Dépendance économique : 21 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-22.123

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Dépendance économique : 21 juin 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-22.123

SOC.

HA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 juin 2023

Cassation

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n°720 F-D

Pourvoi n° F 21-22.123

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 JUIN 2023

La société Gefco France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Gefco, a formé le pourvoi n° F 21-22.123 contre l’arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l’opposant à M. [L] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Nirdé-Dorail, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Gefco France, après débats en l’audience publique du 23 mai 2023 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Nirdé-Dorail, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2021), la société Gefco France (la société) qui exerce une activité de commissionnaire de transports a conclu avec M. [Z], entrepreneur de transports de fret de proximité, un contrat de sous-traitance à compter du 25 août 2011 auquel elle a mis fin le 11 avril 2014 avec un préavis de trois mois.

2. M. [Z] a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en ses première, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l’arrêt de dire que les parties étaient liées par un contrat de travail depuis le 11 juillet 2011 jusqu’à la date de rupture intervenue le 11 avril 2014, de la condamner à verser à M. [Z] diverses sommes à titre d’indemnité de travail dissimulé, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’indemnité légale de licenciement ainsi qu’à lui délivrer, sous astreinte, les bulletins de salaire de juillet 2011 à juillet 2014, l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés, alors :

« 1°/ que selon l’article L. 8221-6 du code du travail, les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail ; que l’existence d’un contrat de travail n’est caractérisée que si ces personnes ont fourni des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre, ce qu’il leur incombe d’établir ; que le lien de subordination résulte de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui n’a constaté à aucun moment que la société disposait d’un quelconque pouvoir de sanction à l’égard de M. [Z], a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que selon l’article L. 8221-6 du code du travail, les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail ; que l’existence d’un contrat de travail n’est caractérisée que si ces personnes ont fourni des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre, ce qu’il leur incombe d’établir ; que le lien de subordination résulte de l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, pour retenir qu’il y avait lieu de requalifier le contrat de prestations de sous-traitance liant M. [Z] à la société en contrat de travail, la cour d’appel a relevé que M. [Z] devait laisser le camion avec lequel il travaillait dans l’établissement de la société, qu’il devait se rendre au siège de l’établissement tous les matins pour que le responsable de camionnage de la société lui remette son planning correspondant à sa tournée journalière, que des chauffeurs livreurs prétendant travailler dans les mêmes conditions que M. [Z] » avaient indiqué que M. [Z] travaillait pour le compte de la société en qualité de chauffeur livreur depuis le 11 juillet 2011″ et qu’ils devaient récupérer nos feuilles de tournée et de ramasses à 7h30 puis nous partions tourner chacun dans son secteur respectifs. Une fois les livraisons et ramasses effectuées on devait ramener les récépissés les retours au chef de quai décharger les ramasses effectuées dans la journée » ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé concrètement en quoi les demandes de la société faites à M. [Z] et la supervision de son travail excédaient le stade des consignes nécessairement données par un contractant à son sous-traitant de service, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que le juge ne peut statuer par des motifs inopérants ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé qu’aucun document ou appel d’offres émanant de la société ne démontrait qu’elle avait fait appel à une sous-traitance, qu’à la lecture du contrat de sous-traitance, il apparaissait que la société se plaçait juridiquement dans un lien de subordination, que la société était l’unique client de M. [Z] et lui versait un salaire de 2 000 euros par mois ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser que, dans les faits, M. [Z] exécutait un travail sous l’autorité de la société, qui avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses manquements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 8221-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicable au litige :

4. Il résulte de ce texte que les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation aux registres que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail. L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.

5. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

6. Pour dire que M. [Z], exploitant une entreprise de transports routiers de fret de proximité, immatriculée au registre du commerce et des sociétés, et la société ont été liés par un contrat de travail, l’arrêt relève que l’intéressé a produit une lettre de voiture à en-tête de la société en date du 11 juillet 2011 mentionnant un refus de livraison d’un colis «cassé par le chauffeur 939», une attestation de son expert-comptable précisant que la société était son unique cliente pour les années 2011 à 2013 ainsi que deux attestations de chauffeurs livreurs, l’une indiquant que M. [Z] travaillait en cette qualité pour le compte de la société depuis le 11 juillet 2011 et la seconde émanant d’un autre chauffeur mentionnant avoir travaillé pour la société de février à octobre 2014 dans les mêmes conditions que M. [Z], en récupérant les feuilles de tournées à 7h30, en chargeant les camions, en faisant valider les tournées, puis une fois les livraisons et ramasses effectuées et en rapportant ces dernières et les récépissés. Il en conclut que, sous le couvert d’un contrat de sous-traitance, M. [Z] a en réalité exécuté pour le compte de la société un travail de chauffeur routier en se conformant aux directives et aux contrôles de la société et sous sa dépendance économique.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’existence d’un lien de subordination avec la société, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l’arrêt de la condamner à verser à M. [Z] la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la prétendue existence d’une relation de travail salariée, entraînera, par voie de conséquence, la censure du chef de dispositif ayant condamné la société Gefco France au titre du travail dissimulé, en application de l’article 624 du code de procédure civile ».

 


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