contrats des référencement et l’ensemble des accords commerciaux conclus avec la société Aprest, communiquée pour la première fois en appel, relatant comment la société Aprest avait tenté d’imposer à la société Halles Mandar le versement d’une ristourne supplémentaire de 2 % calculée rétroactivement sur le chiffre d’affaires de 2008, comme condition à la poursuite de leurs relations commerciales, ce qui aurait abouti à verser à la société Aprest plus de 30 % du montant des ventes réalisées par le fournisseur auprès de ses affiliés ; que dès lors, en omettant d’examiner ce document, pourtant propre à faire la preuve de la pratique restrictive de concurrence dénoncée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté la société Halles Mandar de ses demandes tendant à voir juger que la société Aprest a rompu abusivement leurs relations commerciales établies depuis 1991 et à la voir condamner à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, sur la rupture des relations commerciales : si aux termes de l’article L. 442-6-I-5° du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels », la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d’affaires ayant existé entre elle et l’auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer. Les sociétés Halles Mandar et Aprest ne s’opposent pas sur l’existence de cette relation, mais sur son point de départ. Sur la durée des relations commerciales : La société Halles Mandar soutient que les relations commerciales sont établies depuis 1991, étant donné qu’elle a été référencée par Elior dès 1991 comme fournisseur d’Eliance dans le domaine de la restauration concédée. Dès lors, la société Halles Mandar réclame l’octroi d’un préavis de 24 mois supplémentaires. La société Aprest prétend, contrairement à ce qu’expose la société Halles Mandar, que les relations avec la société Aprest n’ont pas duré 18 ans mais 5 ans, de 2004 à 2009 (date de la notification de la rupture). Elle soutient en effet que la société Halles Mandar n’a été référencée par la société Aprest, centrale de référencement de l’activité de restauration collective du groupe Elior, qu’à partir de 2004. Il résulte des pièces du dossier que la société Mandar a signé un contrat de référencement avec la société Saresp le 4 décembre 1998, cette société étant à l’époque la centrale de référencement destinée à la restauration de concession du groupe Elior. En 2004, la société Aprest a réuni en son sein la société Eliance, succédant à la Saresp, cette société ayant repris son indépendance pour l’activité de restauration de concession fin 2007. La société Eliance Achat a conclu son dernier contrat avec la société Halles Mandar en 2008 par l’intermédiaire de la société Aprest qui a agi aussi bien pour le compte d’Eliance que d’Avenance. Il résulte de cette chronologie que la société Halles Mandar a été en relation d’affaires avec la société Aprest dans le domaine de la restauration de concession de décembre 1998 à 2008. La société Halles Mandar a été référencée pour la première fois dans le domaine de la restauration collective par Aprest en 2004 et jusqu’à 2008. Il y a donc lieu de fixer à 10 ans la durée des relations commerciales établies. La société Halles Mandar fait remonter le point de départ des relations commerciales à 1991, année au cours de laquelle elle était en relation d’affaires avec la centrale d’achat du groupe Accor ultérieurement reprise par Elior. Mais si une société peut poursuivre avec une société une relation commerciale nouée avec une autre société, il faut que soit démontrée une réelle «continuation» de cette relation commerciale établie, soit par l’identification d’une volonté de continuation, soit par un faisceau d’indices démontrant l’absence de véritable altérité du nouveau partenaire, le nouvel entrant dans la relation ne pouvant masquer, derrière l’écran d’une nouvelle personne juridique, l’identification des personnes en relation, ce qui peut être le cas en raison de restructurations internes à une société. Or, en l’espèce, la société Halles Mandar ne démontre pas, par la production d’un quelconque contrat de référencement, ou la production de factures, que le flux d’affaires entretenu avec Elior se soit situé dans la continuité du flux d’affaires entretenu auparavant avec Accor. Sur le caractère abusif et brutal de la rupture : la société Halles Mandar soutient que la rupture des relations commerciales à l’initiative de la société Aprest est en réalité motivée par son refus, début 2009 d’accepter une remise supplémentaire rétroactive de 2 % sur le chiffre d’affaires de 2008. A cet égard, la société Halles Mandar communique devant la cour une attestation établie par Monsieur I… V… qui était l’interlocuteur principal de la société Aprest et le signataire des accords avec cette dernière. De ce refus aurait découlé une nouvelle proposition d’accords pour l’année 2009 à des conditions qu’elle ne pouvait pas accepter et conduisant à l’arrêt des relations commerciales entre les parties. La société Halles Mandar prétend que, par son comportement, la société Aprest lui aurait laissé croire à la poursuite durable des relations commerciales, ce qui ne lui aurait pas permis de réorganiser son activité afin de faire face à la cessation de leurs relations commerciales. Elle estime qu’il ressort de ces circonstances que la rupture des relations commerciales par la société Aprest a été brutale, abusive et d’autant plus préjudiciable qu’elle se trouvait en état de dépendance économique vis à vis de la société Aprest. La société Aprest prétend que l’attestation concernant la remise supplémentaire rétroactive de 2 % sur le chiffre d’affaires de 2008 est parfaitement mensongère et n’a aucune force probante, dès lors que celle-ci est établie par un salarié de la société Halles Mandar de manière non-contradictoire. La société Aprest soutient par ailleurs que la rupture des relations commerciales a été en réalité à l’initiative de la société Halles Mandar qui a refusé de signer le contrat de référencement pour l’année 2009. Ne souhaitant pas rester durablement dans une relation de fait avec la société Halles Mandar, la société Aprest s’est estimée contrainte de notifier à la société Halles Mandar la fin de leurs relations pour le 31 décembre 2009. La société Aprest ajoute qu’elle a répondu favorablement à une demande d’extension du préavis en acceptant de reporter l’échéance de leurs relations au 30 juin 2010. La société Aprest estime donc avoir respecté un préavis de 18 mois, largement suffisant au regard de la durée de la relation commerciale l’unissant à la société Halles Mandar. Elle expose avoir été parfaitement claire sur ses intentions dès lors qu’elle a clairement notifié à la société Aprest, le 14 janvier 2010, que le préavis ne durerait que jusqu’au 30 juin 2010. La société Aprest relève également l’argumentation contradictoire de la société Halles Mandar qui reprochait initialement à la société Aprest, dans son assignation, de ne pas avoir respecté le préavis prévu en faisant état d’une chute des commandes de la part des affiliés, pour ensuite prétendre que la société Aprest aurait augmenté ses commandes pendant le préavis, ce qui aurait été préjudiciable à sa reconversion. Le délai de préavis suffisant s’apprécie au moment de la notification de la rupture. Le 5 juin 2009, la société Aprest a notifié à la société Halles Mandar la cessation de leurs relations à compter du 31 décembre 2009, lui consentant ainsi un préavis de 7 mois. La société Halles Mandar ne peut arguer avoir été tenue dans l’espoir du maintien de ces relations par l’octroi d’un préavis complémentaire en janvier 2010, le courrier adressé étant sans ambiguïté sur la volonté de rompre de la société Aprest. Compte tenu de la durée des relations commerciales, de dix ans, de l’absence de situation de dépendance de la société Mandar par rapport â la société Aprest, réalisant moins de 20 % de son chiffre d’affaires avec Aprest, il convient de fixer à neuf mois la durée du préavis qui aurait dû être octroyée au titre de la rupture. La société Halles Mandar ayant bénéficié d’un préavis complémentaire de six mois, il convient de constater qu’elle a été remplie dans ses droits, de sorte que la société Aprest ne lui doit plus rien, au titre de son manque à gagner. En effet, la société Halles Mandar ne démontre pas que les relations commerciales durant l’exécution du préavis se seraient déroulées dans des conditions substantiellement différentes de celles entretenues antérieurement, de sorte que le préavis n’aurait pas été effectif Le chiffre d’affaires de la société Halles Mandar réalisé avec la société Aprest s’est en effet élevé à 5,278 millions d’euros en 2009 et à 3,139 millions d’euros du 1er janvier au 30 juin 2010, soit à un montant tout à fait comparable aux chiffres d’affaires réalisés les années antérieures, soit 5,252 millions d’euros en 2007 et 5,754 millions d’euros en 2008. La société Halles Mandar ne démontre pas davantage que la société Aprest l’aurait empêchée de se reconvertir durant ce préavis en augmentant inopinément et artificiellement ses commandes durant l’exécution de celui-ci. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point. Sur les autres préjudices : la société Halles Mandar réclame une somme de 4.000.000 euros au titre de la perte de marge brute, une indemnisation des investissements spécifiques non amortis qui étaient dédiés à l’activité développée avec la société Aprest pour un montant de 400.000 euros HT, une indemnisation au titre des coûts de redéploiement du personnel pour un montant de 260.000 euros et une indemnisation au titre des coûts de restructuration du parc de véhicules pour un montant de 520.000 euros. La société Aprest estime que la société Halles Mandar n’a subi aucun préjudice dès lors qu’elle a conservé en 2010 et en 2011 un chiffre d’affaires constant, un résultant d’exploitation en hausse et un bénéfice constant. Concernant les investissements spécifiques non amortis, la société Aprest estime qu’ils ne sont en aucun cas en lien avec l’activité de la société Aprest et n’ont jamais été réclamés par elle. La société Aprest expose que les allégations concernant des coûts de redéploiement du personnel sont fausses, dès lors que la société Halles Mandar n’aurait procédé à aucune restructuration du personnel. Enfin, la société Aprest prétend que la société Halles Mandar devra être déboutée dc sa demande concernant le coût de restructuration du parc de véhicules, dès lors qu’elle ne produit aucune pièce permettant de mesurer ce dernier. Mais si sont indemnisables, au titre de la brutalité de la rupture, des préjudices distincts du manque à gagner commercial, la société Halles Mandar ne peut en l’espèce solliciter une telle indemnisation, n’ayant pas été victime d’une rupture “brutale”. Le jugement entrepris sera donc également confirmé ce qu’il a rejeté l’ensemble des prétentions indemnitaires de la société Halles Mandar au titre de la rupture prétendument brutale des relations commerciales établies à l’initiative de la société Aprest ;

1) ALORS, D’UNE PART, QUE dans ses conclusions d’appel, la société Halles Mandar soutenait qu’il résultait d’un arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 2002 (pouvoir n° 99-19822) que lorsque le préavis est donné, puis allongé unilatéralement par l’auteur de la rupture, la prolongation ainsi consentie n’a pas à être prise en compte pour apprécier la durée du préavis, si la victime de la rupture n’a pas accepté cette prolongation et a saisi le juge pour faire reconnaître ses droits ; qu’à cet égard, l’exposante soutenait que la société Aprest n’avait prolongé le préavis initial de sept mois qu’après qu’elle eut saisi le président du tribunal de commerce de Créteil pour contester le principe de la rupture et demandé la désignation d’un mandataire ad hoc, de sorte qu’il ne pouvait pas être tenu compte du préavis complémentaire de six mois unilatéralement octroyé par celle-ci ; qu’en se bornant dès lors à affirmer, après avoir fixé à neuf mois la durée du préavis qui aurait dû lui être octroyé au titre de la rupture, que la société Halles Mandar ayant bénéficié d’un préavis complémentaire de six mois en sus du préavis de sept mois initial, elle avait été remplie de ses droits, sans répondre à ce moyen tiré du caractère inopérant de la prolongation litigieuse, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile;

2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU’il résulte des propres constatations de la cour d’appel que, dans ses conclusions d’appel, la société Halles Mandar soutenait que la société Aprest avait rompu abusivement leurs relations commerciales établies en raison de son refus de se voir imposer une ristourne supplémentaire de 2%, appliquée rétroactivement sur le chiffre d’affaires de 2008 ; qu’elle produisait en preuve de cet abus, une attestation établie par M. I… V…, qui était l’interlocuteur principal de la société Aprest et le signataire des accords signés avec cette dernière ; que dès lors, en ne répondant pas à ce moyen tiré du caractère abusif de la rupture des relations commerciales établies entre les parties, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

 


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