Dépendance économique : 21 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03016

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Dépendance économique : 21 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03016

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/03016 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M7UC

[M]

C/

Société ALLIANCE MJ

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 02 Juin 2020

RG : F18/03717

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 21 JUIN 2023

APPELANT :

[T] [M]

né le 31 Août 1982 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Jonathan AZERAD, avocat au barreau de LYON substitué par Me Ségolène CHUPIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société ALLIANCE MJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LES CHARPENTIERS DE PIERRE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pascale DRAI-ATTAL, avocat au barreau de LYON

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Mai 2023

Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 Juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par requête du 10 décembre 2018, M. [T] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de requalifier l’activité d’autoentrepreneur exercée par lui pour le compte de la société Les Charpentiers de Pierre du 4 septembre 2017 au 31 mars 2018 en un contrat de travail à durée indéterminée et de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de rappel de salaire et d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu’à lui remettre des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat, sous astreinte.

Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Les Charpentiers de Pierre et désigné la SELARL ALLIANCE MJ en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 2 juin 2020, le conseil de prud’hommes a débouté M. [M] de ses demandes, débouté le liquidateur judiciaire ès qualités de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur [M] aux dépens de l’instance.

M. [M] a interjeté appel de ce jugement, le 16 juin 2020.

Il demande à la cour :

– d’infirmer le jugement

– de fixer la date de début de la relation contractuelle à durée indéterminée avec la société LES CHARPENTIERS DE PIERRE au 4 septembre 2017 

– de fixer son salaire mensuel brut moyen sur l’ensemble de la relation contractuelle à la somme de 3 000 euros bruts 

– de fixer sa créance au passif de la société LES CHARPENTIERS DE PIERRE de la manière suivante :

– indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 18 000 euros nets

– rappel de salaire entre le 1er janvier 2017 et le 30 mars 2018 : 9 000 euros bruts

– congés payés afférents : 900 euros bruts

– indemnité compensatrice de préavis : 3 000 euros bruts

– congés payés afférents au préavis : 300 euros bruts

– de condamner Maître [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la société LES CHARPENTIERS DE PIERRE, au paiement desdites sommes,

– de condamner Maître [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la société LES CHARPENTIERS DE PIERRE, au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile  et aux dépens

– de déclarer opposable à l’AGS l’arrêt à intervenir.

Il fait valoir que :

– le gérant de la société Les Charpentiers de Pierre lui a demandé en septembre 2017 d’intervenir en qualité d’ouvrier non qualifié pour réaliser des travaux de charpente et de prendre la qualité d’auto-entrepreneur afin de facturer ses interventions

– entre le 4 septembre 2017 et le 31 mars 2018, il a exercé son activité exclusivement pour le compte de cette société vis à vis de laquelle il se trouvait en situation de dépendance économique

– il a exercé son activité avec les moyens et fournitures mis à sa disposition par la société et il recevait ses directives du gérant de la société.

La SELARL ALLIANCE MJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LES CHARPENTIERS DE PIERRE, demande à la cour  de confirmer le jugement qui a débouté M. [T] [M] de l’intégralité de ses demandes et de condamner Monsieur [T] [M] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédre civile et aux dépens d’instance.

Elle fait valoir que M. [M], qui ne démontre pas avoir été contraint par la société d’adopter le statut d’autoentrepreneur, ne verse aux débats aucun élément probant permettant de caractériser un contrat de travail et qu’il ne justifie pas de l’existence d’un lien de subordination avec la société. 

L’UNEDIC délégation AGS/CGEA de Chalon-sur-Saône demande à la cour :

à titre principal,

– de confirmer le jugement en toutes ses dispositions

subsidiairement,

– de fixer le salaire brut moyen à 1 500,60 euros 

en conséquence,

– de réduire le rappel de salaire dû à 1 500,60 euros x 3, l’indemnité compensatrice de préavis à 1 500,60 euros et l’indemnité pour travail dissimulé à 1 500,60 euros x 6 mois

en tout état de cause,

– de dire que l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité pour travail dissimulé ne sont pas garanties par l’AGS, aucune rupture du contrat de travail n’étant intervenue dans les 15 jours de la liquidation judiciaire en application des dispositions de l’article L.3253-8 du code du travail 

en tout état de cause,

– de dire que l’indemnité éventuellement allouée sur le fondement de l’article 700 n’est pas garantie par l’AGS 

– de dire que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du Code du Travail et L. 3253-17 du code du travail 

– de dire que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement 

– de mettre les concluants hors dépens.

Elle fait valoir que M. [M] était simple sous-traitant de la société Les Charpentiers de Pierre et qu’il ne démontre ni l’existence d’un lien de subordination avec la société, ni la dépendance économique alléguée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2023.

SUR CE :

L’article L.8221-6 I du code du travail énonce que sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, notamment, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers.

Selon l’article L8221-6 II, l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanent à l’égard de celui-ci.

Selon l’extrait de societe.com versé aux débats par l’AGS, M. [M] a été enregistré à l’INSEE le 8 juillet 2016 en qualité d’entrepreneur individuel pour l’activité suivante : fabrication d’autres meubles et industries connexes de l’ameublement sous le numéro SIRET 8214303370002l et son siège est ‘[T] [M]’ depuis le 4 septembre 2017.

La société Les Charpentiers de Pierre (société à associé unique à responsabilité limitée) a été créée le 15 juillet 2015 et exerce l’activité ‘tous travaux de couverture’.

M. [M] verse aux débats :

– des factures éditées par la société Charpentier de Pierre à son profit les 30 septembre, 30 octobre, 30 novembre, 30 décembre 2017, 30 janvier, 27 février et 30 mars 2018 pour des prestations de main d’oeuvre, au prix unitaire de 150 euros hors taxe par jour pendant 20 jours en septembre et novembre 2017, janvier, février et mars 2018 (3 000 euros hors taxe), 22 jours en octobre 2017 (3 300 euros hors taxe) et 17 jours en décembre 2017 (2 550 euros hors taxe)

– un message téléphonique écrit du 27 avril 2018 dont l’auteur est inconnu et le contenu incompréhensible

– une attestation rédigée par Mme [P], commerçante, qui déclare notamment : M. [U], gérant de la société Les Charpentiers de Pierre, a proposé à M. [M] de travailler avec lui mais il ne voulait plus de salarié, il a demandé à M. [M] de prendre un statut d’auto-entrepreneur, M. [M] n’avait aucune qualification et s’est inscrit comme ébéniste, M. [M] a travaillé comme couvreur charpentier sans en avoir la moindre expérience jusqu’en mars 2018, MM. [U] et [M] allaient toujours ensemble sur les chantiers avec les véhicules, les outils et le savoir faire de M. [U], M. [U] n’a pas payé M. [M] pour son travail de janvier à mars 2018, la relation de travail était un contrat déguisé dans le seul but pour M. [U] de se soustraire à ses obligations d’employeur

– un procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé le 8 novembre 2019 transcrivant un message téléphonique écrit envoyé le 1er novembre 2019 par M. [Z] [X] (qui serait [Z] [U]) sur le téléphone portable de Mme [P], compagne de M. [M] : (…) Comporte toi en homme mon pauvre, t’as travaillé et t’as été payé, etc…

Ces éléments imprécis ne constituent pas la preuve de ce que M. [M], pendant les sept mois au cours desquels il a perçu des honoraires, a été soumis à la subordination de la société Les Charpentiers de Pierre, qui lui aurait donné ses instructions, exercé sur lui un pouvoir de direction et un pouvoir disciplinaire et fourni son matériel et ses outils de travail.

Ils ne permettent pas en conséquence de renverser la présomption de non-salariat édictée par l’article L.8221-6 I du code du travail.

Il convient de confirmer le jugement qui a rejeté toutes les demandes formées par M. [M].

M. [M], dont le recours est rejeté, doit être condamné aux dépens d’appel.

Il n’y a pas lieu de mettre à sa charge les frais irrépétibles d’appel exposés par le liquidateur judiciaire, ès qualités.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement

CONDAMNE M. [T] [M] aux dépens d’appel

REJETTE la demande du liquidateur judiciare, ès qualités, fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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