Dépendance économique : 13 septembre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 15-22.837

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Dépendance économique : 13 septembre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 15-22.837

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 septembre 2017

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 1073 F-D

Pourvois n° G 15-22.837
et M 15-23.070 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Statuant sur le pourvoi n° G 15-22.837 formé par la société Electricité de France (EDF), société anonyme, dont le siège est […]                              ,

contre un arrêt rendu le 2 juillet 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Nexans France, société par actions simplifiée, dont le siège est […]                              ,

2°/ à la société Prysmian câbles et systèmes France, société par actions simplifiée, dont le siège est […]                                            ,

3°/ à la société Electricité réseau distribution France (ERDF), société anonyme, dont le siège est Tour Winterthur, 102 terrasse Boieldieu, […]                       ,

défenderesses à la cassation ;

II – Statuant sur le pourvoi n° M 15-23.070 formé par la société Electricité réseau distribution France (ERDF),

contre le même arrêt rendu, dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Nexans France,

2°/ à la société Prysmian câbles et systèmes France,

3°/ à la société Electricité de France (EDF),

défenderesses à la cassation ;

La société Nexans, défenderesse aux pourvois, a formé un pourvoi incident dans chacun des deux pourvois ;

Les demanderesses aux pourvois principaux invoquent, chacune, à l’appui de leur recours, deux moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse aux pourvois incidents invoque, à l’appui de chacun de ses pourvois incidents, deux moyens identiques de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 7 juin 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Y…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme X…, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Y…, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés EDF et ERDF, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Nexans France, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société Prysmian câbles et systèmes France, l’avis de Mme X…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2015), que saisi d’une plainte de la société EDF, le Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de concurrence, a, par une décision du 26 juillet 2007, dit établi que la sociétés Nexans France (la société Nexans) et la société Pirelli énergie câbles et systèmes France, devenue la société Prysmian câbles et Systèmes France (la société Prysmian), ont enfreint, avec d’autres entreprises, les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 81 du Traité CE, devenu 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) à l’occasion d’une mise en concurrence et d’un appel d’offres successivement engagés par la société EDF et a prononcé une sanction pécuniaire à leur encontre ; que la société EDF a apporté à la société ERDF l’ensemble des éléments relatifs à son activité de gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ; que ces deux sociétés ont assigné les sociétés Nexans et Prysmian en annulation des marchés passés, restitution des sommes versées et, subsidiairement, en réparation du préjudice causé par leurs pratiques ; que leur reprochant divers manquements lors de la procédure d’appel d’offres et dans l’exécution des contrats, la société Nexans a demandé reconventionnellement la réparation de ses préjudices ;

Sur les premiers moyens des pourvois principaux, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que les sociétés EDF et ERDF font grief à l’arrêt du rejet de leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la nullité de plein droit découlant des dispositions des articles 101 §2 du TFUE et L. 420-3 du code de commerce revêt un caractère absolu et peut être invoquée même par une partie à l’entente ; que la bonne foi n’est donc pas une condition nécessaire à la mise en oeuvre de la nullité absolue des contrats ; qu’en retenant, pour exclure toute annulation du premier marché dit transitoire que « la société EDF ne peut de bonne foi, ayant procédé à (la dénonciation des pratiques devant le Conseil de la concurrence) qui démontre qu’elle avait connaissance de ces pratiques et de leurs conséquences, mais ayant néanmoins poursuivi les négociations et ayant signé les contrats en cause, allégué que ces mêmes contrats sont nuls comme se rapportant aux faits dénoncés », la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que les pratiques anticoncurrentielles dénoncées par un acheteur ne sont véritablement connues par celui-ci dans toute leur ampleur que par la décision de l’Autorité de la concurrence les sanctionnant ; qu’en affirmant, pour exclure toute annulation des marchés litigieux en dépit de l’existence des ententes avérées ayant entaché leur conclusion, que la société EDF avait eu connaissance des pratiques et de leurs conséquences dès la saisine du Conseil de la concurrence, la cour d’appel a violé de plus fort les articles 101 §2 du TFUE et L. 420-3 du code de commerce ;

3°/ que pour être recevable, la plainte déposée par une entreprise devant le Conseil de la concurrence devenue Autorité doit seulement être étayée par des éléments suffisamment probants, à charge ensuite pour les services d’instruction d’établir la réalité de la pratique anticoncurrentielle suspectée ; que les pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par des fournisseurs ne sont véritablement connues par un acheteur dans toute leur ampleur que par la décision de l’Autorité de la concurrence les sanctionnant ; qu’en estimant que la seule dénonciation de présomptions d’entente était suffisante pour considérer que la signature par la société EDF du premier marché dit transitoire ne se rapportait pas à l’entente prohibée, la cour d’appel a, de nouveau, violé les articles 101 §2 du TFUE et L. 420-3 du code de commerce, ensemble les articles L. 462-5 et L. 462-8 du code de commerce ;

4°/ que toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; qu’en reprochant à la société EDF d’avoir conclu des marchés avec des sociétés dont elle avait seulement dénoncé certains faits au Conseil de la concurrence quand leurs culpabilités n’étaient pas encore établies, la cour d’appel qui a méconnu la présomption d’innocence a violé les articles 6 §2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 48-1 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

5°/ qu’en retenant, pour rejeter l’action en nullité concernant le second marché passé par la société EDF, qu’il « est établi que les prix auxquels la société EDF a contracté ne sont pas ceux issus de l’appel d’offres, tout en constatant que la société EDF a ensuite négocié ces prix avec chacun des fournisseurs retenus, desquels elle a obtenu une baisse de 2,5 % », ce dont il résulte que la baisse généralisée de prix de 2.5 %, obtenue par la société EDF auprès de tous les fournisseurs retenus a bien été négociée à partir des prix de chacun de ses fournisseurs résultant de l’appel d’offres et se rapporte donc bien à l’entente prohibée, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 101 §2 du TFUE et l 420-3 du code de commerce ;

Mais attendu que seuls encourent l’annulation, sur le fondement des articles L. 420-3 du code de commerce et 101 §1 et 2 TFUE, les engagements, accords ou décisions constituant des pratiques anticoncurrentielles au sens de ces textes ; que l’arrêt retient exactement, par motifs adoptés, que les engagements qui peuvent être annulés en application de ces textes sont seulement ceux qui ont caractérisé les échanges d’informations sanctionnés par l’Autorité de concurrence et que les contrats de fourniture passés postérieurement par la société EDF ne sont pas, par eux-mêmes, des accords interdits, dès lors qu’ils ne correspondent pas aux pratiques anti-concurrentielles sanctionnées et n’en ont pas été les instruments ; que le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé ;

Sur les seconds moyens des mêmes pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que les sociétés EDF et ERDF font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1°/ qu’en matière anticoncurrentielle, l’existence d’un préjudice s’infère au moins partiellement de l’infraction elle-même ; qu’ainsi la victime d’une entente subit nécessairement un préjudice ; qu’en décidant au contraire, pour débouter les sociétés EDF et ERDF de leurs demandes d’indemnisation que la société EDF « n’apporte pas les éléments permettant d’établir avec certitude le préjudice qu’elle dit avoir subi si bien qu’en l’absence de préjudice il n’y a pas lieu de déterminer si en se livrant aux pratiques sanctionnées par le Conseil de la concurrence, les sociétés Nexans et Prysmian avaient commis une faute civile à l’égard de la société EDF, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, ensemble les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°/ qu’en reprochant aux sociétés EDF et ERDF de ne pas démontrer l’existence d’un préjudice certain par la production d’une analyse contrefactuelle tout en reconnaissant que ce mode de preuve doit être admis en son principe, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l’article 1382 du code civil, ensemble les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

3°/ que le fait que l’acheteur ait exprimé sa satisfaction sur les prix auprès des participants à l’entente ne l’empêche pas d’obtenir réparation de son préjudice après la condamnation de ces derniers pour entente ; qu’en retenant, pour débouter les sociétés EDF et ERDF de leurs demandes de dommages et intérêts, que « EDF a elle-même fait part de sa satisfaction quant au niveau des prix qu’elle avait obtenus de ses fournisseurs », la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, ensemble les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4°/ que le juge ne peut pas refuser d’évaluer un préjudice anticoncurrentiel dont il constate l’existence au prétexte que les éléments fournis sont insuffisants ; qu’en refusant en réalité, sous couvert d’absence de préjudice certain, d’évaluer le préjudice après avoir considéré que la méthode de calcul proposée ne lui semblait pas pleinement satisfactoire, la cour d’appel a violé l’article 1382 civil, ensemble les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

 


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