Dépendance économique : 20 décembre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-27.221

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Dépendance économique : 20 décembre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-27.221

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 décembre 2017

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10762 F

Pourvoi n° U 16-27.221

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ M. Benoît X…, domicilié […]                                  ,

2°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société anonyme, dont le siège est […]                                                      ,

contre l’arrêt rendu le 11 octobre 2016 par la cour d’appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant :

1°/ à M. Vincent Y…, domicilié […]                                                ,

2°/ à la société des Bûchettes, exploitation agricole à responsabilité limitée,

3°/ à la société C… Y… , société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège […]                            ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 21 novembre 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Z…, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. X… et de la société MMA IARD assurances mutuelles, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y… et des sociétés EARL des Bûchettes et SARL C… Y… ;

Sur le rapport de Mme Verdun  , conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… et la société MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne in solidum à payer à M. Y… et aux sociétés EARL des Bûchettes et SARL C… Y… la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X… et la société MMA IARD assurances mutuelles

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné solidairement Me X… et la Mutuelle du Mans à payer à l’EARL des Bûchettes la somme de 970 871 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « sur l’évaluation du préjudice subi par l’EARL des Bûchettes, l’expert judiciaire a envisagé trois hypothèses, dont celle de deux renouvellements de baux ;

A défaut de résiliation, les différents baux, d’une durée de 9 ans renouvelables auraient pu être renouvelés une première fois, suivant le tableau établi par l’expert page 15 de son rapport, à des dates s’étalant entre 2016 et pour certains baux 2022 pour les derniers, soit des éventuels renouvellements entre 2025 et 2031 ;

Aucun élément figurant au dossier ne permet d’établi que les bailleurs n’auraient pas renouvelé les baux dans le but de les exploiter eux-mêmes alors qu’ils ont loué les parcelles au même exploitant pendant 40 ans et qu’il n’est pas établi qu’ils remplissaient les conditions pour reprise pour eux-mêmes ou au profit d’un conjoint ou partenaire ou descendant dans les conditions prévues aux articles L. 411-58 et suivants du code rural, à savoir : ne pas avoir dépassé l’âge de la retraite, justifier d’une expérience professionnelle, se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins 9 ans, occuper eux-mêmes les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation à proximité, être en règle vis-à-vis du contrôle des structures et disposer du cheptel et du matériel nécessaire ou avoir les moyens de les acquérir ;

La situation actuelle d’exploitation des parcelles, objets des baux résiliés n’est pas justifiée ;

Il résulte des mentions figurant dans les statuts de l’EARL que M. Vincent Y… est né le […]           et sera donc âgé de 60 ans […] , 62 ans […] et de 65 ans le […]           ;

L’entreprise était familiale et il s’agissait de l’exploitation de terres d’appellation champagne ;

Il convient de considérer, au vu de ces éléments, que pour des raisons à la fois affectives et de rentabilité, il existait une chance sérieuse que M. Vincent Y… ait continué l’exploitation jusqu’à l’âge minimum de sa retraite, et au moins jusqu’à 60 ans, ce qui correspond à 2033, date postérieure à l’expiration du renouvellement des premiers baux.

En conséquence, il convient de retenir l’hypothèse de deux renouvellements de baux, comme l’a justement considéré le tribunal ;

Que l’expert a cependant considéré qu’il aurait été nécessaire, pour des raisons économiques, que l’EARL fasse un travail d’adaptation soit drastique, soit progressif ; page 29 de son rapport, il dit que, toujours pour des raisons économiques, il sera nécessaire de s’adapter d’une façon drastique plutôt que progressive ;

compte tenu des observations de l’expert, détaillées et argumentées, il convient de retenir l’hypothèse de deux renouvellements de baux et d’une nécessité d’adaptation drastique, soit, suivant l’évaluation de l’expert page 25 de son rapport (tableau 15) un préjudice d’un montant de 970 871 euros subi par l’EARL avant intégration des risques envisagés, pouvant empêcher l’EARL de se maintenir, en l’état, au fil des années ;

l’expert a d’abord considéré le risque que l’entrepreneur, considéré comme salarié, puisse être licencié, ce risque est de fait inexistant puisque le gérant associé n’a pas de contrat de travail avec l’EARL ;

Les risques liés aux moyens de production apparaissent peu pertinents, ainsi que l’a considéré le tribunal, car la possibilité inverse de celle envisagée par l’expert, à savoir l’amélioration des moyens de production et une politique et gouvernance adéquates de l’entreprise pourrait tout aussi bien de réaliser ; qu’il s’agit de spéculations théoriques d’ordre général ne s’appuyant sur aucun élément précis ;

L’expert a ensuite considéré que même si les deux clients de l’entreprise, les maisons Moët et Chandon et Burtin sont solides, le risque d’impayés à long terme existe et il a observé une très grande dépendance vis-à-vis de la vente de raisins ; il a également souligné qu’il y a un vrai risque que la valeur nette d’actualisation ne se reproduise pas à l’identique ; l’expert a aussi retenu un risque de 25 % lié à la durabilité agro-écologique et socio-territoriale et souligné à nouveau la nécessité impérative d’une adaptation ;

Le risque lié à la dépendance économique vis-à-vis des clients de l’EARL n’apparaît pas devoir être retenu eu égard à la notoriété des deux clients principaux de l’EARL, les maisons Moët et Chandon et Burtin, à l’attestation rédigée le 2 décembre 2015 par M. Yann-Marie A… pour la maison Moët et Chandon qui a certifié que cette maison achète, lors de chaque vendange, des raisins AOC Champagne depuis plusieurs dizaines d’années auprès de la famille Y… ; que les livraisons de cette famille sont toujours très satisfaisantes tant au niveau qualitatif que quantitatif et que la maison Moët et Chandon espère pouvoir continuer à s’approvisionner auprès de cette famille pendant de nombreuses années et fera tout pour maintenir cet approvisionnement, à l’attestation rédigée par M. B…, pour la SA Maison Burtin qui a certifié, le 30 novembre 2015 que la perte de l’approvisionnement de la maison Y… a engendré pour cette famille l’impossibilité de respecter le contrat signé et au contrat de livraison signé le 30 mars 2007 entre la SA Maison Burtin et M. Jany Y… et l’avenant signé le 18 juin 2009 entre la SA Maison Burtin et l’EARL intimée précisant que le contrat d’approvisionnement est poursuivi avec la succession de M. Jany Y… ;

L’expert indique que, sans méconnaître les pratiques de l’EARL, il est inenvisageable que le risque correspondant à la durabilité agro-écologique et socio territoriale ne prenne pas une importance considérable au fil du temps ;

A défaut de précision et d’explication sur les raisons de l’importance en l’espèce de ce critère, il n’y a pas lieu de prendre en considération, alors que la vente de champagne est effectivement pérenne depuis des décennies en France et à l’étranger et qu’il n’est pas justifié que la révision de l’aire d’appellation Champagne soit programmée à une date certaine ni qu’elle aurait les effets allégués par les appelants ;

En conséquence, il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement lié aux risques envisagés par l’expert et il convient de retenir l’indemnité calculée par l’expert sur le fondement de l’hypothèse de deux renouvellements de baux et de la nécessité d’une adaptation drastique, soit un préjudice indemnisable de 970 871 euros ;

Le jugement sera donc infirmé sur ce point et Me Benoît X… et la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles seront solidairement condamnés à payer à l’EARL des Bûchettes la somme de 970 871 euros à titre de dommages et intérêts » ;

1°) ALORS QUE c’est sur le demandeur à l’action en indemnisation que pèse la charge et le risque de la preuve de son préjudice ; qu’en faisant peser sur les exposants, défendeurs à l’action en réparation, la charge et le risque de la preuve de ce que les baux résiliés n’auraient pas été renouvelés à deux reprises, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE c’est sur le demandeur à l’action en indemnisation que pèse la charge et le risque de la preuve de son préjudice ; qu’en faisant peser sur les exposants, défendeurs à l’action en réparation, la charge et le risque de la preuve de l’existence d’un risque lié à la durabilité agro-économique et socio territoriale, la cour d’appel a derechef inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE Me X… et la Mutuelle du Mans faisaient valoir que l’octroi immédiat d’une somme compensant la perte des revenus que les parcelles en cause auraient procuré pendant plusieurs années conduirait à replacer les victimes dans une situation plus profitable que celle dans laquelle elles se seraient trouvées sans la faute alléguée puisqu’elles n’auraient perçu les revenus en cause que de façon échelonnée (conclusions d’appelant en réponse, p. 11, al. 4) ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen essentiel des conclusions des exposants, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motivation et a violé l’article 455 du code de procédure civile.

 


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